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Les usages dérégulés de l’internet, plus marqués pour les jeunes suivis par la PJJ

Dans le document LES ADOLESCENTS FACE AUX IMAGES VIOLENTES (Page 169-171)

Les usages extensifs ou excessifs d’internet ont été pointés par quelques enseignants dans les entretiens. Dans les établissements du groupe 1, les enseignants ont tendance à penser que les adolescents sont très connectés mais qu’ils maîtrisent la situation. Une enseignante en EPS (G2) est sensible au fait que les jeunes ne dorment pas assez, parce qu’ils restent connectés tard dans la nuit. « Ils ont l’air toujours fatigués », dit-elle. Les enseignants supputent ponctuellement des difficultés d’apprentissage liées à des utilisations excessives de jeux vidéo, mais ils n’ont pas de prise sur ces pratiques et semblent en parler peu avec les adolescents ou leurs parents, considérant probablement que cela fait partie de leur vie privée.

En entretien, une éducatrice (G3) observe autour d’elle, et non dans le contexte de son activité professionnelle, des mères en grande difficulté pour poser des interdits à leurs garçons, qui se retrouvent sans limites dans leurs consommations médiatiques. Elle connait un garçon qui est depuis l’adolescence dans une escalade de provocations et de violences. Sensibilisée à ces questions de par son activité professionnelles en EPM, elle est étonnée de voir ce type de difficulté dans des familles non précaires. Elle a en effet observé l’équipement précoce des jeunes détenus et l’ancrage de leurs pratiques médiatiques dans un contexte de très faible médiation parentale depuis la petite enfance. Elle est consciente de ce qu’ils sont souvent équipés très tôt d’outils leur permettant d’aller sur internet, sans accompagnement parental, sans contrôle de l’historique ou la pose d’un logiciel de filtrage. Elle l’explique du fait de défaillances globales des parents (alcool, drogue, violences, illettrisme, ou simplement faible maîtrise de l’internet…). Certains parents seraient très loin des écrans, (notamment dans les cultures roms). De façon générale, les parents de ces jeunes ne mesurent pas, selon elle, les

dangers d’internet, et les grands frères les emmènent précocement sur des contenus inadaptés. Elle se souvient d’un exemple d’un jeune qui avait vu Scarface à 6-7 ans.

Plusieurs responsables des structures PJJ sont informés des dérèglements de comportements, usages trop intensifs des jeux, surexposition sur Facebook, publications de photos non consenties, utilisation de sites internet illégaux. Les activités illégales de l’internet ne concernent pas seulement les jeunes suivis par la PJJ, comme le disent les éducateurs, à la PJJ se retrouvent ceux qui se sont fait prendre, souvent à cause de la gravité de leurs actes au demeurant fort variable. Cependant ces activités ont été évoquées plus souvent par les professionnels du groupe 3 A. Ces activités (en particulier le vol de photos, les publications non consenties) sont relativement rares au niveau du lycée, et plus courantes au niveau des collèges, or se retrouvent dans les structures de la PJJ le plus souvent des jeunes qui ont quitté le cursus scolaire avant le lycée. Dans les ateliers conduits en groupe 3B (mineurs isolés, protection de l’enfance), les questions qui ont été évoquées étaient rarement de l’ordre de la légalité et plus souvent du côté de la faible distance aux contenus, voire à l’hyperconnexion aux téléphones portables.

Cependant, dans un entretien avec une éducatrice de rue (ASE) travaillant dans un quartier sensible d’Ile de France, des pratiques plus violentes apparaissent. Selon elle, « toutes les bagarres dans le quartier ont démarré par des publications d’images », image d’une fille dans un bar, profération d’insultes sur Facebook. Les conflits naissent de ces échanges numériques que les adolescents dans les quartiers sensibles vont régler par l’affrontement : on descend « venger un copain » ou « l’honneur » de la sœur. Et les affrontements peuvent aller très loin, coups de couteau, usage de fusil à grenaille et faire des blessés. Les éducateurs se sentent démunis, les échanges numériques et même les insultes leur semblent des prétextes à ces affrontements, ils peinent à en voir la dynamique spécifique.

Les éducateurs se rendent compte qu’au-delà de l’utilisation des TIC, les jeunes délinquants maîtrisent rarement internet. Ainsi, dans certaines procédures, les adolescents se croyaient invulnérables sur Facebook et n’avaient pas conscience de ce que la police ou les magistrats pourraient avoir accès à leurs conversations. Le contenu de ces conversations peut même aggraver leur cas, car il permet de prouver une préméditation des crimes ou délits.

En atelier a été évoqué un groupe de jeunes détenus qui agressait des victimes pour publier leurs actes sur Facebook (happy slapping) et qui avait également filmé et publié un viol en réunion. Ils avaient fait de leurs actes une sorte de rite d’initiation, mettant à l’épreuve les nouveaux avant leur entrée dans le groupe en les obligeant à commettre ces violences. Le suivi de ces jeunes était très difficile du fait de la dénégation et de l’agressivité qu’ils conservaient vis-à-vis de la victime du viol. Une éducatrice expliquait qu’ils ne comprenaient pas en quoi la captation puis la publication de l’image aggravaient la violence ou la souffrance des victimes. La banalisation de la publication d’images sur les plateformes et la pression du groupe leur rendaient plus compliquée la prise de conscience de la gravité de leurs actes.

Les personnels travaillant dans les structures de la PJJ ont à connaitre du fait des procédures dans lesquelles ils sont engagés, de nombreuses activités illégales réalisées par les jeunes sur internet : créer de faux comptes pour réaliser des escroqueries en promettant des gains financiers jamais octroyés, utiliser des sites pour se procurer de la drogue, organiser des petits réseaux de prostitution. Une éducatrice a suggéré en entretien que la prostitution passerait souvent par Snapchat : « les filles donnent leurs identifiants Snapchat et retrouvent leurs clients dans des hôtels ». La facilité offerte par internet banaliserait le trafic de drogue. Certains adolescents, plus experts, notamment en EPM, sauraient utiliser Tor pour accéder au darknet, où ils rencontreraient des images pédophiles, sans toujours se rendre compte de leur degré d’interdit.

Identifications et repères issus de la téléréalité et des autres

Dans le document LES ADOLESCENTS FACE AUX IMAGES VIOLENTES (Page 169-171)

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