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Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2. Le bien-être au travail : le plaisir et le sens au travail : le plaisir et le sens au

1. Une compréhension du concept de bien- bien-être au travail bien-être au travail

1.2 La structure du bien-être au travail

Dans la littérature scientifique sur le bien-être subjectif au travail, nous pouvons distinguer les études selon l’une ou l’autre des trois étapes de définition, de théorie et de mesure :

Les études qui proposent des tests empiriques de modèles explicatifs et, plus

généralement, la recherche des corrélats du bien-être au travail, qui représentent

une large part des publications (par ex : Warr, 1978 ; Spector et al., 2002).

Les travaux sur les mesures du bien-être au travail semblent occuper une place

importante, même si ces études adoptent souvent une conception de la mesure plus restreinte que celle que nous proposons, en se limitant souvent à vérifier les qualités psychométriques d’instruments existants (fidélité, validité…) ou à évaluer l’importance d’éventuels biais de réponse. (par ex : Brief, Butcher, Georges, Link, 1993 ; Warr, 1990).

Les travaux strictement définitoires sont très rares, même si, comme il est d’usage,

la plupart des publications réservent à ces questions quelques lignes ou quelques paragraphes en introduction. Néanmoins, on peut citer les revues de la littérature de

Diener, Suh, Lucas, Smith (1999) et de Danna, Griffin (1999), ou les synthèses de

Sparks, Faragher, Cooper (2001) ou de J.-P. Rolland (2000) sur le sujet.

Nombreux sont les chercheurs qui regrettent que les problèmes de définition et de conceptualisation du bien-être au travail ne soient pas plus maîtrisés (Gollac, 2009). Les confusions sur le plan théorique ou conceptuel sont nombreuses en l’absence de définition

claire des concepts1. Le bien-être peut être conçu comme une émotion, comme une

attitude, comme un trait de personnalité, un état psychologique, un sentiment, une sensation, une humeur, un affect… Le problème est que, loin d’être anecdotique, ces confusions ont des conséquences importantes sur les recherches et expliquent en particulier les difficultés que rencontre tout chercheur à synthétiser les résultats, à en présenter une analyse raisonnée et à adopter une démarche cumulative cohérente (Gollac, 2009). Elles

1

Par exemple Andrews et Robinson (1991 : 6) ont recensé dans la littérature pour définir le bien-être subjectif la liste suivante : « satisfaction, happiness, morale, positive affect, negative affect, affect balance, cognitive evaluation, elation, subjective well-being, sense of well-being, psychological well-being, perceived well-being, subjective welfare, (subjective/sense of/psychological/perceived) ill-being, anxiety, depression, distress, tension and perceived life quality ».

expliquent également le cloisonnement relatif entre disciplines ou sous-disciplines qui adoptent des perspectives différentes et souvent incompatibles.

Malgré la synthèse des recherches sur le bien-être organisationnel de Cartwright et Cooper (2009), il n’existe pas de travaux en gestion dont l’objectif affiché serait de contribuer à clarifier ces concepts. Et s’il existe quelques tentatives de conceptualisation du bien-être subjectif dans d’autres disciplines, elles restent souvent trop abstraites si bien que leur intérêt pratique est limité (par ex : Lawton, 1984 ; Shye, 1989).

La revue de la littérature sur le bien-être au travail que nous proposons répond à un besoin de clarification et de structuration du concept. La dernière somme empirique et théorique sur cette question date d’une dizaine d’années (Baudelot, Gollac, 2003) et elle souffre, malgré ses qualités, d’imperfection - notamment dans le choix de la terminologie « bonheur et travail en France ». Bien plus qu’une présentation linéaire, il s’agit de proposer un état raisonné de la littérature qui allie profondeur de champ et analyse critique, et qui intègre les résultats de disciplines qui s’ignorent - psychodynamique du travail, sociologie des organisations, psychosociologie, gestion des ressources humaines, comportement organisationnel -. Notre objectif est de confronter conceptions et

paradigmes « pathogénique » et « salutogénique », de mettre en lumière les postulats

implicites, les confusions théoriques voire les erreurs méthodologiques. Ainsi conçue, cette revue de la littérature n’est plus un simple exercice de style, mais devient le résultat d’un travail d’investigation théorique et empirique et la clé de voute d’un programme de recherche plus vaste pour questionner la validité de pratiques managériales et

1.2.1. Revue des définitions du bien-être dans la littérature

Un premier résultat que nous proposons au lecteur est un tableau synoptique des définitions du bien-être à travers la littérature (cf. Tableau 2 suivant).

Définition Référence

Le « bien-être » au travail est considéré comme un état dans lequel, pour une personne donnée, les affects positifs l’emportent sur les affects négatifs.

Bradburn (1969)

« L’expérience individuelle, ou perception, de comment la personne se sent

bien [à son travail] est prise comme le critère de la qualité de vie [au

travail]. »

Naess (1999), p. 115

« La recherche sur le bien-être subjectif [au travail] est préoccupée par

l’expérience subjective des individus de leur propre vie [au travail]. »

Diener and Suh (1997), p. 191

« Le bien-être subjectif consiste en trois éléments interdépendants : la

satisfaction de la vie (life satisfaction), des affects agréables (pleasant affects), et des affects désagréables (unpleasant affects). Les affects se réfèrent aux humeurs agréables et désagréables et aux émotions, alors que la satisfaction de la vie se réfère à une évaluation cognitive de la

satisfaction dans la vie. »

Cela le distingue des «modèles cliniques traditionnels de santé mentale, le bien-être subjectif ne désigne pas simplement une absence d'expériences

négatives » mais bien une expérience positive.

