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C.2 Quelle priorisation des aménagements cyclables ?

Dans le document Les embarras de Paris (Page 103-108)

spécifique de résorption des

II. C.2 Quelle priorisation des aménagements cyclables ?

Sachant que la contrainte principale qui pèse sur la substitution du vélo aux TC pour les déplacements domicile-travail réside dans la portée de ces derniers, la logique impose de commencer par se préoccuper de la réalisation aussi complète que possible de ladite substitution pour le type de déplacements domicile-travail intéressant Paris qui connaît les portées les plus faibles soit, par opposition aux déplacements entre Paris et la banlieue (qui renvoient aussi bien aux déplacements des banlieusards vers leur lieu de travail parisien qu'aux déplacements des Parisiens vers leur lieu de travail extra-muros), les déplacements internes à Paris (qui correspondent aux déplacements domicile-travail des résidents parisiens travaillant dans Paris). En effet, le potentiel de substitution du vélo aux TC sur les liaisons Paris- Paris correspond à un nombre de déplacements quatre fois supérieur au potentiel de substitution du vélo sur les liaisons Paris-banlieue, ceci parce que les déplacements Paris-Paris effectués en TC sont substituables à 78% par le vélo250. Mais afin que cette substituabilité puisse devenir réalité pour

ce qui des déplacements Paris-Paris en TC est dû aux trajets entre le domicile et le travail, encore faut-il que les aménagements cyclables soient pensés en ce sens, ce qui implique deux choses :

– Puisque la circulation cycliste est avant tout due, comme on l'a vu, aux déplacements domicile-travail, puisque donc elle est particulièrement concentrée dans le temps (contrairement notamment à la circulation automobile, qui est essentiellement étale), les aménagements cyclables, pour ne pas représenter un frein à la réalisation à vélo des déplacements domicile-travail, doivent être pensés de façon à assurer sans difficulté leur fréquentation biquotidienne 250Sont à nouveau considérés comme aisément substituables par le vélo les déplacements compris entre 900m et 5km ; faute de données sur les portées des seuls déplacements domicile-travail, l'analyse est menée sur les portées de l'ensemble des déplacements, telles que renseignées par l'EGT 2001 : Voirie et déplacements. Données statistiques, op. cit., p. 49.

maximale. Ce qui, concrètement, signifie que, à l'instar de ce qui se voit par exemple aux Pays-Bas, les pistes cyclables étroites – actuellement les seules existantes à Paris (sauf lorsque les pistes sont bidirectionnelles, ce qui est rare) – sont à proscrire dans la mesure où elles sont incapables d'assurer (notamment par la possibilité de s'y doubler) l'effectuation de flux importants. Ceci d'autant plus que c'est dès aujourd'hui que les aménagements doivent être réalisés en prenant en compte le caractère exponentiel de l'augmentation de la circulation cycliste parisienne, appelé à changer extrêmement rapidement la physionomie de cette dernière et à faire en sorte que la norme en la matière devienne ceci :

La circulation cycliste à Amsterdam251

– La répartition spatiale des lieux de résidence et d'activité faisant l'objet à Paris d'une zonation très forte, opposant essentiellement une zone tertiaire allant de l'Étoile jusqu'aux Halles252 au reste de l'espace

parisien, toujours plus exclusivement résidentiel au fur et à mesure que l'on s'approche de la périphérie, les aménagements cyclables, puisque la circulation qu'ils supportent assure principalement la liaison pendulaire entre ces deux types d'espace253, doivent former un réseau permettant

avant tout la mise en rapport de ces deux grandes zones. On ne laisse 251Photo d'Alexandre Pouchard, avec l'aimable autorisation du Monde.

252Avec pour limite sud la Seine, et pour limite nord le boulevard de Courcelles et les rues de Londres, de Châteaudun et La Fayette.

253Ainsi en 2013 sur les aménagements cyclables du boulevard Henri IV, à l'heure de pointe du soir (18h30-19h30), la circulation cycliste est-elle dans le sens ouest-est plus de trois fois supérieure aux valeurs qui sont les siennes dans le sens inverse. Cf. Bilan 2013, op. cit., p. 14.

