• Aucun résultat trouvé

La phonologie de dépendance

3.4.2 Fusion et fission

◦ ◦ ⇒ /tt/ {|C|} {|V : C|} {|`|} ◦ ⇒ /ts/>

3.4.2 Fusion et fission

Présentons très brièvement un avantage majeur de cette notation en ce qui concerne la modélisation des phénomènes de fusion et fission. Prenons l’exemple de la monophtongaison apparue dans l’histoire du français28. On a pu constater que la diphtongue /ai/ a été monophtongué en /E:/ (par exemple « vrai »). Un moyen très simple de modéliser cette fusion consiste, en DP, à considérer une diphtongue où le premier segment de geste articulatoire {|A|} (/a/) est tête d’un deuxième segment de geste articulatoire {|I|} (/i/). La fusion va s’opérer au niveau du geste articulatoire. En effet, les deux gestes catégoriels vont être associés à un geste articulatoire où {A} est tête de {I}.

D’autre part, le phénomène inverse de fission est tout à fait envisageable éga-lement. Prenons, là-encore, un exemple du français. En vieux français, les voyelles longues /e:/ et /o:/ issues du latin se sont respectivement diphtonguées en /ei/ et /ou/, par exemple « veine » issu de la diphtongaison de v¯ena. Si un segment long

(deux gestes catégoriels) se trouve associé à un geste articulatoire contenant les 28. Pour une analyse plus détaillée des processus de diphtongaison et monophtongaison en français voir Vaissière (2000).

Figure 3.42 – Exemple de phénomène de fusion en français. /ai/ ⇒ /E:/ {|V|} {|V|} {|A|} {|I|} ◦ ◦ {|V|} {|V|} {|A|} {|I|} ◦ ◦

primitives {A, I}, alors la fission s’opérera en associant chaque geste catégoriel à son propre geste articulatoire (cf. Figure 3.43).

Figure 3.43 – Exemple de phénomène de fission en français.

Entrée : /e:/ ⇒ Fission ⇒ Suppression de {A} : /ei/

{|V|} {|V|} {A, I} ◦ ◦ {|V|} {|V|} {A, I} {A, I} ◦ ◦ {|V|} {|V|} {A, I} {I} ◦ ◦

3.5 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté la phonologie de dépendance qui est le cadre théorique adopté dans ce travail. Sa caractéristique principale réside dans les liens de dépendance utilisés à tous les niveaux. Tout d’abord, au niveau supraseg-mental, nous avons montré que la structure est développée par les segments. Sur ce point, il existe une différence nette entre la phonologie de dépendance et des cadres tels que la phonologie du gouvernement. Cette structure peut être enrichie au-delà de la syllabe. C’est pourquoi nous avons postulé un pied lexical et un pied post-lexical, un plan représentatif du groupe accentuel et un dernier plan groupe intonatif. À l’issue de cette présentation, nous avons montré qu’il existe des

argu-3.5. Conclusion

ments phonétiques et phonologiques pour postuler des segments ambisyllabiques qui ne doivent pas être considérés comme des géminées.

Ensuite, au niveau infrasegmental, nous avons énoncé la possibilité de regrou-per certains paramètres pour mieux expliquer des phénomènes naturels comme cela a pu être fait en géométrie des traits. Ce postulat se retrouve dans de nom-breux cadres théoriques et également en DP qui divise sa modélisation du cadre infrasegmental en geste articulatoire et en geste catégoriel. Contrairement à la géo-métrie des traits, les primitives utilisées sont des composantes unaires tout comme en phonologie de gouvernement. Le geste articulatoire possède les primitives I, A, U qui sont proches de ce qui est utilisé dans d’autres cadres. Toutefois, nous avons préféré postuler une primitive A porteuse de la propriété basse. Nous avons montré comment les primitives peuvent se combiner pour rendre compte de systèmes com-plexes. Le statut de la voyelle spéciale qu’est le schwa a été évoqué dans différents cadres. Le choix que nous faisons de sous-spécifier cette voyelle est proche des so-lutions proposées par Harris ou Scheer. Les primitives utilisées pour modéliser le système consonantique varient énormément selon les cadres. Nous laissons ouverte la question de savoir si une primitive R représentative de la coronalité doit être en-visagée en DP. Cependant, nous avons pris en considération les arguments portant sur la structure moins complexe que doivent avoir les coronales vis-à-vis du reste du système. C’est pourquoi, nous avons sous-spécifié ces segments. Encore une fois, la sous-spécification est un point commun avec les modélisations proposées par Scheer, puisque dans son cadre, tout comme dans le nôtre, les coronales et le coup de glotte sont sous-spécifiés. Le geste catégoriel se divise en deux catégories : la phonation et l’initiation. Les primitives V et C utilisées pour caractériser la pho-nation sont extrêmement différentes de ce qui est proposé dans d’autres cadres. Rappelons que c’est à ce niveau que l’on peut avoir accès à l’échelle de sonorité. Nous avons expliqué qu’il subsiste un problème quant à la représentation du voise-ment tantôt modélisé dans la phonation, tantôt dans l’initiation. Nous fournissons dans les Figures 3.44 et 3.45 un exemple récapitulatif des notions abordées. Ces Figures reprennent de manière plus complète la Figure proposée en 3.11. La Figure 3.44 ne fait apparaître que des structures équivalentes. En effet, toutes les syllabes ont développé un pied lexical. Or, toute structure bien formée doit comporter une structure tête d’une autre structure. Ici, le palier posé par les pieds lexicaux est pertinent si l’on rappelle que les schwas, contrairement aux voyelles pleines, ne développent pas de pied.

