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Vérifications concernant le caractère spéculatif de l’opération

Des techniques à la libre disposition des parties

Section 2 – L’efficacité des supports contractuels

B. Vérifications concernant le caractère spéculatif de l’opération

194. – Absence de définition de la spéculation – Les récentes réglementations

internationales tendent toutes à vouloir juguler la spéculation et tout particulièrement celle réalisée dans le secteur financier. Aussi, le caractère spéculatif d’une opération emporte certaines conséquences juridiques pour l’industrie bancaire (au premier rang desquelles on trouve les obligations précontractuelles à la charge des établissements de crédit439). Hélas, l’instauration des nombreux effets juridiques – implicites – attachés à la spéculation n’a pas pour autant inspiré le législateur quant à la notion même d’opération spéculative « qui ne

reçoit guère de définition »440. Plus encore, certains auteurs estiment que « progressivement

apparaît une sorte de summa divisio entre les opérations spéculatives et les autres qui commanderait que la distinction soit claire. Le moins que l’on puisse dire est que c’est tout le

437 À titre d’illustration on peut citer l’exemple des Groupements d’Intérêts Economiques (GIE) régis par les articles L. 251-1 et suivants du Code de commerce dont l’activité doit se rattacher à celle de ses membres et dont le but ne doit pas être celui de réaliser des bénéfices pour lui-même. Ces dispositions revêtant un caractère impératif, la sanction de leur violation est la nullité (Conformément à l’article L. 251-5 du Code de commerce). Par conséquent, le but purement spéculatif d’une opération sur dérivés ferait courir le risque de contredire le régime légal du GIE et d’entrainer la nullité de l’opération.

438 Le Professeur Roussille précise en ce sens que « certains arguments sont mobilisés de manière récurrente

dans le contentieux de prêts à risques, tels (…) le caractère dit "spéculatif du produit" [en ce que] la

reconnaissance du caractère spéculatif du produit permettrait de faire valoir la nullité de l’opération (pour défaut de capacité, de pouvoir ou de compétence du signataire à souscrire des produits spéculatifs, ou encore pour erreur ou dol) » (M. Roussille, « Les prêts exposant l’emprunter à un risque financier – Réflexions sur les

produits bancaires hybrides », Mélanges en l’honneur de Jean-Jacques Daigre, Joly éditions, Novembre 2017, p.487).

439 À titre d’illustration, on peut citer l’arrêt de principe bien connu – la jurisprudence Buon – ayant affirmé que

« quelles que soient les relations contractuelles entre un client et sa banque, celle-ci a le devoir de l’informer des risques encourus dans les opérations spéculatives à terme hors le cas où il en a connaissance » (Cass. com. 5 nov. 1991, n°89-18005, Banque, Juin 1993, obs. J-L. Guillot). Sur ce sujet des obligations précontractuelles, voir notamment : M. Roussille, « Les prêts exposant l’emprunter à un risque financier – Réflexions sur les

produits bancaires hybrides », Mélanges en l’honneur de Jean-Jacques Daigre, Joly éditions, Novembre 2017, p. 479 ; J-F. Sécher, « État des lieux des risques précontractuels du banquier contrepartie des swaps – Revue des

décisions rendues en 2016 par les cours d’appel de Paris et Versailles », Banque & Droit n°172 Mars-Avril 2017.

440J-P. Mattout, « L’aléa, le risque et la spéculation », Droit bancaire et financier Mélanges AEDBF-France VI sous la direction de A. Gourio et J-J. Daigre, RB édition, 7 nov. 2013, p. 446.

contraire, le flou le plus total prévalant, l’appréciation vaguement instinctive et moralisatrice servant de guide incertain, là ou au contraire devrait être dégagés des critères opérationnels dépourvus d’ambiguïté »441. Face à cette inintelligibilité, nous tenterons ici de dresser un état des lieux clair quant aux critères participant à établir le caractère spéculatif d’une opération. À cette fin, il convient de distinguer les critères selon leur source à savoir ceux issus des rares textes en présence ainsi que ceux utilisés par les juges.

195. – Critères issus de textes non législatifs – Il existe certains textes qui traitent de la

notion d’opération spéculative et qui énoncent des critères permettant de déterminer le caractère spéculatif de l’opération. Bien que ces textes soient dépourvus de valeur normative, la jurisprudence en la matière a montré que certains juges avaient pu – plus ou moins – s’en inspirer pour reconnaître ou écarter le caractère spéculatif d’opérations sur dérivés.

