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l’hétérogénéité des étudiants : diversité sociale, diversité linguistique et échec universitaire

1.2 Du constat d’échec à son explication

1.3.1 Vers la notion de compétences sociolangagières

1.3.1.1 Normes objectives et normes subjectives

Écrire suppose la mise en œuvre de compétences de la part des locuteurs. Celles-ci ont plusieurs dimensions, pour la plupart enchevêtrées, qu’il convient de dégager. En premier lieu, les locuteurs doivent connaître la norme qui régit leur pratique. De ce point de vue, leur pratique pourra être reconnue comme appartenant ou non à une langue (ia gavariou pa rouski n’est pas français par exemple) ou à une norme (je vais au coiffeur n’appartient pas à la norme scolaire). Il faut toutefois distinguer – et ces deux exemples l’illustrent – deux sens donnés à la notion de norme. C’est ainsi que Gadet120 présente en effet la notion de norme :

119 op. cit. p.118.

« Le terme de « norme » est très polysémique, mais nous retiendrons essentiellement deux sens : la norme objective (telle qu’on peut l’observer) et la norme subjective (élaboration d’un système de valeurs). »

Du point de vue de la norme objective, les pratiques comprises et reconnues comme appartenant à une langue ou à une variété de langue s’opposent aux énoncés non compris, ou considérés comme faux ou agrammaticaux. Nous retiendrons que pour Gadet nous nous situons du côté du « normal », du régulier.

Avec la notion de norme subjective, c’est l’aspect évaluatif des normes qui est pris en compte : les pratiques sont inégalement valorisées dans les différentes situations où elles apparaissent. Les jugements sont fondés non pas sur des critères de JUSTE / FAUX, mais selon des évaluations sociales. La hiérarchie entre les pratiques est posée en particulier par le groupe dominant, et chaque forme permet de distinguer les locuteurs légitimes des autres121. Les raisons linguistiques invoquées par ce groupe n’ont pas de fondement linguistique, la norme étant toujours arbitraire. Avec les normes subjectives, nous nous situons du côté du normé puis du normatif.

Toutefois, en raison justement de son caractère subjectif, la notion de norme a été parfois employée pour désigner la variété dominante et prescrite dans une communauté. C’est ainsi que nous interprétons les sens relevés par Garmadi122 :

« C’est un système formel désignant l’usage correct (Fishman123), c’est l’usage

imposé comme le plus correct ou le plus prestigieux par une partie de la société (Mounin124), c’est un système d’instructions définissant ce qui doit être choisi si l’on

veut se conformer à l’idéal esthétique ou socioculturel d’un milieu détenant prestige et autorité, et l’existence de ce système d’instructions implique celle d’usages prohibés. »

Remarquons que la plupart du temps cette valeur d’usage prestigieux n’est pas seulement défendue par « une partie de la société », mais par une quasi-totalité de celle-ci. C’est ce que soulignent Baggioni et Bianco125 dans leur définition de la norme : « pratique linguistique dominante légitimée par la conscience linguistique des locuteurs de la communauté et ayant valeur sur le marché social ».

Garmadi ajoute qu’il serait préférable de parler dans ce cas de sur-norme. En effet, il convient de distinguer nettement le statut accordé à l’une des variétés de la langue et l’existence de variétés de cette langue. En d’autres termes, la sur-norme dont il est question n’est en réalité qu’un cas particulier de norme qui s’est imposé comme

121 Notons que si le cas le plus visible concerne celui du groupe dominant qui impose sa hiérarchie dans

l’évaluation des pratiques, tous les groupes sociaux font preuve d’évaluations de ce type, et peuvent eux aussi instaurer des hiérarchies entre les différentes pratiques. Au point que dans certaines situations, la pratique de la norme du groupe dominant peut même amener son locuteur à ne pas être considéré comme légitime.

