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II. Le code-switching

2. Les mécanismes de formation du code-switching

2.1. Facteurs influençant le code-switching

Le code-switching n’est possible que si des conditions particulières sont rassemblées, aussi, le locuteur bilingue peut code-switcher car il a reçu des signaux qui l’encouragent dans cette voie.

2.1.1. Facteurs internes a. La compétence du bilingue

Tout d’abord, le code-switching n’est possible que chez les bilingues, c’est-à-dire des locuteurs possédant une certaine compétence dans deux langues. Les monolingues qui ont des notions dans certaines langues peuvent évidemment s’amuser à code-switcher, mais ce phénomène ne sera que anecdotique, il ne s’agit pas d’un comportement langagier courant.

Le bilingue, quant à lui, possède deux langues, deux codes, dont il peut user, car ils constituent tous deux des moyens de communication, ainsi, pourquoi ne pas les entremêler ? Nous verrons plus tard les contraintes induites par le code-switching, mais il nous apparaît déjà qu’un bilingue doit avoir un certain niveau de compétence pour code-switcher, comme l’avançait Berk- Selingson2, sinon son code-switching aurait plus de risques d’être fautif…

b. Les langues elles-mêmes

Un autre fait important pour la facilité qu’un bilingue peut avoir à code-switcher repose dans la typologie des langues qu’il maîtrise. Selon Romaine3, des langues de typologies similaires -

comme le français et l’italien par exemple- sont propices à établir des bases équivalentes pour du code-switching.

1 Poplack Sometimes I’ll start a sentence in spanish, y termino in espagnol (1980) 2 Berk-Selingson, cité par Ro maine in Bilingualism (1989)

Cette donnée est non négligeable, car comme nous l’avons abordé précédemment, le code- switching nécessite un minimum de compétence de la part du bilingue, si ses langues sont typologiquement proches, cela peut compenser d’éventuelles faibles compétences…

D’ailleurs, des langues typologiquement conflictuelles –car structurellement différentes comme le français et l’arabe par exemple- génèrent davantage d’emprunts que de code-switching en cas de contact entre les langues et de mélange de celles-ci.

Le conflit ne pouvant être résolu, le bilingue ne peut réellement fondre ses langues ensemble de façon harmonieuse d’un point de vue morphosyntaxique, mais est plutôt contraint de conserver une structure morphosyntaxique monolingue à laquelle il ajoute des éléments isolés de son autre langue.

C’est ce que démontre une étude transversale menée par Sankoff, Poplack et Vanniarajan1 sur le

mélange des langues, avec des paires de langues de typologies variées et différentes. Leurs résultats indiquèrent que l’emprunt était cinq fois plus fréquent que le code-switching pour les paires de langues tamil-anglais, anglais-finnois et français-arabe ; qui sont des langues typologiquement éloignées, que pour des langues typologiquement proches.

Au-delà de la compétence du bilingue et de la typologie de ses langues qui lui permettent de code- switcher plus aisément, ce phénomène peut être encouragé et même, provoqué, par des éléments externes au bilingue, que nous allons maintenant détailler.

2.1.2. Facteurs externes

Le locuteur bilingue peut produire du code-switching en situation de communication avec des interlocuteurs, –cependant, il serait intéressant de savoir si le bilingue se parle à lui-même en code-switching !- et toute situation de communication entraîne des modifications de comportement, comme l’adaptation à son interlocuteur, par exemple, qui peut s’actualiser dans le code-switching.

a. Les interlocuteurs

Tout d’abord, les interlocuteurs du bilingue ont un rôle prépondérant pour influencer un bilingue à code-switcher. En effet, si le bilingue est face à des interlocuteurs maîtrisant les mêmes langues que lui, il pourra librement code-switcher ; il sera compris.

Ce phénomène est décrit par Grosjean2, son schéma ci-dessous résume parfaitement les choix qui

s’offrent au bilingue.

1 Sankoff, Poplack et Vanniarajan The case o f the nonce loan in Tamil (1986) 2 Grosjean Life with two Langages : an introduction to Bilingualism (1982)

Figure 3. Choix de langue et code-switching

Face à des monolingues, il devra rester en mode monolingue, mais face à des interlocuteurs maîtrisant différentes langues, il pourra être amené à code-switcher pour être compris de tout son auditoire. Par exemple, un locuteur bilingue parlant russe et français, qui introduit dans sa famille une personne française pourra alternativement parler ses deux langues pour être compris de tous, les membres de sa famille et la personne introduite ne maîtrisant pas les mêmes langues…

b. Le sujet de conversation

Comme nous l’avons vu, le code-switching est influencé par les éléments entrant en jeu dans la conversation, comme les locuteurs, mais aussi le sujet de la conversation1.

En effet, les thèmes abordés peuvent avoir trait à des univers particuliers du bilingue, peut-être des domaines de sa vie qu’il n’expérimente que dans l’une ou l’autre de ses langues ; ainsi on comprend aisément que les concepts à exprimer induisent davantage de code-switching.

Comme le disait Grosjean en parlant du principe de complémentarité entre les langues du bilingue : « Les bilingues acquièrent et utilisent leurs différentes langues dans différentes

intentions, dans différents domaines de la vie, avec différentes personnes. Les différents aspects de la vie requièrent différentes langues »2

Par exemple, un bilingue d’origine étrangère qui aurait immigré en France avec sa famille, parlant sa LM dans sa sphère intime et la langue du pays -en l’occurrence le français- dans son lieu de travail. Quand il s’agira de parler avec sa famille de sa profession, de ses habiletés, de ses outils de travail, etc, il pourrait commencer un énoncé en L1 tout en introduisant des termes, des propositions ou même des énoncés complets en français ; le code-switching pouvant ici s’expliquer en partie par le sujet de conversation.

1 Ro maine Bilingualism (1989)

c. L’environnement

L’environnement du bilingue peut également influencer son mode de communication, entraînant alors l’utilisation de l’une ou l’autre de ses deux langues ; ou les deux à la fois au sein du code- switching.

Ainsi, le lieu où se trouve le bilingue influence son usage de ses langues, par exemple dans les pays où des variétés dites hautes et basses de la langue existent, on peut observer fréquemment ce phénomène.

Par exemple, au Maghreb, l’arabe classique est employé dans les institutions et pour les usages officiels, alors que l’arabe dialectal est employé pour des usages plus quotidiens et personnels. Ainsi, un bilingue conversant dans la rue avec un autre bilingue qui lui est familier, emploiera plus fréquemment l’arabe dialectal ; quand ils seront au café ce pourrait être le cas, mais s’il devait déposer une plainte au commissariat, cela se ferait en arabe classique.

Nous avons donc vu que le code-switching est soumis à des facteurs qui l’entraînent, l’influencent ou le compromettent, il s’agit de facteurs qui varient selon les locuteurs bilingues. Cependant, ces derniers sont également soumis à des contraintes, qui cette fois-ci, sont propres à tous les bilingues pratiquant le code-switching.