Que ce soit au niveau suprasegmental ou infrasegmental, les relations de dépen-dance sont primordiales. La phonologie et la syntaxe possèdent le même type de modélisation structurelle, même si les primitives en jeu sont différentes. Rappelons que ce point vient satisfaire le principe d’analogie structurale auquel ont souscrit entre autres Hjelmslev, Chomsky ou encore Nespor et Vogel. Dans la Figure 3.44,

Figure 3.44 – Représentation dépendancielle lexicale de « Nicolas, il a capitulé ».

|V| |V| |C| |V| |V| |V| |V| |V| |V| |C| |V| |C| |V| |C| |V| |V| |V|

|C| |V,C| |V,C| |V,C|

|I| |`,U||U| |A| |I| |A||`,U||A| |U| |I| |I,U| |I|

|A| |A| [n i k o l a i l a k a p i t y l e] ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ G.A G.C R S PL

3.5. Conclusion

Figure 3.45 – Représentation dépendancielle post-lexicale de « Nicolas, il a

ca-pitulé ».

|V| |V| |C| |V| |V| |V| |V| |V| |V| |C| |V| |C| |V| |C| |V| |V| |V|

|C| |V,C| |V,C| |V,C|

|`| |I| |`,U||U| |`| |A| |I| |`| |A||`,U||A| |U| |I| |`| |I,U| |`| |I|

|A| |A| [n i k o l a i l a k a p i t y l e] ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ G.A G.C R S PL PPL GA GI

nous proposons une structure lexicale et, dans la Figure 3.45, une structure post-lexicale de l’exemple « Nicolas, il a capitulé ». Rappelons que ces deux structures différentes sont formées en fonction du niveau où elles se trouvent (lexical ou post-lexical). La structure post-lexicale n’est pas issue de la modification de la structure développée au niveau lexical. En effet, la phonologie de dépendance es-saye au maximum d’éviter tout mécanisme destructeur dans l’élaboration de ses modélisations. De plus, selon Anderson, il faut éviter toute redondance et donc maximiser la contrastivité. C’est pour cette raison que la sous-spécification ou en-core la délinéarisation sont des notions présentes dans ce cadre. Rappelons que lorsqu’un segment se voit sous-spécifié, des règles d’étoffement viennent remplir les manques au moment du passage au niveau post-lexical. Ajoutons également que dans ces Figures, la notation phonétique et la dénomination de chaque plan sont uniquement présentes pour faciliter la lecture de la modélisation.

Dans ce travail de thèse, nous souhaitons mettre à l’épreuve ce cadre théorique à l’aide des résultats issus du corpus. Des questions émergent de cette première présentation et nous tenterons d’y apporter quelques éléments de réponse au fil de cette thèse. Premièrement, nous chercherons à déterminer s’il est toujours possible d’éviter de faire appel à des mécanismes destructeurs comme le souhaite Anderson. Pour les modélisations qui suivront dans ce travail, nous nous demanderons si la DP présente des avantages ou des inconvénients par rapport à d’autres cadres phonologiques comme nous avons commencé à le faire dans ce présent chapitre. Pour finir, il faudra se poser la question du bien-fondé de l’utilisation de cadres théoriques de type structural comme la DP ou la phonologie du gouvernement face à des cadres qui privilégient les usages, et qui sont, de fait, plus proches du lexique.

Chapitre 4

Le corpus PFC/LVTI Toulouse et