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Le rôle du manager dans le développement d’activités autotéliques autotéliques

Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2. Le bien-être au travail : le plaisir et le sens au travail : le plaisir et le sens au

3. Les leviers du bien-être au travail

3.1 Le rôle du manager dans le développement d’activités autotéliques autotéliques

3.1.1. Le développement d’activités autotéliques

Le terme « autotélique » a été proposé par Csikszentmihalyi (1990) pour signifier

les activités qui ont les caractéristiques suivantes :

1. Une adéquation entre les aptitudes de l’individu et les exigences du défi rencontré ;

2. Une action dirigée vers un but et encadrée par des règles ;

3. Une rétroaction (feed-back) permettant de savoir comment progresse la performance ;

4. Une concentration intense ne laissant pas de place à la distraction ;

5. Une absence de préoccupation à propos de soi ;

6. Une perception altérée de la durée.

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Le terme « autotélique » vient du grec autos (soi) et telos (but ou fin) : une activité est dite « autotélique » quand la personne se consacre à l’activité pour elle-même et non pour les conséquences de celle-ci. Csikszentmihalyi (1990) est conscient que la plupart de nos

activités professionnelles ne sont ni purement autotéliques, ni purement « exotéliques »

(faites pour des raisons externes). Ainsi une carrière peut-elle être entreprise, au début pour des raisons externes puis devenir ensuite intrinsèquement gratifiante. Pour Csikszentmihalyi (1990), avec l’expérience autotélique au travail, l’aliénation fait place à l’engagement, l’enchantement remplace l’ennui, le sentiment de contrôle se substitue à celui de résignation.

3.1.2. Le rôle du manager de proximité dans le développement d’activités autotéliques

En développant une proximité avec ses équipes, le manager peut mieux connaitre leurs capacités, compétences et motivations, ce qui lui permet de mieux évaluer le niveau de défi adéquat de la tâche à confier au collaborateur en fonction de son niveau de développement. En posant des règles claires et en attribuant des rôles spécifiques à chacun, en fixant les périmètres d’action, en cadrant ceux-ci par rapport aux enjeux de l’environnement et en procurant un feed-back régulier, le manager contribue à créer les conditions d’émergence d’activités autotéliques.

En résumé, nous faisons l’hypothèse que, dans la mesure où le travail fournit des buts précis, une rétroaction claire, des défis correspondant aux aptitudes de la personne qui s’engage dans la tâche, il donne lieu à un ressenti de bien-être1.

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Le manager porteur de sens et d’énaction (sensmaking & enactment)

V. Lenhardt (2002) développe le concept de « responsable porteur de sens » pour

décrire la personne capable d’une réponse existentielle par rapport à cette question du

« pour quoi » : « Même si nous ne faisons que modestement tailler des pierres ou creuser des trous, il nous appartient de discerner la cathédrale qui se construit mystérieusement avec nous, grâce, aussi, à notre contribution. » (Lenhardt, 2002 : 27)

La complexification de l’environnement et des organisations pose des questions de plus en plus pressantes sur le développement personnel et professionnel des responsables (Lenhardt, 2001) et la recherche de sens dans son travail (Pauchant, 1996), ainsi que les questions d’identité (Kaufman, 2004) et de développement éducatif (Heutte, 2011). P. Angel et P. Amar (2010) montrent à quel point il est important, pour chaque individu, de

développer ses compétences et son potentiel tout en échappant à la tentation de la symbiose

avec l’organisation, de maintenir un équilibre entre être et faire, d’affirmer son individualité tout en adhérant à une vision stratégique partagée avec son organisation. On sait que le salarié "en souffrance" a besoin d’un espace de parole où il puisse mettre en mots son mal-être. En donnant sens aux épreuves et à la douleur vécue, il contribue à les rendre supportables. Le plus sûr moyen de torturer un homme, c’est de le désespérer en lui

disant « Ici, pas de pourquoi1 ». B. Cyrulnik (2004) montre que cette injonction contribue à

le faire tomber dans le monde des choses, le soumettant aux choses et faisant de lui une chose. Un travail de mise en sens est ainsi rendu indispensable pour aider une personne en

souffrance au travail à reprendre une place dans le collectif de travail. « La souffrance est

toujours une pathologie de l’isolement » selon l’expression de C. Dejours (1998). Pour qu’il y ait résilience, il faut qu’il ait des « pourquoi » et même des « pour quoi » : « La capacité à traduire en mots, en représentations verbales partageables, les images et les émois ressentis pour leur donner un sens communicable 2» redonne aux acteurs une humanité et ouvre à nouveau le champ des possibles vers la santé et le bien-être.

