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Liste des abréviations

G. A Geste Articulatoire C Geste Catégoriel

GDT Géométrie Des Traits GI Groupe Intonatif

GP Gouvernement Propre LdP Loi de Position LIC LICenciement

LVTI Langue, Ville, Travail, Identité

PAC Phonologie de l’Anglais Contemporain : usages, variétés et structure PFC Phonologie du Français Contemporain : usages, variétés et structure PL Pied Lexical

PPL Pied Post-Lexical R Rime

S Syllabe

SPE Chomsky et Halle (1968) The Sound Pattern of English V Voyelle

Chapitre 1

Prologue

1.1 Introduction générale

Depuis l’avènement de la phonologie structurale, le français est souvent décrit comme une langue uniforme. Même si la variation linguistique, essentiellement sous sa forme diatopique, a pu faire l’objet de certaines descriptions1, les modélisations proposées tendent à représenter cette langue au moyen d’un système phonologique unique où les différentes variétés du français sont analysées à travers le spectre d’un système qui leur est, la plupart du temps, étranger. Un tel état de fait explique sans doute les limites de ce type d’approche.

Notre objectif dans ce travail est d’explorer le traitement des diverses varia-tions en sociophonologie. Nous ne nous focalisons donc pas exclusivement sur la variation diatopique. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons aux deux grands centres urbains méridionaux : Toulouse et Marseille. Nous avons constitué un corpus composé d’enregistrements de locuteurs issus de ces deux métropoles. Nous développons une méthodologie d’analyse, en partie basée sur des modèles statistiques, afin de fournir des descriptions précises des variations interlocuteurs et intralocuteurs. Ces descriptions auraient pu porter sur quelques variables prises dans l’ensemble du système comme le schwa ou la liaison afin de les corréler à des facteurs linguistiques et sociolinguistiques. Notre objectif est plus global, puisque nous envisageons une étude de la variation portant sur l’ensemble du système vo-calique des locuteurs du corpus. Le système consonantique est, selon nous, moins propice à l’étude de la dynamique des systèmes à l’heure actuelle puisque les au-teurs ayant décrit les variétés méridionales durant le XXesiècle2 ont déjà attesté 1. Carton et al. (1983), Carton (1997), Delattre (1966), Martinet (1945, 1969) ou encore Walter (1977, 1982, 1988).

l’aboutissement de nombreux changements consonantiques. De plus, les produc-tions vocaliques des méridionaux sont souvent décrites comme les principales spéci-ficités des variétés du midi de la France. Néanmoins, nous porterons notre attention sur le système consonantique chaque fois que cela nous semblera pertinent. Au delà des analyses, nous offrons une réflexion sociolinguistique et phonologique tout au long de l’exploration de nos données.

Depuis une cinquantaine d’années, les études portant sur la variation ont per-mis de mettre en lumière des aspects primordiaux de la dynamique des systèmes. L’âge, le genre, la catégorie socio-culturelle ou encore l’origine géographique des locuteurs semblent avoir une influence considérable sur la construction de leur système phonologique. À l’heure actuelle, le cas du français hexagonal est, sur ce plan, un sujet d’étude particulièrement attrayant. Les études variationnistes de tradition anglo-saxonne ont révélé en France un phénomène de nivellement par-ticulier3. En effet, il semblerait que les caractéristiques phonético-phonologiques propres à chaque région française tendent à s’uniformiser au profit d’une norme de prestige supra-locale. Ce changement en cours se caractériserait par sa rapidité et une ampleur sans précédent ; c’est pourquoi ces études évoquent la situation d’une « exception française ». Nous posons l’hypothèse que ce processus de ni-vellement est favorisé dans les grands centres urbains, puisqu’ils se caractérisent comme étant plus cosmopolites. De plus, nous pensons que pour disposer d’un large panel de variations, nous devons nous concentrer sur des variétés du français dont les caractéristiques traditionnelles sont très éloignées de la norme supra-locale par laquelle les spécificités locales seraient remplacées ; c’est pourquoi nous avons choisi de nous focaliser sur les centres urbains de Toulouse et de Marseille. En effet, dans l’espace francophone hexagonal, le midi de la France est un terrain propice à ce type d’étude. Les variétés du français sont traditionnellement décrites comme héritées soit des langues d’oïl (France septentrionale), soit des langues d’oc (France méridionale). De plus, l’introduction du français, entre autres par la graphie, dans l’espace occitan a également eu des répercussions sur la construction des systèmes phonologiques des locuteurs méridionaux. Afin de constituer nos deux corpus, nous nous sommes pleinement investie dans la méthodologie d’enquête des programmes de recherche : Phonologie du Français Contemporain : usages, variétés et

struc-ture4 et Langue, Ville, Travail, Identité qui visent en premier lieu à l’élaboration de vastes corpus de données orales. Nos questions de recherche ainsi que nos centres d’intérêt rejoignent largement les principes défendus dans ces deux programmes : fournir une image du français parlé à la fois dans son unité et sa diversité, étu-dier les facteurs à l’origine des changements linguistiques, mettre à l’épreuve des 3. Armstrong (2002), Armstrong et Pooley (2010, 2013), Britain (2010, 2004), Kerswill (2002, 2003), Pooley (2007).

