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Un choix de positionnement épistémologique constructiviste aménagé aménagé

4 Chapitre 4. Positionnement

2. Un positionnement constructiviste aménagé

2.1 Un choix de positionnement épistémologique constructiviste aménagé aménagé

Y. Giordano (2003) estime que l’objectivité est un mythe dans le cadre d’une recherche qualitative qui relève d’une épistémologie constructiviste. D’une part, parce que le chercheur ne peut faire abstraction de ce qu’il est, de ses valeurs, mais encore plus, il renvoie une image à l’observé qui l’incite à modifier son comportement (Krief, 2005). L’individu

n’est pas que lui-même, « une hétérogénéité s’insère dans son unicité », il a besoin du regard

de l’autre pour s’instaurer pleinement sujet (Arendt, 1972 ; Ricœur, 1990). D’autre part, parce

que même dans les sciences de la nature, dites sciences « dures », l’observation et la mesure

ne sont pas neutres. L’acte même de mesurer perturbe la mesure. Nous pensons, avec Krief (2005), que toutes les recherches sont ainsi soumises à des lois de perturbations, qui sont inhérentes à l’action d’observer ou de mesurer.

Notre choix de positionnement épistémologique repose sur notre sensibilité vis-à-vis des concepts de réalité, d’ontologie, de monde social et de relation entre sujet et objet d’étude. Nous pensons, avec R.-A. Thiétart (1999), que le rattachement à un paradigme radical au sens

de Kuhn (1962) n’est plus une condition sine qua non de validité des connaissances produites

mais que le chercheur choisit souvent d’aménager le cadre épistémologique de sa

recherche (Mbengue, Vandangeon-Derumez, 1999). Malgré cette latitude, le chercheur doit décrire très concrètement le processus entier de sa recherche, en particulier dans les phases de

condensation et d’analyse des données collectées afin d’assurer la validité interne de sa recherche qualitative (Girod-Séville, Perret, 1999). Le choix d’un positionnement épistémologique aménagé ne simplifie pas pour autant le travail du chercheur, qui doit préciser et justifier les options retenues.

Notre démarche née de notre expérience de praticien en GRH influence le choix d’un positionnement épistémologique de deux manières :

Nous pensons que notre objet de recherche, la santé et le bien-être au travail relèvent

de la complexité, de la contingence et d’une interprétation, voir d’une construction de la réalité, qu’il est fortement lié à un contexte personnel, organisationnel et institutionnel.

Nous bénéficions d’un stock d’informations (théories, grilles de lecture…) qui nous

influence fortement dans nos propositions et notre observation du terrain si bien qu’une démarche strictement inductive n’est pas possible. De l’enquête sur le terrain, nous attendons des éléments moteurs de notre recherche et c’est cette part de connaissance non scientifique qui rendra possible la création théorique. En cela, nous nous sentons très proche d’E. Morin (1990b : 173) lorsqu’il défend l’idée d’un « noyau non scientifique dans toute théorie scientifique ». Toute notre vigilance dans le travail d’enquête consiste à nous démarquer de ce que nous connaissons, afin de capter des éléments nouveaux que nous méconnaissons.

Enfin la croyance «qu’à chaque instant, par le regard que je porte sur les choses, les gens et

sur moi-même, je contribue à créer mon monde » tend à nous rapprocher d’une position constructiviste que nous tenons à aménager (cf. figure 24 précédente).

Les données que nous collectons concernent le ressenti des salariés et leur perception d’une

souffrance ou d’un bien-être au travail. Ce sont bien des éléments subjectifs, individuels et

contingents, des « interprétations de la réalité ». Plutôt que d’essayer de trouver des régularités objectives dans les différents éléments que nous étudions et de postuler une unicité de la réalité, nous préférons travailler à partir des représentations et ressentis singuliers des acteurs.

Sans nous inscrire complètement dans la théorie sociocognitive d’A. Bandura (1986) qui

propose une conception transactionnelle du soi et de la société selon laquelle les facteurs

personnels internes1, les comportements et l’environnement opèrent tous comme des facteurs en interaction qui s’influencent réciproquement (cf. figure 29), notre positionnement fait clairement écho à cette théorie.

(Source : adapté de Bandura, 2007)

Bien-sûr, le fait qu’il y ait réciprocité ne signifie pas que ces trois groupes de facteurs aient le même impact. Leur influence relative peut varier selon les contextes professionnels et les activités du sujet. Les influences respectives des facteurs directement imputables à l’individu ou à l’environnement social, qui font l’objet de débats depuis longtemps sont ici traitées de façon indissociable, dans une perspective proche des traditions de la psychologie matérialiste, de Wallon à Vygotski (1934). Nous nous sentons également proche de la perspective de Bandura (2007) et Giddens (1984) pour qui « les individus sont à la fois producteurs et produits de leur société ». L’adaptation et le changement humain sont enracinés dans des systèmes sociaux. Les sujets sont donc à la fois les produits et les producteurs des structures sociales, qui sont elles-mêmes vues comme à la fois un produit et une cause de l’action individuelle. Les individus contribuent à leur fonctionnement psychosocial par des

1 Sous forme d’événements cognitifs, émotionnels et biologiques, et leurs perceptions par le sujet ; en particulier les perceptions personnelles d’efficacité (ou de compétence), les buts cognitifs, le type d’analyse et les réactions affectives vis-à-vis de soi-même.

E P

C

P :facteurs personnels internes sous forme d’événements cognitifs, émotionnels et biologiques.

C : comportement (patterns d’action effectivement réalisées et schémas comportementaux).

E : environnement (propriétés de l’environnement social et organisationnel, contraintes qu’il impose, stimulations et ressources qu’il offre et réactions qu’il entraîne aux

comportements).

mécanismes d’agentivité personnelle, dont le plus important et le plus répandu est le « sentiment d’auto-efficacité1 » (Bandura, 2007 : 12).