122 Garmadi Juliette, 1981, La sociolinguistique, PUF, Paris, p.64.

123 Fishman Joshua A., 1971, Sociolinguistique, Paris, Nathan, p.39 (cité par Garmadi, op. cit.).

124 Mounin Georges (dir), 1974, Dictionnaire de la linguistique, Paris, PUF, p.235 (cité par Garmadi, op. cit.). 125 Baggioni Daniel., Bianco Yvonne, 1980, « L’enseignement du français langue maternelle au cœur de la crise

de la linguistique » dans Socio-linguistique, actes du colloque du 27 novembre 1978 Tome II, PUF, Paris, pp.527-537.

référence au cours de l’histoire126. Si cette conception est dominante en sociolinguistique aujourd’hui, il nous semblait important de souligner que la confusion avait pu exister. Mais cette remarque nous semble également utile dans la mesure où nous nous situons sur le terrain scolaire où la pression de la sur-norme est très forte. Le test d’expression écrite à l’entrée à l’université est d’ailleurs une illustration très nette de cette idéologie.

Cette conception abusive de la norme comme sur-norme dans l’école s’explique par le fait qu’elle est l’institution par excellence de la prescription et de la normalisation linguistique (Eckenschwiller127) : c’est à l’école que l’on apprend comment écrire, mais aussi comment parler correctement. De ce point de vue la norme proposée par l’école est présentée comme étant la seule norme possible, la seule norme VRAIE. Pourtant nous savons, en tant que sociolinguiste, qu’il n’est pas de variété plus vraie que les autres, il est seulement des variétés plus ou moins conformes à certaines normes. Il n’est pas non plus de norme plus noble ou plus juste, il est simplement des normes dominantes, qui font autorité parce qu’elles appartiennent aux communautés linguistiques socialement et culturellement dominantes. Il y a donc dans l’attachement du système scolaire à la norme enseignée et académique l’attachement d’une communauté dominante à sa position dans la stratification sociale. Cela explique d’ailleurs le caractère affectif de la langue à l’école : pour les enseignants, toucher à la norme qu’ils enseignent, c’est toucher à la norme de leur communauté linguistique, à leur identité sociale128.

Il convient de remarquer d’ailleurs l’importance des questions identitaires dans les évaluations normatives, les pratiques linguistiques permettant bien de distinguer leurs locuteurs en termes d’appartenance sociale et identitaire. A chaque variété sont ainsi associés des jugements sociaux (populaire / bourgeois) inégalement appréciés selon les situations (voir le rejet de tout ce qui est intellectuel dans certains milieux populaires), mais aussi des systèmes de valeurs (beau / laid, traditionnel et solide / moderne et déliquescent, logique / d’autorité…). Ces jugements de valeurs sont les reflets des groupes qui les véhiculent ; ils traduisent leurs enjeux identitaires, sociaux, voire leurs opinions politiques ou morales. Leur fonction est de légitimer certaines pratiques, en leur attribuant des raisons d’être (« c’est logique, c’est depuis toujours comme cela, c’est la loi, c’est beau… »), et de dénigrer les pratiques concurrentes et leurs locuteurs. A l’école, un certain nombre de valeurs sont associées à la sur-norme, telles que la tradition (« il faut parler le français de Hugo », argument historique qui s’appuie sur

126 Bautier, op. cit. p.120-121.

127 Eckenschwiller Michèle, 1994, L’écrit universitaire, Les éditions d’organisation, Paris, p.23-24.

128 Cet investissement affectif est souligné très justement par Claude Désirat (1976, La langue française au

XXième siècle, Bordas, Paris, p.77) : « (…) la langue est en effet l’objet d’un investissement affectif qui ne se

traduit pas seulement au niveau individuel mais aussi en termes institutionnels : loin d’être un objet d’étude neutre, donnant lieu à des recherches sereines se déroulant dans un milieu aseptisé, elle est l’objet de prises de position et de polémiques violentes dans lesquelles interviennent des institutions, officielles ou non, spécialisées ou non… ». Nous en reparlerons dans le chapitre 2 (§ 2.3).

l’identification à une communauté culturelle), l’« étiquette » (il faut respecter la « bienséance linguistique », argument qui s’appuie sur l’identification à un groupe dominant dont la position est assurée par la naissance), le règlement (il faut respecter la langue parce que c’est respecter la loi, c’est être citoyen de la nation, qui s’appuie sur l’idée que l’on doit se soumettre à l’autorité de l’Etat).

