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D.1 Le vélo, une aubaine financière pour les collectivités

Dans le document Les embarras de Paris (Page 132-136)

spécifique de résorption des

II. D.1 Le vélo, une aubaine financière pour les collectivités

Commençons par les coûts les plus simples à observer, soit les coûts directs – les externalités posent par contre le problème non seulement de leur identification mais également, parce qu'elles correspondent fréquemment à des phénomènes situés hors de la sphère monétaire, de leur mesure. Ces coûts directs sont de deux types, coûts de fonctionnement et coûts d'investissement, ces derniers se répartissant eux-mêmes entre coût de l'infrastructure et coût du matériel ; tous ces coûts étant assumés soit par la collectivité soit par les usagers. Si l'on prend comme étalon-repoussoir le métro pour déterminer lesquels des autres modes présentent en la matière les performances les moins éloignées, et donc les moins intéressantes, il apparaît que, s'agissant du coût de fonctionnement, celui des TC de surface (bus et tramway) peut grossièrement lui être équipolé. Par contre, leur coût d'investissement est nettement inférieur, essentiellement, en ce qui concerne le tramway, pour le coût de l'infrastructure (parce que l'établir en surface est moins coûteux qu'en souterrain)325, tandis que pour le bus cela vaut aussi

bien pour le matériel que pour l'infrastructure, ceci parce que le bus n'est pas un mode ferré326. Cependant le tramway comme le bus, parce qu'ils sont des

modes de surface, ont en termes d'espace un « coût » auquel échappe le métro, et qui est proche pour les deux. Commun aux trois types de TC est enfin le fait que tous ces coûts sont assumés par la collectivité – exclusivement s'agissant de l'investissement, et de manière partagée avec les usagers pour ce qui est du fonctionnement ; et que ces coûts sont extrêmement élevés. Ainsi en 2012 la contribution de la ville de Paris au budget de fonctionnement de l'autorité organisatrice des transports en Île-de- France (le STIF) était-elle de 360 millions d'euros327, tandis que la dépense

325Ainsi le coût de la création de l'intégralité de la ligne T3a (267 millions d'euros hors requalification urbaine des boulevards des Maréchaux) peut-il apparaître comme modéré lorsqu'on le compare à celui du prolongement de la ligne 12 d'une seule station (200 millions) : Ligne 3a du tramway d’Île-de-France, https://fr.wikipedia.org/w/index.php? title=Ligne_3a_du_tramway_d%27%C3%8Ele-de-France&oldid=96028808 ;

« Financement du prolongement M12 », op. cit.

326« Un kilomètre de tramway coûte [...] trois fois moins qu'une ligne de métro mais trois fois plus qu'un bus en site propre » : Laure TOURJANSKY-CABART et Jean-Marc AUBERT, « L’allocation de la voirie dans les centres-villes », Revue française d’économie, 2000, vol. 15, no 2, p. 162.

327Pour donner un ordre de grandeur, sans cette charge, la collectivité parisienne serait en mesure de se libérer en moins de dix ans de son endettement. Comme, on l'a vu, 45% des déplacements en TC intéressant Paris sont intégralement substituables par le vélo (et secondairement la marche), ce seul type de substitution (dont on a pu déterminer qu'il était

totale liée aux TC franciliens s'élevait à 9.1 milliards, en hausse d'un quart

en euros constants (c'est-à-dire une fois enlevés les effets de l'inflation) par

rapport à 2001 ; des sommes colossales donc328, et qui ne cessent de gonfler

rapidement.

Par opposition, le vélo entraîne pour la collectivité un coût d'investissement sans commune mesure pour ce qui est des infrastructures (qu'il s'agisse de leur coût financier ou en termes d'espace requis) dans la mesure où elles sont autrement légères329 ; quant au coût d'investissement lié

au matériel, il est nul pour la collectivité et extrêmement faible pour les usagers ; enfin, le coût de fonctionnement, négligeable, ne porte que sur les usagers. L'avantage extrême du vélo en matière de coûts directs par rapport aux TC330 ne s'arrête toutefois nullement là : parce que les coûts

d'investissement très élevés des TC sont dus à l'ampleur des travaux à effectuer (en termes d'infrastructures comme de construction du matériel roulant), ils ont pour corollaire une longue durée de réalisation desdits travaux, à laquelle s'ajoute le long temps requis, en raison de leur

