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L’intérêt de la phénoménologie en psychologie

7.3.1.2 L’intérêt de la thérapie narrative

7.4 L’exploration de la subjectivité

7.4.1 L’intérêt de la phénoménologie en psychologie

« Arthur Tatossian (1992- 1995) présente en 1957 à Marseille une thèse de

médecine en son titre : « Etude phénoménologique d’un cas de schizophrénie paranoïde ». Première étude phénoménologique française, ce travail surprit un jury débordé par une approche qu’il ne connaissait pas mais dont il pressentait l’importance» 319

( Depraz, p 114, 2002).

317

Krumm Charles-Martin, Tarquinio Cyril, Traité de psychologie positive.

318 Ibid. 319

Depraz Nathalie, La conscience. : Approches croisées, des classiques aux sciences cognitives, Cursus philosophie (Paris: Armand Colin, 2002).

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Ce qui prévaut « dans le domaine thérapeutique, c’est l’être humain dans cette

situation existentielle particulière, et non la maladie, en tant que telle » 320

(Santerre, p 28, 2000).

La phénoménologie comme la science des phénomènes, de ce qui apparaît à la conscience, « afin de revenir au sens avant le sens »321 (Deshays cite Strauss & Maldiney, p 77, 2010) invite la personne dans l’expérience du moment à se débarrasser de ses préjugés, des explications rationnelles et émotionnelles pré établies.

La phénoménologie place ou replace la personne ou les deux personnes dans un schéma de rencontre, défini dans un cadre donné, au présent ; la psychologue se décentre de celle qui sait à la place de l’autre ; l’accompagnement consiste à se poser, à sentir et à ressentir les choses « comme si c’était la première fois ».

Accompagnés souvent par des approches psychocorporelles, les enfants du SESSAD ont pu expérimenter le silence pour observer avec leurs différents canaux sensoriels ce qui se passe, ce qui est ressenti, vu ou entendu, ici et maintenant.

Dans les dialogues post sophroniques322 (expressions spontanées après un temps de relaxation), tous ont pu s’ancrer aisément dans le moment présent et s’affranchir d’un regard élargi, d’une ouverture à une concentration, d’une attention et à d’une sensibilité exacerbée par la profondeur de l’écoute accordée. D’une gêne initiale pour Maud (surtout au début), le dépassement du regard de l’autre (adulte) a généré une stabilité comportementale et émotionnelle, une prise de conscience de la respiration et de ses bienfaits.

Cette respiration conscientisée devient un véhicule d’une force vitale ayant un impact sur la santé mentale car elle induit des retombées bienfaisantes sur le capital humain en matière de mieux être, de bien être et aussi de performances, retombées positives sur un plan individuel qui a ses effets à son tour, sur un plan social 323. (Gendron, p 444-445, 2011).

Chacun des enfants a pu aussi constater combien le mental peut être souvent en ébullition empêchant le calme intérieur de s’installer « les pensées dans ma tête, y

‘en a sans arrêt, surtout quand je suis seule dans ma chambre, la nuit» (Jade)

mais tous ont pu expérimenter l’intérêt de « l’époké ».

320

Santerre Bernard, Mais ...Qu’est-ce que la sophrologie ?, I.S.R La Sablière. (Nantes, 2000).

321

Deshays Catherine, Trouver la bonne distance avec l’autre Grâce au curseur relationnel (Paris: InterEditions -Dunod, 2010).

322

Caycedo Alfonso, L’aventure de la sophrologie.

323

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Le concept d’époké en sophrologie est un terme grec dont la signification s'approche de "l’absence de jugement et de préjugé", ainsi, pour renforcer leur image d’eux-mêmes, l’accompagnement centré sur leur personne a priorisé le rapport avec eux-mêmes, sans jugement de leurs perceptions, sensations, impressions ou ressentis.

Les enfants ont été sensibilisés à des recentrages sur la respiration au moment où ils prenaient conscience que les pensées souvent désagréables, revenaient afin de les accepter pour ensuite, pouvoir s’en détacher plutôt que de vouloir s’en débarrasser coûte que coûte sans pouvoir y arriver.

Souffler « pour laisser passer les images et les pensées dans la tête comme les

nuages dans le ciel » pour faire place à un espace plus clair et plus dégagé en

associant une respiration abdominale a servi de fil conducteur au repos physique et mental recherché, la respiration et la pleine conscience du moment présent amenant « la sensation d’une bienveillance envers soi –même »324 (Kabat-Zinn, p 241, 2009).

« Les bénéfices conjugués du zen, de la phénoménologie et de la psychologie

pour tenter de penser le mode de constitution d’un soi en phase avec lui-même et avec les autres » 325 (Depraz, p 114, 2002) ont été sollicités pour une mise à profit du potentiel repéré.

Comme elle l’est au Japon, soutenue par les maîtres zen, la quête du soi a pris une place principale dans cette démarche, « l’importance de la phénoménologie est

reconnue pour l’élucidation, la compréhension mais aussi la thérapie possible des psychoses » 326(Depraz, p 114, 2002).

Adopter une démarche phénoménologique en psychologie, c’est accorder en tant que psychothérapeute une vision spécifique à l’instant présent et à « la conscience

qui consiste à en faire une structure dynamique d’ouverture au monde, aux objets et aux autres »327 (Depraz, p 94, 2002) tout en posant le postulat d’une santé mentale possible à développer.

