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Constitution des garanties financières par un tiers

Des techniques à la libre disposition des parties

Section 1 – Présentation des supports contractuels

B. Contrat de collatéralisation avec l’intervention de tiers

1. Constitution des garanties financières par un tiers

162. – Qualification juridique de l’engagement du tiers – Indépendamment du

régime juridique applicable aux actifs échangés à titre de garantie, l’hypothèse d’un tiers constituant de garanties financières pose avant tout la question de la qualification juridique de

348 D. Robine, S. Praicheux, « Garanties financières », Etudes Joly Bourse, ID : EG020, 27 janvier 2018, §92. 349 Directive Collatéral 2002/47/CE, p. 43 et s.

350 Art. 56 de la loi n° 2016-1691 dite "Sapin 2" du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1), NOR : ECFM1605542L, JORF n° 0287 du 10 décembre 2016, texte n° 2.

351 Art. L211-38, I, al. 2 du Code monétaire et financier : « Les remises et sûretés mentionnées au premier alinéa

son engagement. Or, l’idée est ici celle d’un tiers qui vient constituer une garantie (au moyen d’une constitution de sûreté ou d’un transfert en pleine propriété) au profit de la dette de l’une des parties initiales (c’est-à-dire au titre de la convention-cadre d’opérations sur dérivés qui les unit).

Par ailleurs, en droit commun la qualification juridique de la constitution de garantie pour dette d’autrui est depuis longtemps au centre de débats doctrinaux et jurisprudentiels. S’est ainsi posée la question de savoir si le fait de constituer une sûreté réelle pour garantir la dette d’autrui (théorie dite du "cautionnement réel") devait s’analyser comme une sûreté "purement" réelle ou bien comme une sûreté hybride ou "mixte", en ce sens que la sûreté emprunterait des caractéristiques propres à la fois aux sûretés personnelles et réelles352.

163. – Applicabilité du régime des garanties financières – Cette problématique de droit

commun intéresse tout autant le droit des opérations sur dérivés en raison du fait que la qualification juridique retenue pour la constitution de sûretés réelles pour dette d’autrui peut avoir un impact quant à l’applicabilité du régime des garanties financières. En effet, comme le laisse entendre la formulation de l’article L211-38 du Code monétaire et financier353, « seules

certaines sûretés réelles mobilières peuvent faire l’objet d’une garantie financière translative ou non de propriété »354. À l’inverse, les sûretés personnelles ne peuvent pas faire l’objet de telles garanties financières355. On comprend alors que si la constitution de sûretés réelles pour dette d’autrui devait s’analyser comme une sûreté mixte, il pourrait naître des doutes quant à la pleine application du régime des garanties financières sur ce type de sûretés.

Rappelons cependant que, par une décision en chambre mixte de 2005356, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’apporter une position unifiée quant à la nature juridique de la

352 Pour plus de détails sur ce débat, voir notamment : P. Simler, « Fasc. 10 : Cautionnement – Définition,

critère distinctif et caractères », JurisClasseur Notarial Répertoire, 18 février 2013 (Actualisation 6 Février 2018, § 22 et s. ; Egalement : G. Amlon, « Fasc. 200 : Procédures collectives – Créanciers antérieures titulaires

de sûretés personnelles ou d’une sûreté réelle pour autrui (cautionnement, garanties autonomes, lettres d’intention…) », JurisClasseur Notarial Formulaire, 15 Avril 2011 (Actualisation : 15 Mars 2017), §70 et s. 353 Art. L.211-38, I, al. 1 du Code monétaire et financier : « (…) les parties peuvent prévoir des remises en

pleine propriété (…) d’instruments financiers, effets créances, contrats ou sommes d’argent, ou la constitution

de sûretés sur de tels biens ou droits (…) ».

354 S. Praicheux, « Sûretés financières », Répertoire de droit des sociétés, Octobre 2010 (actualisation : Janvier 2018), §104.

355 Au-delà d’une "exclusion" à proprement parler des sûretés personnelles en matière de garanties financières, une place est toutefois faite à certaines hypothèses impliquant de telles sûretés (comme par exemple celle d’une contre-garantie). Ainsi, comme le rappelle un auteur, seul « l’engagement qui naît d’une sûreté personnelle

(d’un cautionnement ou d’une garantie autonome, en particulier) peut être couvert au moyen d’une garantie financière, pourvu que les conditions fixées par l’article L. 211-38 du Code monétaire et financier se trouvent être remplies » ; – S. Praicheux, op .cit., §105.