Il reste que bien souvent le caractère sociolinguistique du français académique est occulté, et il est présenté comme étant le « bon » ou le « vrai » français (comme s’il y en avait de mauvais ou de faux). La place dominante accordée à cette norme par la plupart des locuteurs (les enseignants, les auteurs des manuels scolaires, ceux qui rédigent les programmes, mais aussi les parents et les élèves eux-mêmes) lui donne par ailleurs une valeur prescriptive. Dès lors toute variation est considérée par tous comme un écart, voire une faute.

L’opposition posée précédemment entre norme objective et norme subjective suggère en outre que pour produire un énoncé il ne faut pas seulement connaître la norme (dimension objective), mais aussi connaître sa valeur dans la situation où il est produit (dimension évaluative). C’est cette idée que Bourdieu129 formule en s’appuyant sur l’image du marché linguistique : il ne suffit pas de posséder une marchandise linguistique, mais il faut lui attribuer le juste prix sur le marché dans lequel elle circule. Aux compétences purement linguistiques s’ajoutent des compétences sociales et discursives – le marché étant défini par la position sociale du locuteur, mais aussi par la situation d’interaction.

Ainsi l’important, ce ne sont pas les pratiques en elles-mêmes, mais ce sont les pratiques en tant qu’elles portent l’évaluation sociale des locuteurs. La norme n’est donc pas tant un ensemble de règles qu’un ensemble d’évaluations. Les pratiques linguistiques ne sont pas seulement le résultat de l’application de règles, mais doivent être comprises comme un ensemble d’évaluations que le locuteur porte sur ses mots. Dans un cas particulier d’écriture, celui de l’écriture poétique, Medvedev130 souligne d’ailleurs l’importance de ces évaluations :

« Le poète ne sélectionne pas des formes linguistiques, mais plutôt l’évaluation qu’elles portent en elles… Pour le poète, comme pour tout locuteur, le langage est un système d’évaluation sociale ; plus il est riche, différencié et complexe, plus l’œuvre sera forte dans sa signification. (…) Le matériau de la poésie est le langage en tant que système social d’évaluations, non en tant qu’agrégat de possibilités linguistiques. »

Par conséquent, étudier la variation linguistique ne revient pas à recenser les possibles linguistiques – quelles auraient pu être les autres façons de dire la même chose ? –, ni à

129 Bourdieu Pierre, 1984a, op. cit. p.98-99.

130 Medvedev Pavel 1928, Méthode formelle en critique littéraire : introduction critique à la poétique

sociologique, p.123-124 ; cité par Peytard Jean, 1990, « Evaluation sociale dans les thèses de Mikhail Bakhtine et représentations de la langue » dans Langue française n°85, Larousse, Paris, p.15.

comparer entre elles les formes linguistiques en tant que possibilités linguistiques, mais en tant que formes soumises à une évaluation : les locuteurs ne choisissent pas seulement les mots dans leur répertoire de langue, mais aussi dans leur répertoire d’évaluations. En d’autres termes, il ne s’agit pas tant pour eux de trouver LA bonne forme, mais la forme qui sera évaluée le plus favorablement dans la situation dans laquelle ils la produisent. Le fait que l’institution scolaire perçoive cette forme comme étant LA bonne forme ne modifie d’ailleurs pas cette analyse : l’évaluation de cette forme par l’institution a modifié son caractère de « forme la plus favorablement évaluée » vers « seule forme à être évaluée positivement » et vers « seule forme vraie ». Mais le critère de vérité n’est pas un critère linguistiquement pertinent et il doit être compris en linguistique comme la forme prescrite dans la situation.

1.3.1.2 Compétences communicatives et compétences grammaticales

Pour rendre compte de ces compétences discursives et sociales, nous pouvons également reprendre la notion de compétence communicative qui permet de « savoir choisir la variété linguistique que l’on va utiliser en fonction de l’auditeur, du lieu, du moment ou du sujet de l’activité linguistique ». Cette définition de Hymes131 est construite par analogie avec la compétence grammaticale, qui est la « connaissance tacite que le locuteur possède des structures de la langue et qui lui permet de comprendre et de produire une infinité de phrases »132.

