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Validations externes de l’évolution de Gabin

Photo, Julien Crasnier Japon,

La 3 ème séance :

6.3 Validations externes de l’évolution de Gabin

Au bilan de juillet 2011, l’institutrice confirme les efforts et les progrès d’un élève qui devient un des plus performants de sa classe tant par son attitude que par ses résultats.

Les parents témoignent également d’une nette progression dans le milieu familial.

Le suivi thérapeutique a été centré non sur un enfant handicapé mais sur une personne.

Cette perspective a contribué à faire émerger la position nouvelle de Gabin sur son passé et à le placer comme auteur de son avenir.

Il n’est plus un objet sur lequel sont portés des regards, il est lui même détenteur d’un regard qu’il pose sur le monde. Il peut désormais s’avancer dans la vie. Après les vacances estivales, Gabin relate avec plaisir les moments forts et s’empresse de parler de son proche anniversaire, occasion pour lui de faire avec réalisme une rétrospective sur son passé avec quelques pointes de tristesse parfois.

Pourtant il s’enthousiasme quand il évoque son avenir. Confiant et décidé, il accepte la proposition d’une passation du WISC IV.

6.3.3

Résultats au WISC IV

6.3.3.1 Sur un plan qualitatif

C’est avec beaucoup d’espoir (au regard de toute son attitude) quant à de meilleurs résultats qu’à ceux obtenus les années passées que ce bilan est présenté.

La zone proximale de développement est donc sollicitée avec une croyance dans ses performances fortement communiquées.

Rappel préliminaire à Gabin de son dernier bilan en date de septembre 2009, entre temps la psychologue scolaire l’avait aussi testé (septembre 2010), une année plus tard (septembre 2011), il s’agit de « faire exploser les scores ».

Cette phrase fait éclater de rire Gabin et va servir de leitmotiv tout au long des items, ainsi la bonne humeur partagée voire la décontraction véhiculée pour « faire exploser les scores » ajoute à la concentration, à la réflexion et à l’application attendue, une volonté jamais autant perçue jusqu’alors.

Eléments importants, Gabin demande à chaque fois combien il a eu sur les autres bilans, (logiciel du WISC ouvert avec écran mis à sa disposition) ; il veut absolument dépasser les scores « je veux réussir et j’y arriverai à faire exploser

les scores» ces mots d’engagement sont prononcés huit fois au cours de ces

trois séances de passation.

6.3.3.2 Sur un plan quantitatif

Sept. 2009 Sept. 2010 Sept. 2011

WPPSI R WISC IV Ecart WISC IV Compréhension verbale 86 + 10 96 Raisonnement perceptif 63 + 12 75 Mémoire de travail 53 = 53 Vitesse de traitement 62 +11 73 Echelle totale 42 55 +27 69

Ecart de 27 pointsentre septembre 2009 et septembre 2011.

Synthèse : + 27 points en 2 années car trois passations mais 2 années effectives (2009-2010 et 2010 -2011).

Commentaire

Gabin a voulu et a réussi à montrer le meilleur de lui-même et les scores, il les a bien faits exploser !

La réussite à ses résultats que je lui ai communiquée à l’aide d’un graphique génère une satisfaction totale qui renforce les propos positifs qui lui sont tenus et surtout la confiance en lui, Gabin prend aussi conscience combien son attention soutenue a pu être effective et a pu, souvent, optimiser les performances.

Le sens trouvé à la dynamique recherchée et le challenge (ZPD) donnent un ensemble qui lui permettrait de dépasser la classification de déficience intellectuelle si le subtest sur la mémoire n’était pas encore chuté.

Les trois grands subtests ne l’inscrivent plus dans la DI, seul celui de l’IMT237

reste déficitaire.

237

En résumé : d’une déficience intellectuelle moyenne avérée 42 (-sept.2009), nous arrivons maintenant à un QI de 69 (sept.2011) qui lui permet de trouver une bonne place au sein de la CLIS et de comprendre l’intérêt aux apprentissages généraux.

Par ailleurs, la santé mentale (troubles sévères de la personnalité) fortement ébranlée à son admission (sept.2008) avec un mutisme quasi-total s’est nettement améliorée ; être généreusement accompagné a provoqué un autre regard sur lui-même, induisant en même temps, une posture plus distanciée sur son histoire passée, aujourd’hui Gabin vit profondément le présent et s’auto impulse de tous ses projets placés devant lui.

Au cours des mois à suivre de octobre à décembre 2011 ; les rencontres sont teintées d’alternances avec une spontanéité à partager et à confier des situations scolaires (sa première bagarre sur la cour de récréation, sa capacité à répondre et son envie de pleurer, pour la douleur physique reçue et différée lors de l’écoute accordée).

