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Chapitre 12 Analyse des entretiens d’explicitations

12.1. Analyse de l’expérience de A9

12.1.1. Variables individuelles et dispositions de A9

A9 est une jeune femme mexicaine âgée de vingt-deux ans. Elle a suivi pendant

trois ans des études de communication et de journalisme et n’a pas appris d’autre langue

étrangère en dehors du français. Elle a entamé son apprentissage du français au

Mexique à raison de six heures par semaine pendant six mois, aidée d’un professeur

particulier et d’une méthode. Une fois arrivée en France, elle a également suivi une

formation pendant trois mois dans le cadre d’une association avant de s’inscrire au

DéFLE. Elle est venue en France pour suivre son petit ami français. Elle ne projette pas

de s’y installer définitivement car elle éprouve des difficultés à s’adapter à la société

française. Elle souhaite cependant apprendre le français pour pouvoir communiquer

avec son entourage amical et familial francophone :

 « Mon copain, il est français et j’ai venue aussi pour lui, et c’est nécess- c’est

nécessaire parler français, parler avec ses amis, ses familles, pour ça. Hum hum

je ne sais pas si + j’aim- hum je préfèrerais vivre ici, parce que c’est- pour moi

c’est difficile à cause de la culture, les habitants + hum comment ça s’appelle….

Les habitoudes ? <les habitudes> Les habitudes. Non non c’est différent du

Mexique. Je préfère le Mexique. » (1 : 3)

Elle aimerait également trouver du travail le temps de son séjour en France après

avoir suffisamment appris le français pour pouvoir se débrouiller seule. Sa motivation

est multiple : elle est à la fois extrinsèque (personnel et vocationnel), mais également

intrinsèque de type épistémique puisqu’elle déclare aimer la langue française dans son

questionnaire exploratoire.

En fonction des résultats obtenus aux pré-tests, elle a été placée dans le groupe

3. Il s’agit d’un groupe correspondant à un niveau élémentaire (le niveau A2 du

CECRL) et mis sous tutorat parallèlement aux cours du tronc commun. Pour faire face

rapidement à des besoins langagiers de première nécessité, le volume horaire de ces

cours (dix heures) est plus important que dans les autres groupes intermédiaires ou

avancés. Elle n’avait donc la possibilité de choisir que trois autres cours. Elle a opté

pour les cours suivants : découverte de Nancy, prononciation, préparation aux épreuves

du DELF B1. Elle s’en explique comme suit :

1) Découverte de Nancy : pour mieux connaître la ville et visiter les musées.

 « Les conveniences, pour connaître la ville, les museos » (1 : 30)

2) Prononciation : pour améliorer son expression orale.

 « prononciation, pour savoir pronuncio + […] Bien les mots. Parce que pour moi

c’est difficile la prononciation. » (1 : 30-33)

3) Préparation aux épreuves du DELF B1 : pour obtenir un diplôme et parce qu’elle

pense en avoir besoin pour pouvoir travailler en France.

 « Y préparation del B1 pour l’examen […] Euh, je ne sais pas pourquoi +

L’avoir [pron=levEr] c’est nécessaire pour trouver, je ne sais pas, un travail ici,

y si je voudrais trava- travailler ici, je crois que hum un travail + hum les

personnes me dit que je dois B1, je pense ! » (2 : 5).

Liées à sa culture d’apprentissage et son passé d’apprenant, les représentations

de A9 sont plutôt défavorables à l’acquisition. D’après les deux tests psychométriques

de représentations remplis en début et en fin de formation, A9 estime que pour

apprendre le français, il faut apprendre par cœur, avec une méthode et traduire mot à

mot. Elle évoque souvent le mot « mémoriser » : « Qu'est-ce que memory + comment »

« Que mémoriser oye quelque chose » « Mémoriser + les verbes » (12 : 19-21-25). En

revanche, le fait que A9 se serve de sa langue maternelle comme langue d’appui est une

représentation favorable à son apprentissage : « Pour moi, le français, c’est facile parce

que c’est pareil à l’espagnol » (9 : 26).

