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1. Modulation chimique de la virulence : Perception du MgSO4

Le sulfate de magnésium est un modulateur de virulence, mais jusqu’à ce jour son site de fixation n’a pas été identifié. Au vu des résultats obtenus en résonance paramagnétique électronique, il semblerait que le sulfate de magnésium se fixe au moins en partie à la portion périplasmique de BvgS. Ces données sont en accord avec le phénotype de certains mutants des domaines VFT2 (mutant BvgSF317A hypersensible, mutants avec un pont disulfure dans le VFT2, insensibles). La perception de sulfate de magnésium permet le ralentissement du lobe 2 du VFT1. De manière générale, les mutants des domaines périplasmiques insensibles au nicotinate le sont aussi au sulfate de magnésium. Pourtant pour certains mutants, une réponse différente aux deux modulateurs est observable ce qui laisse à penser que ces deux modulateurs jouent par des mécanismes partiellement distincts (Dupré E., Thèse de doctorat, 2013). L’effet du sulfate de magnésium a été testé sur les chimères dépourvues de domaine PAS. Ce modulateur permet le passage en mode phosphatase pour les différents mutants sensibles au nicotinate. Ainsi, le domaine PAS ne semble pas être le site de fixation de ce modulateur. Cependant, de façon intéressante, le mutant BvgSflI690C à régulation inversée n’est pas réactivé par le MgSO4.

Le sulfate de magnésium pourrait avoir plusieurs sites de fixation au niveau de BvgS. Ainsi, il pourrait se fixer dans la cavité du VFT2 ou entre la surface du VFT2 et la membrane, comme pour les ions Mg2+ dans le cas de PhoQ (voir partie V.C.4.). Le sulfate de magnésium pourrait également se fixer à une interface de la région périplasmique, comme dans le cas des récepteurs eucaryotes au peptide natriurétique (voir partie III.B.5.c.). Certains coiled coils sont connus pour permettre la fixation d’ions à l’interface entre leurs hélices, comme dans le coiled coil à trois hélices de SadA de Salmonella enterica, un autotransporteur trimérique d’adhésines, qui présente de nombreux résidus polaires prédits pour être à l’interface du coiled coil. La structure de ce coiled coil fixant un anion de type bromide a été obtenue (Hartmann et al., 2009). Les ions sulfates ou magnésium pourraient agir de cette manière dans BvgS. Un autre site potentiel pour la fixation de MgSO4 pourrait être au niveau de la kinase, elle-même.

2. Modulation physique de la virulence : Perception de la température

Différentes mutations de BvgS au niveau de la portion périplasmique induisent une insensibilité du senseur-kinase à la température laissant à penser que la perception de ce stimulus pourrait se faire au niveau du périplasme (Dupré E., Thèse de doctorat, 2013). Lors de nos analyses de résonnance paramagnétique électronique, nous avons voulu tester l’effet d’une diminution de la température sur la portion périplasmique de BvgS mais nous nous sommes heurtés à une limitation de l’appareillage de mesure. L’étude de la perception de la température a été poursuivie en effectuant des analyses de Phos-tag sur la souche sauvage. La perception d’un changement de température induit une déphosphorylation de BvgA en deux

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temps, avec une phase rapide de quelques minutes puis une phase lente de plusieurs heures pour la déphosphorylation complète du régulateur de réponse. Cette cinétique en deux temps laisse à penser que plusieurs éléments de BvgS pourraient être impliqués dans la perception de la température ou qu’il faut suffisamment de temps à la bactérie pour s’adapter complétement à ce changement environnemental. Ainsi, la déphosphorylation rapide de BvgA pourrait être due à un ralentissement de la dynamique des VFT1, puis la modification de la membrane induirait un effet supplémentaire pour permettre la déphosphorylation complète de BvgA. Nous pouvons citer l’exemple de DesK, précédemment décrit dans la partie V.E., où une rigidification accompagnée d’un épaississement de la membrane surviennent après une diminution de la température. Il se pourrait également que le changement de température permette la production d’une molécule qui serait perçue par le domaine PAS et induirait le passage en mode phosphatase. Pour tester cette hypothèse, il faudrait déterminer la cinétique de déphosphorylation de BvgA pour une chimère dépourvue de domaine PAS et présentant une régulation par les modulateurs similaire à celle de BvgS.