356 Cass. ch. Mixte, 2 décembre 2005, Madame Pasquier c/ BNP Paribas, n° 03-18.210, JurisData n° 2005- 031111.

constitution d’une garantie réelle pour dette d’autrui. Selon la Haute juridiction, le fait pour un tiers de constituer une sûreté réelle pour garantir la dette d’autrui "n’impliquant aucun engagement personnel"357 constitue non pas une sûreté mixte mais bel et bien une sûreté réelle358. Ainsi, en matière de garantie pour dette d’autrui « trois cas de figure bien distincts

peuvent donc se présenter, et trois seulement : la sûreté réelle constituée par un tiers, qu'il était convenu d'appeler "cautionnement réel" ; l'addition d'un cautionnement et d'une sûreté réelle, souscrits par un même tiers en garantie de la dette du débiteur ; le cautionnement contre-garanti par une sûreté réelle constituée par la caution elle-même »359.

164. – On peut déduire de ces précisions que l’hypothèse d’un tiers fournisseur de garanties

financières pourrait s’analyser – selon qu’il existe ou non un engagement personnel de la part du tiers de s’acquitter de l’obligation garantie – soit, comme l’addition d’une sûreté réelle et d’un cautionnement soit, comme une simple sûreté réelle. En pratique, il n’existerait vraisemblablement jamais de tel engagement personnel de la part du tiers fournisseur de garanties financières. Aussi, l’engagement – purement réel – d’un tiers fournisseur de garanties financières doit s’analyser comme une sûreté réelle entrant de facto dans le champ d’application du régime des garanties financières.

165. – Conditions à respecter par le constituant – À ces réflexions doit également s’ajouter

l’attention à porter au respect de certaines conditions par le tiers constituant des garanties financières. En effet, si l’on vient de voir qu’une telle hypothèse doit s’analyser comme une sûreté réelle, celle-ci n’en demeure pas moins avoir été constituée pour la dette d’autrui. Or, bien qu’il n’existe pas à proprement parler de régime per se consacré aux sûretés (réelles ou personnelles) constituées pour garantir la dette d’autrui, force est de constater que la jurisprudence ainsi que certains textes législatifs – éparses – ont peu à peu soumis ce type de sûretés au respect de certaines conditions particulières.

357 Formule issue de la décision : Cass. ch. Mixte, 2 décembre 2005, Madame Pasquier c/ BNP Paribas, n° 03-

18.210, JurisData n° 2005-031111.

358 En ce sens : « Par un important arrêt du 2 décembre 2005, la chambre mixte de la Cour de cassation

considère que la constitution pour autrui d’une garantie réelle ne s’analyse pas en une sûreté mixte, mais en sûreté réelle (…). L’appellation de cautionnement réel ne correspond donc plus à la réalité de cette variété de

garanties » – S. Piedelièvre, « N’est pas un cautionnement une sûreté réelle consentie pour garantir la dette

d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 2, 12 Janvier 2006, 1056.

359 P. Simler, « Une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement

personnel n’est pas un cautionnement », La Semaine Juridique Edition Générale n°52, 28 décembre 2005, II 10183.

Initialement, le droit commun imposait l’existence d’une cause comme condition de validité des conventions360. En matière de sûretés pour dette d’autrui – et plus particulièrement à l’égard du cautionnement – la Cour de cassation avait d’ailleurs eu l’occasion de préciser361 que la cause de l’engagement de la caution se situait non pas dans ses relations d’affaires avec le débiteur principal mais dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal, et plus précisément dans le crédit ou l’avantage consenti par le premier au second en conséquence de la sûreté fourni par la caution362. Bien que la notion de "cause" ait été abandonnée – du moins d’un point de vue sémantique – par la réforme du droit des obligations, certains auteurs estiment pourtant que le concept n’a pas totalement disparu363. À l’appui de cette théorie, il est vrai que la nouvelle rédaction retenue par l’art. 1169 du Code civil assure une certaine continuité, et impose désormais – à titre de validité – aux contrats à titre onéreux la présence d’une "contrepartie" n’étant ni "illusoire" ni "dérisoire" au profit de celui qui s’engage364. Certains auteurs estiment que cet article aurait tout autant vocation à s’appliquer à des sûretés pour dette d’autrui telle que le cautionnement365. De récentes décisions de la Haute juridiction vont dans ce sens et continuent de sanctionner par la nullité le cautionnement constitué pour dette d’autrui qui serait dépourvu de véritable cause366. Aussi – et quel que soit finalement le choix sémantique retenu par le législateur – on comprend qu’il est important pour la validité d’une sûreté constituée pour la dette d’autrui (à l’instar des garanties financières) que celle-ci présente un véritable "intérêt" pour la société constituante.

