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A.1 Les modes de surface motorisés, des dynamiques faibles et/ou contraintes

Dans le document Les embarras de Paris (Page 77-81)

II Un potentiel considérable de substitution des modes motorisés

II. A.1 Les modes de surface motorisés, des dynamiques faibles et/ou contraintes

La capacité de croissance effective représentant le rapport entre d'une part l'importance effective et d'autre part le taux de croissance, il n'est que logique, lorsque l'on s'interroge sur le mode (autre que le métro) le mieux susceptible de se substituer à la voiture, de commencer par celui des modes mécanisés de surface autres que l'automobile qui représente aujourd'hui l'essentiel de ce type de déplacements, soit le bus ; mais si celui-ci assure actuellement une part déterminante des déplacements mécanisés de surface autres que l'automobile intéressant Paris (70% dans l'EGT 2001)181, et donc

un fort potentiel de croissance effective (puisqu'un taux relativement faible de croissance, de ce fait aisément réalisable, lui permettrait d'atteindre une croissance effective aussi importante que celle que les autres modes mécanisés de surface n'obtiendraient eux que grâce à un taux de croissance autrement soutenu, et de ce fait moins vraisemblable), ce potentiel reste purement virtuel. En effet, la fréquentation des bus parisiens (en voyageurs x kilomètres), qui stagnait au début des années 2000, a ensuite fortement baissé et, si elle s'est ces dernières années redressée, n'en reste pas moins à un niveau légèrement inférieur à celui qui était le sien il y a une décennie182.

Cette involution est d'autant plus frappante que ces mêmes années ont vu la réalisation d'efforts notables en faveur de la circulation des bus (par le biais de la réalisation de sites propres, et secondairement de l'augmentation de l'offre), efforts qui, s'il n'était, pour les raisons susdites, que logique de les mener, se sont donc heurtés à la congestion générale de la voirie entraînée par la circulation automobile. À cette congestion, qui entraîne lenteur et irrégularité des bus, et dont seule une politique beaucoup plus déterminée d'aménagement de sites propres aurait pu permettre d'éviter les effets sur les bus, s'ajoutent les effets morphologiques de l'adaptation de la ville à la voiture qui, par ses conséquences sur le plan de circulation (privilégiant les sens uniques), a pour les usagers rendu le réseau de bus aussi incompréhensible que peu pratique.

181Jean-Pierre ORFEUIL et Marie-Hélène MASSOT, Regards sur la plaquette « Bilan des déplacements », op. cit., p. 8-9.

182Les transports en commun en chiffres 2000-2009, op. cit., p. 22. La fréquentation mesurée en nombre de voyageurs a par contre elle légèrement augmenté (+0.83% annuellement entre les EGT 2001 et 2010) : Les déplacements en transports collectifs, op. cit., p. 1.

Un réseau de bus déstructuré par l'adaptation de la ville à la voiture : l'exemple de la ligne 80, ou la dissociation quasi systématique des trajets d'aller et de retour183

Les efforts insuffisants de la première mandature Delanoë l'ont montré : on ne pourra espérer faire revenir les Parisiens vers le bus qu'au prix d'efforts massifs et d'un réaménagement radical de la voirie, tant les barrières mentales à l'encontre de ce mode de transport, édifiées par l'expérience accumulée de décennies de dysfonctionnement, sont élevées – et encore serait-ce sans aucune garantie de succès qu'une telle politique serait menée, l'élasticité des comportements paraissant en la matière faible par rapport aux transformations effectives des conditions de circulation des bus. Ainsi donc miser sur les bus serait-il dangereux, puisque si l'importance de l'effort à mener est certaine ses effets sont eux douteux ; les bus ne sauraient représenter au mieux qu'un pari, qu'il serait certes dommage de ne pas faire, mais sur quoi certainement ne peut reposer la politique des déplacements dans sa totalité.

Que dans l'usage fait des modes de déplacement joue de façon déterminante la représentation que s'en font les agents, représentation qui peut être notablement décalée par rapport à la réalité, et sur laquelle il est particulièrement difficile pour l'autorité organisatrice des transports d'influer, l'autre mode collectif de surface, soit le tramway, l'illustre parfaitement. En effet, alors même qu'il n'est lui non plus nullement totalement dégagé des effets de la congestion automobile184, l'image moderne qu'il véhicule a

entraîné pour ce mode de transport un engouement des usagers qui ne se dément pas. Ainsi la fréquentation du T3, qui reprend le parcours de la ligne de bus en site propre PC1, était-elle en 2012 (avant son prolongement) supérieure de 76% à celle du PC1 en 2003 (dernière année où l'exploitation de celui-ci n'avait pas été gênée par les travaux de réalisation du T3)185. Mais

183Je remercie la RATP pour l'autorisation de reproduire ce plan.