alors d'être surpris d'une part de la quasi inexistence d'une desserte cyclable interne de la zone tertiaire, et d'autre part du manque criant d'aménagement cyclable des axes reliant les principales zones résidentielles au centre-ouest tertiaire254. Ainsi l'axe majeur autour

duquel se structure la zone d'emploi, les Champs-Élysées, est-il dépourvu de tout aménagement cyclable, de même que la plupart des voies et places d'importance de la zone (avenues d'Iéna, George V, Montaigne, Hoche et de la Grande Armée, boulevard Malesherbes, rue du Fbg-St-Honoré ; places de l'Étoile, du Rond-Point des Champs- Élysées, de la Concorde, de la Madeleine et de St-Augustin), sans compter celles où les aménagements ont été si mal faits qu'ils sont d'une utilité à peu près nulle (notamment sur les Grands Boulevards, soit l'autre axe structurant de la zone d'emploi255) ; au total, le VIIIe, qui

forme le cœur de la zone tertiaire, est l'arrondissement de Paris pour lequel l'écart négatif est le plus élevé entre le pourcentage qu'il représente d'une part du linéaire cyclable de la ville et d'autre part de la chaussée parisienne256. De même note-t-on l'absence d'aménagement

cyclable de la plupart des axes permettant d'accéder au quartier « des affaires » depuis les différentes zones résidentielles, qu'il s'agisse de celles de l'est et du sud-est (boulevard Voltaire, avenue de la République)257, du nord (avenue de St-Ouen, rues du Fbg-Poissonnière,

Caulaincourt, Notre-Dame-de-Lorette), du nord-ouest (avenues de Villiers et des Ternes, rue de Courcelles), de l'ouest (avenue Victor- Hugo, quai Louis Blériot), du sud-ouest (quais André-Citroën et de Grenelle, avenues Bosquet et Duquesne) et du sud-est (rue Monge). Mais si un tel aménagement d'axes permettant une circulation cycliste interne à Paris serait en mesure de faciliter la réalisation de l'essentiel du potentiel de substitution du vélo aux TC, dans la mesure où les déplacements Paris-Paris en représentent 80%, les 20% restant, qui correspondent à des déplacements Paris-banlieue, non seulement ne doivent pas être négligés malgré leur poids relativement faible, mais bien au contraire doivent être, 254Pour la cartographie d'une part de la densité de l'emploi et de l'habitat, et d'autre part du réseau cyclable : Patricia PELLOUX et Mélanie JEANNOT, Schéma d’orientations pour le développement du vélo, Paris, Atelier parisien d’urbanisme / Direction de la Voirie et des Déplacements de la Mairie de Paris, 2010, p. 29.

255Dans le sens est-ouest, l'aménagement cyclable se réduit à un couloir de bus non protégé, dont la fonction réelle est donc le stationnement automobile.

256Voirie et déplacements. Données statistiques, op. cit., p. 11 et 75.

257Pas plus que n'est pour ces zones aménagé l'accès à la concentration secondaire de bureaux qu'elles recèlent quai de La Rapée, zone que l'aménagement cyclable du boulevard Diderot permettrait de desservir à vélo.

aussi paradoxal que cela puisse paraître, au cœur même de la politique d'aménagements cyclables. En effet, s'ils ne représentent qu'une part secondaire du potentiel de report, les déplacements ainsi susceptibles de ne plus être effectués en TC n'en sont pas moins d'une importance cruciale parce que les lignes de TC qui en seraient libérées sont les plus congestionnées, ceci pour trois raisons dont les effets s'additionnent :

– Parce que l'essentiel des déplacements domicile-travail intéressant Paris effectués en TC le sont sur des trajets Paris-banlieue. En effet, comme 59% des personnes travaillant à Paris résident en banlieue, et comme inversement 31% des résidents parisiens qui ont un emploi travaillent en banlieue258, au total 67% des déplacements domicile-

travail intéressant Paris s'effectuent avec la banlieue259. Par voie de

conséquence, et comme par surcroît la part des déplacements domicile- travail effectués en TC est particulièrement élevée pour les trajets Paris- banlieue (en raison de leur portée plus grande que celle des trajets domicile-travail internes à Paris)260, les déplacements domicile-travail

effectués en TC entre Paris et la banlieue sont 2.6 fois plus nombreux que ceux effectués de Paris à Paris. L'engorgement des liaisons TC Paris-banlieue est donc particulièrement marqué puisque c'est sur elles que se concentre le type de déplacement qui le provoque.

– Or ce n'est pas seulement qu'en termes d'effectifs l'engorgement des lignes de TC est donc bien plus fort sur les liaisons Paris-banlieue, c'est aussi que, comme les trajets Paris-banlieue en TC sont à un bien plus haut niveau que les trajets Paris-Paris en TC composés de déplacements domicile-travail, l'engorgement relatif des lignes Paris-banlieue, c'est-à- dire le rapport entre la circulation aux heures de pointe et la circulation en heures normales, est lui aussi bien plus élevé261.

258Voirie et déplacements. Données statistiques, op. cit., p. 8.

