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Le contrat de communication fournit aux partenaires de l’échange des instructions discursives ou des comportements langagiers, des modes d’organisation des discours, une façon d’appréhender l’acte de communication qu’ils sont tenus d’appliquer ou non. Il s’agit d’un cadre de contraintes, au nombre de quatre. La première est celle qui intéresse le plus notre étude, il s’agit du cadre de visibilité, et va de pair avec le choix de montrer on non un événement scientifique. Les producteurs de l’échange médiatique doivent juger lorsqu’un fait scientifique fait événement, lorsqu’il est extraordinaire. On ne parle jamais de l’ordinaire, du quotidien de la recherche qui ne vaut que si elle est événement, que si elle est susceptible d’avoir un impact économique, politique, social. La visibilité a également à voir avec la mise en scène choisie pour montrer l’événement scientifique. Il s’agit d’une certaine présentation de l’événement au travers de la “Une”, des choix iconiques et des titres, de la mise en page. En tant que support écrit, le champ d’activité discursive de la presse écrite « est celui de la conceptualisation qui s’inscrit dans une situation d’échange monolocutive et s’organise sur un support spatial » (Charaudeau, 2005 : 196). La presse doit « apporter un soin tout particulier à la façon d’annoncer les nouvelles et de les présenter. Elle le fait à travers la mise en page et la titraille » (Charaudeau, 2005 : 196), qui jouent ainsi une triple rôle : « phatique, de prise de contact directe le lecteur, épiphanique, d’annonce de la nouvelle et synoptique de guidage du parcours visuel du lecteur dans l’espace informatif du journal » (Charaudeau, 2005 : 196). La fonction phatique mérite selon nous une attention toute particulière concernant les objets de savoir dans la presse qui ne sont pas censés être mis en spectacle afin de devenir attrayants.

La contrainte de lisibilité est marquée, comme le discours d’information médiatique, par un souci de simplicité et de figurabilité. La simplicité transparait au niveau syntaxique avec des phrases simples et au niveau lexical, sauf à vouloir créer un effet de scientificité accru, par des mots choisis dans le vocabulaire commun. La figurabilité, terme emprunté à Daniel Jacobi (Jacobi, 1986 : 25), se rapproche de l’hyperstructure proposée par Jean-Michel Adam. C’est l’organisation de la double-page de journal qui va en partie traiter l’événement. Charaudeau parle de « procédés scripto-visuels de composition sémiologique paratextuel qui consistent à disposer textes, titres et sous-titres, images et graphiques… » (Charaudeau, 2008 : 20), l’organisation de la mise en signification au sein de la page de journal. La double-page devient une unité de sens à part entière, étudier seulement les titres et les icônes n’a pas plus de sens que d’étudier la structure syntaxique sans la structure lexicale en analyse de discours. Cependant, l’inverse semble vrai : le discours seul peut être analysé sans la mise en scène de l’iconographie. En effet, de nombreuses études de presse ne prennent en compte, pour péritextes, que les titres

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de l’article, sans s’intéresser aux images proposées. Le péritexte tel que défini par Jean-Michel Adam (Adam, 1997b : 670) inclut l’ensemble des éléments qui ne font pas tout à fait partie du texte journalistique mais qui le conditionnent et le présentent.

Lors de la lecture dynamique d’un journal, ou encore de sa lecture rapide, l’image et les titres, sous-titres et intertitres sont les éléments les plus lus et les plus vus de la page de journal. En effet, le récepteur considère que l’essentiel de l’information lui est présenté dans les titres et les sous-titres. Que dire des encadrés qui aident à la fragmentation de l’information au sein de la page de journal ? Un des encadrés sert spécifiquement le discours de vulgarisation scientifique, en empruntant de façon didactique des éléments scientifiques. Un autre encadré se voit endosser un rôle historique, en recadrant l’événement dans une temporalité propre. Encore un sert plus le politique, en montrant les événements politiques nationaux et internationaux à rapprocher de l’événement expliqué et commenté dans l’article. Il semblerait que le producteur, conscient de l’hétérogénéité de la réception et des difficultés du marché de la presse quotidienne à l’heure actuelle, propose un article fragmenté, des informations éparpillées que le lecteur pourrait reconstituer en les personnalisant. Selon cette perspective, le producteur séparerait les éléments de la sémiosis. D’un côté chacun des protagonistes est représenté : politiques, scientifiques, société civile organisée, entreprises. De l’autre côté, les éléments relatifs à la temporalité sont mis en image au travers d’une frise temporelle par exemple. Et enfin, appariassent sous une autre forme les éléments relatifs à la spatialisation de l’événement.

La mise en signification est parcellaire et se fait dans l’esprit du récepteur qui va choisir les éléments les plus attractifs selon lui, les plus à même de servir la bonne compréhension de l’événement. Par cette parcellisation, la visée de captation serait alors davantage mise en avant que la visée d’information, car de fait, si le récepteur ne prend pas connaissance de l’ensemble des éléments constituant la double page du journal, sa vision restera incomplète, eu égard à l’information proposée. Le rôle du journaliste, qui est de mettre en relation des éléments d’information, n’est plus assumé dans cette perspective rédactionnelle et sa responsabilité éditoriale n’est plus à mettre en cause. La page de journal se veut ainsi le reflet statique d’une même page d’information apparaissant sur un écran d’ordinateur qui se veut, lui, dynamique.

La troisième contrainte est celle relative au sérieux, d’autant plus importante lorsque l’objet de savoir traité est d’ordre scientifique. Le journaliste ou les journalistes responsables de l’information en présence dans la page doivent mettre l’accent sur leur crédibilité à commenter un événement scientifique. Ainsi trouvons-nous de nombreuses tournures métalinguistiques, afin d’insister sur le fait que les producteurs ont conscience de l’écart discursif entre les discours

sources et les discours seconds. Nous trouvons également des graphiques et photographies de l’infiniment petit ou de l’infiniment grand, invisibles autrement à l’œil du profane et qui font arguments d’autorité. Le discours rapporté semble également être garant du sérieux : nous avons à faire à un discours plurilogal et chargé de liens avec d’autres discours scientifiques, didactiques, comme médiatiques, un réseau interdiscursif qui pourrait valoir comme consensus tant scientifique que social.

Enfin, la dernière contrainte équivaut à l’émotionalité, la dramatisation en d’autres termes. Là encore, l’iconographie et les titres sont à prendre en compte. S’agit-il d’images menaçantes ? De titres dramatisants ? A lire ce genre d’articles, le lecteur s’immisce dans la peau de scientifiques aventuriers en quête de vérité, propose Charaudeau. La mise en narration prend dans cette contrainte une valeur importante. Il en va de même pour les éléments naturels anthropomorphisés que l’on rapproche du récepteur afin qu’il se sente impliqué. En personnifiant les éléments de la nature, on les fait entrer dans la mise en narration : ils deviendraient alors protagonistes à part entière de l’histoire contée par le journaliste.