secondaire par rapport à la substitution partielle) permettrait à la collectivité parisienne d'économiser 162 millions d'euros chaque année, ce qui permettrait par exemple d'accroître de 20% le montant des aides sociales à l'enfance et aux personnes âgées ou handicapées, ou d'augmenter de 8.5% le salaire des agents de la collectivité parisienne, ou de baisser de 5.5% la fiscalité parisienne – entre autres utilisations possibles. Cf. Budget 2012 du STIF, Groupe socialiste du conseil régional d’Île-de-France, p. 2 ; Chiffres clés du budget primitif 2013 - ville et département de Paris, Direction des finances de la mairie de Paris, p. 2-3, 12. 328Elles représentent 1.2 fois le budget de l'État en matière de justice, 2.9 fois son budget

d'aide au développement, 3.4 fois le budget du ministère de la Culture, etc. Toutes choses certainement dépourvues d'importance par rapport au fait de pouvoir prendre le métro là où le vélo ferait aussi bien l'affaire, sans même parler du fait que les budgets publics n'ont plus jamais été à l'équilibre depuis 1974.

329En 2006, le coût de la politique cyclable de la municipalité parisienne a été de 3.15 millions euros, alors même que cette année a connu la deuxième plus forte augmentation du linéaire cyclable (hors généralisation des double-sens cyclables) depuis 1998. Cf. délibération DVD- 2006-144 du Conseil de Paris.

330Pour ne parler que des TC autres que gadgetoïdes, que des TC donc qui connaissent une forte fréquentation. Quant aux autres, qui cumulent coût élevé et fréquentation anémique, ils atteignent ainsi un coût par déplacement réalisé proprement scandaleux. Soit l'exemple, paradigmatique, des navettes sur la Seine, aussi chéries par les politiques et les médias (avant tout parce qu'elles permettent de prétendre que l'on se préoccupe des TC sans avoir pour cela à empiéter sur le sacro-saint espace consacré aux voitures) que délaissées par les usagers : alors que sur toute l'année 2010 leur fréquentation n'a pas dépassé les 228 000 déplacements, soit moins que le nombre de déplacements effectués par les Parisiens à vélo en une seule journée, elles ont requis rien moins que 10.5 millions d'euros d'investissement et des frais de fonctionnement annuels de 4.6 millions. Mais, à n'en pas douter, c'est bien le vélo qui n'est qu'un coûteux caprice de bobo. Cf. Bilan 2010, op. cit., p. 35 ; Le renouveau du vélo en Île-de-France, op. cit., p. 3 ; Voguéo, https://fr.wikipedia.org/w/index.php? title=Vogu%C3%A9o&oldid=96324844.

importance, par la prise de décision relative à de tels investissements (décision aussi bien en matière financière que de réallocation de l'espace)331.

Or, alors que cette genèse extrêmement longue est strictement inséparable de la création d'une offre supplémentaire de TC permettant à une substitution de s'opérer depuis d'autres modes, par contre la substitution par le vélo peut elle se réaliser immédiatement (parce que la réalisation d'infrastructures ne fonctionne pas pour elle comme condition de possibilité mais simplement comme facteur la rendant plus aisée), et de toute façon n'a jamais à attendre aussi longtemps pour voir se réaliser les infrastructures qui la facilitent dans la mesure où celles-ci sont autrement aisées à mettre en œuvre. Ce n'est donc pas seulement en matière de coût financier et spatial que le vélo présente, face aux TC, un avantage considérable, mais aussi bien s'agissant du coût temporel de sa mise en œuvre, soit un point crucial s'agissant d'un système parisien des déplacements dont le dysfonctionnement atteint déjà un degré tel (et ne cesse de croître) qu'il ne peut aucunement se satisfaire de « solutions » dont l'horizon de réalisation n'est pas inférieur à la décennie.

La faiblesse du coût d'investissement comme de fonctionnement du vélo pour la collectivité est pleinement partagée par les 2RM ; en effet, le coût d'investissement dans les infrastructures est pour eux nul dans la mesure où celles-ci ont été déjà établies (d'ailleurs à grands frais) pour les automobiles ; et quant au coût d'investissement dans le matériel aussi bien qu'au coût de fonctionnement, ils sont intégralement assumés par les usagers332. Mais, si

ces deux derniers coûts sont donc nuls pour la collectivité, ils sont par contre nettement plus élevés, pour l'usager, que ceux liés au vélo : le prix minimal d'un 2RM est au moins sept fois supérieur à celui d'un vélo333, et surtout les

331Les premières études préliminaires à la réalisation d'un tramway parisien en rocade datent de 1995, les premiers actes administratifs de cette réalisation remontent eux à 2000, et le début des travaux à 2004, pour une mise en service fin 2006. Les durées nécessaires sont encore plus longues pour les TC souterrains.

332Au total donc, le coût direct de la substitution par les 2RM est, pour les collectivités, nul (alors qu'il n'est, pour le vélo, que faible), ce qui permet de comprendre la politique généralement très favorable adoptée par ces dernières à l'égard des 2RM – politique dont on va néanmoins voir combien elle est à courte vue dans la mesure où elle ignore les très importants coûts indirects entraînés pour la collectivité par l'usage des 2RM.

