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Réalisation des garanties financières constituées par un tiers

Des techniques à la libre disposition des parties

Section 1 – Présentation des supports contractuels

B. Contrat de collatéralisation avec l’intervention de tiers

2. Réalisation des garanties financières constituées par un tiers

172. – Une réalisation non différenciée – La nouvelle hypothèse des tiers fournisseurs

de garanties financières – consacrée par la loi Sapin 2 – ne s’est manifestement pas accompagnée d’une adaptation des modes de réalisation de ces garanties. Ainsi, le fait que les garanties soient fournies par les parties elles-mêmes ou par des tiers ne changera par conséquent en rien leur mode de réalisation. Or comme le précise l’art. L211-38 du Code monétaire et financier, « la réalisation de telles garanties intervient (…) par compensation,

appropriation ou vente »382.

On peut légitimement se poser la question de savoir si ces différents modes de réalisation applicables aux garanties financières posent des difficultés dans l’hypothèse où le constituant serait un tiers. À dire vrai, la réponse varie à la fois en fonction du fait que le contrat de collatéralisation se fait avec ou sans transfert de propriété, mais également selon que la réalisation intervient par appropriation ou par compensation.

173. – Réalisation des contrats avec transfert de propriété – Lorsqu’il a été mis en place

un contrat de collatéralisation avec transfert de propriété, alors l’hypothèse d’un tiers fournisseur de garanties financières ne posera ici aucune difficulté et ce peu importe le mode de réalisation retenu. En effet, un tel transfert en pleine propriété assure – à l’égard des actifs remis à titre de garantie – un véritable transfert du patrimoine du tiers fournisseur vers le patrimoine de la partie receveuse. C’est précisément ce transfert entre patrimoines qui fait que la partie receveuse sera d’ores-et-déjà en pleine possession des actifs lors de la réalisation des garanties et pourra donc soit, directement se les approprier soit, procéder à leur compensation. Concernant la réalisation par appropriation, la possession des actifs transférés à titre de garantie permet à la partie receveuse de pouvoir conserver directement ces actifs à hauteur du solde de résiliation unique (dont elle serait créancière).

Concernant la réalisation par compensation, il faut comprendre que sa mise en œuvre implique – entre autres – que l’on soit en présence d’obligations dites "réciproques" entre deux personnes. Plus précisément, la compensation peut intervenir uniquement à l’égard des seuls patrimoines dont relèvent les dettes et créances réciproques sujettes à la compensation383. Or – sans entrer ici plus dans les détails de cette condition de réciprocité384 – précisons simplement que le transfert en pleine propriété des garanties permet d’assurer cette réciprocité au sein des patrimoines concernés par la compensation. À titre d’illustration, prenons l’exemple de deux parties (parties A et B) ayant conclu une convention-cadre d’opérations sur dérivés. Un contrat de collatéralisation avec transfert de propriété a été également conclu au titre de cette convention-cadre et prévoit notamment que l’une des parties (partie A) recourt à un tiers pour fournir ses garanties financières. Suite à une résiliation-anticipée de la convention-cadre, un solde unique est calculé et se trouve être en faveur de la partie B. Cette dernière va dès lors pouvoir réaliser par compensation les garanties financières fournies par le tiers aux fins de payer sa créance issue du solde de résiliation unique. La réalisation par compensation n’est ici possible qu’en raison du fait que la partie B est pleine propriétaire des actifs remis à titre de garantie et que ces derniers ont par conséquent intégré le "périmètre" des obligations réciproques entre les deux parties initiales (parties A et B). Seuls les deux patrimoines des parties initiales sont ici concernés par la compensation et en aucun cas celui du tiers fournisseur.

174. – Fort de ce raisonnement, on peut facilement imaginer que la question de la réalisation

en matière de tiers fournisseur de garanties financières soit quelque peu plus compliquée en présence de contrat de collatéralisation avec constitution de sûreté.

