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Utilisation des réseaux et déroulement des enquêtes de terrainde terrain

Le corpus PFC/LVTI Toulouse et Marseille

4.3.2 Utilisation des réseaux et déroulement des enquêtes de terrainde terrain

Dans la présentation des principes des protocoles PFC et LVTI, nous avons commencé à évoquer les choix de sélection des locuteurs. Dans la présente section, nous souhaitons détailler, d’une part, la procédure d’activation de nos réseaux et, d’autre part, le déroulement de nos enquêtes de terrain.

Un premier critère de sélection est l’appartenance des locuteurs à la commu-nauté linguistique étudiée. Ceci se traduit par des locuteurs qui sont nés et qui ont grandi dans le milieu de la variété analysée. Dans notre cas, nous avons sou-haité constituer un corpus de locuteurs nés, ou arrivés très jeunes24 à Toulouse et à Marseille. Ces locuteurs doivent avoir vécu dans les deux villes25 jusqu’à leurs 18 ans. Dans l’idéal, les locuteurs ne doivent pas avoir quitté leur communauté linguistique plus d’une année. Dans les faits, ce critère est très difficile à remplir puisque, à l’heure actuelle, toute une tranche de la population a dû effectuer de nombreux séjours dans d’autres villes, souvent dans le cadre des études et des premières embauches.

24. Dans tous les cas, les locuteurs sont arrivés avant la première scolarisation (moins de deux ans).

25. Nous prenons en compte ici un rayon de près de 30 km autour de ces villes pour rassembler des locuteurs de toute l’aire urbaine.

Les locuteurs doivent être en mesure d’effectuer les quatre tâches du proto-cole dont les lectures. Cette exigence peut sembler anodine en France où le taux d’alphabétisation est très élevé. Toutefois, il existe toute une partie de la popu-lation pour laquelle ce type de tâche peut se révéler très compliqué. En effet, des problèmes comme la dyslexie peuvent entraver le bon déroulement de ce type d’enquête. D’autre part, des locuteurs peuvent être en rupture avec le système scolaire comme dans le cas des quartiers socio-économiquement défavorisés26. Le type d’enquêtes telles que proposées par PFC et LVTI excluent d’emblée ce type de population. Rappelons toutefois que des enquêtes LVTI plus écologiques sont prévues pour pallier ce problème.

Trois ou quatre classes d’âge doivent être représentées au sein de chaque en-quête pour pouvoir établir des analyses en temps apparent. Ces classes d’âges ne sont pas explicitement déterminées au sein de chaque protocole afin de laisser un rayon d’action suffisamment grand à chaque enquêteur. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas souhaité établir ces classes en amont des enquêtes. En effet, les quatre tranches d’âge que nous dégagées et qui seront présentées dans la section suivante ne sont pas prédéterminées. Nous avons fait le choix de dégager ces classes en fonction des locuteurs de différentes générations au sein d’une même famille. Ainsi, les quatre catégories présentées dans la section suivante n’ont pas servi à la sélection mais ont été établies et définies à l’issue des entretiens. Même si nous présentons quatre classes, nous montrerons au fil de ce travail de thèse que les résultats sont plus pertinents si l’on conçoit deux catégories.

Au total, toutes les enquêtes PFC ou LVTI doivent comporter autant d’hommes que de femmes. Nous avons fait le choix de respecter ce point du protocole. Pour aller plus loin, nous avons essayé de constituer des corpus d’étude où la mixité est respectée au sein des quatre catégories d’âge.

Les enquêtes PFC présentent trop peu de locuteurs pour prendre en compte un continuum assez large de classes socio-économiques. Rappelons que, dans un pre-mier temps, la variation géographique a été privilégiée. Au contraire, les enquêtes LVTI sont composées d’une plus grande cohorte de locuteurs pour privilégier la variation sociale. Dans l’idéal, nous devons donc constituer un corpus représenta-tif d’un maximum de classes socio-économiques différentes. Nous avons expliqué précédemment que les tâches de lecture excluent une certaine partie de la popula-tion. De plus, l’entretien avec les locuteurs débute après une phase d’activation de réseaux de la part des enquêteurs. C’est-à-dire que les locuteurs sont sélectionnés sur le principe de réseaux denses inspiré des travaux de Milroy (1980) et Labov (1976)27.

26. Les quartiers du Mirail, des Isards à Toulouse et les quartiers « nord » de Marseille peuvent sur ce point être délaissés.