1 P. Levi, (1996), Si c’est un homme, Paris, Robert Laffont, cité par B. Cyrulnik (2004 : 21)

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Afin d’illustrer ce besoin de construire du sens dans sa vie (Frankl, 1963) et dans son travail (Pattakos, 2004), Cyrulnik, (2004 : 22) évoque la fable du tailleur de pierre (cf. encadré infra). Ce que nous apprend cette métaphore, est résumé par A. Adler (2001 : 45),

« le sens des choses n’est pas dans la réalité objective, il est dans l’histoire et dans le but poursuivi ». Sans mémoire du passé et sans espoir dans l’avenir, nous habiterions un monde désenchanté et absurde nous prévient Cyrulnik (2004). Le risque serait alors, pour

supporter cette « prison du présent » de sombrer dans un hédonisme aveugle et de nous

remplir de jouissances immédiates qui ne tarderaient pas à nous conduire à l’amertume et à l’agressivité pour la moindre frustration et à nous faire tomber dans la dépression aussi sûrement qu’une vie sans plaisir (Ben-Shahar, 2007 : 55-59).

La fable des tailleurs de pierre

« En se rendant à Chartres, Péguy voit sur le bord de la route un homme qui casse des cailloux à grand coups de maillet.

Son visage exprime le malheur et ses gestes de la rage. Péguy s’arrête et demande :

– ‘Monsieur, que faites-vous ?’

– ‘Vous voyez bien, lui répond l’homme, je n’ai trouvé que ce métier stupide et douloureux.’

Un peu plus loin, Péguy aperçoit un autre homme qui, lui aussi, casse des cailloux, mais son visage est calme et ses gestes harmonieux. – ‘Que faites-vous, monsieur ?’, lui demande Péguy.

– ‘Eh bien, je gagne ma vie grâce à ce métier fatigant, mais qui a l’avantage d’être en plein air’, lui répond-il.

Plus loin, un troisième casseur de cailloux irradie de bonheur. Il sourit en abattant la masse et regarde avec plaisir les éclats de pierre. – ‘Que faites-vous’ ?, lui demande Péguy.

– ‘Moi, répond cet homme, je bâtis une cathédrale !’ »

Cyrulnik, 2004 : 35

Pour Cyrulnik (2004), comme pour T. Ben-Shahar (2007), c’est le sens qui donne un bien-être durable et transmissible alors que le plaisir est trop éphémère et assimile l’individu à

un « bonhomme instant » sans épaisseur, voué à un culte de l’urgence (Aubert,

Roux-Dufort, 2003). C’est bien « quand le plaisir s’accouple avec le sens, [que] la vie vaut la

Pour nombres d’auteurs en management, le rôle essentiel des responsables n’est pas de traiter ce qui relève du prévisible et du programmable – cela un système expert sait le faire

– mais d’être « porteur de sens et des enjeux » (Barel, 1987; Genelot, 1992 ;

Lenhardt, 2002). Si l’on admet que l’organisation peut être considérée comme un système

d’action complexe, riche de potentialités et de projets, cela ouvre sur de nouvelles formes

de comportements, d’agencements organisationnels1 qui peuvent faire émerger des

ressources ignorées, l’enjeu du responsable est de trouver, de contribuer à créer ces

agencements managériaux qui font sens pour les acteurs et de s’attacher au « travail

d’actualisation du sens » (Frankl, 1963 ; Pattakos, 2004).

3.2. Le management du bien-être au travail passe par un