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C HAPITRE 5 – V ERS UN SEMIO SYNCRETISME

I. Sémiologie des indices : problèmes théoriques et méthodologiques

2. Vers les interprétations des Objets socio-culturels

La sémiologie des indices « a comme enjeu d’en décrire les éléments, leur mode de fonctionnement (phase systémique, descriptive et explicative) et de tenter d’en dégager les effets de sens et les valeurs symboliques, les modes de signifiance (phase interprétative) » (Houdebine, 2009 : 121). La phase interprétative s’attache aux questions de sens et d’interprétation. Elle a pour objectif de déployer, du point de vue du récepteur, des sens possibles appelés effet de sens, en s’appuyant d’abord sur la grammaire interne au corpus, construite lors de la description des données, puis sur la contextualisation du corpus, son rapport à la culture et au social. Afin de conserver le caractère scientifique de l’étude dans la phase interprétative de l’analyse, chaque effet de sens doit être décrit et expliqué, dans le but de tracer le processus de mise en sens. Le rôle du sémiologue est de montrer que ce qui est évident et naturel aux yeux de tous, est en fait construit, il se doit de mettre au jour les insus culturels.

Pour Houdebine, le « signifiant indiciel est dégageable en réception. (…) Il conjoint les notions d’indice et de signifiant (celle-ci inspirée de la psychanalyse lacanienne et marquant la filiation saussurienne) par ce qu’il est une forme renvoyant à un “sens” (effet de sens) non imposé par un code » (Houdebine, 2009 : 124). Le signifiant indiciel construit l’effet de sens houdebinien au travers du parcours interprétatif, ou parcours de signifiance, qui « part des signifiants indiciels pour leur donner sens ». L’analyse interprétative « utilise le “prêt-à-porter

symbolique” qu’est la langue de description et les associations du chercheur en faisant l’hypothèse que celles-ci sont imposées discursivement, culturellement » (Houdebine, 2009 : 124).

De filiation saussurienne, Mounin considère que seuls les systèmes peuvent être analysables, c’est-à-dire les moyens de communications « où des unités bien définies se combinent ou se structurent selon des règles bien définies » (Mounin, 1970 : 71). L’objet de la sémiologie de la communication développée par Mounin, Prieto, Buyssens ou Jeanne Martinet n’est pas de découvrir de nouvelles structures, fermes ou souples, mais bien d’analyser les systèmes de signes reconnus comme tels : la signalisation de la route, les notations de musique, etc. Par ailleurs, Buyssens marque bien cette différence entre ce qu’il considère systémique, faisant l’objet d’un code ferme, d’un système “dur”, de ce qui est asystémique, c’est-à-dire tout le reste : structurations souples comme faits significatifs a priori ne répondant d’aucune structure. Ce faisant, Mounin évince tous les faits significatifs dont on n’a pas encore montré la structuration, ou qui ne sont pas régis par un système plus vaste : la publicité, le vêtement, l’art, le cinéma ne sont pas des objets auxquels peut être appliquée la sémiologie de la communication. Les systèmes de communication analysables par cette sémiologie particulière doivent de plus être connus à la fois par l’émetteur et par le récepteur, pour assurer la communication. L’objectif de la sémiologie modélisée par Mounin reste « la description du fonctionnement de tous les systèmes de communication non linguistiques » (Mounin, 1970 : 11). Cela pose un problème évident : l’instance d’émission ne peut connaître à l’avance les diverses interprétations dont sera l’objet du message. Nous ne pouvons considérer, au sein de notre analyse, l’intentionnalité de l’émetteur comme un pilier de l’interprétation. Au contraire, le concept d’archi-réception valide le point de vue de la recherche.