360 Anc. art. 1131 du Code civil (version en vigueur du 17 février 1804 au 1er octobre 2016) : « L’obligation sans

cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

361 Notamment à l’occasion de l’arrêt dit "Lempereur" : Cass. com., 8 Novembre 1972, n° 71-11.879 : D. 1973, p. 752, note Ph. Malaurie.

362 En ce sens, un auteur rappelle « le fameux arrêt "Lempereur" qui, refusant de localiser la cause de

l’engagement de la caution dans les relations – d’amitié ou d’affaires – que celle-ci entretient avec le débiteur principal (relations relevant de simples mobiles, personnels à la caution, donc la modification en cours d’opération ne remet pas en cause la pérennité de son engagement), la situe de manière assez artificielle dans les rapports entre créancier et débiteur et, plus précisément, dans le crédit ou l’avantage que le premier accepte de consentir au second en conséquence de la sûreté » ; – Charles Gijsbers, « Pourquoi s’engage-t-on à payer la

dette d’autrui ? (quand la cause se réinvente dans le contentieux du cautionnement) », Revue des procédures collectives n°1, Janvier 2018, comm. 22.

363 V. en ce sens : F. Chénedé, « La cause est morte… vive la cause ? », Contrats Concurrence Consommation n°

5, Mai 2016, dossier 4.

364 Art. 1169 du Code civil : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la

contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ».

365 En ce sens : P. Simler, « Droit des sûretés », Chronique, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 49, 7 décembre 2017, 1667, §7 ; D. Mazeaud, « Une rareté : l’annulation d’un contrat de cautionnement pour

absence de cause », Recueil Dalloz 2017, p. 1694 ; Y-M. Laithier, « "L’avenir du passé" : la cause de

l’engagement de la caution », Revue des contrats n°3, 15 Septembre 2017, p. 421 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y-M. Laithier, « Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », Litec LexisNexis, 20 Octobre 2016, p. 289.

366 En l’espèce il s’agissait du défaut d’un véritable avantage consenti par le créancier au débiteur principal ; Cass. com., 17 mai 2017, n°15.15.746, JurisData n° 2017-009369.

Afin de participer au contrôle en amont de la présence de cet intérêt à l’égard du constituant, on va voir que la sûreté (réelle ou personnelle) prise en garantie d’une dette d’autrui doit nécessairement être conforme à l’objet social de la société constituante ainsi qu’à son intérêt social pour pouvoir être valide.

166. – Conformité à l’objet social – Concernant d’une part la conformité à l’objet social de

la société constituante, cette condition s’inscrit dans la lignée du principe dit de "spécialité" – tel que dégagé par la doctrine – selon lequel la capacité juridique des personnes morales est limitée aux actes participant à la réalisation de leur objet social. Dans notre hypothèse de tiers fournisseur de garanties financières, il conviendra alors de vérifier en amont que la constitution de telles sûretés pour garantir la dette d’autrui est prévue au sein de l’objet social du tiers constituant. À défaut d’une mention expresse – qui reste d’ailleurs assez rare en pratique – il conviendra soit, que la constitution des garanties financières ait été spécialement autorisée par un "vote unanime"367 des organes dirigeants du tiers constituant soit, de s’assurer qu’il existe bien une "communauté d’intérêts"368 entre le tiers constituant et la partie garantie.

Le défaut de conformité à l’objet social n’aura pas les mêmes conséquences selon que le tiers constituant est une société à responsabilité illimitée ou limitée. Dans le premier cas, la sûreté constituée pour dette d’autrui qui n’est pas conforme à l’objet social (ou seulement qui le dépasse) sera sanctionnée par la nullité369. À l’inverse, si le tiers constituant est une société à responsabilité limitée, alors la sûreté concernée ne sera pas nulle et engagera malgré tout le

367 À titre d’illustration, la Cour de cassation s’est déjà prononcée en faveur de la validité de cautionnements qui

« avaient été donnés avec l’accord unanime de tous les associés lors d’une assemblée générale extraordinaire »

(Cass. com., 18 mars 2003, n° 00-20041). Voir sur cette décision : Dr. sociétés 2003, comm. 110, note J. Monnet ; JCP E 2003, p. 688, obs. P. Bouteiller ; JCP E, 2004, 29, n° 6, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker ; D. 2004, somm. 271, obs. J.C. Hallouin ; D. 2003, p. 974, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2003, p. 500, obs. Y. Guyon ; Bull. Joly Sociétés 2003, p. 643, § 138, note J.-F. Barbièri ; RJDA 6/2003, n° 605.

