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Le corpus PFC/LVTI Toulouse et Marseille

4.4.5 Le codage des voyelles nasales

Nous exposons maintenant le codage des voyelles nasales développé en collabo-ration avec Julien Eychenne. Nous employons ici l’expression de voyelle nasale par commodité, il ne s’agit pas d’un présupposé théorique sur le statut phonologique de ces unités. Nous proposons un codage à cinq champs, explicité dans la Figure 4.21. Le premier champ est une évaluation perceptive alors que les autres champs sont des relevés d’informations orthographiques et segmentales.

Figure 4.21 – Codage des voyelles nasales développé avec Julien Eychenne. — Champ 1 :

• 0 = voyelle orale

• 1 = voyelle nasalisée, comparable aux voyelles du français septentrional • 2 = appendice incertain

• 3 = présence d’un appendice — Champ 2 :

• 1 = /E/ (type brin) • 2 = /œ/ (type brun) • 3 = /O/ (type blond) • 4 = /a/ (type blanc) — Champ 3 :

• 1 = monosyllabes (éventuellement suivie de schwa) • 2 = première syllabe de polysyllabe

• 3 = deuxième syllabe et suivante de polysyllabe

• 4 = dernière syllabe de polysyllabe (éventuellement suivie de schwa) — Champ 4 :

• 0 = voyelle (éventuellement suivie d’un appendice)

• 1 = voyelle (éventuellement suivie d’un appendice) et une coda

• 2 = voyelle (éventuellement suivie d’un appendice) et une coda bran-chante

— Champ 5 :

• 1 = voyelle à droite

• 2 = consonne fixe à droite • 3 = [n] de liaison à droite

• 4 = autre consonne de liaison à droite • 5 = pauses, frontière intonative

Le premier champ permet de spécifier le mode de production oral ou nasal d’une voyelle ainsi que la présence ou l’absence d’un appendice consonantique. On

codera par 0 une voyelle produite de manière purement orale. Les valeurs 1, 2 et 3 caractérisent des voyelles produites de manière nasale. La différence entre ces trois valeurs tient à l’absence (1) ou à la présence (3) d’un appendice consonantique. On réservera la valeur 2 aux réels cas d’incertitude. On peut se demander pourquoi nous ne spécifions pas le lieu d’articulation de l’appendice consonantique ([n, m, ñ, N]). Dans une première version d’un codage des voyelles nasales (Courdès-Murphy, 2014), nous avons pu montrer qu’il est souvent très difficile de caractériser ce timbre ; c’est pourquoi nous avons fait le choix de ne pas intégrer ce paramètre.

Le deuxième champ catégorise le type de voyelle. Il ne se base pas sur la qualité perçue mais plutôt sur l’orthographe. L’avantage de cette notation est que si un locuteur prononce une voyelle avec un terme intermédiaire entre par exemple [˜E] et [ ˜œ] pour le mot « brun », la voyelle sera forcément codée 2. Si des analyses acoustiques plus fines doivent être menées, elles le seront après l’application et l’analyse des résultats issus du codage.

Le troisième champ caractérise la position métrique à l’instar du codage schwa. Précisons que ce champ ne prend pas en compte la présence d’une syllabe à schwa suivant la voyelle nasale codée. Ainsi, un mot comme « grande » est considéré comme un monosyllabe dans ce codage. De la même manière, les voyelles nasales de « méchant, méchante » sont toutes les deux considérées comme en position finale de polysyllabe. La raison de ce choix est que ce champ peut nous donner des renseignements d’ordre prosodique. La dernière syllabe d’un polysyllabe porte un accent. En effet, pour « méchant » l’accent de mot est porté par la dernière syllabe. Une syllabe à schwa est particulière puisqu’elle ne peut pas porter l’accent. Ainsi, dans « méchante », c’est bien l’avant-dernière syllabe qui porte l’accent. En codant, pour ces deux mots, la voyelle nasale comme étant la dernière syllabe d’un polysyllabe, nous codons en quelque sorte l’accent prosodique porté par ces voyelles.