4.3. Constitution des enquêtes Toulouse et Marseille

Lorsque l’enquêteur sélectionne des locuteurs au sein de ses cercles de connais-sances (directes ou indirectes), il est possible de développer un échange pour ac-céder au fur et à mesure de l’entretien à une parole plus spontanée, de sorte que l’enquêteur tente de dépasser le paradoxe de l’observateur. Ces différents cercles peuvent être activés par le réseau familial, amical ou encore professionnel. Là encore, lorsqu’un parti pris est décidé dans un protocole, des points positifs et négatifs peuvent être dégagés. Les réseaux denses peuvent parfois empêcher d’ob-tenir deux registres de parole lors des deux types de conversation. Rappelons que les conversations guidées doivent permettre d’enregistrer un style plus formel que les conversations libres. Dans le meilleur des cas, la conversation libre doit se faire avec un proche du témoin. Or, si l’enquêteur a sélectionné des locuteurs via ses réseaux, il peut participer à la conversation libre. Les deux types de conversation ne seront donc pas fortement différenciés puisqu’on court le risque d’enregistrer deux conversations informelles. Le protocole PFC prévoit de faire intervenir deux enquêteurs pour pallier ce problème, mais nous savons qu’il est très souvent difficile d’intervenir à deux enquêteurs sur un terrain d’enquête. Enfin, lors de la sélection des locuteurs via des réseaux denses, l’enquêteur a, la plupart du temps, accès à des locuteurs d’un même milieu socio-économique que lui. Nous avons notamment rencontré cette difficulté dans la constitution de nos corpus. Il est alors compliqué de constituer un corpus où une large variété de profils socio-économiques sont re-présentés. Ajoutons qu’il est possible de recourir à d’autres techniques si le réseau d’un enquêteur n’est pas assez développé. Dans ce cas précis, l’enquêteur peut cibler des points stratégiques de la ville comme des écoles, des universités ou des dispensaires. Ce type de technique a, par exemple, été employé pour constituer une partie de la base LVTI Manchester. Dans l’étude qui nous concerne, nous n’avons pas eu à employer ce type de procédés puisque l’activation de nos propres réseaux a été suffisante.

À Marseille, nous avons activé deux types de réseaux. Le premier a été déve-loppé grâce à un couple d’amis de notre propre famille28. Ce couple vit à Marseille depuis de très nombreuses années et nous a aidé à rencontrer des locuteurs mar-seillais. Nous avons, dans un premier temps, participé quelques jours à un atelier de poterie et de peinture qui nous a permis de rencontrer un grand cercle d’amis par-tageant la passion du travail manuel et correspondant à nos critères de sélection. De plus, au sein de ce cercle, nous avons eu la chance de nous entretenir avec trois locutrices de trois générations différentes d’une même famille. Ce couple d’amis nous a également permis de rencontrer plusieurs voisins et amis. Nous avons à chaque fois essayé d’activer le cercle familial de chaque locuteur. Ce réseau nous a duquel les locuteurs se connaissent entre eux, contrairement au réseau lâche.

28. Nous exprimons ici toute notre gratitude à Solange et Jacques qui ont tout fait pour faciliter nos séjours à Marseille.

principalement permis de rencontrer des personnes de plus de 40 ans. Nous avons donc activé un autre réseau. Sophie Herment (Université Aix-Marseille) nous a apporté une aide considérable en recherchant des locuteurs potentiels parmi ses étudiants. Par cette procédure, nous avons pu contacter trois étudiantes. L’une d’entre elles nous a ouvert l’accès à sa famille et nous avons eu un entretien avec son oncle, sa tante et sa mère. À l’issue de deux séjours de trois jours à l’au-tomne 2015 à Marseille, nous avons donc recueilli les enregistrements du protocole complet pour 24 locuteurs et locutrices.

À Toulouse, nous avons principalement activé notre réseau familial et amical, puisque nous sommes nous-même ancrée dans la communauté toulousaine depuis notre enfance. Les enquêtes ont été menées lors de nos deux années de master et ont principalement concernée des locuteurs du quartier de Lafourguette (Sud-Est de l’agglomération). Nous n’avons bien évidemment pas été seule dans la phase d’enregistrement de l’enquête LVTI Toulouse. Rappelons que Toulouse est le siège d’enquête du protocole de base LVTI. D’autres enquêteurs ont été formés par le coordinateur du programme Jean-Michel Tarrier dans le cadre d’une UE de sociolinguistique de master et pratiqué de nombreux entretiens. Au total, la base LVTI Toulouse est donc constituée des enregistrements de 62 locuteurs.

Pour finir cette section, nous souhaitons insister sur un point qui nous tient à cœur. Il peut sembler, à travers les lignes précédentes, que les locuteurs sont sélectionnés parmi une multitude de choix disponibles. En réalité, le travail de l’enquêteur ne consiste absolument pas à effectuer une sorte de recrutement. Nous sommes avant tout face à la bonne volonté de personnes prêtes à nous donner de leur temps. Nous souhaitons ici remercier toutes les personnes qui ont accepté de participer à nos entretiens et plus largement à ce type d’enquête. Sans ces bonnes volontés, il n’y aurait tout simplement pas d’analyse possible.