368 Comme l’explique un auteur, notamment à l’égard du cautionnement, « la communauté d’intérêts suppose

généralement que les sociétés caution et débitrice principale soient liées par un lien juridique (…). Toutefois, la

Cour de cassation a précisé, dans son arrêt rendu le 1er février 2000 [ndlr : pourvoi n° 97-17.827], que la

communauté d’intérêts relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; ainsi, dans sa décision de juillet 2001, la communauté d’intérêts a été reconnue, alors qu’il n’existait aucun lien juridique entre les deux sociétés (Cass. com, 17 juillet 2001 [ndlr : pourvoi n° 98-18.438] (…)) ; de même, elle est reconnue lorsque les sociétés

appartiennent à un même groupe (CA Paris, 1er décembre 2000, [ndlr : JurisData n° 2000-133358] (…)) » (R. Besnard-Goudet, « Fasc. 9-20 : Objet social – Influence sur les pouvoirs des dirigeants », JurisClasseur Sociétés Traité, 26 Janvier 2015 (Actualisation : 15 Septembre 2015), §22). Concernant une autre décision identique (Cass. com., 13 décembre 2011, n° 10-26.968) voir également : M. Roussille, « Validité du cautionnement par

une SNC », Revue Droit des sociétés n°3, Mars 2012, comm. 44.

369 Sur ce sujet, voir : R. Besnard-Goudet, « Fasc. 9-20 : Objet social – Influence sur les pouvoirs des

dirigeants », JurisClasseur Sociétés Traité, 26 Janvier 2015 (Actualisation : 15 Septembre 2015), §40 ; Concernant la nature de la nullité, la Cour de cassation a pu préciser dans une décision récente que « l’action en

nullité d’une sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d’un associé (…) vise à faire

constituant (et ce en dépit du principe de spécialité). La nullité de la sûreté non conforme serait ici possible seulement si le contractant est de mauvaise foi370.

167. – Conformité à l’intérêt social – Concernant d’autre part la conformité à l’intérêt social

du tiers constituant, il s’agit là d’une seconde condition cumulative nécessaire à la validité de la sûreté constituée pour garantir la dette d’autrui. Ainsi, bien qu’une telle sûreté soit conforme à l’objet social du tiers constituant, sa validité peut cependant être entachée si elle est contraire à l’intérêt social du constituant371. Là encore, le défaut de conformité à l’intérêt social du tiers constituant par les garanties financières ne sera pas sanctionné de la même façon selon que le constituant est une société à responsabilité illimitée ou limitée. Dans le premier cas, la sûreté constituée pour dette d’autrui non conforme à l’intérêt social sera sanctionnée par la nullité372. À l’inverse, si le tiers constituant est une société à responsabilité limitée, alors la sûreté concernée ne serait vraisemblablement pas nulle et pourrait engager malgré tout le constituant373.

370 Cette solution est notamment énoncée de façon expresse au sein de différents textes du Code de commerce.

Concernant la SARL, l’art. L.223-18 al. 5 C. com. dispose ainsi que « la société est engagée même par les actes

du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. ». Concernant la SA, une formulation équivalente est également reprise à l’égard de actes pris par le conseil d’administration (L.225-35 al. 2 C. com.), par le directeur général (L.225-56 I al. 2 C. com.), ou par le directoire (L.225-64 al. 2 C. com.) qui ne relèveraient pas de l’objet social. Sur ce sujet voir également : R. Besnard-Goudet, « Fasc. 9-20 : Objet social – Influence sur les pouvoirs des dirigeants », JurisClasseur Sociétés Traité, 26 Janvier 2015 (Actualisation : 15 Septembre 2015), §41 à §51.

371 Pour une tentative de présentation de ce que recouvre précisément la notion de l’intérêt social, voir : G. Piette,

« Cautionnement et intérêt social – Les implications réciproques », La Semaine Juridique Edition Générale n°25, 16 juin 2004, doctr. 142, §28 et s. Cet auteur explique notamment que « la doctrine est unanime pour

relever l’imprécision de la notion d’intérêt social. Il s’agit d’un concept "mou", d’un "standard, un concept à contenu variable". Cette caractéristique explique que le contenu de l’intérêt social ne soit pas figé et intangible. Il évolue au gré des matières et des besoins. En revanche, l’unanimité disparaît lorsqu’il s’agit de savoir ce que recouvre précisément l’intérêt social ».

