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B. BvgAS : le système à deux composants de pertussis

1. Variation phénotypique/modulation de la virulence

Lors du développement de milieux sélectifs pour la croissance de B. pertussis, il a été montré que cette dernière était capable de changer de phénotype en fonction de la composition du milieu. Le terme de modulation phénotypique ou encore modulation antigénique a alors été proposé pour caractériser ce phénomène. Ainsi, un sérum qui permettait l’agglutination de B.

pertussis en conditions standards, était incapable d’avoir le même effet lorsque le chlorure de

sodium était remplacé par du sulfate de magnésium ou encore lorsque la bactérie était cultivée à de plus basses températures (de l’ordre de 25°C). Pour caractériser ce changement phénotypique, deux modes ont alors été définis. Le mode X (pour xanthique) correspond au mode de virulence où la bactérie produit ses facteurs de virulence et est agglutinée par le sérum, et le mode C (pour cyanique) caractérise l’état d’avirulence où la bactérie est non agglutinable et les facteurs de virulence ne sont pas produits. Ce changement phénotypique est un mécanisme réversible. Ainsi, une bactérie virulente cultivée dans un milieu induisant le changement phénotypique deviendra avirulente et inversement. Un autre mode a également pu être déterminé, il s’agit du mode I (mode intermédiaire) dans lequel la bactérie est agglutinable de façon fortement diminuée (Lacey, 1960; Coote, 1991).

a. Les modulateurs de la virulence

Des études ont été menées pour caractériser des éléments qui permettent la modulation de la virulence, que nous appellerons des modulateurs. Des modifications de milieu ont été

effectuées en remplaçant le chlorure de sodium par différents sels pour déterminer le pouvoir de modulation de chaque ion : pro-virulent (pro-mode X) ou pro-avirulent (pro-mode C) (Fig. 18, Lacey, 1960).

Ainsi, des températures supérieures à 30°C et certains ions, tels que le sodium, le potassium, les halides, le formate ou le nitrate favorisent la croissance ainsi que la virulence bactérienne. De plus basses températures (20-25°C) et d’autres ions comme le magnésium, le sulfate ou les acides mono- et di-carboxyliques à plus de deux atomes de carbone permettent l’avirulence de la bactérie. Le mode I est induit avec des concentrations en ions et températures intermédiaires.

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Figure 18 : Diagramme présentant les différents ions impliqués dans le contrôle de la virulence de B. pertussis. Le milieu des lignes joignant deux ions de charges opposées présente le sel formé. La position de ce point donne l’influence de modulation du sel. Les positions des ions entre parenthèses sont approximatives. Diagramme réalisé à partir des données de Lacey, 1960.

L’acide nicotinique utilisé en tant que vitamine pour la croissance bactérienne, a été décrit comme étant un modulateur de la virulence. En effet, une augmentation de la concentration de cette molécule de cent fois rend la bactérie avirulente (Pusztai and Joó, 1967).

En 1993, Melton et Weiss ont complété l’étude des modulateurs de B. pertussis en s’intéressant plus particulièrement à l’acide nicotinique et à ses dérivés. Ils ont ainsi identifié les propriétés chimiques du nicotinate importantes pour la modulation. Les modulateurs sont majoritairement des dérivés de l’acide nicotinique et de l’acide benzoïque. Une liste non exhaustive des modulateurs de B. pertussis est donnée en figure 19. Le groupe carboxyl semble être un élément indispensable pour la modulation, contrairement à l’atome d’azote du cycle. La structure plane du cycle aromatique ainsi que la résonance électronique de ce dernier semble être requis pour la modulation. Les mécanismes de modulation étaient alors restés inconnus, mais il semblait que la capacité de modulation fasse intervenir des interactions de type charge-charge entre les modulateurs et la portion périplasmique de BvgS (Melton and Weiss, 1993) (voir la partie II.B.3.b. pour la description des domaines de BvgS).

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Figure 19 : Exemples de modulateurs de la virulence de B. pertussis. La structure des composés ainsi que leurs concentrations minimales effectrices exprimées en mM sont représentées. Extrait de Melton and Weiss, 1993.

Des études plus approfondies des domaines périplasmiques de BvgS effectuées bien plus tard dans notre laboratoire ont montré que le nicotinate serait perçu par ces domaines senseurs et plus particulièrement par le domaine proximal à la membrane. Une modification du potentiel électrostatique de la cavité de ce domaine perturbe la réponse de BvgS à la modulation (Herrou et al., 2010).

Les différents modulateurs de la virulence de B. pertussis recensés jusqu’à ce jour sont efficaces à des concentrations élevées, de l’ordre du millimolaire, remettant ainsi en question leur rôle physiologique dans la pathogénèse. Il semblerait que les ligands naturels de BvgS perçus par la bactérie à l’intérieur de l’hôte n’aient jusqu’à présent pas été découverts. Il a été suggéré que les modulateurs doivent être suffisamment petits pour diffuser à travers les pores de la membrane externe.

b. Sensibilité à la modulation

Les modulateurs les plus couramment utilisés sont l’acide nicotinique, le sulfate de magnésium ainsi que les basses températures. Des différences au niveau des concentrations nécessaires pour permettre la modulation sont observables entre les différentes souches du complexe Bronchiseptica et particulièrement entre B. pertussis et B. bronchiseptica. La majorité des isolats de B. pertussis et des souches de B. bronchiseptica deviennent avirulentes lorsqu’elles sont cultivées à 37°C avec 4 mM d’acide nicotinique ou 10 mM de sulfate de magnésium, ou encore à une température inférieure à 26°C. Contrairement à ces souches, la

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souche de B. pertussis TohamaI, souche de référence au laboratoire, nécessite une plus forte concentration de modulateur, de l’ordre de 16 mM pour l’acide nicotinique et de 40 mM pour le sulfate de magnésium. Pour son passage en phase Bvg-, cette dernière requiert une température inférieure à 20°C (Prugnola et al., 1995; Martínez de Tejada et al., 1996). La sensibilité plus faible aux stimuli négatifs de la souche TohamaI comparée aux isolats de B.

pertussis s’explique par la présence d’une substitution d’un résidu glutamate en un résidu

lysine dans la région cytoplasmique de BvgS en amont de la kinase (Herrou et al., 2009). Ainsi, pour notre étude de BvgS et de sa réponse à la modulation, la lysine 705 de la souche TohamaI a été substituée en son résidu originel, le glutamate pour obtenir une sensibilité aux modulateurs plus importante.

Différentes mutations spontanées rendant BvgS insensible à la modulation ont pu être isolées. Certaines de ces mutations ont pu être cartographiées et correspondent à des substitutions non silencieuses dans la région liant le segment membranaire aux domaines cytoplasmiques, particulièrement au niveau du domaine PAS et dans les régions en hélice α en amont et en aval de ce dernier (Miller et al., 1992; Goyard et al., 1994; Manetti et al., 1994; Uhl and Miller, 1996). Il faut noter que ces mutations sont dominantes sur celles localisées au niveau des domaines périplasmiques et obtenues par de larges délétions ou de petites insertions, qui ont été décrites comme inactivant BvgS (Miller et al., 1992).