333Cet écart est par ailleurs considérablement accru par la très grande inégalité du taux d'équipement déjà existant en ce qui concerne le vélo et les 2RM, inégalité qui est elle- même la conséquence du coût très inférieur d'un vélo : alors que 29% des Parisiens âgés entre 15 et 75 ans possèdent un vélo, ils ne sont que 4% à détenir un 2RM ; de même, à l'échelle de la région parisienne, les vélos sont 11 fois plus nombreux que les 2RM. Par voie de conséquence, le coût de l'investissement en matériel nécessaire pour que puisse s'effectuer un report modal vers les 2RM serait d'autant plus élevé puisque ce report modal ne pourrait faire fond sur l'équipement déjà existant. Cf. Le renouveau du vélo en Île-de- France, op. cit., p. 1 ; Bilan 2009, op. cit., p. 25 ; et http://www.statistiques-

2RM fonctionnent grâce à des carburants dont le prix ne cesse d'augmenter334 ; pour ces deux raisons vaut d'ailleurs pour les 2RM ce qui a

été démontré depuis longtemps pour l'automobile : que, si pour calculer la vitesse de ces modes on prend en compte non seulement la durée du déplacement mais également le temps de travail nécessaire pour se procurer les ressources pécuniaires nécessaires pour financer ledit déplacement, alors la vitesse dite généralisée des modes individuels motorisés (entre 13 et 23km/h pour la voiture) n'est en rien fondamentalement différente de celle du vélo (entre 12 et 18km/h)335. Ainsi donc le vélo présente-t-il, outre

l'avantage d'un coût direct faible pour la collectivité, également celui d'un coût direct identiquement faible pour les usagers, alors que les TC de surface coûtent cher avant tout à la collectivité (et secondairement aux usagers) et les 2RM aux usagers336. Si donc les collectivités ont de leur côté tout intérêt

à mener une politique pro-vélo forte, celle-ci, parce qu'elle rencontre aussi bien les intérêts des usagers (et tout particulièrement des usagers des modes motorisés individuels), est appelée à être un succès.

Ces avantages majeurs du vélo en termes de coûts directs se retrouvent-ils au niveau des coûts indirects ?

locales.insee.fr/FICHES/DL/DEP/DL_DEP75.pdf.

334Entre 2001 et 2010, en euros courants le prix du carburant le plus consommé (soit le gazole) a crû de 45% : La mobilité en Île-de-France, op. cit., p. 19.

335Pour la première démonstration du paradoxe de la vitesse généralisée : Jean-Pierre DUPUY, « À la recherche du temps gagné », in Ivan ILLICH Énergie et équité, 2e éd., Paris, Le Seuil, coll. « Techno-critique », 1975, p. 73-80. Pour l'actualisation des calculs permettant de la déterminer : Frédéric HÉRAN, « À propos de la vitesse généralisée des transports. Un

concept d’Ivan Illich revisité », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, juillet 2009, p. 459.

336Je ne mentionne pas l'automobile (extraordinairement coûteuse pour la collectivité, et coûteuse pour les usagers) dans la mesure où, son utilisation dans les déplacements intéressant Paris étant en chute libre, elle ne demande aucun investissement en sa faveur (ce qui ne veut d'ailleurs malheureusement pas dire qu'aucun ne soit effectué). Ce qui est d'ailleurs heureux, dans la mesure où le coût de tels investissements est proprement astronomique pour un rendement qui est lui microscopique ; soit l'exemple du parking Cardinet, que la municipalité parisienne vient de juger bon de construire dans un arrondissement où pourtant le nombre de voitures est non seulement en baisse mais en baisse plus forte que dans le reste de Paris ; il a coûté rien moins que 20 millions d'euros pour 609 places, ce qui signifie qu'il rend possibles (puisque le nombre moyen de sorties quotidiennes par place publique dans les parcs concédés est de 0.56) autour de 340 déplacements par jour, à comparer avec les 110 000 déplacements quotidiens effectués sur le T3a, déplacements en tramway dont le coût unitaire (en matière d'investissement) est donc près de 25 fois inférieur à celui des déplacements rendus possibles par le (qui plus est) inutile parking. Cf. Anne-Marie VILLOT et Sophie RENOUVEL, Équipement automobile des

ménages parisiens, op. cit., p. 18 ; MAIRIE DU 17E, Le parc de stationnement Cardinet, op. cit. ; Bilan 2013, op. cit., p. 37 ; Bilan 2011, op. cit., p. 9.

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