Tout comme les sémiologues de la communication, Roland Barthes fonde sa théorie de la sémiologie qu’il nomme de la signification (1999 [1957]) ou sémiologie des mythologies, en extension de la théorie saussurienne. Mais à l’inverse des sémiologues de la communication, Barthes considère que la sémiologie n’existe pas pour mettre au jour des lois de fonctionnement des structures, mais pour dévoiler ce qu’il appelle les mythes actuels, la mise au jour de la structure offrant une gageur scientifique à l’analyse des mythes (1999 [1957]). La sémiologie est selon lui une science qui étudie les pratiques et les habitudes, afin d’interroger les systèmes symboliques de la culture. Elle ne doit donc pas s’appuyer uniquement sur les systèmes de communication, mais sur tout ce qui fait sens dans les sociétés. Barthes est le premier sémiologue à découper le langage et la culture pour en extraire les abus idéologiques de « la culture de masse moderne » (1999 [1957]) présents selon lui dans l’ensemble des médias et des

images consommés. À travers cette démystification de la culture, cette déconstruction du sens, Barthes souhaite faire émerger la praxis Critique, la critique de l’idéologie et des stéréotypes, sur le modèle de la pensée marxiste.

De la même manière, Houdebine pense sa sémiologie indicielle comme une critique de la société actuelle et abonde dans le sens de Barthes quant à la notion de praxis critique : « Ainsi la

praxis critique, tâche attribuée par Barthes à la sémiologie, ou l’interrogation de la société et de

ses imaginaires (cf. imaginaire social Castoriadis), peut-elle être soutenue (…) dans sa partie interprétative, elle révèle les insus idéologiques ou stéréotypes socio-culturels utilisés » (Houdebine, 2003 : 16).

Dans cette optique critique, Barthes développe une méthodologie de mise en lumière des idéologies à travers une nouvelle segmentation du signe saussurien. Il nommera donc ces idéologies des mythes, expliquant que ces mythes sont des idées prenant une certaine forme à partir du signe saussurien, qui redevient dans la relation sémiologique un signifiant sur lequel vient se joindre un signifié non connu.

Figure 18 : Le mythe selon Roland Barthes

Selon le schéma du mythe de Roland Barthes, le signe linguistique peut redevenir un signifiant sémiologique, accompagné d’autres signifiants remettant en cause l’axe linéaire ou syntagmatique de la langue. Dans ce contexte, plusieurs signes peuvent apparaître en même temps et la linéarité du signe linguistique défendue par Saussure ne tient plus pour le signe sémiologique. Ainsi, autorisant plusieurs éléments à apparaître en même temps, la synergie de ces éléments construit les significations, et mène à l’interprétation.

Ainsi Barthes étudie-il image et langue de manière analogue, considérant que la langue et le mythe sont des systèmes sémiologiques pourvoyeurs l'un et l'autre de connotations (mythes). La langue devient pour lui un langage-objet, puisque le signe linguistique devient signifiant iconique. En ce sens, un signe, qu’il soit linguistique ou iconique, revêt un aspect polysémique. Dans l’article « Rhétorique de l’image », paru dans la revue Communication n°4 (1964), Barthes

1. Signifiant 2. Signifié 3. Signe I. SIGNIFIANT II. SIGNIFIE III. SIGNE Langue MYTHE

introduit dans sa théorie la notion d’analyse structurale afin de pouvoir dégager trois types de messages au sein du mythe, introduisant ainsi le concept de message implicite : le message linguistique, le message iconique non codé et le message iconique codé ou implicite. Le travail du sémiologue revient à séparer les messages iconiques codés et non codés, que le récepteur reçoit en même temps et ne différencie pas, avec un niveau perceptif et un niveau symbolique.

Barthes s’inspire également des travaux de Hjelmslev à propos de la connotation. En effet, selon Hjelmslev, une fonction, quelle qu’elle soit, peut devenir à son tour un fonctif dans la relation, créant ainsi une autre fonction ; il s’agit dans ce cas de la fonction sémiotique connotée.

Figure 19 : Conception de la connotation selon Hjelmslev Fonction sémiotique connotée

E

R

C

Fonction sémiotique dénotée

E

R

C

R est mis pour la fonction sémiotique, E pour le plan de l’expression et C pour le plan du contenu, sachant qu’un ‘plan’ réunit la substance et la forme. Ainsi, la fonction sémiotique dénotée devient un des fonctifs de la fonction sémiotique connotée.

Barthes développe ainsi la notion de connotation de l’image. « La connotation n’est que système, elle ne peut se définir qu’en termes de paradigme ; la dénotation iconique n’est que syntagme, elle associe des éléments sans système » (Barthes, 1964 : 50 Rhétorique).

