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Chapitre 1 Le dispositif en question

1.3. Définitions et concepts clefs

1.3.1. Qu’est-ce qu’un dispositif de formation ouverte ?

D’après Pothier (2003 : 82), le terme ouvert « peut faire référence à diverses

formes d’ouverture. La première concerne le public visé […]. La deuxième peut

concerner la liberté des rythmes et des fréquences d’apprentissage […]. La troisième

fait référence à des ressources ouvertes, libres et sans restriction ». Nous retrouvons

également ces trois formes d’ouverture dans la définition de l’UNESCO qui associe une

formation ouverte à « une liberté d’accès aux ressources pédagogiques mises à

disposition de l’apprenant, sans aucune restriction, à savoir : absence de conditions

d’admission, itinéraire et rythme de formation choisis par l’apprenant selon sa

disponibilité et conclusion d’un contrat entre l’apprenant et l’institution ». Selon Carré

(2005 : 52), c’est surtout « la dimension individuelle de la formation qui est au cœur de

la définition des formations ouvertes ». Cette dimension est également prise en compte

dans la définition des experts du collectif de Chasseneuil (2000 : 3) qui comprend trois

critères essentiels pour qu’un dispositif soit considéré comme ouvert :

« - est un dispositif organisé, finalisé, reconnu comme tel par les acteurs,

- qui prend en compte la singularité des personnes dans leurs dimensions

individuelle et collective,

- et repose sur des situations d’apprentissage complémentaires et plurielles

en termes de temps, de lieux, de médiations pédagogiques humaines et

technologiques, et de ressources. »

Jézégou (2002 : 44) situe le développement de ces dispositifs au début des

années 1990. Ils apparaissent pour compléter ou remplacer les formations dites

« conventionnelles » que sont les « stages ». Or, ce qui distingue ces dispositifs de

formation ouverte et les stages, ce sont les moyens utilisés. Les dispositifs de formation

ouverte réclament plus de moyens « humains, pédagogiques, logistiques,

technologiques, et cela dans des équations économiques et des configurations

d’espace-temps plus complexes que dans les dispositifs classiques » (ibid.).

D’après Jézégou (ibid. : 43), le terme d’ouverture est fréquemment associé à

celui de distance, comme en témoigne communément le sigle FOAD (Formation

Ouverte et A Distance), mais le premier terme est « flou » et « tout aussi polysémique »

que le deuxième, ce qui soulève chez elle trois questions (ibid.) :

« L’ouverture et la distance sont-elles inévitablement liées l’une à l’autre ? […]

Mais de quelle distance parle-t-on ici ? (…) Qu’est-ce qui permet de dire qu’une

formation est ouverte ou fermée ? »

A la première question, Jézégou (ibid. : 44) finit par répondre que « le terme

‘ouverture’ entraîne avec lui, comme de plus en plus inexorablement liés l’un à l’autre,

celui de ‘distance’, complexifiant encore davantage sa compréhension et son explication

». Répondant à la deuxième question, elle définit d’ailleurs le terme de distance par

« ‘l’éloignement géographique’, c’est-à-dire l’espace géographique qui sépare

l’apprenant ‘isolé’ de son dispensateur de formation » (ibid.), mais elle ajoute à cet

« éloignement géographique » une autre distance, qui contribue à l’isolement éducatif

de l’apprenant, appelée « distance pédagogique » ou « distance éducative » (ibid.).

La notion de « distance pédagogique » est apparue dans les travaux de Michael

G. Moore en 1993 (cf. « The theory of transactional distance »). Cette théorie a été

reprise plus tard par Bouchard (2000 : 69) et traduite par « la distance

transactionnelle ». Selon Bouchard (ibid.), Moore désigne par ce concept « l’ensemble

des facteurs pouvant contribuer à l’écart perceptuel / communicationnel entre

l’enseignant et l’apprenant. L’ampleur de l’écart se mesure à la présence (ou à

l’absence) d’un dialogue éducatif, d’une part, et à la présence (ou l’absence) d’une

structure plus (ou moins) contraignante, d’autre part ».

Dans les années 90, les principaux buts de la plupart des dispositifs présentés

comme ouverts étaient uniquement la formation d’un grand nombre d’apprenants ainsi

qu’une grande « productivité pédagogique » (Jézégou, 2002 : 46). Ils sont décrits par

Jézégou comme un modèle de « pédagogie fermée » (ibid.) :

« Les parcours sont standardisés bien que présentés comme ‘personnalisés’ ; les

contenus médiatisés sont décomposés en séquences logiques allant jusqu’à la

granulation des savoirs ; l’accompagnement pédagogique est régi par une

logique de contrôle institutionnel […] Il s’agit de dispositifs conçus de telle

manière qu’aucune variation de leur structure n’est permise ou tolérée : les

objectifs et les moyens médiatisés sont imposés. » (ibid.)