175. – Réalisation des contrats avec constitution de sûreté – À la différence d’un contrat de

collatéralisation avec transfert de propriété, un contrat avec constitution de sûreté n’assure aucun transfert entre patrimoines. Le tiers fournisseur de garanties financières resterait ici l’entier propriétaire des actifs sur lesquels portent les sûretés constituées à titre de garantie. Ce non-transfert de propriété a pour conséquence que trois patrimoines vont être concernés au moment de la résiliation anticipée de la convention-cadre, à savoir ceux des deux parties initiales ainsi que celui du tiers fournisseur de garanties. Cette situation n’affecte pas de la

383 Voir infra note de bas de page n°393 qui fait état de décisions de justice refusant la mise en œuvre de la compensation à l’égard de patrimoines distincts de ceux dont relevaient les dettes et créances concernées. 384 Cette condition de "réciprocité" nécessaire à la compensation sera étudiée plus précisément dans les développements qui suivent ci-après.

même façon la question de la réalisation des sûretés selon que celle-ci se fait par appropriation ou par compensation.

176. – La réalisation par appropriation est le mode de réalisation traditionnel des sûretés de

droit commun. Or, le fait que le constituant des sûretés soit ici le tiers et non la partie initiale n’est en rien un obstacle à la réalisation par appropriation. La partie receveuse (et qui serait créancière à l’issue de la résiliation anticipée) peut donc parfaitement réaliser les sûretés, constituées par le tiers à titre de garanties, pour ensuite se les approprier à hauteur du solde de résiliation unique.

177. – La réalisation par compensation des sûretés constituées à titre de garantie soulève en

revanche un certain nombre de difficultés, au point que certains auteurs estiment que ce mode de réalisation serait incompatible avec l’hypothèse d’une garantie financière constituée par un tiers385.

178. – Droit commun de la compensation – Afin de comprendre cette incompatibilité, il

convient d’en revenir au droit commun : le code civil dispose en effet que la compensation – légale ou conventionnelle – ne peut jouer qu’à l’égard « d’obligations réciproques »386. Cette

condition de réciprocité des obligations est nécessaire mais ne suffit pas en tant que telle à l’accomplissement du phénomène de la compensation. Ce dernier implique également « une

aptitude intrinsèque des obligations à en subir le mécanisme »387. Or selon le législateur, les obligations ne sont – sauf dispositions contraires – éligibles à la compensation que lorsqu’elles sont « fongibles, certaines, liquides et exigibles »388. À ces conditions peut également s’ajouter le critère de la connexité en matière de faillites, de telle sorte que

385 Voir notamment : F. Auckenthaler, « Compensation, garantie, cession : le nouveau régime des obligations

financières (Ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 simplifiant les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garanties financières) », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 43, 27 Octobre 2005, 1519, §24 ; D. Robine, S. Praicheux, « Garanties financières », Etudes Joly Bourse, ID : EG020, 27 janvier 2018, §92 et s.

386 Art. 1347 al. 1 du Code civil : « La compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre

deux personnes » ; Art. 1348-2 du Code civil : « Les parties peuvent librement convenir d’éteindre toutes

obligations réciproques, présentes ou futures par compensation ».

387 D. R. Martin, L. Andreu, « Fasc. 10 : Régime Général des obligations – Compensation – Conditions de la

compensation », JurisClasseur Civil Code, Art. 1347 à 1348-2, 2 mars 2017, §42.

388 Art. 1347-1 du Code civil : « Sous réserve des obligations prévues à la sous-section suivante, la

l’ouverture d’une procédure collective ne saurait faire obstacle à la compensation de dettes et créances connexes389.

179. – Question de la validité du mécanisme de garanties par un tiers – C’est au regard de

ce droit commun de la compensation, que certains auteurs en tirent la conclusion que l’hypothèse de tiers fournisseurs de garanties financières viendrait inévitablement se heurter à la nécessaire condition de réciprocité lors de la réalisation par compensation390. Il faut comprendre ici que ce n’est pas tant le fait que des tiers soient à l’origine de la fourniture de garanties financières qui pose une difficulté mais bien le fait que de telles garanties puissent être compensées avec les dettes et créances relatives aux obligations financières entre les parties initiales. Cette absence de réciprocité soulève dès lors la question de l’opposabilité – voire de la validité – de contrats de collatéralisation prévoyant la compensation des garanties financières constituées par un tiers au profit de l’une des parties.