Figure 20 : Conception de la connotation selon Barthes (1999 [1957] : 187)

Le signe obtenu par la relation signifiant/signifié devient à son tour un signifiant. Analysant les ‘messages’ en séparant le message linguistique du message iconique, Barthes considère que le message linguistique ne peut fournir que des dénotations, tandis que le message symbolique se situe sur le plan de la connotation. Il scinde également le message iconique en deux : d’un côté l’analogique, ce qui manifeste le sens évident, et de l’autre le message symbolique, dit connoté.

La sémiologie des indices développée par Houdebine se fonde sur la sémiologie de la signification de Barthes, pour une interprétation du système sémiologique menant à une critique de la société dans laquelle prend place ce système. Elle remet cependant en question les notions de dénotation et de connotation pour les remplacer par le signifiant indiciel et l’effet de sens, notion empruntée à Greimas que ce dernier définit comme suit : « l’effet de sens est produit par

Sa Sé

Sa

Passage du système de dénotation en bas, au système de connotation en haut.

la rencontre du sujet humain et par l’objet-monde » (Greimas, Courtes, 1979 : 116). L’effet de sens implique directement l’interprétation du sujet humain. Le signifiant indiciel permet de ne pas se référer directement à la dénotation telle que définie par Barthes, car à l’inverse de la dénotation construite, le signifiant indiciel est encore, au stade de l’inventaire des signes, un objet flou et imprécis, il ne se construit que dans sa relation à l’effet de sens qu’il contribue à construire.

Suite à l’inventaire des proto-signifiants, l’analyste est à même de définir s’il s’agit d’un code (fortes convergences) ou d’une structuration (faibles convergences). S’il s’agit d’une structuration, le lien à construire entre signifiant et signifié, ou entre signifiant indiciel et effet de sens est d’autant plus ténu et complexe à révéler. Citant un exemple concret de la couleur rouge dans la publicité analysée dans « Rhétorique de l’image » par Roland Barthes, Houdebine explique que « l’autre [rouge], dans Panzani, est à considérer comme un indice car sa forme renvoie à diverses potentialités de connexion au plan syntagmatique, et partant à divers effets de sens » (Houdebine, 1999 : 229). Cette potentialité ouvre la voie à la hiérarchisation des résultats d’une part, et à l’argumentation relative à chaque effet de sens dégagé par l’analyse systémique d’autre part. L’argumentation, également nommée étayage, se fonde sur différents concepts : les interprétants internes et externes, et la carte forcée de la culture.

Le dégagement des effets de sens à partir des signifiants indiciels, ainsi que leur étayage constitue le parcours interprétatif. La démarche présuppose une construction venant du chercheur. Il s’agit de la mise en sens des signifiants indiciels dégagés à la fin de l’analyse systémique. Houdebine considère que le parcours interprétatif « s’appuie sur les impressions de

sens et associations du chercheur pour aboutir aux effet de sens » (Houdebine, 2009 : 234),

révélant un peu plus la filiation psychanalytique de cette forme de sémiologie. Ces impressions de sens sont ensuite élaborées en hypothèses de sens qui doivent être argumentées, étayées et hiérarchisées « pour dégager les plus opératoires ou pertinentes eu égard aux objectifs de l’étude » (Houdebine, 2009 : 234).

L’effet de sens représente ce signifié rattaché au signifiant indiciel, construisant des significations permettant une analyse critique de la culture à l’aide de l’objet étudié, appelé

praxis critique. Le parcours interprétatif permet la construction d’effets de sens, afin de mettre

au jour les mythes et idéologies présents, selon la définition barthésienne de la sémiologie. Il s’effectue en deux étapes, de l’interne vers l’externe, de l’immanence sémiologique vers la mise en relation des signifiants indiciels avec le contexte, la situation d’énonciation, l’ouverture vers d’autres courants disciplinaires ou de pensées qui enrichissent l’interprétation. Il s’agit d’une « démarche interprétative de mise en sens des signifiants indiciels dégagés » (Houdebine, 2009 :

234). Houdebine explique que « l’interprétation d’un élément représentant peut donc venir de sa ‘ressemblance’ ou motivation (icône) mais également – et parfois surtout (signe, symbole) – de sa codification où s’ancre sa fonction symbolique » (Houdebine, 1999 : 227).