184La vitesse moyenne du métro est supérieure de 40% à celle du T3 : COURDES COMPTES et

CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES D’ÎLE-DE-FRANCE, Les transports ferroviaires

régionaux en Île-de-France, 2010, p. 102 et 96.

185La fréquentation de la ligne PC1 étant en 2003, une journée moyenne de semaine, de 77 000 voyages, et la fréquentation annuelle du T3 étant en 2012 (avant sa prolongation) de 40.5

si l'on a donc affaire, avec le tramway, à un mode de transport collectif de surface connaissant une dynamique particulièrement forte, à l'inverse de ce qui vaut pour le bus, l'inversion vaut aussi bien pour leurs importances respectives puisqu'à Paris les déplacements réalisés en tramway ne représentent en 2013 que 25% de ceux réalisés en bus186. Autant vaut de dire

que, malgré l'importance de sa croissance relative, le tramway est bien incapable de générer une croissance en nombre de déplacements qui soit d'un ordre de grandeur approchant le volume nécessaire pour mettre fin à l'engorgement croissant du métro. En effet, alors que l'on peut prévoir qu'en 2020 la fréquentation annuelle du métro aura été augmentée de 198 millions de voyages par rapport à 2013187, la fréquentation totale du tramway en 2013

dans Paris n'était que de 81 millions de voyages. Comme l'augmentation de la fréquentation du tramway (hors mise en service d'une nouvelle ligne) est d'ordre logarithmique188, manière savante de dire que cette augmentation ne

cesse, en termes effectifs et plus encore relatifs, de s'affaiblir parce que la ligne atteint progressivement son degré d'engorgement maximal, réaliser d'ici 2020 une augmentation de la fréquentation de ce mode qui soit d'un ordre de grandeur comparable à celui de l'augmentation de la fréquentation du métro (afin d'empêcher que ne s'aggrave l'engorgement de ce dernier) ne peut passer que par la réalisation de lignes supplémentaires. En l'occurrence, c'est rien moins que l'équivalent de 11 lignes qu'il faudrait réaliser d'ici 2020189, là où seules deux ont déjà vu le jour en 2015, et où une seule demie

autre est prévue – sans que pour l'horizon 2020 on n'envisage même de boucler le tramway des Maréchaux ; quant aux projets de lignes sur d'autres parcours parisiens, ils sont tout simplement inexistants. Or, à en juger par l'identique lenteur de la réalisation de lignes de tramway en banlieue, il est

millions de voyages, comme en 2007 les 91 000 voyages une journée moyenne de semaine du T3 correspondent à 27.2 millions de voyages annuels, la fréquentation du T3 en 2012 une journée moyenne de semaine peut être estimée à 135 500 voyages, ce qui la rend de 76% supérieure à celle du PC1 en 2003. Le bilan des déplacements en 2004 à Paris, Observatoire des déplacements de la Mairie de Paris, p. 7 ; Bilan 2007, op. cit., p. 9 ; Bilan 2012, op. cit., p. 9.

186Bilan 2013, op. cit., p. 8 et 11.

187Le R² de cette projection linéaire établie sur la base des années 1995 à 2013 est de 0,97. 188Avec un R², pour cette régression des données de fréquentation du T3 entre 2007 (soit sa

première année complète d'exploitation) et 2012 (soit sa dernière année d'exploitation avant son quasi-doublement), de 0,99.