Même si ce genre de dispositif a existé ou existe encore, il n’est pas représentatif

de la majorité des dispositifs de formation ouverte de nos jours. Il existe actuellement

d’autres dispositifs créés selon une organisation et des modalités pédagogiques plus

flexibles dans le but de réunir les trois facteurs suivants : 1/ réduire les problèmes liés à

la distance transactionnelle, 2/ tenir compte de l’autonomie de l’apprenant, 3/ profiter de

l’avancée d’internet et des technologies nouvelles. Ce sont des modèles de dispositifs de

formation « hybride » (blended), qui alternent présentiel et distance, ou des dispositifs

de formation ouverte en présentiel, capables comme le souligne Bouchard (2000 : 72)

« […] d’offrir des programmes éducatifs interactifs permettant à l’étudiant d’exercer

une influence à la fois sur les objectifs et la structure des apprentissages, et d’établir un

dialogue durable et significatif avec l’enseignant, avec les autres étudiants, et avec un

nombre théoriquement inépuisable de personnes-ressources ».

Pour répondre à la troisième question et distinguer finalement une formation

ouverte d’une formation fermée, Jézégou (2005 : 85) se réfère à Bouchard :

« Paul Bouchard défend le fait que les efforts de réduction de la distance

géographique, que permet la communication éducative médiatisée, ne suffisent

pas à qualifier un dispositif ‘d’ouvert’. Une autre composante bien plus

fondamentale entre en jeu : celle de son niveau de souplesse organisationnelle et

pédagogique. »

Nous retrouvons la mention de cette composante à travers deux définitions qui

ont particulièrement retenu notre attention ; elles soulignent l’existence de liens

dynamiques, complexes mais inhérents entre le dispositif et les apprenants. La première

définition est celle de Linard (1998 : 1) qui compare le dispositif à une scène de théâtre :

« Un dispositif implique donc une mise en système délibérée des éléments et des

conditions d’une action, une construction cognitive fonctionnelle, pratique et

incarnée. Cette construction présuppose quelqu’un derrière la représentation de

l’effet visé et une logique de type dramatique qui combine la mise en scène des

protagonistes, des rôles et des circonstances avec les règles empiriques du

déroulement de l’action. »

Selon Linard, la mise en œuvre d’un dispositif de formation consisterait à mettre

dans la balance d’un côté l’intentionnalité de départ, le cadre fourni et projeté par le

concepteur et de l’autre la liberté d’interprétation, d’appropriation et d’action laissée

aux formateurs et apprenants tels que le feraient un metteur en scène et ses acteurs pour

une pièce de théâtre. Lameul (2009 : 26) souscrit à la définition et la métaphore

théâtrale de Linard en affirmant qu’« il en va de même dans les dispositifs de formation

où le jeu d’apprentissage de chaque participant entre en plus ou moins grande résonance

avec l’environnement qui lui est proposé et explique en partie la variété des parcours de

formation ». Lameul (ibid.) s’appuie également sur le caractère dynamique du dispositif

« […] rien n’est définitivement stabilisé et acquis : tout se rejoue en

permanence. D’où l’idée de plasticité, de vigilance à avoir au niveau collectif et

individuel pour que chacun rencontre en fonction de ses dispositions, les

éléments dans le dispositif qui lui permettent de construire sa situation et de

construire sa juste posture. »

La deuxième définition qui suscite notre intérêt est celle de Bernard (1999 :

263), où le premier enjeu mis en avant est celui de répondre au mieux à la demande des

apprenants :

« Le dispositif est un construit d’éléments en fonction des demandes, des

situations, des contextes, pour une action de formation donnée dans un contexte

d’organisation(s) et d’institution(s). En cela, il en prolonge la culture de

l’institution de formation, tout en produisant une micro-culture. […] Outre le

recours au pluri-média, il prend en considération la personnalisation, la

socialisation, l’alternance, l’expérience, la pratique, et la recherche pour et par la

formation. »

Autrement dit, ce qui caractérise les dispositifs de formation ouverte, c’est la

volonté de prendre en compte le public accueilli et de s’adapter à la situation

particulière de chaque apprenant grâce à la flexibilité d’une offre de formation conçue

en fonction des principes qui constituent l’identité de l’institution. Parmi ces principes,

figure en première ligne l’autonomie.