259Bilan 2008, op. cit., p. 2 (EGT 2001). Les renseignements fournis pour l'EGT 2010 à propos des déplacements domicile-travail intéressant Paris sont manifestement faux : OMNIL, EGT 2010, op. cit., p. 18.

260Dans l'EGT 2001, 71% des déplacements domicile-travail entre Paris et la banlieue étaient effectués en TC, contre 56% des déplacements domicile-travail internes à Paris. Voirie et déplacements. Données statistiques, op. cit., p. 43-44. L'enquête nationale transports et déplacements (ENTD) de 2008 permet de voir que cette propension des trajets domicile- travail entre Paris et la banlieue à s'effectuer en TC s'est encore accrue puisque ce sont alors 75% des trajets domicile-travail des banlieusards travaillant à Paris et 72% des trajets domicile-travail des Parisiens travaillant en banlieue, qui sont effectués en TC : Sylvaine

DRIEUX, Olivier JACOD, François OLLIVARY et Sylvie RAS, Dans Paris, un déplacement sur

– Enfin, ce double engorgement est d'autant plus prononcé que, les liaisons TC entre Paris et la banlieue étant celles dont la fréquentation croît le plus rapidement, ce sont aussi bien celles pour lesquelles l'écart entre la capacité des infrastructures et leur utilisation est le plus marqué. Ainsi entre l'EGT 2001 et l'EGT 2010 les liaisons entre Paris et la banlieue ont-elles représenté 64% de l'augmentation de la fréquentation des TC pour les déplacements intéressant Paris, tandis que pour le seul métro si sa fréquentation avait entre l'EGT 1991 et l'EGT 2001 (les données ne sont pas connues pour l'EGT 2010) augmenté de 55% sur les liaisons Paris-banlieue elle avait par contre reculé de 4% sur les liaisons Paris-Paris262.

Ainsi se retrouve-t-on, quant à ce qui est de la substituabilité par le vélo des déplacements domicile-travail effectués en TC, face à un paradoxe gênant, puisqu'elle est essentiellement possible sur le type de liaisons pour lequel l'engorgement généré par les déplacements domicile-travail, pour réel qu'il soit, n'en reste pas moins considérablement inférieur à celui que connaissent les liaisons pour lesquelles par contre le potentiel de substituabilité du vélo est bien moins développé263. De même donc que, pour

ce qui est des déplacements domicile-travail en TC en général, on avait abouti à la conclusion suivant laquelle, bien qu'ils soient moins aisément substituables par le vélo que d'autres types de déplacements, c'est d'abord vers la réalisation aussi complète que possible de cette substituabilité que devait se tourner la politique des déplacements, de même désormais pour la part de ces déplacements domicile-travail que représentent les liaisons Paris- banlieue il apparaît nécessaire de concentrer sur elles les efforts en matière de substitution du vélo aux TC pour les déplacements pendulaires ; dans les deux cas identiquement, il convient de spécifiquement viser, en dépit des difficultés liées à une substituabilité moindre, des types de déplacements qui, 26149% des trajets en TC entre Paris et la banlieue sont des déplacements domicile-travail, contre 23% des trajets Paris-Paris effectués en TC. Voirie et déplacements. Données statistiques, op. cit., p. 58. Pour le dire autrement, alors que pour les déplacements Paris- Paris en TC un quart se trouve concentré sur peu d'heures, cette proportion monte pour les déplacements Paris-banlieue en TC jusqu'à la moitié.

262Cf. respectivement La mobilité en Île-de-France, op. cit., p. 13 ; Voirie et déplacements. Données statistiques, op. cit., p. 43-44.

263Il serait pour autant parfaitement erroné d'en conclure à l'absence d'importance du report vers le vélo des déplacements domicile-travail Paris-Paris effectués en TC, puisque la congestion des lignes de TC à l'intérieur de Paris est formée par l'addition des déplacements Paris-Paris et de la partie réalisée dans Paris des déplacements Paris-banlieue. Se préoccuper du report modal des déplacements internes à Paris, c'est donc aussi bien avoir un effet sur les conditions de réalisation des déplacements Paris-banlieue, pour du moins une partie de leur trajet.

s'ils recèlent de ce fait un potentiel de substitution moindre, par contre représentent un enjeu essentiel pour le bon fonctionnement du système des déplacements puisque eux seuls offrent la possibilité de desserrer ce qui fonctionne aujourd'hui comme goulot d'étranglement. Dans les deux cas identiquement donc est requise une politique cyclable volontariste, ayant pour objectif la maximisation non de la circulation cycliste mais du bon fonctionnement des TC – ou comment la politique cyclable n'a pas nécessairement pour objet principal le vélo.

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