La distinction posée ici revient ainsi à dire qu’il faut distinguer les compétences nécessaires à l’écriture d’un texte (compétences grammaticales ou purement linguistiques), selon certaines prescriptions en langue, et les compétences nécessaires à l’écriture d’un discours (compétences discursives, bonne appréciation des attentes du lecteur, choix des effets que l’on veut produire sur lui…). Cela nous amène donc à reprendre l’opposition fréquemment établie en linguistique textuelle entre textes et

discours, opposition à laquelle Brassart133 ajoute la notion d’écrits :

« Nous considérons qu’un « document » peut être saisi de trois points de vue typologiques théoriquement distincts mais coprésents et complémentaires dans son traitement effectif par un sujet cognitif : texte, discours, écrit. (…) En tant que suite cohérente de phrases, le document peut être considéré comme une réalisation token

131 Hymes, Dell H., 1972, « On communicative competence » dans Pride J.B. and Holmes Janet,

Sociolinguistics, Penguin Books, p.277-278, cité par Garmadi op. cit. p.88.

132 Cette opposition entre compétence communicative et compétence grammaticale est fréquemment reprise,

sous différentes formes, pour décrire les compétences en jeu dans l’écriture d’une copie. Recensant les compétences nécessaires à la rédaction d’une copie universitaire, Marc Romainville (2000, op. cit. p.80) distingue par exemple « compétences linguistiques (orthographe, syntaxe, lexique) » et « compétences de maîtrise des situations de communications », auxquelles il ajoute les « compétences méthodologiques (résumer, prendre des notes) » et « cognitives (compréhension de textes, sélection et hiérarchisation des idées, établissement de catégories, utilisation de la base de connaissances) ».

133 Brassart Dominique Guy, 1998, « Enseigner/apprendre à lire/écrire des textes épistémiques » dans Dabène

Michel et Reuter Yves (coord.), Pratiques de l’écrit et modes d’accès au savoir dans l’enseignement supérieur, LIDIL n°17, Lidilem (Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles), Université Stendhal, Grenoble, p.140.

d’un type de texte (narratif, descriptif, explicatif en pourquoi, argumentatif), caractérisable en tant qu’objet linguistique par une superstructure typologique mentalement intériorisée par le sujet sous la forme d’un schéma textuel prototypique. La notion de genre peut permettre de prendre en compte des propriétés « secondes » de « documents » textuellement parents (le conte et le récit de presse, par exemple, comme variété d’un type textuel narratif). En tant qu’il est produit dans une situation de communication, le « document » énoncé vise à accomplir un macro-acte de discours. En tant qu’objet matériel visible, les traces graphiques du « document » sont typographiquement disposées selon certaines géographies propres à des types d’écrits (lettre, article de presse, article de dictionnaire…). On notera que ces mêmes termes désignent des notions différentes dans d’autres cadres théoriques. Ces options théoriques sont évidemment discutables. »

Il nous semble important de souligner ici avec l’auteur le fait que ces distinctions ne permettent pas d’opposer des objets linguistiques mais des points de vue sur ces objets134. Ainsi en appliquant ces distinctions à notre analyse des copies d’étudiants, nous pouvons adopter trois points de vue distincts : nous pouvons les étudier en tant que textes, en tant que discours, en tant qu’écrits. Dans notre travail, nous mettrons volontairement de côté le point de vue de l’écrit, à la frontière entre la linguistique et la graphologie, pour lequel nous ne sommes pas spécialisée. La distinction entre textes et discours nous amènera ainsi à adopter deux approches complémentaires de nos copies, que l’on peut opposer plus concrètement avec Guespin135 de la façon suivante : « si on étudie les propriétés formelles d’un échantillon de langue, on le traite comme un texte, alors que si l’on étudie ses propriétés de communication, on le traite comme un discours ».

En résumé, notre objet d’étude, la copie d’examen, peut-être envisagée comme discours tout autant que comme texte. Toutefois, comme le souligne Bautier- Castaing136, « la maîtrise du discours passant par celle du texte, deux types d’étude des productions s’imposent : en tant que texte, en tant que discours ». C’est pourquoi nous veillerons à adopter les deux points de vue, et ce d’autant plus dans le cadre de l’écrit scolaire, où « l’enseignement explicite porte sur le texte ».