Deux types de textes sont ainsi à distinguer avec d’une part, les circulaires administratives relatives aux emprunts structurés souscrits par les collectivités locales et d’autre part, certains textes relatifs au traitement comptable des opérations de couverture.

196. – Circulaires administratives – Concernant les emprunts structurés souscrits par les

collectivités publiques, les autorités ont décidé de mettre en place une charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales (dite Charte Gissler)442 ainsi que d’élaborer des circulaires443 afin de mettre fin à la commercialisation des produits spéculatifs à l’égard de ces entités.

197. – À la lecture de la circulaire en vigueur en date du 25 juin 2010444, on comprend que le

principe posé est celui de l’interdiction pour les collectivités territoriales de conclure des contrats dans un but spéculatif au motif de la contrariété à l’intérêt général. À l’inverse, les opérations de couverture des risques financiers sont jugées comme répondant « à des motifs

d’intérêt général, même si elles présentent un aléa inhérent aux instruments de couverture

441 J-P. Mattout, « L’aléa, le risque et la spéculation », Droit bancaire et financier Mélanges AEDBF-France VI sous la direction de A. Gourio et J-J. Daigre, RB édition, 7 nov. 2013, p. 447.

442 « Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales », 7 décembre 2009 – http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/091207banques_collectivites-1.pdf.

443 Deux circulaires se sont notamment succédées (Circulaires du 15 sept. 1992 n° NOR/INT/B/92/00260/C et du

4 avr. 2003 n° NOR/LBL/B/03/10032/C) avant d’être abrogées par la dernière en date de 2010 : Circulaire n°NOR IOCB1015077C, « Les produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements

de crédit », 25 juin 2010 – http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2010/07/cir_31381.pdf. 444 Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit., 25 juin 2010.

eux-mêmes »445. À l’instar de certains auteurs, cette formulation issue de la circulaire tend à considérer que « les opérations spéculatives sont une sous-catégorie des contrats

aléatoires »446. On constate enfin que la notion de spéculation s’entend d’une manière générale en creux par rapport à celle de couverture. En effet, la circulaire de 2010 ne fournit pas de critère pour que les opérations puissent être qualifiées de spéculatives mais uniquement

« pour être qualifiées d’opérations de couverture »447. Ainsi, une opération est spéculative seulement si elle n’est pas une opération de couverture.

198. – Les critères dégagés par la circulaire de 2010 – en faveur des opérations de couverture

– sont au nombre de cinq : le contrat doit avoir pour effet de réduire le risque de variation de valeur affectant l’élément couvert ou un ensemble d’éléments homogènes448 ; le risque à couvrir doit avoir été identifié449 ; une corrélation doit être établie entre les variations de valeur de l’élément couvert et celles du contrat de couverture450 ; les éléments qualifiés de couverture sont identifiés et qualifiés en tant que tels dès leur origine451 ; et enfin l’opération ne doit concerner que des ensembles homogènes d’actifs, de passifs ou d’engagements établissant une corrélation telle que visée ci-avant452.

199. – L’ensemble de ces critères participe – selon nous – à s’assurer que « chaque contrat de couverture [soit] adossé et dimensionné à tout moment sur un ou plusieurs contrats de dette

445 Circulaire n° NOR IOCB1015077C, « Les produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs

établissements de crédit », 25 juin 2010, p. 8 – http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2010/07/cir_31381.pdf. 446 J-P. Mattout, « L’aléa, le risque et la spéculation », Droit bancaire et financier Mélanges AEDBF-France VI sous la direction de A. Gourio et J-J. Daigre, RB édition, 7 nov. 2013, p. 450.

447 Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit., 25 juin 2010, p. 13.

448 Selon la circulaire de 2010 : « Pour être qualifiées d’opérations de couverture, ces opérations doivent

répondre aux critères suivants définis par le Conseil national de comptabilité (avis du 10 juillet 1987) : 1. le contrat doit avoir pour effet de réduire le risque de variation de valeur affectant l’élément couvert (les frais financiers d’un emprunt déterminé) ou un ensemble d’éléments homogènes (les frais financiers de plusieurs emprunts existants présentant les mêmes caractéristiques de taux d’intérêt) ; (…) » (Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit, 25 juin 2010, p. 13).

