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Bilan sur la transduction de signal au sein de BvgS via les linkers mécaniques

Les différentes expériences réalisées lors de cette étude ont permis d’étudier en détail la transmission d’information entre les domaines VFT et le domaine enzymatique, la kinase. Au niveau périplasmique, les hélices H19 présentent des contacts proches et doivent être dotées de la dynamique nécessaire pour la transmission de la contrainte imposée par les domaines VFT. Pour favoriser la transduction de signal, il est possible que certains de ces résidus soient fixés par des interactions avec les têtes polaires des lipides. Dans la première partie du segment transmembranaire, les hélices sont proches et sujettes à une dynamique rotationnelle. Dans la seconde partie du segment, ces hélices ont tendance à s’écarter. Le résidu glycine 549 délimite les deux segments et pourrait constituer un point de pivot. Etant donné qu’aucune différence dans les contacts entre les hélices transmembranaires n’apparait en conditions de modulation, nous suggérons un mécanisme de piston vertical et symétrique lors de la transition vers le mode phosphatase. La fermeture des VFT1 ou la rigidification des VFT2 après fixation de nicotinate pourrait ‘tirer’ sur les segments transmembranaires vers le périplasme pour déclencher la transition vers le mode phosphatase.

Vers la fin du segment transmembranaire, on retrouve une organisation en coiled coil, long d’environ 3 tours d’hélice et sujet à une dynamique rotationnelle à l’état basal (kinase). A l’état phosphatase, la dynamique rotationnelle du coiled coil est réduite et le coiled coil n’est plus que de 2 tours d’hélice. Il se termine par une région pivot (L577-Q580) après laquelle les hélices s’écartent. Les deux résidus Leu577 et Gln580 respectivement en positions ‘a’ et ‘d’ du coiled coil sont quasi invariants dans la famille, ce qui souligne leur importance fonctionnelle.

Dans la famille de BvgS, ce linker est caractérisé par la présence de nombreux résidus chargés. L’Arg570, extrêmement conservée adopte une position ‘a’ du coiled coil et est

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nécessaire pour la transition vers le mode phosphatase. Plusieurs autres résidus chargés plus bas dans le coiled coil ont également révélé leur importance pour cette transition. Ils pourraient soit renforcer les hélices par des interactions ioniques intra-chaine, soit interagir avec le domaine PAS, et ces interactions rendraient possible la transition.

Le domaine PAS pourrait adopter deux interfaces. A l’état basal (kinase), il présente une certaine dynamique. La perception de modulateur au niveau des domaines VFT permettrait une réorganisation du domaine PAS. Les analyses de topologie et de dynamique ne nous permettent pas pour l’instant de proposer un modèle de signalisation pour ce domaine, d’autant plus que beaucoup de mutations dans le domaine PAS affectent drastiquement la fonction de BvgS. Le mutant présentant une régulation inversée nous guidera peut être à comprendre le mécanisme de ce domaine.

Le coiled coil situé entre les domaines PAS et kinase présente une forte dynamique à l’état basal favorisant un état dynamique/asymétrique de la kinase. La perception de modulateur permet une rigidification du connecteur et induit alors le mode phosphatase.

Ces différentes informations sont synthétisées grâce au schéma-bilan ci-dessous (Fig. 96).

Figure 96 : Schéma bilan de la transduction d'information entre les domaines périplasmiques et la kinase. A l’état basal (kinase, gauche), la dynamique des domaines périplasmiques impose une certaine contrainte/dynamique sur les hélices H19 périplasmiques qui s’étendent dans le cytoplasme. Au niveau membranaire et sous-membranaire des contacts proches des hélices sont observables. Ces dernières sont sujettes à des mouvements de rotation et présentent une certaine dynamique. Le domaine PAS pourrait être doté de mouvement de respiration permettant l’induction d’une dynamique pour le coiled coil en aval qui rend possible l’autophosphorylation de la kinase. Il semblerait alors qu’à l’état kinase, BvgS soit globalement dynamique. A noter qu’il doit y avoir différents degrés de dynamique au sein de la protéine, qui pour le moment n’ont pas pu être quantifiés. Après la perception de modulateur (phosphatase), un

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mouvement de piston symétrique tirerait sur les hélices transmembranaires. Ceci causerait sans doute la pénétration limitée du coiled coil sous-membranaire dans la bicouche, ainsi qu’un mouvement de cisaillement induisant un écartement des hélices avant le domaine PAS. Ceci induirait une réorganisation non caractérisée du domaine PAS avec certainement un changement d’interface. Ces modifications permettraient au coiled coil en aval d’adopter son interface stable de repos induisant l’état symétrique et stable du domaine kinase pour l’activité phosphatase. Les mutations W535A (Dupré et al., 2015a) et D695A (Dupré et al., 2013) colorées en rouge permettent l’obtention de mutants inactifs suggérant que ces mutations interrompent le couplage mécanique entre domaines de façon irréversible. Quant aux mutations constitutives elles n’interrompent pas le couplage mais l’affaiblissent modérément, empêchant ainsi la transition vers l’état phosphatase. Dans la troisième colonne du schéma, sont référencés en bleu, rouge et violet, respectivement les résultats supportant le modèle de transmission d’information à l’état basal, suite à la perception de modulateur ou ces deux états d’activité. Pour l’activité du système, la taille, la composition ainsi que l’interface des hélices des deux coiled coils précédant la kinase sont importantes. Les abréviations CC et cys scan correspondent respectivement au coiled coil et aux analyses de cysteines scanning.