1.1. Introduction générale

modèles phonologiques, etc.

Nous l’avons expliqué, la variation doit être prise en compte dans l’établisse-ment des systèmes phonologiques. Les modélisations issues de la phonologie géné-rative classique5 ont soulevé un certain nombre de problèmes. En effet, les matrices de traits binaires, la linéarité du modèle, l’ordonnancement des règles ou encore l’absence de la notion de syllabe ont été critiqués dès les années 1970. Par la suite, de nombreux cadres théoriques ont été développés afin de résoudre, en partie, cer-tains de ces problèmes. La phonologie tonale proposée par Goldsmith6 a permis, entre autres, d’introduire la notion d’autosegments. Dans cette approche, les tons sont associés à des unités segmentales. Dès lors, la phonologie commence à deve-nir multilinéaire. Des points d’ancrage « C (consonne), V (voyelle), X (position squelettale pure) » émergent dans la multitude de cadres phonologiques en dé-veloppement. Les représentations infrasegmentales changent également, délaissant les matrices de traits au profit d’ensembles hiérarchisés de traits binaires puis d’élé-ments unaires. Les processus phonologiques sont alors modélisés en évitant tout recours aux procédés dérivationnels. Dans ces perspectives, de nombreux cadres ont été développés : la géométrie des traits7, la phonologie de gouvernement8, la phonologie des particules9, CVCV10, etc. Nous retenons principalement, dans notre travail, la phonologie de dépendance pour laquelle de nombreuses notions de représentations structurelles ont été extrêmement novatrices. En effet, dès 1974, Anderson et Jones ont mis en lumière de nombreux problèmes inhérents au mo-dèle génératif, et de nombreux types de représentations ont été proposées. Nous nous interrogeons dans ce travail sur la capacité de ces cadres formels et particu-lièrement celui de la dépendance à modéliser des données illustrant la dynamique des systèmes. En effet, un de nos objectifs est de confronter ce cadre théorique à un corpus pouvant attester une grande variation. Nous nous demandons quelles sont les limites représentationnelles de la phonologie de dépendance et des cadres formels de manière générale.

5. Chomsky et Halle (1968). 6. Goldsmith (1976).

7. Clements (1985), Sagey (1986).

8. Kaye et al. (1985, 1990), Harris et Lindsey (1995), Carvalho (1997). 9. Schane (1985).

1.2 Organisation de la thèse

Cette thèse s’organise en deux grandes parties. La première présente les cadres théorique et méthodologique qui sous-tendent l’ensemble de ce travail et la seconde nos analyses, résultats et modélisations phonologiques.

Le chapitre 2 offre un panorama des principales caractéristiques du français méridional traditionnel. Nous nous appuyons sur des travaux descriptivistes prcipalement axés sur les productions rencontrées à Toulouse et Marseille. Nous in-troduisons quelques premiers éléments autour de la problématique du changement en cours au XXe siècle dans ces villes. Nous montrons également en quoi l’étude du système vocalique est primordiale.

Le chapitre 3 développe les grands principes du cadre théorique au cœur de ce travail. Nous présentons les primitives considérées, leur représentation ainsi que la structure générale défendue en phonologie de dépendance. Nous rappelons que la relation de dépendance est employée à la fois dans les représentations supraseg-mentales et infrasegsupraseg-mentales.

Le chapitre 4 présente le cadre méthodologique dans lequel s’inscrit notre tra-vail. La modélisation de la dynamique des systèmes étant au centre de nos pré-occupations, nous nous sommes rapprochée de deux programmes de recherche qui s’inscrivent, entre autres, dans cette perspective : Phonologie du Français

Contem-porain : usages, variétés et structure et Langue, Ville, Travail, Identité. Après avoir

présenté le protocole d’enquête, nous explicitons la constitution de nos propres cor-pus d’étude. Nous indiquons également les annotations effectuées sur ces corcor-pus ainsi que les outils d’exploration des données utilisés pour nos analyses.

Les chapitres 5, 6, 7 et 8 traitent respectivement des voyelles hautes et basses, des voyelles moyennes, du schwa et, enfin, des voyelles nasales. Ces quatre chapitres suivent le même plan. Nous débutons par un exposé des traitements phonologiques proposés dans diverses études, afin de saisir les problématiques inhérentes à chaque grand type de voyelles. Nous présentons ensuite les résultats issus de nos propres corpus. Enfin, nous proposons une modélisation en phonologie dépendancielle de ces résultats en nous interrogeant sur les limites de ces représentations.

Le chapitre 9 est dédié à une analyse des systèmes vocaliques dans leur globalité. Après l’étude de chaque grand type de voyelles, un examen global permet de mettre en lumière les facteurs sociolinguistiques pertinents dans l’étude des variétés toulousaine et marseillaise. Nous tentons de mieux cerner ainsi la dynamique de ces systèmes.

Première partie