Les outils mis à disposition pour reconstruire les parcours de sens permettent de ne pas « tomber ni dans l’herméneutique ni dans le délire » (Houdebine, 2003 : 107-109). Pour ce faire, le chercheur se fonde sur les axes associatifs. Houdebine avance l’idée de « l’infini du sens en déployant associativement [...] où se lisent les impositions conventionnelles et les subjectif dominées par le signifiant » (Houdebine, 2003 : 107).

L’analyse interprétative interne montre les relations existantes entre les signifiants indiciels présents dans diverses strates : il s’agit de l’interstrate. Les signifiants indiciels deviennent dès lors des interprétants dans la relation interstratique. Dans la publicité travaillée par Barthes et revisitée par Houdebine, <<l’italianité>> se construit en fonction de l’addition de différents indices : les /pâtes/ révélées par la strate iconique, mais également les /couleurs/ présentes dans la strate scénique, ainsi que certains signes linguistiques comme /Panzani/ émanant de la strate linguistique. Un seul indice ne suffit pas à construire l’effet de sens <<italianité>> ; c’est à la jonction des trois causalités internes au corpus qu’il se construit.

A ce stade du parcours interprétatif, l’analyse doit sortir du cadre strict de l’immanence afin de valider les effets de sens par des interprétants externes ou contextuels. Cette étape hors corpus permet de montrer les relations de ressemblances iconiques, textuelles et discursives qui existent entre les effets de sens dégagés en interne et la réalité. Fondées sur les principes d’interdiscursivité et d’intericonicité, ces relations offrent une lecture du social et de la culture. Il s’agit de la chaîne associative par laquelle l’analyste construit les effets de sens en ayant recours à la culture, à sa culture. Houdebine définit les interprétants externes ainsi : « Ils sont constitués par les associations du descripteur, ses expériences culturelles, intertextuelles, interdiscursives, transmises voire imposées par le discours (“la masse parlante”, la ”carte forcée du signe ” chez Saussure, ou “l’autre” et la “carte forcée du signifiant” chez Lacan). Mis en mots, ces éléments permettent d’affecter du sens aux signifiants indiciels » (Houdebine, 2009 : 214). Cet étayage vers l’externe n’est cependant pas à créer mais à reconstruire car, à l’instar de Saussure à propos de la langue, Houdebine considère que la culture oblige les récepteurs. « Sur le modèle saussurien de la “carte forcée du signe” et lacanien de la “carte forcée du signifiant”, on fait l’hypothèse que la culture ou l’imaginaire socio-culturel est traitable comme une structuration qui s’impose au sujet parlant » (Houdebine, 2009a : 164). « La sémiologie des indices s’appuie sur la notion de carte forcée culturelle, s’imposant au sujet interprétand » (Houdebine, 2009a : 125).

En conclusion de ce développement théorique, nous proposons de retracer le parcours d’interprétation qui permet d’atteindre l’objectif de la praxis critique de Barthes, la mise au jour des insus culturels présents dans nos sociétés. La méthodologie indicielle se révèle comme le parcours du chercheur au travers des méandres du sens, déconstruit puis reconstruit. Un proto- signifiant, ou indice, est décelé au moment de la description du corpus. La présence de ce proto- signifiant permet de développer des hypothèse de sens et de lui offrir le statut de signifiant indiciel. Grâce à la phase interprétative, les signifiants indiciels sont reliés à des effets de sens, au travers d’interprétants internes au corpus (inter-strates) ou externes à celui-ci, construisant ainsi un signe sémiologique. Rappelons que l’interprétation se fonde sur deux éléments : les chaines associatives assumées par l’interprétand, et l’étayage, c’est-à-dire l’argumentation avancée par l’interprétand afin de hiérarchiser les effets de sens développés. Ce dernier élément garantit la scientificité de la démarche interprétative, tout comme l’hypothèse de la structure garantit la scientificité de la démarche descriptive. De ce fait, nous considérons cette discipline comme la réunion de la structure saussurienne et de l’interprétation barthésienne.