Le senseur-kinase BvgS peut fonctionner sous une forme simplifiée avec le remplacement du domaine PAS par un linker provenant d’homologues de BvgS dépourvus de domaine PAS. Grâce à la construction de ces chimères, la transmission de signal au sein de senseurs-kinases ‘simples’ peut être étudiée. La composition ainsi que la taille du linker entre les domaines VFT et la kinase jouent un rôle important pour le passage en mode phosphatase. Le schéma bilan ci-dessous (Fig. 97) retrace les informations obtenues lors de l’étude des chimères de BvgS.

Figure 97 : Schéma bilan de la transduction d’information au sein des chimères de BvgS dépourvues de domaine PAS. A l’état basal (kinase), les domaines VFT vont imposer une contrainte/dynamique sur les hélices H19 périplasmiques qui s’étendent dans le cytoplasme jusqu’au domaine kinase pour permettre son autophosphorylation. BvgS semble caractérisé par une dynamique dont l’intensité doit variée suivant la région du senseur-kinase. Les mutants insensibles à la modulation sont caractérisés par un coiled coil entre les VFT et la kinase de composition particulière ou trop court pour permettre le passage en mode phosphatase. Pour les chimères présentant un linker de plus grande taille, ou un linker plus court mais avec un renforcement du coiled coil, la fermeture du VFT1, ou la perception de modulateur rigidifie le coiled coil aboutissant au mode phosphatase.

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IX.

Etude du rôle potentiel du domaine PAS dans la fixation de ligand

Les domaines PAS sont connus pour jouer un rôle dans la perception et la transduction de divers signaux. Nous avons ainsi voulu déterminer si le domaine PAS de BvgS était le site de fixation d’un ligand spécifique. Des études préalables ont montré l’importance de l’intégrité de la cavité du domaine PAS pour l’activité de BvgS (Dupré et al., 2013). Une diminution modérée de la stabilité du domaine conduit à l’obtention de mutants présentant une activité kinase et une insensibilité à la modulation ; lorsque le domaine PAS est davantage déstabilisé les mutants obtenus sont inactifs (Dupré et al., 2013). Sur base des résultats que j’ai obtenus lors de l’étude de la transduction de signaux (partie VIII), nous pouvons proposer qu’une déstabilisation modérée du domaine PAS augmente sa dynamique et entrave ainsi la transition vers l’état phosphatase. Lorsque le domaine PAS est fortement déstabilisé, celui-ci serait alors trop lâche pour contrer la tendance du coiled coil en aval à adopter son interface de repos, ce qui met le domaine enzymatique en mode phosphatase. Pour contrôler la stabilité du domaine PAS et ainsi réguler l’activité de BvgS, la cavité pourrait fixer un ligand particulier. Il peut s’agir d’un ligand agoniste dans l’état basal du système, qui reflèterait par exemple l’activité métabolique de B. pertussis. Cette fixation stabiliserait le domaine PAS et lui permettrait de transmettre à la kinase la dynamique des VFT (Fig. 98). Il se pourrait également que le domaine PAS fixe un ligand antagoniste qui induirait une réorganisation du domaine ou un changement de sa dynamique, causant le passage en mode phosphatase. Pour le moment, la piste d’un ligand stabilisateur du domaine PAS a été étudiée puisque nous disposons d’outils pour sa mise en évidence.

Figure 98: Représentation schématique de l’effet sur l’activité de BvgS, de la fixation hypothétique d’un ligand par le domaine PAS. La fixation d’un ligand agoniste (représenté par la lettre noire ‘L’, A et B) permettrait de stabiliser le domaine PAS (représenté par la coloration bleue). Ce dernier adopterait alors une structuration/conformation lui permettant de transmettre les signaux provenant des domaines VFT jusqu’à la kinase (annotée HK : entourée de bleu pour caractériser le mode kinase ; entourée de rouge pour le mode phosphatase). Le domaine PAS agirait alors comme un relais de l’information. L’absence de ce ligand agoniste (L barré, en C) déstabiliserait le domaine PAS (représenté par la coloration blanche). Ce dernier serait alors trop lâche pour transmettre les informations provenant des VFT. Le linker en aval adopterait alors sa conformation stable de repos causant le passage vers l’état phosphatase. La fixation d’un ligand antagoniste (‘L’ coloré en rouge, en D) par le domaine PAS permettrait une déstabilisation ou un réarrangement structural du domaine (représenté par la coloration marron) et conduirait au passage vers l’état phosphatase.

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