Diener and Suh (1997), p. 200

« Les gens ressentent un bien-être subjectif abondant lorsqu’ils ressentent

de nombreuses émotions positives et peu d’émotions négatives, quand ils sont engagés dans des activités intéressantes, lorsqu’ils expérimentent beaucoup de plaisirs et peu de douleurs et enfin lorsqu’ils sont satisfaits de

leur vie. »

Diener et al. (1998)

« Nous constatons que les enquêtes de bien-être utilisent une ou plusieurs

des trois définitions suivantes : (1) la satisfaction dans la vie, (2) la santé et la capacité / l’incapacité (ability/disability), et (3) des indices composites

de fonctionnement positif. »

Kahn, Juster (2002), p. 630

« Le bien-être a été défini par les caractéristiques individuelles d'un état

intrinsèquement positif (le bonheur). Il a également été défini sur un continuum du positif au négatif, comme la façon dont on peut mesurer l'estime de soi. Le bien-être peut également être défini en termes de son contexte propre (son niveau de vie), de l'absence de bien-être (dépression),

ou de manière collective (une compréhension commune). »

Pollard, Lee (2003), p. 60

« Le bien-être provient du degré de concordance entre les perceptions des individus de leur situation objective et leurs besoins, aspirations ou valeurs ».

Andrews, Withey (1976); Campbell et al. (1976) cité par Felce, Perry (1996), p. 67

1.2.2. Les dimensions du bien-être au travail

D’après les travaux de Veenhoven (1998) qui étudie le bonheur et le bien-être depuis plus de 20 ans, on peut distinguer quatre formes de bien-être au travail que nous présentons dans le tableau suivant (Tableau 3)

Qualités extrinsèques Qualités intrinsèques

Chances Vivre dans un bon environnement de travail

Etre capable de faire face à la vie professionnelle

Résultats

Etre une contribution de valeur à son environnement

(Being of worth in the world)

Profiter de la vie au travail

(Enjoying working life)

Tableau 3 : Les quatre formes de bien-être au travail (d’après Veenhoven, 1998)

Nous allons clarifier ces distinctions de façon à mieux comprendre la façon dont les économistes et de nombreux ergonomes analysent le bien-être au travail :

Vivre dans un bon environnement de travail

Les représentants du personnel insistent en général sur cette forme de bien-être au travail. Ils soulignent la nécessité de mettre en place une politique de gestion des ressources humaines qui contribue à créer les meilleurs conditions de travail possibles pour les salariés – par exemple en termes de sécurité, de confort du poste de travail, de préservation d’un environnement de travail sain etc.. Ce bon environnement de travail est dès lors déterminé par des circonstances indépendantes de l’état psychologique de la personne. Les ergonomes cherchent à mesurer les aspects de l’environnement de travail et à mesurer à quel point ceux-ci sont corrélés à des réponses individuelles en termes de bien-être au travail.

Etre une contribution de valeur à son environnement

Cela dépend d’un système de référence qui constitue la « valeur », impliquant une

reconnaissance de certaines normes externes par lesquelles celle-ci est mesurée. Ces normes reflètent les valeurs propres de l’individu et les normes sociales en vigueur sur ce

qui constitue la « valeur ». Ce concept est plus difficilement compatible avec une approche économique classique dans cette acception. Mais on peut aussi rendre pragmatique cette mesure dans le cas du travail. Ainsi dans les entreprises, la contribution à la valeur-ajoutée peut-être facile à mesurer pour certains métiers (par ex. un commercial) et plus complexe pour d’autres (par ex. un responsable communication). L. Combalbert (2011) développe

l’idée d’ « équipes à haute valeur ajoutée » capables de faire face à de forts enjeux pour

s’adapter à un environnement complexe.

Etre capable de faire face à la vie professionnelle

Les psychologues décriraient ce concept comme la santé psychologique. Il peut être influencé par la santé physique. Ce concept s’inscrit également difficilement dans une

approche économique classique qui tend à postuler que les acteurs sont rationnels1 et

cherchent à optimiser leurs décisions, compte tenu de l’information dont ils disposent. Il

rejoint le concept de coping qui fait référence à l'ensemble des processus qu'un individu

interpose entre lui et un événement éprouvant, afin d'en maîtriser ou diminuer l'impact sur

son bien-être physique et psychique. Lazarus et Folkman (1984) définissent le coping

comme l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux toujours changeants que déploie l'individu pour répondre à des demandes internes et/ou externes spécifiques,

évaluées comme très fortes et dépassant ses ressources adaptatives (Lazarus et al., 1984).

Profiter de la vie

Dans ce concept, le plaisir (enjoyment) est pris comme synonyme de bien-être (well-being) ou bonheur (happiness). Il s’agit essentiellement d’une conception utilitariste et sans doute il se rapproche de ce que les économistes appellent le bien-être économique (welfare) – le résultat de la consommation de biens et services - et de ce que les gestionnaires appellent satisfaction au travail2 – le résultat du salaire et des conditions de travail, comparé à la charge de travail et tempéré par le soutien social -. De nombreux chercheurs postulent que beaucoup d’individus fondent leur appréciation du bien-être sur cette définition.

1 Pourtant, on sait depuis Simon (1947) que l’individu n’est que partiellement rationnel et que le reste de son comportement dépend des émotions et de l’intuition, de l’irrationnel.

2 Pour une déconstruction de ce concept en trois construits séparés : l’évaluation du travail, les expériences affectives au travail et les croyances sur le travail, voir le travail de H. M. Weiss (2002).

Après cette revue des approches sociologiques et économiques du bien-être, il est intéressant d’étudier le bien-être dans une perspective psychologique.