Deux types d’éléments de réponse pourraient être apportés à cette question selon que l’on retient une conception que l’on pourrait qualifier de "restrictive" ou "extensive" de la compensation.

180. – Conception restrictive – D’une part, une conception restrictive de la compensation

pourrait conduire à une analyse en défaveur de la réalisation par compensation en matière de tiers fournisseurs de garanties financières. La clef de voûte de cette conception repose sur l’idée que la condition de réciprocité des obligations concernées participerait à "l’essence"391 même de la notion de compensation. Autrement dit, aucune compensation ne saurait être possible à l’égard d’obligations non réciproques. À l’appui de cette conception restrictive, la Cour de cassation a d’ailleurs déjà pu affirmer « que la compensation, fût-elle

conventionnelle, implique l’existence d’obligations réciproques entre les parties » 392. Également, la jurisprudence a déjà pu préciser que l’existence d’un groupe de sociétés ne

389 Art. L622-7, I du Code de commerce : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit,

interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ».

390 Voir notamment : S. Praicheux, « Le traitement juridique des garanties financières, entre restrictions et

innovations », Mélanges en l’honneur de Jean-Jacques Daigre, Joly éditions, Novembre 2017, p. 633, §32 ; F. Auckenthaler, « Compensation, garantie, cession : le nouveau régime des obligations financières (Ordonnance

n° 2005-171 du 24 février 2005 simplifiant les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garanties financières) », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 43, 27 Octobre 2005, 1519, §24 ; D. Robine, S. Praicheux, « Garanties financières », Etudes Joly Bourse, ID : EG020, 27 janvier 2018, §92 et s. 391 Certains auteurs avancent l’idée que la condition de réciprocité « semble être de l’essence de la compensation [de sorte qu’] il n’est pas possible d’y déroger par une compensation conventionnelle » (D. Robine, S. Praicheux, op. cit., §92).

permettait pas de justifier la mise en œuvre de la compensation invoquée par une société-mère débitrice alléguant la dette de son créancier à l’égard d’une de ses filiales. De ces décisions, on comprend finalement que le lien économique pouvant résulter de l’appartenance à un même groupe de sociétés ne saurait permettre la création du lien de réciprocité nécessaire à la compensation, les sociétés du groupe n’en demeurant pas moins des personnes morales distinctes avec des patrimoines distincts393. Par conséquent, la condition de réciprocité semble être un principe absolu tel en matière de compensation qu’aucune convention ou situation économique ne saurait permettre d’y déroger. Cette conception restrictive de la compensation impose dès lors d’envisager les autres mécanismes juridiques qui seraient nécessaires pour permettre la réalisation par compensation à l’égard des tiers fournisseurs de garanties financières.

181. – À l’instar de certains auteurs394, la première piste alternative serait d’envisager la mise

en place d’une cession entre la partie ayant fait appel au tiers fournisseur de garanties et ce même tiers. Imaginons en effet la situation où une société "D" conclut une convention-cadre d’opérations sur dérivés avec une société "C". Au titre de cette convention est également conclu un contrat de collatéralisation prévoyant que la société "D" recourt à un tiers dit société "T" (étant la société-mère de la société "D") pour fournir les garanties financières. S’ajouterait à ce schéma contractuel la stipulation selon laquelle le tiers (société "T") cède ses droits – au titre de la fourniture des garanties financières – à la société "D". À l’issue de la résiliation anticipée de la convention-cadre, la société "D" se retrouve débitrice du solde

393 En ce sens : « L’existence d’un groupe de sociétés ne permet pas au créancier de compenser sa dette à

l’égard de la filiale avec la dette que la société mère aurait envers lui. Si ces deux entités appartiennent au même groupe, elles n’en constituent pas moins des personnes morales distinctes avec des patrimoines distincts »

