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1. Code-switching et accès lexical

Au sein des différentes séances, il apparaît que l’espagnol est le système linguistique le

plus facile d’accès pour la patiente, contrairement au français. Cependant, le français est davantage évoqué et présente des items plus difficiles d’accès et plus complexes quand il

s’illustre au sein du code-switching. Ainsi, le code-switching semblerait améliorer l’accès à la

langue la plus faible de la patiente en termes de quantité et de qualité.

Par ailleurs, le code-switching est utilisé comme un moyen de facilitation par

l’orthophoniste et par la patiente face au manque du mot. Cette fonction du code-switching

démontrerait son rôle dans l’accès au lexique de la patiente bilingue aphasique.

Dans la plupart des situations d’évocation, l’espagnol est au premier plan quantitativement et qualitativement. Cependant, le code-switching est généralement en deuxième

position, avant le français seul. A noter, des exceptions qui mettent parfois à la première place

le code-switching, et plus précisément ; le français code-switché, rarement le français seul. Le code-switching dans ces cas-là semblerait favoriser l’accès à la langue la plus faible.

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mots vides séance 1 mots pleins séance 1 mots vides séance 5 mots pleins séance 5

VALIDATION DE L’HYPOTHESE

Le code-switching permet la récupération lexicale dans la L2

La patiente s’exprime davantage en français code-switché qu’en français seul, ainsi le code- switching l’aiderait à accéder à sa L2.

Le français code-switché est également de meilleure qualité que son équivalent non code-switché, permettant l’accès à des mots plus complexes.

De plus, le code-switching est utilisé comme moyen de facilitation par la patiente et l’orthophoniste afin de pallier le manque du mot.

2. Code-switching et morphosyntaxe des systèmes linguistiques

Dans les premières séances, le code -switching est dans certaines situations d’évocation le système linguistique le plus dévié morphosyntaxiquement. Nous avions expliqué dans notre partie théorique que l’élaboration du code-switching majorait le risque d’agrammatismes. La quantité plus importante de déviations morphosyntaxiques peut s’expliquer en partie par les

mécanismes de construction du code-switching.

En revanche, nous constatons lors de la dernière séance, que le code-switching est moins

dévié que les autres systèmes linguistiques ! Ainsi, lorsque la patiente aurait récupéré davantage

de langage, le code-switching pourrait alors minimiser les agrammatismes , contrairement à ce qu’on observe chez le bilingue sain.

Au-delà de l’étude des déviations morphosyntaxiques, nous observons que d’un point de vue grammatical, les langues du code-switching semblent ne pas revêtir les mêmes rôles.

L’espagnol code-switché apporte davantage de mots vides que le français code-switché. Ce

que nous décrivons rejoint les concepts de langue matrice et de langue intégrée décrits dans notre partie théorique. En effet, selon Myers-Scotton, le code-switching se construit avec la

morphosyntaxe de la langue matrice ; ici l’espagnol, à laquelle le bilingue intègre des lemmes ; il s’agit de la langue intégrée , ici le français.

Nous pensons donc que l’espagnol étant le système linguistique dans lequel la patiente est la plus performante, il sert de langue matrice, et par là-même de soutien à la langue la plus

difficile d’accès pour cette patiente. En ce sens, la patiente s’appuie sur sa langue la plus forte

afin de soutenir l’évocation en français, langue la plus difficile d’accès. Ceci est possible grâce au code-switching au niveau intra-propositionnel principalement.

VALIDATION DE L’HYPOTHESE

Le code-switching permet d’améliorer la morphosyntaxe des langues

Le code-switching laisse apparaître des agrammatismes, cependant aux dernières séances, il s’agissait du système linguistique le moins dévié.

L’élaboration du code-switching à partir de l’espagnol comme langue matrice permettrait donc d’améliorer la morphosyntaxe des langues, le code-switching étant moins dévié morphsyntaxiquement que l’espagnol et le français seuls.

