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Chapitre 2 Dispositions de l’apprenant adulte

2.3. Les interactions sociales

2.3.2. Interactions sociales et théories d’apprentissage

2.3.2.2. Le socioconstructivisme de Vygotski

L’approche socioconstructiviste a été fondée par le psychologue russe Vygotski

(1896-1934). Conformément à la théorie de Piaget, Vygotski souscrit au fait que

l’apprenant construit son propre savoir. Ceci étant, il se distingue de son contemporain

en considérant que cela se produit nécessairement grâce à l’environnement social. Pour

Vygotski, la direction du développement de la pensée va du social à l’individuel. Il

accorde à l’interaction sociale un rôle primordial dans le développement cognitif du

qui se situent au niveau inter-psychologique. L’appropriation d’outils sémiotiques

faisant partie du langage tels que les rites, les coutumes et les institutions, se produit à

travers l’interaction sociale. L’interaction entre un tuteur ou un pair expert et un enfant

permet l’ouverture d’un espace de transformation progressive des compétences

cognitives de l’apprenant que Vygotski appelle zone proximale de développement (zone

of proximal development). Brossard (2004 : 103) traduit et cite un paragraphe de

l’ouvrage de Vygotski intitulé Pensée et Langage, où il explique ce phénomène :

« Ainsi l’élément central, écrit Vygotski, pour toute la psychologie de

l’apprentissage est la possibilité de s’élever dans la collaboration avec quelqu’un

à un niveau intellectuel supérieur, la possibilité de passer, à l’aide de l’imitation,

de ce que l’enfant sait faire à ce qu’il ne sait pas faire. C’est là ce qui fait toute

l’importance de l’apprentissage pour le développement et c’est là aussi

précisément le contenu du concept de zone proximale de développement ».

Brossard (ibid. : 156) attire notre attention sur le fait que le mot imitation dans la

citation ne signifie pas reproduire un modèle mais s’entend dans le sens d’une action

collaborative. Il souligne aussi le fait que « la zone proximale de développement existe

à tous les âges de la vie mais elle prend des formes différentes selon les types

d’interaction mis en œuvre dans les contextes préscolaires et scolaires ». Nous

retrouvons d’ailleurs la définition de la zone proximale de développement beaucoup

plus tard dans la définition de Van Der Maren (1996 : 27) concernant l’enseignement où

il explique le rôle que peut jouer un enseignant expert dans le développement cognitif

de ses élèves :

« L’enseignement (enseigner) se définirait, selon notre optique, par l’ensemble

des activités qu’accomplit l’individu censé savoir (l’enseignant) afin de conduire

les individus censés apprendre (les enseignés) à réaliser certaines activités

mentales ou physiques qu’ils ne feraient pas, ou du moins pas à ce moment-là,

en dehors de la présence ou de l’action de l’enseignant.»

Vygotski précise que ces fonctions psychiques supérieures sont d’ordre culturel

et qu’un bon apprentissage peut dépasser le développement intellectuel biologique de

l’apprenant. Il se démarque ainsi de la théorie de Piaget selon laquelle le développement

biologique de l’enfant prédomine dans l’apprentissage. Selon Brossard (2004 : 89),

Piaget « insiste sur la nécessité pour l’enseignant de s’interroger sur le niveau de

développement cognitif atteint par les élèves avant d’entreprendre un nouveau

programme ». Vygotski souligne plutôt le fait qu’il ne faut jamais étudier le

développement humain de façon isolée mais, selon ses mots, associé aux « […]

transformations des rapports entre les différents domaines du développement : moteur,

affectif, intellectuel, social, langagier. Etudier la psychologie, c’est étudier les

interrelations qui s’établissent entre ces différentes fonctions » (ibid.) .

Dans sa théorie historico-culturelle, Vygotski avance l’idée que le

développement cognitif de l’enfant est dû à son environnement social, à l’histoire et au

développement des sociétés humaines. A sa naissance, l’enfant trouve dans son

environnement social les outils psychologiques nécessaires au développement de son

intelligence. Parmi ces outils psychologiques, figure en première ligne le langage.

Vygotsky précise d’ailleurs que « les dialogues adulte-enfant sont l’occasion de

multiples négociations et redéfinitions des significations des mots » (cité et traduit par

Brossard, 2004 : 34).

Vygotski (ibid. : 100) envisage ainsi l’apprentissage comme des « activités

culturelles complexes dotées de sens » à l’image de l’apprentissage de la lecture, de

l’écriture ou de la résolution de problèmes rencontrés dans l’apprentissage. Il considère

ces activités comme complexes car :

« Elles sollicitent plusieurs fonctions et nécessitent la coordination de plusieurs

actions. Elles sont dotées de sens en ce qu’elles sont porteuses de finalités du fait

de leur inscription dans une ou plusieurs sphères des activités humaine. » (ibid.).

Il ressort de la théorie de Vygotski que l’apprentissage est d’origine

socioculturelle. Elle repose sur deux concepts essentiels, le social et l’activité, comme le

soulignent Garnier, Bednarz et Ulanovskaya (2004 :17) :

« Dans la première acception, le développement de l’apprenant apparaît à la fois

comme le résultat de son immersion dans un environnement culturel et comme

le processus même de l’appropriation qu’il en fait. […] Dans la seconde

acception, le social se trouve relié à l’activité, l’enfant ne pouvant s’approprier

l’environnement culturel qu’en étant actif. »

Léontiev (1903-1979), spécialiste russe de la psychologie du développement,

prendra la suite des travaux de Vygotsky en 1975 en élaborant sa propre théorie de

l’activité autour de la personnalité, le domaine social et organisationnel. Selon Parot

(2008 : 170-171), Léontiev analyse l’activité comme « un système ayant sa propre

structure, ses transformations internes, son développement : elle peut servir d’enveloppe

dynamique au sujet et à l’objet, elle est médiatisée par la réflexion mentale et sert à

orienter le sujet dans le monde des objets ». Léontiev (ibid.) envisage l’activité selon

trois niveaux hiérarchiques :

« L’activité est dirigée par le motif, les actions sont gouvernées par des objectifs

distincts et séparés, elles sont partagés socialement, puis chaque action inclut des

opérations diverses elles-mêmes gouvernées par des conditions spécifiques. »