(CA Paris, ch. 3, Section 1, SA PRISME c/ SNC EURIWARE SERVICES, 12 Juin 2001, JurisData n° 2001- 161053). Egalement : « Il ne peut y avoir compensation que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une

envers l’autre. Aussi, un débiteur ne peut prétendre effectuer une compensation avec ce que son créancier peut devoir à un tiers, même s’il s’agit d’une société dépendant du même groupe dès lors que rien n’établit qu’il y ait confusion de patrimoine entre les sociétés distinctes » (CA Orléans, ch. civ. section 1, SARL COBA CIE ORLEANAISE DE BATIMENT c/ JOUSSET, 20 mai 1992, JurisData n° 1992-043912). Aussi : « C’est à tort

que le débiteur entend invoquer la compensation à la demande en paiement de son créancier dans la mesure où il ne démontre par que les conditions de la compensation soient réunies. Le seul fait que le débiteur détienne une créance sur une société appartenant au groupe de son créancier est insuffisant » (CA Metz, ch. 1, SA Colman Bois c/ SARL KIS FORST UND HOLDS GMBH, 12 Septembre 2007, n°06/01615, JurisData n° 2007-345060). V. aussi : CA Paris, 29 Novembre 1962, Dalloz 1963, p. 648, note J.-M. Verdier.

394 D. R. Martin, L. Andreu, « Fasc. 10 : Régime Général des obligations – Compensation – Conditions de la

compensation », JurisClasseur Civil Code, Art. 1347 à 1348-2, 2 mars 2017, §13 : « Un débiteur ne pourrait

naturellement prétendre effectuer une compensation avec ce que son créancier pourrait devoir à un tiers (…).

La solution vaut aussi quand le tiers est une société dépendant du groupe même auquel appartient la société débitrice, dès lors que rien n’établit qu’il y ait confusion de patrimoine entre les sociétés distinctes (…). Il n’en

irait autrement qu’au cas où le tiers aurait cédé ses droits au débiteur, parce qu’alors cette cession le rendrait créancier de son propre créancier ».

unique de résiliation. Dans cette hypothèse-ci, il serait alors possible de procéder à la compensation des dettes et créances afférentes aux obligations financières des parties (sociétés "D" et "C") avec celles relatives aux garanties financières fournies par le tiers (société "T"). En effet, la cession intervenue entre le tiers "T" et la société débitrice "D" permet de transférer les dettes et créances relatives aux garanties au sein du patrimoine de la partie "D" et ainsi de remplir la condition de réciprocité nécessaire à la réalisation par compensation entre les parties "D" et "C".

Schéma :

182. – Une autre alternative concernant l’hypothèse de tiers fournisseurs de garanties

financières consisterait en « la stipulation d’un mécanisme de compensation

multilatérale »395.

395 F. Auckenthaler, « Fasc. 2050 : Instruments financiers à terme ou contrats financiers », JurisClasseur Banque – Crédit – Bourse, 3 avril 2017, §102 : « En pratique, ensuite, la compensation est inapplicable lorsque

la sûreté a été consentie par un tiers au profit du débiteur. En effet, en pareille hypothèse, et à défaut de réciprocité, la compensation supposera la stipulation d’un mécanisme de compensation multilatérale ».

Société"D" (Débiteur) Société"C" (Créancier) Société"T" (Tiers) Contrat de collatéralisation Cession des droits Fourniture des garantiesfinancières

183. – Conception extensive – D’autre part, une conception extensive de la compensation

pourrait inversement conduire à admettre la réalisation par compensation en matière de tiers constituants de garanties financières. Cette conception repose sur l’idée que la condition de réciprocité constitue certes l’essence de la compensation mais pas de manière absolue, de telle sorte que certaines dérogations très spécifiques – car justifiées – pourraient être parfois apportées.

Au soutien de cette conception, il convient d’évoquer la loi dite "Sapin 2"396 qui est venue modifier l’art. L211-38 du Code monétaire et financier – dont l’objet est précisément d’organiser le mécanisme des garanties financières – en y ajoutant simplement la possibilité que les remises ou sûretés puissent « être effectuées ou constituées par (…) des tiers »397. Non seulement cette nouvelle disposition prévoit explicitement une extension du système bilatéral classique au profit de l’hypothèse de tiers fournisseurs de garanties financières, mais également et surtout, cette extension s’est faite sans que ne soient modifiés les modes de réalisation des garanties. La lettre de ce nouvel article L211-38 plaide par conséquent en faveur de l’idée qu’un tiers peut fournir des garanties financières et que les dettes et créances relatives à ces dernières pourront parfaitement être compensées avec celles afférents aux obligations financières des parties398. C’est d’ailleurs en ce sens que certains auteurs, pourtant partisans de la conception restrictive, ont été contraints "d’admettre"399 que le législateur a

autorisé une telle fourniture des garanties par des tiers sans exclure la réalisation par compensation.