189Le surcroît de fréquentation lié à la création du T3a peut être estimé en 2012 à 17.5 millions de voyages annuels (cf. p. 77). On ne peut en effet considérer qu'une ligne de tramway créée dans Paris ne viendrait pas se substituer à une ligne de bus existante. Bilan 2007, op. cit., p. 9 ; Bilan 2011, op. cit., p. 9 ; Bilan 2004, op. cit., p. 7. Le calcul n'est pas encore possible s'agissant de la ligne T3b, dont la montée en puissance de la fréquentation ne peut encore être considérée comme terminée.

peu vraisemblable d'envisager que la construction du réseau parisien de tramways puisse être significativement accélérée, et en tout cas certainement pas au degré qui serait nécessaire pour faire face à l'augmentation de la fréquentation du métro, ce qui interdit de voir dans ce mode un moyen autre qu'extrêmement partiel de résoudre l'engorgement du métro. Pour résumer, du côté des transports collectifs de surface le potentiel est pour l'essentiel virtuel, pour les bus parce que s'il y suffirait d'une croissance relative modérée de leur fréquentation même celle-ci paraît difficilement atteignable en raison de la désaffection des usagers pour ce mode de transport, et pour les tramways parce que si la croissance relative très forte de leur usage qui serait nécessaire ne se heurterait sans doute à aucun obstacle du côté des usagers, elle rendrait par contre nécessaire une augmentation de l'offre excédant largement la capacité des pouvoirs publics.

Les transports collectifs de surface paraissant incapables de résoudre les contraintes auxquelles se trouve confronté le système parisien des déplacements, c'est donc vers les modes mécanisés individuels de surface autres que l'automobile qu'il convient de se tourner. Commençons par les 2RM, non seulement parce qu'ils représentent déjà un volume important de déplacements190, mais parce que par surcroît ils sont communément crédités

d'une croissance extrêmement forte – l'un des grands quotidiens nationaux n'hésitait pas, en 2012, à titrer sur « le boom des deux-roues motorisés dans les villes » et à parler à leur sujet d'« explosion »191. Cette croissance au

demeurant s'explique fort bien dans la mesure où les 2RM s'extraient aisément de la congestion de la circulation automobile (et ce d'autant mieux que la remontée de file, illégale, est malgré son extrême dangerosité l'objet d'une tolérance de fait192) et disposent, en raison de la mansuétude dont fait

aussi bien l'objet leur stationnement, tout aussi illégal, sur les trottoirs, d'un espace de stationnement comme illimité, et parfaitement gratuit ; d'autre part, et pour les mêmes raisons, leur croissance n'est nullement contrainte, comme peut l'être celle des TC de surface, par la nécessité de la réalisation d'infrastructures qui leur soient propres. Mais, si les 2RM ne pâtissent donc en rien ni des deux handicaps qui expliquent le recul durable de cet autre mode motorisé individuel de surface qu'est la voiture, ni non plus de ce qui 190Importance qu'il convient néanmoins de relativiser : s'agissant des déplacements intéressant Paris, dans l'EGT 2001 – la dernière pour laquelle on dispose de ces données – les 2RM n'assuraient que 30% du nombre de déplacements effectués en bus : Jean-Pierre ORFEUIL et Marie-Hélène MASSOT, Regards sur la plaquette « Bilan des déplacements », op. cit., p. 8.

191Angélique NÉGRONI, « Le boom des deux-roues motorisés dans les villes », Le Figaro, 31/01/2012.

192Qui aura sans doute d'ailleurs bientôt force de loi : Angélique NÉGRONI, « Feu vert pour la remontée de file à deux-roues », Le Figaro, 31/01/2013.

représente les freins au développement des TC de surface, pour autant leur croissance, au delà de la perception dont elle est l'objet, s'avère sinon faible193 en tout cas en aucune mesure susceptible d'absorber le report modal

qui permettrait de désengorger le métro. En effet, entre 2001 et 2010 la circulation des 2RM dans Paris a augmenté de 34% (suivant les comptages sur voirie)194 à 40 % (suivant les EGT)195, ce qui permet d'estimer entre 27 %

et 28 % leur augmentation entre 2010 et 2020196 ; comme dans l'EGT 2010

les déplacements quotidiens en 2RM intéressant Paris s'élevaient à 278 000197, ils devraient donc être en 2020 au nombre de 353 000 à 356 000,

soit entre 2010 et 2020 75 000 à 78 000 déplacements quotidiens supplémentaires en 2RM. Or, si l'on compare ces résultats aux 828 000 voyages quotidiens supplémentaires que devrait absorber le métro sur la même période, on aperçoit sans peine qu'en aucun cas les 2RM ne représentent une solution à la hauteur du problème qui se pose au système parisien des déplacements.

II.A.2 Une dynamique sans commune mesure : les déplacements à

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