B. Le temps de l’analyse : la synchronie dynamique

La sémiologie des indices offre à voir la photographie d’une situation lorsque l’étude est dite synchronique, c’est-à-dire restreinte à un temps court. Dès 1970, André Martinet ajoute à cette notion de synchronie le dynamisme, et tente ainsi de mettre au jour les possibles évolutions des usages.

Selon Saussure, toute science peut être appréhendée en fonction de deux valeurs. La ‘valeur’ invoquée dans ce contexte n’est plus de nature linguistique, comme vue en amont, mais générale : « il s’agit d’un système d’équivalences entre deux choses différentes » (CLG, 1916: 115). L’une des équivalences de cette ‘valeur’ est la temporalité. L’autre équivalence est davantage de l’ordre de la description à un moment précis de cette histoire, selon un point de vue défini. Saussure montre ces équivalences à travers deux axes : l’axe de la successivité et l’axe de la simultanéité. L’axe de la simultanéité permet d’étudier un ensemble d’éléments en coexistence à un instant donné, mettant au jour le système actualisé à cet instant. L’axe de la successivité autorise l’étude de l’évolution d’un élément, ou d’un système. Pour ce faire, l’analyste doit tout d’abord appréhender cet élément à un temps T1, puis à un temps T2, pour pouvoir comparer les deux états et déceler les changements intervenus entre les deux états. Saussure considère donc qu’il existe deux linguistiques distinctes : la linguistique synchronique, se chargeant des études sur l’axe de la simultanéité, et la linguistique diachronique, sur l’axe de la successivité. Selon lui, la complexité des valeurs linguistiques en jeu et « la multiplicité des signes […] nous interdit

absolument d’étudier simultanément les rapports dans le temps et les rapports dans le système » (CLG, 1996 [1916] : 116).

Une analyse synchronique doit s’effectuer en faisant abstraction de l’histoire de la langue, de son évolution. Saussure explique que le système d’une langue peut s’analyser sans mobiliser les éléments externes à cette langue, puisque « la langue est un système qui ne connaît que son ordre propre » (CLG, 1996 [1916] : 43). Ainsi, un élément de la langue va-t-il évoluer en fonction des éléments extérieurs à celle-ci, et le système en sera modifié. Mais cette modification du système peut s’expliquer de manière interne, en fonction des valeurs, des rapports entretenus entre chacun des signes qui constituent le système : « est interne tout ce qui change le système à un degré quelconque » (CLG, 1996 [1916] : 43). Pour cette raison, la linguistique saussurienne moderne se fonde avant tout sur l’étude interne d’un système, non comparative et non historique.

André Martinet reprend les fondements structuralistes de la pensée saussurienne, et revisite les concepts de synchronie et de diachronie. Selon le linguiste, il faut décrire et comprendre le fonctionnement de la langue, afin de préciser « la façon dont elle analyse l’expérience humaine en unités significatives » (Martinet, 2003 : 28). Le fait de décrire les langues à un instant précis permet de les travailler en synchronie, par opposition à la diachronie, qui étudie l’évolution, entre chaque synchronie, de ces langues. Martinet souhaite aller au-delà de la simple analyse de l’évolution des langues, en comprenant les mécanismes des modifications en jeu. « Il y a des chances pour que la langue qu’on aborde, pour en décrire le fonctionnement, soit en cours de modification » (Martinet, 2003 : 29). Une nouvelle étape d’analyse dans l’évolution de la langue est proposée, la synchronie dynamique : « il est […] recommandé, dans une étude synchronique de relever les tendances évolutives de la langue en opposant les usages de différentes générations en présence. On dira dans ce cas qu’il s’agit de synchronie dynamique » (Martinet, 2003 : 29). Cependant, Martinet considère que la synchronie dynamique n’est possible qu’en fonction de la variable temps. En effet, seules les confrontations générationnelles permettraient de mettre au jour les modifications possibles de la langue. Pourtant, la langue est un fait social. Les modifications ne pourraient-elles pas également émaner d’autres critères sociaux que l’âge ? Le sexe ou le groupe social ne pourraient-ils pas tout aussi bien faire évoluer les pratiques