Ces mêmes auteurs tentent néanmoins de tempérer cette nouvelle disposition en se fondant sur « le relatif laconisme du régime envisagé qui se borne à en édicter le principe (ndlr : celui des tiers fournisseurs de garanties) »400, de telle sorte qu’il est – selon eux – « permis de

penser que les rédacteurs des textes relatifs aux garanties financières n’ont pas perçu cette difficulté (ndlr : à savoir la réalisation par compensation en dépit du défaut de réciprocité) »401. Bien au contraire, il est selon nous permis de penser que le législateur avait

396 Art. 56 de la loi Sapin 2 n° 2016-1691.

397 Art. L211-38, I, al. 2 du Code monétaire et financier : « Les remises et sûretés mentionnées au premier alinéa

du présent I peuvent être effectuées ou constituées par les parties elles-mêmes ou par des tiers » ;

398 Art. L211-38, I, al. 3 du Code monétaire et financier : « Les dettes et créances relatives à ces garanties et

celles afférentes à ces obligations sont alors compensables conformément à l’article L. 211-36-1 ».

399 S. Praicheux, « Le traitement juridique des garanties financières, entre restrictions et innovations », Mélanges en l’honneur de Jean-Jacques Daigre, Joly éditions, Novembre 2017, p. 632, §32 : « Certes, on doit

admettre que la reconnaissance de la possibilité pour un tiers d'octroyer une sûreté réelle ne s'est pas accompagnée d'une adaptation (ou d'une modification) des modes de réalisation des garanties, pour tenir compte de cette extension. Les conditions d'application – ou plutôt d'opposabilité – d’une compensation à l'égard du tiers constituant de la garantie financière demeurent donc incertaines ».

400 D. Robine, S. Praicheux, « Garanties financières », Etudes Joly Bourse, ID : EG020, 27 janvier 2018, §92. 401 D. Robine, S. Praicheux, op. cit., §92.

parfaitement perçu la question soulevée par le défaut de réciprocité et la réalisation par compensation, mais que ce dernier a manifestement décidé d’y apporter ici une dérogation spéciale. Cette dérogation qui serait accordée par le législateur se justifie selon nous par une cohérence tant juridique qu’économique.

184. – Une cohérence juridique tout d’abord car ce ne serait pas la première fois que le

législateur déroge au droit commun de la compensation en matière de garanties financières. À dire vrai, c’est même par deux fois que celui-ci a déjà apporté de telles dérogations.

D’une part – et comme on l’a évoqué précédemment – on sait effectivement que le droit commun de la compensation impose classiquement aux obligations pouvant être compensées qu’elles respectent nécessairement quatre conditions dont celle de fongibilité402. Les obligations doivent donc être fongibles pour pouvoir bénéficier de la réalisation par compensation. Or, à la lecture de l’art. L211-38 du Code monétaire et financier on constate que la compensation a vocation à s’appliquer aux dettes et créances relatives à des garanties portant sur des actifs très divers tels que des « instruments financiers, effets, créances,

contrats ou sommes d’argent »403. Si les sommes d’argent sont sans nul doute fongibles par nature, il n’en est pas de même concernant les instruments financiers, créances ou contrats. Le législateur offre donc bel et bien ici la possibilité aux parties de pouvoir recourir à la compensation d’obligations non fongibles.

D’autre part, on sait également – tel qu’évoqué précédemment – que le Code de commerce autorise le paiement par compensation des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture d’une procédure collective si et seulement si ces dernières sont connexes404. En matière de garanties financières, rappelons que celles-ci sont réalisables par compensation

« conformément au I de l’article L.211-36-1 [du Code monétaire et financier] »405. Or, tout

402 Art. 1347-1 du Code civil : « Sous réserve des obligations prévues à la sous-section suivante, la

compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles ».

403 Art. L211-38, I du Code monétaire et financier : « [al. 1] À titre de garantie des obligations financières