372 À titre d’illustration : « Mais attendu que n’est pas valide la sûreté accordée par une société civile en

garantie de la dette d’un associé dès lors qu’étant de nature à compromettre l’existence même de la société, elle est contraire à l’intérêt social ; qu’il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire » (Cass. com., 24 septembre 2014, n° 13-17347). Sur cet arrêt voir notamment : J-P. Garçon,

« Validité de l’hypothèque accordée pour la dette d’un associé : nécessité d’un intérêt social », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n°51-52, 19 Décembre 2014, 1387.

373 En ce sens : « Attendu (…) que, serait-elle établie, la contrariété à l’intérêt social ne constitue pas, par elle-

même, une cause de nullité des engagements souscrits par le gérant d’une société à responsabilité limitée à l’égard des tiers » (Cass. com., 12 mai 2015, n°13-28504 et n° 14-11.038). Sur ces décisions voir notamment : P. Dupichot, « L’Europe au secours des sûretés pour autrui consenties par les sociétés de capitaux », Bulletin Joly Sociétés n° 12, 02 décembre 2015, p. 609. Certains auteurs ont cependant critiqué la confusion opérée par cette décision, voir notamment : N. Rontchevsky, « Garantie hypothécaire de la dette d’un tiers consentie par

une SARL au profit d’une banque – Contrariété de la garantie à l’intérêt social – Nullité de la garantie (non) », Banque et Droit n° 164, Novembre-Décembre 2015, p. 70 ; M. Roussille, « Cautionnement hypothécaire

souscrit pas une SARL : certitudes et incertitudes quant à la portée d’un acte contraire à l’intérêt social… », Droit des sociétés n° 8-9, Août 2015, comm. 147.

168. – On comprend de l’ensemble de ces éléments que des garanties financières qui auraient

été constituées par un tiers – sans que celles-ci ne soient conformes à son objet social et à son intérêt social – ne comportent vraisemblablement un risque de nullité que si le tiers constituant est une société à responsabilité illimitée. Par conséquent, l’attention doit être tout particulière lorsque le tiers constituant relève de ce type particulier de sociétés. À l’inverse, on pourrait croire que dans l’hypothèse où le tiers constituant de garanties financières serait une société à responsabilité limitée, alors l’attention pourrait être plus relative en raison du très faible risque de nullité qu’encouraient les garanties financières non conformes. Bien au contraire, l’attention doit cependant tout autant être portée à l’égard de ces sociétés du fait de l’existence d’un certain nombre de textes législatifs issus du Code de commerce qui encadrent spécifiquement la façon dont certaines sociétés commerciales à responsabilité limitée (SA, SAS, SARL, etc.) peuvent constituer une sûreté pour garantir la dette d’autrui.

169. – Spécificités liées à des sociétés commerciales à responsabilité limitée – Des

dispositions du Code de commerce prévoient en effet à l’égard de certaines sociétés commerciales à responsabilité limitée soit, une procédure d’autorisation en interne soit, une interdiction pure et simple de constitution de garantie.

Concernant la procédure d’autorisation d’abord, il est imposé aux sociétés anonymes (avec conseil d’administration ou directoire) que « les cautions, avals et garanties donnés par des

sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers font l’objet d’une autorisation du conseil dans les conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat »374. Le non-respect de cette autorisation spéciale a déjà été sanctionné par la Cour de cassation par l’inopposabilité de la garantie375. Précisons enfin que l’emploi par le législateur du terme général de "garanties" laisse à croire raisonnablement que tout type de sûreté (réelle ou personnelle) est concernée ici par ce processus d’autorisation spéciale. La jurisprudence s’est d’ailleurs déjà prononcée en ce sens376. Par conséquent, une sûreté réelle pour garantir la

374 Art. L.225-35 al. 5 du Code de commerce pour les SA avec conseil d’administration ; Formulation quasiment

identique à l’art. L.225-68 al. 2 du Code de commerce pour les SA avec directoire : « Toutefois, les cautions,

avals, garanties, sauf dans les sociétés exploitant un établissement bancaire ou financier, font l’objet d’une autorisation du conseil de surveillance dans des conditions déterminés par décret en Conseil d’Etat ».