L’opposition entre compétences linguistiques et compétences de communication étant posée, il convient de remarquer que chacune de ces compétences peut en outre être décomposée. Parmi les compétences grammaticales ou plus largement « purement linguistiques », il convient de distinguer traditionnellement la morphologie, le lexique, la syntaxe, la phonétique, auxquels on peut ajouter la mise en scène énonciative (avec

134 Notons que c’est justement parce que la différence entre textes, discours et écrits n’est pas une différence

d’objets mais de points de vue sur des objets, que nous préférerons la notion de compétences sociolangagières. Nous exposerons plus loin cette position (voir infra, p.55).

135 Guespin Louis, 1971, « Problématique des travaux sur le discours politique » dans Le discours politique,

Langages n°23, Larousse, Paris, p.10.

136 Bautier-Castaing Elisabeth, 1980, « Pratiques discursives, pédagogiques : cause ou conséquence de l’échec

scolaire ? » dans François Frédéric (dir.), Conduites langagières et sociolinguistique scolaire, Langages n°59, Larousse, Paris, p.11.

en particulier l’utilisation à l’écrit des anaphores) ainsi que les compétences de mise en texte. A l’écrit, il convient d’ajouter la question de l’orthographe, qui transcrit partiellement et de façon infidèle les composantes phonétiques, morphologiques et syntaxiques des pratiques linguistiques, et qui peut transcrire également l’héritage historique de la langue, de façon là encore plus ou moins fidèle137.

Parmi les compétences sociales, il faut remarquer qu’un énoncé doit être conforme d’abord à la variété de langue mise en valeur dans la situation : à l’école c’est le cas le plus simple parce que la norme choisie y est explicite et explicitée : c’est la sur-norme pour laquelle il existe de très nombreuses descriptions, c’est la norme académique des dictionnaires, de la littérature et des manuels scolaires. Remarquons qu’ailleurs ce peut être une variété aristocratique / bourgeoise, une variété ouvrière / paysanne, une variété jeune / ancienne, une variété régionale, etc. Mais l’énoncé doit être aussi conforme au genre du discours que l’on tient et au degré de formalisme de la situation. De ce point de vue, la variété des situations fait varier les discours en fonction de leur

registre, de leur niveau ou de leur style – ce dernier terme étant employé ici avec le sens qu’il lui est donné dans la tradition américaine138.

1.3.1.3 Variation interne et variation externe

Nous verrons que nous serons amenée à remettre en cause l’opposition présentée ici entre compétences en langue et compétence en discours, et à lui préférer la notion de compétence sociolangagière. Néanmoins, il convient de noter que l’un des plus grands intérêts de cette opposition est de nous permettre d’opposer une approche fonctionnelle de la variation (variation interne), à une approche sociale de la variation (variation externe), opposition qui nous amène à reprendre les notions exposées plus haut de « fautes » et d’« écarts ».

Gadet définit la « faute » comme « d’un point de vue normatif, tout ce qui n’est pas conforme à la norme »139. La norme étant toutefois comme nous l’avons vu une construction sociale, il convient bien sûr de ne pas parler ici de fautes comme les signes d’une pathologie, ni comme les indices d’une quelconque déficience cognitive. Nous considérerons ici sous le terme de « faute » les pratiques qui ne sont pas conformes à la sur-norme, à la norme objective attendue140. L’analyse linguistique de ces « fautes » ne doit pas pour autant se limiter à une analyse dichotomique en JUSTE / FAUX : indépendamment du jugement normatif qui permet de les repérer, « il est important de chercher à saisir les mécanismes de ces fautes d’un point de vue

137 Nous sommes consciente de régler un peu rapidement ici la question de l’orthographe, mais nous aurons

l’occasion de revenir dans nos analyses sur ses particularités.

138 Nous reviendrons sur la question du genre et du style dans les copies d’étudiants dans le chapitre 3 (§3.1.1) 139 op. cit. p.9.

140 Le terme de « faute » impliquant l’idée d’une responsabilité de son auteur (c’est pour Le petit Robert ed. 2002

« un manquement à une règle, un principe »), le terme d’« erreur » serait peut-être moins polémique. Toutefois il ne nous semble pas réduire tellement le problème, puisqu’il implique toujours un jugement de valeur. En conservant ici le terme de faute, nous ne manifestons donc pas un choix théorique, mais plutôt la volonté d’éviter