Le quatrième champ permet en partie de coder la structure syllabique dans laquelle la voyelle est réalisée. Ce champ permet de caractériser le poids de la coda. Une voyelle nasale éventuellement suivie d’un appendice mais sans coda est codée 0. Les deux autres valeurs permettent de spécifier la présence d’une (1) ou de plusieurs (2) codas. Dans le cas où un locuteur réalise des simplifications consonantiques, par exemple « extincteur » réalisé [EkstENtœK], le codage se conformera aux réalisations effectives. Dans cet exemple, la voyelle est suivie d’un appendice mais n’a pas de coda (0).

Le dernier champ caractérise le contexte droit de la voyelle nasale. Évidemment ce contexte droit ne prend pas en compte l’appendice consonantique puisque celui-ci est déjà précelui-cisé dans le premier champ. Les contextes droits envisagés sont : une voyelle (1 : « enfant intelligent »), une consonne fixe (2 : « tomber, enfant

4.4. Annotation du corpus

consonne de liaison (4 : « bons [z] amis »), et une pause ou frontière intonative (5 :

« c’est bon // »). Nous avons distingué les consonnes de liaison des consonnes fixes

car certains travaux suggèrent que les réalisations de ces deux types de consonne sont différentes. Si tel est le cas, on peut envisager que cela aura des répercussions sur la réalisation de l’appendice. Si tel n’est pas le cas, nous aurons alors distingué deux types de contexte sans résultats pertinents. Il faut toutefois envisager la première possibilité, puisque si nous ne distinguons pas ces contextes, nous posons une hypothèse forte sur la structure des parlers méridionaux. Or, rappelons qu’un principe phare des codages PFC est l’absence de partis pris théoriques dans la définition des codages.

Toutes les séquences graphiques composées d’une voyelle suivie de [n] ou [m] et qui correspondent à des voyelles nasales en français de référence lorsque les mots sont prononcés isolément doivent être codées. Le codage doit suivre directement la consonne graphique qui compose la voyelle nasale y compris en contexte de liaison. Nous avons appliqué ce codage dans la quatrième tire de chacune des tâches du protocole. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de codage :

(7) a. « bons amis », [b˜ONzami], bon33104s amis b. « mon ami », [mONami], mon03103 ami

c. « mon copain », [m˜OkopEN], mon13102 copain31402 d. « c’est ancien », [set˜aNsjEN], c’est an34202cien31402 e. « extincteur », [Ekst˜ENktœR], extin31312cteur

Certaines voyelles nasales sont toutefois exclues du codage. On trouve dans cette situation : les marqueurs discursifs « hein, bon, enfin, ben », des séquences faisant partie d’une répétition « non, non, non », les séquences précédant directe-ment ou faisant partie d’une disfluence « j’ai enten/ », et enfin, toutes les séquences hypo-articulées.

Ajoutons, pour finir, qu’il a été difficile d’appliquer ce codage à notre corpus. Le premier champ est celui qui a posé le plus de difficultés. Il est en effet compliqué de trancher entre la présence ou l’absence d’un appendice consonantique. Conscients de cette problématique, nous avons eu la chance de recevoir l’aide d’une docto-rante du laboratoire CLLE-ERSS, Julie Rouaud, pour appliquer ce codage dans l’intégralité de notre corpus. Grâce à sa contribution, chaque codage des voyelles nasales a été vérifié par deux annotateurs. Tout comme pour le schwa, nous avons souhaité disposer d’une base de données regroupant les informations linguistiques et métalinguistiques pour réaliser des analyses statistiques. En suivant la même procédure que pour le schwa, nous avons constitué une Base Nasale Toulouse (BNT ci-après) et une Base Nasale Marseille (BNM ci-après) grâce à l’outil Dolmen.