449 Selon la circulaire de 2010 : « (…) 2. l’identification du risque à couvrir doit être effectuée en tenant compte

de l’ensemble des créances et dettes financières de la collectivité locale ; (…) » (Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit, 25 juin 2010, p. 13).

450 Selon la circulaire de 2010 : « (…) 3. une corrélation doit être établie entre les variations de valeur de

l’élément couvert (les frais financiers) et celles du contrat de couverture, puisque la réduction de ce risque doit résulter d’une neutralisation totale ou partielle, recherchée a priori entre les pertes éventuelles sur l’élément couvert et les gains attendus sur le contrat de couverture ; (…) » (Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit, 25 juin 2010, p. 13).

451 Selon la circulaire de 2010 : « (…) 4. les éléments qualifiés de couverture sont identifiés en tant que tels dès

leur origine et conservent cette qualification jusqu’à leur échéance sauf si l’élément couvert disparaissait avant cette échéance ou si la corrélation visée ci-avant cessait d’être vérifiée ; (…) » (Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit, 25 juin 2010, p. 13).

452 Selon la circulaire de 2010 : « (…) 5. la qualification de couverture ne peut être appliquée qu’à des

ensembles homogènes d’actifs, de passifs ou d’engagements pour lesquels la corrélation visée ci-avant peut être établie. » (Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit, 25 juin 2010, p. 13).

précisément identifiés »453. Autrement dit, la circulaire de 2010 caractérise in fine les opérations de couverture en cherchant à établir une corrélation – la plus parfaite possible – entre le contrat de couverture et le contrat principal.

200. – Si ces critères ont le simple mérite d’avoir été formulés, il n’empêche qu’ils ont – à ce

jour – une portée somme toute relative. La cour d’appel de Paris a ainsi jugé que « que les

circulaires administratives ne lient pas les juges et n'obligent que les fonctionnaires auxquels elles sont adressées et dans les sphères de leur fonction ; que n'ayant qu'une valeur documentaire, la circulaire du 15 septembre 1992 est en elle-même dépourvue de portée normative ; que le fait qu'un contrat ne remplisse pas l'intégralité des critères qu'elle énumère ne saurait fonder nécessairement une annulation »454. Lorsque l’on regarde le jugement initial du tribunal ayant été confirmé par la cour d’appel de Paris, le raisonnement tenu par les juges du premier degré est intéressant. Ces derniers ont jugé que « s'il résulte

ainsi clairement de cette circulaire que les opérations purement spéculatives, notamment celles dont le montant excéderait la dette sous-jacente, sont contraires à l'intérêt général, et, partant, interdites aux collectivités territoriales, il ne peut pour autant en être déduit que tout contrat d'échange de taux ne remplissant pas la totalité des critères comptables qu'elle énonce serait contraire à l'intérêt général. Par ailleurs, la circulaire ne donne pas de précision particulière sur la mise en œuvre de ces critères, qui sont repris d'un avis du Conseil national de la comptabilité, qu'elle adapte, et dont l'application s'avère délicate »455. Malgré l’intérêt des circulaires de 1992 et de 2010, les juges ne se sentent manifestement pas liés – à ce jour – par les critères qui y sont développés.

201. – Textes comptables – Comme l’ont souligné les juges lors des affaires susvisées, les

critères proposés par les circulaires sont en réalité directement inspirés de ceux d’un avis du Conseil National de la Comptabilité (CNC). Cet avis en date du 10 juillet 1987 relatif à la comptabilisation des options de taux d’intérêt, énumère les caractéristiques sans lesquelles le

453 Formule issue de la circulaire de 2010 elle-même. Celle-ci précise également : « (…) En conséquence, le

montant total des dettes de référence servant de base de calcul des intérêts échangés ou garantis par les contrats de couverture ne peut, en aucun cas pour une même collectivité et tous contrats de couverture confondus, excéder le montant total de la dette existante, augmenté de la dette inscrite au budget en cours d’exercice (…)

dans la mesure où celle-ci est effectivement contractée » (Circulaire n° NOR IOCB1015077C, op. cit, 25 juin 2010, p. 13).