3. Code-switching et récupération de la patiente 3.1. Les systèmes linguistiques de la patiente

Grâce à la comparaison entre les séances 1 et 5, nous avons pu remarquer une quantité

plus importante de français seul dans les différentes situations d’évocation, qui était également de qualité supérieure. Non seulement le système linguistique le plus faible semblerait avoir récupéré, mais également l’espagnol ; système linguistique le plus performant de la patiente.

De plus, l’orthophoniste nous a rapporté une conversation téléphonique avec sa patiente ayant eu lieu pendant la même période que la séance n.4, où la patiente s’est exprimée en français

uniquement, et ce pour la première fois depuis son AVC. En outre, l’enregistrement de la séance

n.3 contient une conversation entre l’orthophoniste, la patiente et sa fille à propos des progrès que la patiente a faits dans son langage. La fille de la patiente disait mieux comprendre sa mère, et que cette dernière s’exprimait davantage en français.

Il est difficile d’imputer cette progression au code-switching, cependant nous avons observé qu’il s’agissait du système linguistique le moins dévié au sein de la séance n.5, ce qui n’était pas toujours le cas au sein des précédentes séances. En ce sens, le code-switching, le

français et l’espagnol seuls se sont améliorés en termes de qualité. D’ailleurs, des déviations

sont absentes dans certaines situations d’évocation, contrairement à la séance n.1.

3.2. Les niveaux de code-switching

Nous étudions le code-switching au niveau intra-propositionnel, cependant, force est de constater que le niveau de code-switching de la patiente a évolué. A partir du moment où la patiente a récupéré, les objectifs de l’orthophoniste se sont affinés, pour exiger systématiquement des réponses en français. Ceci a donné lieu à du code-switching non pas intra-propositionnel mais à une plus grande échelle : le niveau discursif. Ce changement a été positif, l’exercice ayant été globalement réussi.

3.3. Les fonctions du code-switching

Le code-switching a d’ailleurs évolué dans ses fonctions, d’abord moyen de facilitation

face aux déviations de la patiente, il a ensuite semblé revêtir des fonctions davantage tournées

vers un but communicationnel. Le code-switching au niveau discursif semblerait avoir

délimité les situations d’évocation : davantage de productions en français ou espagnol seuls dans

la traduction et l’évocation contrainte, davantage de code-switching dans le discours descriptif et spontané quand ce dernier est adressé à l’orthophoniste ou un tiers . Ce type d’évocation étant plus exigeant, il est difficile pour la patiente de s’exprimer uniquement en français, elle a encore besoin de l’appui de l’espagnol auquel elle fait l’effort d’injecter des items français.

Ce phénomène rejoint la pensée de Gumperz décrite dans notre partie théorique, selon lequel le code-switching a une fonction stylistique , par exemple de signaler les types de

discours (discours rapporté, récit, etc…). De plus, le code-switching permet de définir implicitement les destinataires du message , ici les descriptions de la patiente parfois en

espagnol seul, parfois en code-switching ; nous permettraient de déterminer si la patiente

3.4. Code-switching et moyens de facilitation

Enfin, la dernière séance a laissé place à moins de moyens de facilitation produits par

l’orthophoniste, contrebalancé par un recours à des moyens plus divers et plus efficaces de la part de la patiente au regard des autres séances. Ainsi, l’effacement de l’orthophoniste pourrait

être le signe de la récupération du langage de la patiente, et également de ses capacités

d’autocorrection augmentées et plus efficaces, utilisant entre autres le code-switching.

VALIDATION DE L’HYPOTHESE

Le code-switching constitue un moyen de facilitation pour notre patiente bilingue aphasique

La patiente a davantage recours au code-switching pour pallier son manque du mot et ses agrammatismes, ceux-ci sont efficaces.

L’orthophoniste a eu recours au code-switching pour contourner les difficultés de sa patiente. Le dernier enregistrement voit le code-switching comme seul système linguistique non dévié : le code-switching facilite la production d’un langage non dévié.

Le code-switching permet de signifier le destinataire du message, il facilite donc également la communication.

III.

Les limites de l’étude