7.4.2

L’introspection

L’introspection est un moment où la sensation « d’être » est plus forte que celle de « faire », c’est trouver « le sentiment même de soi » 328(André cite Damasio, p 83, 2009), c’est donner du sens à son vécu.

324

Kabat-Zinn Jon, Au coeur de la tourmente, la pleine conscience.

325 Depraz Nathalie, La conscience. : Approches croisées, des classiques aux sciences cognitives. 326

Ibid.

327

Ibid.

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S’intéresser à l’introspection, c’est rechercher un « gisement d'information

potentiel qui concerne non seulement les données en première personne relative à l'expérience subjective, mais de plus, la plus large part de ces données n'est accessible qu'à la condition de créer les conditions d'une prise de conscience rétrospective »329.

L’époké facilite le travail d’introspection mais cette dernière a souvent reçu comme critique fondamentale qu’ « il était difficile d’être à la fois au balcon et

dans la rue »330( Vermesch, p2, 2003) ; avec l’époké, en mode analogique,

l’enfant s’inscrit dans une perspective empirique, il parle à la première personne et il peut simultanément, observer, commenter et agir.

Il est par ce fait, à l’extérieur et à l’intérieur de l’expérience vécue.

Dans les actions prolongées de l’ACP par le biais de l’ETA, du cahier de l’arbre et des outils de communication utilisés, particulièrement avec les entretiens d’explicitation 331 , l’enfant est amené à « présenter son vécu avec des

informations non conscientes (ne relevant pas encore de la conscience réfléchie) mais qui sont conscientisables »332 (Vermesch, p 23, 1999).

C’est par l’altérité engagée que la construction subjective via l’introspection va pouvoir s’élaborer.

Les médiations utilisées et l’expérience de la psychologue dans ce registre permettent d’établir une présence sur un vécu subjectif en tentant d’ôter ce qui est fait par l’enfant de façon répétitive pour arriver à ce qui existe, à ce qui est, vraiment ; l’action étant écartée un instant au profit d’un regard attentionnel sollicité pour la situation présentement nommée.

Pour cette raison, avant de proposer l’ETA et surtout avant chaque séance du cahier de l’arbre, des séances de sophrologie sous forme de relaxations dynamiques du 1er degré (RD1)333 ont été proposées avec des lectures du schéma corporel et des « pauses phroniques d’intégration »334 introduisant chacune des phrases par des « conscience de la tête, des yeux, de la respiration, conscience des

épaules qui se relâchent etc. ».

Le « moi corporel » étant sollicité pour apaiser « le moi psychique » et en trouver leur unité, tranquillisée.

329

Vermesch Pierre, « L’introspection comme pratique », Expliciter (1999): pp 1-23.

330 Ibid. 331

Vermesch Pierre, L’entretien d’explicitation.

332

Vermesch Pierre, « L’introspection comme pratique ».

333 Chéné Patrick André, Initiation à la sophrologie Caycédienne. 334

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Ensuite, l’aspect communicationnel verbal et non verbal porté par le discours analogique donne une autre dimension au temps où la lenteur et l’observation sont requises, ce qui n’est pas habituel chez beaucoup ; l’accompagnement se fait ainsi par la présence mais aussi dans le détachement pour permettre à l’enfant de repérer ses ruminations, ses pensées et ses états d’âme afin d’être conscient en toute autonomie de ce qui se vit et de pouvoir en changer le cours, si besoin.

7.4.3

L’expérience subjective

La psychologie introspectionniste étayée par la phénoménologie met en avant une expérience subjective élargie de la conscience car parler à la première personne du singulier, c’est découvrir progressivement une affirmation de soi.

Accompagnement à une forme d’introspection pour se découvrir, ressentir, (s’) exprimer afin d’arriver à « mieux vivre avec soi-même »335

ou mieux vivre avec cet autre en soi avant d’interagir autrement, avec l’autre, en dehors de soi.

Reconnaissance admise au fil des rencontres qui libère des résistances au dévoilement et à « la propension du soi »336.

L’approche centrée sur la personne est une démarche existentielle qui fait ici, l’objet d’une vérification scientifique avec l’accompagnement d’une trentaine d’enfants suivis en SESSAD pendant trois ans dont quatre situations sont illustrées dans cette recherche.

Les concepts principaux dégagés de l’ACP inscrits dans une démarche phénoménologique de non jugement , d’intérêt sur la personne et non du symptôme , de climat sécurisant et favorable pour un meilleur lâcher prise , «d’écoute bienveillante , de mobilisation des ressources ou de self experience concourent tous à dégager des instruments opératoires et à fonder une psychothérapie qui contribue à un approfondissement de la théorie de la personnalité.337

L’arbre permet un retour sur soi, il permet un travail d’introspection, il donne l’occasion de parler de sa propre expérience ; il élabore d’un point de vue phénoménologique, une prise de conscience.

Les protocoles analysés des enfants évoqués dans la recherche confirment ces constats qui seront présentés dans les justifications empiriques.

335

André Christophe -Lelord François, L’estime de soi: s’aimer pour mieux vivre avec les autres.

336 Jung Carl Gustav, Les Energies de l’âme : Séminaire sur le yoga de la Kundalini donné en 1932,

Spiritualité (Paris: Albin Michel, 1999).

337

May Rollo,Feifel Herman, Maslow Abraham, Allport Gordon, Rogers Carl, Psychologie

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