454 CA Paris, Pôle 5, ch. 6, 3 février 2017, n° 15/03691, "RBS c/ LMCU". Précisons qu’un pourvoi a été formé à l’égard de cette décision mais qu’aucun arrêt de la Cour de cassation n’a été rendu au moment où nous écrivons ces lignes.

CNC « estime que ne peuvent être qualifiées d’opérations de couverture »456. Sans surprise il n’y pas réellement ici de différence notable avec les critères repris par la circulaire de 2010.

202. – Aux côtés de cet avis du CNC, on trouve également d’autres critères développés au

sein de l’article 224-2 du Plan Comptable Général457, édicté par l’Autorité des Normes Comptables, qui énonce qu’« une opération n’est qualifiée de couverture que si elle présente

toutes les caractéristiques suivantes : (…) [avoir] pour effet de réduire le risque de variation

de valeur (…) ; (…) cette transaction est définie avec précision et possède une probabilité

suffisante de réalisation ; l'identification du risque à couvrir est effectuée après la prise en compte des autres actifs, passifs et engagements ; une corrélation est établie entre les variations de valeur de l'élément couvert et celles du contrat de couverture (…) ». Ces critères se retrouvaient également au sein de l’analyse comptable réalisée par la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes ("CNCC") le 05 février 2007, suite à sa saisine par de nombreux commissaires aux comptes d’interrogations liées à la comptabilisation des risques inhérents aux contrats de swap souscrits par diverses sociétés et offices d’HLM.

203. – L’appréhension comptable du caractère spéculatif d’une opération partage

manifestement des points communs avec celle des circulaires administratives susvisées. En effet, l’opération spéculative est là encore appréhendée en creux de la définition positive d’une opération de couverture. D’une manière générale, il nous semble que l’idée fédérant l’ensemble des critères proposés relève – là encore – de la seule volonté de matérialiser une véritable corrélation entre le contrat de couverture et le contrat principal. Reste à voir si les juges appréhendent de la même manière le caractère spéculatif d’une opération.

204. – Critères dégagés par la jurisprudence – La "construction" jurisprudentielle des

contours de la notion d’opération spéculative en matière de dérivés témoigne de l’imbroglio qui règne au sein des prétoires. Certains auteurs reprochent aux juges d’affirmer « que telle

opération est spéculative et que telle autre ne l’est pas, sans donner les critères de répartition

456 Avis n° 32 relatif à la comptabilisation des options de taux d’intérêt, Conseil national de la comptabilité, 10

juillet 1987 – www.xavierpaper.com/documents/pcg/n_avis32.pdf.

457 Voir Règlement n° 2014-03 du 5 juin 2014 relatif au plan comptable général, homologué par arrêté du 8 septembre 2014 publié au Journal Officiel du 15 octobre 2014 (version actualisée au 1er janvier 2016) –

http://www.anc.gouv.fr/files/live/sites/anc/files/contributed/ANC/1.%20Normes%20fran%c3%a7aises/Regleme nts/2014/Reglt2014-03/Reglt%202014-03_Plan%20comptable%20general.pdf.

qui [les] guident précisément »458. Une évolution du raisonnement tenu par la Cour de cassation a tout le moins été relevée par un auteur qui explique qu’elle n’appréhenderait plus les opérations spéculatives de manière structurelle459, mais plutôt que « toute opération, quel

que soit son mécanisme, peut désormais être spéculative et, inversement, la nature de l’opération ne suffit pas à la qualifier de spéculative. (…) La forme du contrat ou sa nature

juridique ne fournit pas le critère de distinction, un contrat ou une opération n’étant pas spéculative par nature »460. Certaines décisions se sont d’ailleurs faites l’écho de cette idée461. À dire vrai, nous partageons également l’idée selon laquelle une opération sur dérivés peut être spéculative par nature. À l’instar de certains auteurs462, il nous semble que c’est plutôt la possibilité même de paiement par un différentiel – élément caractéristique des dérivés – qui permet les fonctions alternatives de couverture et de spéculation indifféremment de la nature du produit en présence.

205. – Par conséquent – et fort de cette idée qu’aucune opération n’est spéculative par nature

– il convient de rechercher dans la jurisprudence les critères permettant aux juges de déterminer le caractère spéculatif, afin de tenter d’en établir une typologie. Or, deux critères nous semblent se dégager à la lumière des décisions rendues : la volonté initiale des parties et l’identification du risque encouru.