Concernant ses interactions au DéFLE, nous notons qu’elle est présente aux

séances de tutorat et se rappelle de quelques conseils reçus : « Bueno, elle {sa tutrice}

nous dit nous disons que sont nécessaires + écoutons + la radio, télévision, voir films,

programmes. » (8 : 30). Elle participe aussi aux séances de conversation avec le

 « Hum, je- oh euh l’étudiant français, il parle très très vite […] Quand je

suis ***{inaudible} avec la mam- la mère de mon copain, je comprends parce

que ils parlent lentement et pour moi c’est facile de comprendre. Mais l’étudiant,

il parle elle parle beaucoup, beaucoup, beaucoup vite.» (6 : 14-20)

Par contre, elle dit ne pas interagir avec ses pairs puisqu’elle estime n’en retirer

aucun bénéfice : « Je ne parlais avec les étudiants étrangers. Mais non, parce qu'ils

parlaient le même que moi non » (11 : 9).

Elle préfère interagir avec des Français et surmonte les problèmes de

communication rencontrés en ayant recours à des stratégies compensatoires :

 « Comme par exemple au Macdo, quand tu vas à manger + […] je comprends

mais + je toujours toujours disais ‘je ne parle pas bien le français’, ‘Ah

d’accord’. Mais il me comprend parce que je parlais lentement. Et oui je peux

parler avec un restaurant. » (12 : 32)

Elle montre ainsi les signes d’un sentiment d’efficacitépersonnelle favorable à

l’acte d’apprendre. Elle prend l’initiative par ailleurs de chercher sur internet des

activités de compréhension orale pendant qu’elle est au CLYC, elle anticipe la suite de

ses choix d’apprentissage pour améliorer notamment son expression et prend en

considération les conseils de son entourage :

 « Oui, je j’étais sur la ordinateur euh pour chercher hum je ne sais pas, une page

de français pour écoute » (2 : 22) ;

 « Si l’année prochaine, je suis ici, je préfère le cours de théâtre […] Parce que

parler, beaucoup d’expressions, comment exprimir » (14 : 13) ;

 « Toutes les personnes, par exemple mon copain, la mère de mon copain, ils me

disent ‘c’est meilleur que tu écoutes la radio, ou voir la télévision’. Tous les

Français que je connais me disent ça » (9 : 14).

A9 mesure le chemin qu’il lui reste à parcourir et le temps qu’il lui faut pour

atteindre son but mais cela ne la décourage pas. Elle nourrit l’espoir de mener à bien son

apprentissage, s’appuyant sur l’exemple réussi d’une ancienne étudiante du DéFLE :

 « Le oncle de mon copain, il est mariage avec une des + comme s’appelle + une

Russa…<Ah une Russe ?> Oui, et la Russe a une fille, il est étudiant ici. <Au

DéFLE ?> Oui, pour deux ans. La fille, elle ne parle pas rien de français. Et

quand il vient ici, il apprend bien bien le français, parce qu’il étudiait deux ans.

J’espère que j’apprends comme lui. » (12 : 19)

En comparaison de cours précédemment suivis avec un enseignant

hispanophone, sa formation au DéFLE lui paraît plus difficile puisqu’elle se déroule

entièrement en français mais cela ne la dérange pas, bien au contraire. Elle espère

progresser de cette manière :

 « c’était très différent. Parce que + comment le professeur, il + quelquefois il

parlait en espagnol. Pour moi, c’est facile. Parce que, quand je ne comprends pas

le professeur, il le dit en espagnol. Et c’est facile. < Et c’était difficile pour vous

alors d’avoir les cours en français seulement ? > Oui {rires}, oui mais c’est

meilleur pour apprendre. Mais j’espère que je peux apprendre facilement. » (10 :

18)