Aux évènements scolaires (remplacement de l’enseignante et ses ressentis, le partage avec un copain de sa classe « d’un site internet pas bien » etc.) s’ajoute un grand évènement : sa maman biologique a repris contact avec lui et souhaiterait le voir pour les fêtes de noël.

Thème central de ses confidences qui marquent combien la relation est imprégnée de confiance ainsi, il expose et s’expose avec une grande sensibilité mâture face à un revirement qu’il n’imaginait plus après, l’avoir tant attendu.

Ces échanges sont empreints d’authenticité, de discernement et d’une certaine forme d’autonomie ; l’écoute est conséquente, les conseils qu’il demande ne sont retournés qu’en approbation car ses envies et ses attentes sont les siennes.

Entre deux partages sur sa vie très personnelle et de sentiments affectifs dévoilés avec des propos qu’il souhaite garder « secret », une alternance s’effectue avec des supports à visée plus instrumentale afin d’optimiser sa mémoire ; une mémoire enfantine pour autant, elle, tout à fait intacte qui retrouve, dans les retrouvailles prévues mère-fils une clarté très fluide.

Les oublis mis en place par défaut semblent déjà se raviver ; la médiation affective commence à impacter sur ses capacités à pouvoir se rappeler.

La progression de 27 points en deux ans permet d’abandonner le diagnostic de déficience intellectuelle moyenne avérée et d’envisager des acquisitions générales dans le cadre d’une CLIS à la place de l’orientation en IME initialement formulée.

Par ailleurs, les troubles sévères de la personnalité présents à l’admission avec un mutisme quasi-total se sont formidablement améliorés autorisant la mise en place d’un projet personnalisé cohérent.

A l’école, à la dernière ESS (mai 2011) la psychologue scolaire qualifie de «prodigieux les progrès de Gabin, tant dans son comportement que dans ses

résultats scolaires » tandis que l’enseignante dresse un inventaire laudatif :

« Gabin est beaucoup plus présent, il « s’accroche » maintenant. Il est encore

lent mais sa compréhension (en lecture) est bonne et il est dans le démarrage de la phrase, différenciant féminin et masculin. Il s’affirme en classe et en récréation, exprime ses émotions. Il a des acquis solides pour rester en CLIS. Ses compétences et capacités relèvent d’un mi-CP : il commence à extrapoler, raisonner, déduire et sait se saisir des aides apportées… ».

L’éducateur SESSAD, référent depuis trois ans, note dans le bilan d’évolution des changements positifs voire stupéfiants dans les comportements et le rapport à la tâche.

Son père et sa belle-mère constatent les changements et le regard paternel est plus propice à la réassurance dont avait besoin Gabin. Depuis quelques temps, ils peuvent effectuer des parties de football, bricoler, construire une cabane dans le fond du jardin.

Gabin confiera qu’il aimerait plus tard faire le même métier que son père, adossant par activités en commun : identification de son projet professionnel à une figure paternelle désormais, réellement investie.

6.4

Perspectives

Même si nous ne pouvons estimer le rôle joué par d’autres facteurs, l’impact de cette cet accompagnement est sensible : dans le fait que Gabin ait cessé de s’identifier à un handicapé.

Comment tenter d’expliquer une évolution aussi favorable en un temps relativement bref ? En 12h se sont joués simultanément :

- l’évocation et la liquidation affective de traumas passés,

- la ré-organisation des relations interpersonnelles avec en tout premier lieu la relation aux parents et surtout au père,

- l’activation du mécanisme de l’anticipation dont l’effet peut concrètement être relevé dans les choix et actes de Gabin.

Ce parcours conduit à trois pistes de réflexion qui portent tour à tour sur le rôle de l’arbre, la procédure utilisée et le paradigme qui sous tend la démarche.

De l’arbre nous retiendrons qu’il a permis de moduler sur l’année 2010-2011 une série de perspectives et de transformations. C’est une entité qui facilite indéniablement l’expression à tous niveaux, le revécu distancié du passé et le vécu engagé dans l’avenir.

Support identificatoire aisé, il favorise l’évocation, l’élaboration, le dépassement et la construction de l’histoire personnelle :

-l’arbre raconté est spontanément auto biographique et soignant. Cet effet thérapeutique a été activé car l’arbre est une entité qui est :

- fondamentalement adaptable, intégrant au mieux les conditions du moment : l’arbre est d’emblée résilient (cf « 46 yeux »).

- établie comme un faisceau de relations en interne comme en externe. Ainsi dans le Cahier de l’arbre se mettent progressivement en place des liens entre le bas / le haut (et inversement) et un arbre en capacité d’utiliser les apports de l’extérieur et à son tour d’en fournir.

- paradoxale en intégrant constamment les contraires, calé selon une dialectique non pas conflictuelle mais « symbolisante». La figure de l’arbre, en proposant des voies de sens en langage analogique, a réalisé une triangulation entre passé, futur et « Gabin-arbre / Gabin ».