• Aucun résultat trouvé

La phonologie de dépendance

3.2.1 Les nœuds de connexions

3.2.1.2 Au-delà de la syllabe

◦ ◦ ◦ ◦

Étant donné que nous avons introduit la dépendance par subjonction comme une modélisation possible en DP, il est légitime de se demander si le principe d’analogie structurale entre la phonologie et la syntaxe est encore applicable. Or, la dépendance par subjonction n’est pas sans rappeler les arbres syntagmatiques développés dans les analyses de phrases en constituants (Chomsky, 1957). Ceci est d’ailleurs un principe qui est défendu par Carstairs-McCarthy (1999) : « the

syllable as a model for sentence structure », p. 43. Pour illustrer nos propos, nous

fournissons dans la Figure 3.8 une représentation d’arbre syntagmatique simplifié qui montre la même structure que celle développée dans la Figure 3.7 précédem-ment.

Figure 3.8 – Arbre syntagmatique simplifié de « Le chat mange la souris ».

Le chat mange la souris

◦ ◦ ◦ ◦ ◦ GN V GN GV P 3.2.1.2 Au-delà de la syllabe

Jusqu’à présent, nous avons montré comment modéliser la syllabe et ses com-posants en DP. Nous avons également abordé le fait qu’il est possible d’enrichir

cette représentation. Au niveau lexical, un plan peut être ajouté au-dessus de la syllabe. Ce plan correspond au pied lexical :

[S]yllables are not group directly into words, but rather are first grou-ped into intermediate-sized constituents, feet. Most of the arguments in favour of the foot in generative phonology, and in particular in me-trical theory, have been based on stress assignment. That is, the foot was seen as fundamental in determining the positions of stressed vs. stressless syllables within words and larger strings.

Nespor et Vogel (1986), p. 83

Dans la plupart des travaux en phonologie de dépendance, le pied lexical se définit comme l’unité de base de l’organisation rythmique. La tête du pied est l’élément syllabique qui porte l’accent. Toute autre syllabe non accentuée à la droite du pied lui est adjointe. C’est typiquement le mode de représentation qui conviendrait en anglais. En effet, l’accent de mot nous permet de créer ce type de structure comme on peut le voir dans la Figure 3.9.

Figure 3.9 – Représentation suprasegmentale partielle du mot « emigration », d’après Durand (1990), p. 284. e m i g r a t i o n ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ P σ

Pour notre travail basé sur l’étude d’une variété du français, nous postulons également un pied lexical. Or, la structure qu’un pied va développer est sensible-ment différente de celle adoptée en anglais. Nous suivons ici l’impulsion donnée par Selkirk (1978) ou encore Durand (1976, 1981, 1986b) :

[L]et us assume that there is a unit called the foot which has the forma-tive as its domain at the lexical level, which can reapply optionally at sentence level, and whose composition is defined as follows : operating from right to left, make every schwa a dependent of the immediately adjacent leftward syllable governor, if there is one, otherwise give foot status to every syllable governor.

Durand (1986b), p. 189.

Cette définition, telle qu’elle a été donnée, a l’avantage de proposer une analyse du schwa bien plus satisfaisante que ce qui a pu être fait dans des travaux anté-rieurs. Nous développerons en détails cet aspect lors de notre analyse du schwa dans la section § 7.1.2.2. Ajoutons qu’en DP le pied est un domaine qui favorise

3.2. Le cadre suprasegmental

l’ambisyllabicité, nous développerons ceci dans la section suivante. Nous pouvons maintenant proposer un exemple de représentation lexicale en français (Figure 3.10).

Figure 3.10 – Représentation suprasegmentale lexicale de « Nicolas ».

n i k o l a ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ Rime Syllabe Pied lexical

Maintenant que nous avons exposé la projection des structures suprasegmen-tales au niveau lexical, nous pouvons passer au niveau post-lexical. Certaines syl-labes sont prosodiquement plus saillantes que d’autres. Ceci est, par exemple, traduit par des variations de la fréquence fondamentale ou encore différents degrés d’intensité. Le niveau post-lexical et les palier au dessus du pied lexical rendent compte de ces différences. Pour commencer, nous devons aborder le niveau du mot prosodique :

The phonological word is the lowest constituent of the prosodic hie-rarchy which is constructed on the basis of mapping rules that make substantial use of nonphonological notions. In particular, the phonolo-gical word (ω) represents the interaction between the phonolophonolo-gical and the morphological components of the grammar. The phonological word is the category that immediately dominates the foot.

Nespor et Vogel (1986), p. 109.

Ajoutons que le domaine d’application du mot prosodique peut différer selon les langues8. En français, deux syllabes sont plus saillantes que les autres. Il ne fait aucun doute que, prosodiquement, la dernière syllabe portée par une voyelle qui n’est pas un schwa reçoit un accent primaire. Toutefois un syncrétisme peut être observé entre cet accent final et les tons de frontière9. D’autres travaux ont mis au jour l’existence d’un accent secondaire possible en français10. Nous souhaitons faire apparaître ces deux accents dans la structure suprasegmentale. Nous pou-vons postuler l’existence d’un second pied qui, cette fois, se développe au niveau

8. Nespor et Vogel (1986); Hirst et al. (2000). 9. Rossi (1980).

post-lexical. Sur ce plan, chaque pied lexical prosodiquement proéminent pourra développer un nœud.

Pour autant, les pieds post-lexicaux ne sont pas égaux dans leur proéminence. Les segments développent donc un plan supplémentaire qui correspond au groupe accentuel (Verluyten, 1982). Ce groupe correspond, par exemple, au domaine maxi-mum d’application des assimilations. Nous avons montré dans le chapitre 2 qu’il est possible d’assister à des assimilations de lieu d’articulation pour les consonnes nasales en français méridional à la frontière de mots comme « un bon pain », [ ˜œmb˜omp˜EN]. Lorsque plusieurs groupes accentuels sont réalisés, on trouvera un dernier plan correspondant au groupe intonatif. Nous fournissons en 3.11, une représentation suprasegmentale en français11.

Figure 3.11 – Représentation suprasegmentale post-lexicale de « Nicolas, il a

capitulé ». n i k o l a i l a k a p i t y l e ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ Rime Syllabe Pied lexical Pied post-lexical Groupe accentuel Groupe intonatif

La structure suprasegmentale que nous avons proposée n’est évidemment qu’un exemple et peut changer en fonction du focus exprimé par le locuteur. Une autre possibilité de changement entre le niveau lexical et le niveau post-lexical concerne le renversement iambique. Prenons pour exemple « thirteen linguists » ; au niveau lexical « -teen » et « lin- » développent chacun un pied, tête respectivement de

« thir- » et « -guists ». Lorsque ces deux mots passent au niveau post-lexical, et

pour éviter deux proéminences accentuelles côte à côte, le premier pied sera plutôt développé par « thir- » tête de « -teen ». Dans les cas que nous venons d’illustrer, il 11. Les structures ambisyllabiques telles que présentes dans cette Figure seront expliquées dans la section suivante.

3.2. Le cadre suprasegmental

ne s’agit en aucune manière d’un changement de structures depuis le niveau lexical vers le niveau post-lexical, mais plutôt de deux structures différentes développées pour chacun de ces deux niveaux.