3. Variation de phase

Les modulateurs de virulence déjà décrits tels que le nicotinate et le MgSO4 ou ceux déterminés lors de cette étude ne semblent pas être de bons ligands, et des concentrations millimolaires sont requises pour affecter l’activité de BvgS. Il se pourrait que B. pertussis ait évolué de telle sorte à fixer de ‘mauvais’ ligands et n’existe plus que sous deux phases, la phase Bvg+ sans fixation de ligand, à l’état basal, et la phase Bvgi suite à la perception du stimulus. Il a été montré que ces deux phases avaient lieu chez l’homme (voir partie II.B.2.d.). La phase Bvg-, utile à B. bronchiseptica pour sa survie dans l’environnement, pourrait ne plus exister chez B. pertussis étant donné que ce pathogène strictement humain a perdu de nombreux gènes pour sa survie dans l’environnement et que peu d’information sont disponibles quant à l’élaboration de cette phase chez l’homme. Toutefois, il n’est pas exclu que cette phase ait lieu à un moment précis dans le cycle infectieux de B. pertussis, lorsqu’elle rencontre un environnement particulier comme à l’intérieur d’un type cellulaire spécifique. Les infections de cellules phagocytaires réalisées lors de ce travail, ne nous ont pas permis de déterminer l’environnement dans lequel BvgS serait en phase Bvg-. Récemment, il a été montré que le profil d’expression génique de B. pertussis était modifié au cours de l’infection sur modèle souris. Ainsi, les phases Bvg+ et Bvgi seraient adoptées de manière préférentielle, mais certaines données obtenues supporteraient aussi l’existence de la phase Bvg- durant l’infection. En effet, une vaccination avec des protéines membranaires isolées de bactéries en phase Bvg- était capable d’induire une protection contre une infection intra-nasale. L’expression de plusieurs gènes vrgs durant l’infection a également été mise en évidence. De manière générale, plusieurs centaines de gènes sont exprimés différentiellement entre le haut et le bas du tractus respiratoire, suggérant que ces deux sites pourraient représenter des niches distinctes (Daan de Gouw, Thèse de doctorat, 2015). Il a également été suggéré que la phase Bvg- s’effectuait pour des bactéries B. bronchiseptica extraites de poumons de souris infectées, mais que cette modulation de la virulence n’était effectuée que pour une petite proportion des bactéries durant l’infection (Mason et al., 2013). Ainsi, des analyses restent à poursuivre pour déterminer les ligands in vivo de B. pertussis et pour caractériser le changement de phase phénotypique qui s’effectuerait durant le cycle infectieux de la bactérie.

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4. Une régulation complexe de la virulence

Précédemment décrit comme essentiel à la virulence, BvgAS ne semble pas être le seul système à deux composants impliqué dans la pathogénie et la régulation de l’expression des facteurs de virulence bactérienne. En effet, le système RisAS semble requis pour la survie intracellulaire, la résistance au stress oxydatif et la persistance dans le modèle d’infection murin (Stenson et al., 2005). Il a été montré que risA affecte la transcription et l’expression des vrgs. De plus, la kinase PlrS ainsi que son régulateur de réponse influencent l’expression des gènes requis pour la persistance de Bordetella dans le tractus respiratoire profond et la phosphorylation de la kinase est requise pour la colonisation du tractus respiratoire par B.

bronchiseptica (Kaut et al., 2011). Des études sont à poursuivre pour disséquer les

mécanismes de régulation de la virulence de B. pertussis. Ces différents éléments supplémentaires rentrant en compte pour la régulation de la virulence pourront être ciblés en vue d’un développement vaccinal ou médicamenteux.