206. – Volonté initiale des parties – Aux fins de déterminer si une opération sur dérivés est

spéculative ou de couverture, la Cour de cassation cherche à établir quelle était la volonté

458 J-P. Mattout, « L’aléa, le risque et la spéculation », Droit bancaire et financier Mélanges AEDBF-France VI sous la direction de A. Gourio et J-J. Daigre, RB édition, 7 nov. 2013, p. 446.

459 Selon cet auteur, si auparavant « pour la Cour de cassation, seules certaines opérations réalisées sur le

marché à terme ou impliquant un "effet de levier" constituaient des opérations "spéculatives" (…), la référence

au marché à terme a peu à peu été abandonnée par la Cour de cassation qui ne fait plus références qu’aux seules "opérations spéculative", peu importe qu’elles aient été conclues sur un marché à terme » (J-P. Mattout,

op. cit, p. 446).

460 J-P. Mattout, op. cit, p. 446.

461 Un auteur rappelle le raisonnement d’une décision d’appel (CA Paris, Pôle 5, ch. 6, 26 septembre 2013, RG

n°11/19539, « SMGM c/ Société Générale ») confirmée par la suite par la Cour de cassation (Cass. Com., 17 mars 2015, n° 13-25142). En ce sens : « On se souviendra que dans l’affaire SMGM/Société générale, où était

en cause un ensemble complexe d’instruments financiers à terme, la cour d’appel de Paris avait jugé (…) "que

les opérations de couverture ne sont pas spéculatives par nature puisqu’elles ne visent pas à prévoir les évolutions du marché pour en retirer des bénéfices, mais à en réduire l’impact pour se garantir contre le risque de baisse ou de hausse du marché et éviter une exposition à la volatilité du marché". Solution qu’avait approuvée la Cour de cassation » (S. Torck, « Contentieux des swaps structurés : le risque illimité n’exclut pas

la qualification de couverture », Bulletin Joly Bourse n°01, 1er janvier 2017, p. 16, I).

462 Selon les professeur Drummond et Bonneau : « L’alternative qui réside dans le paiement d’un différentiel est

l’élément caractéristique de l’instrument dérivé. Cette alternative révèle la fonction de l’instrument : celui-ci permet au souscripteur soit de se protéger contre l’évolution du cours du sous-jacent (instrument de couverture) soit de tirer profit de cette évolution (instrument de spéculation) » (T. Bonneau et F. Drummond, « Droit des

initiale des parties lors de la conclusion de l’opération. La volonté initiale des parties est appréhendée par les juges de manière tant subjective qu’objective.

207. – Appréhension subjective de la volonté des parties – On parle ici d’appréhension

"subjective" en ce que les juges recherchent la volonté telle qu’exprimée par les parties elles- mêmes. Sans que les juges ne soient liés par les dispositions contractuelles, ces derniers prêtent malgré tout attention aux stipulations entre les parties. Or, la documentation contractuelle utilisée en matière d’opérations sur dérivés recourt à un certain nombre de déclarations463. Au titre de celles-ci, il est régulièrement stipulé par la contrepartie non établissement de crédit qu’elle atteste que l’opération a pour objet la couverture d’un risque identifié et que celle-ci participe à la réalisation de son objet statutaire. Deux décisions récentes464 – relatives à des litiges opposant des collectivités publiques à des banques dans le cadre de prêts intégrant des swaps – illustrent la tendance des juges du fond à se référer expressément à ces déclarations contractuelles pour matérialiser la volonté initiale des parties et ainsi exclure le caractère spéculatif des opérations465. Loin de faire revêtir à ces stipulations une quelconque forme de protection contre la qualification spéculative, ces décisions illustrent simplement que cette précaution textuelle opère comme indice de la volonté subjective des parties.

208. – Appréhension objective de la volonté des parties – Les juges n’étant pas tenus par

les stipulations contractuelles, les décisions de justice montrent également que la volonté des parties peut être appréhendée de manière "objective". Dès lors, sont pris en compte par les juges des éléments objectifs qui permettent de révéler la "réelle" volonté initiale des parties

463 On vise ici les "déclarations" insérées au sein de l’"Annexe" pour les conventions FBF et la "Schedule" pour les conventions ISDA. D’une façon générale, les établissements de crédit prévoient des déclarations à la charge