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Difficultés à parler de sexualité et confrontation aux images sexuelles (dans tous les groupes)

Dans le document LES ADOLESCENTS FACE AUX IMAGES VIOLENTES (Page 166-168)

Les difficultés observées par les professionnels sont d’abord liées à la verbalisation et aux interdits posés autour de la sexualité. Dans le groupe 1, certains enseignants ont remarqué qu’il était compliqué, avec certaines classes, d’aborder des questions relatives à l’homosexualité. Il s’agit notamment d’une enseignante de langue, qui fait travailler ses élèves sur les discriminations. Dans une classe de Seconde, elle n’avait rencontré aucune difficulté pour parler de religion, de culture, ni d’homosexualité, mais c’est une séquence sur l’obésité qui avait déclenché des rires et des propos déplaisants. Dans une classe de terminale, elle avait fait travailler des élèves sur des articles de journaux relatifs aux droits des homosexuels. Mais il était difficile d’en parler pour certains garçons, au nom d’un interdit religieux. Elle considérait en tant qu’enseignante qu’il valait mieux affronter ces tabous, à partir de la loi française, de façon claire, plutôt que de prendre des « pincettes » avec les élèves les plus religieux et de reculer. Etant elle-même de culture maghrébine, elle connaissait les réticences de la culture populaire maghrébine à parler de sexualité, surtout pour des garçons. Mais elle pensait que l’enseignant-e peut s’appuyer sur la neutralité de sa fonction pour « aborder le sujet sans crainte », et qu’il était important d’en parler « pour éviter les frustrations ». D’autant qu’elle avait remarqué la difficulté de ses élèves à prendre du recul vis-à-vis des stéréotypes sexistes. C’est parce qu’elle abordait ces sujets sensibles qu’elle pouvait se rendre compte des difficultés des adolescents.

Lors des séances de réparation liées à des agressions sexuelles, les éducateurs (PJJ) sont amenés à faire travailler les adolescents, parfois très jeunes, sur les mots de la sexualité. Un jeune garçon (12 ans) ne savait pas ce que voulait dire le mot « pudeur ». Il suggérait que le mot signifiait « homo », ou « pour se branler ». Un plus âgé avait su faire le lien entre la pudeur et la gêne d’être nu. Le premier (12 ans) connaissait pourtant des termes assez techniques qui ont impressionné et questionné les éducateurs. A propos de la sexualité des filles, il pouvait citer le terme de « cyprine ». C’est en effet « avec son PC » qu’il disait parler le plus de sexualité. Il était allé sur des sites pornographiques, il y avait appris ce terme, il y avait aussi vu des femmes se faire fouetter.

L’impact de la pornographie sur les mentalités des adolescents est très clair pour les éducateurs et les infirmiers, qui sont sollicités par les adolescents sur des questions de sexualité. En lycée (G2), il n’est pas rare que des garçons de Seconde consultent l’infirmier-ère pour savoir si la taille de leur sexe est normale, ils sont inquiets qu’il ne grandisse pas assez vite, et s’inquiètent aussi de problèmes de pannes sexuelles. Un-e infirmier-ère scolaire a évoqué la réception au premier degré de ces images par certains garçons. Son poste d’observation est privilégié car les jeunes sont en confiance et viennent lui demander de l’aide sur des questions intimes. Pour ce-tte professionnel-le, les adolescents « ont un rapport pervers aux images », ils prennent les images pour « des sources de vérité ». Ils se seraient forgé cette conviction à force de regarder des films pornographiques. Il-elle prend l’exemple d’un adolescent venu chercher des préservatifs. L’infirmier-ère hésite à lui en donner car il le considère comme impubère. Le jeune lui montre alors une vidéo sur son téléphone portable pour lui prouver qu’il

est déjà passé à l’acte. Le-la professionnel-le ne comprend pas le besoin qu’a eu cet adolescent de se filmer pour prouver (à lui et à ses copains) qu’il « est un homme ». L’infirmier-ère l’a alors dissuadé de réaliser ce type d’image, en lui rappelant les problèmes que cela peut poser pour les filles. Le-la professionnel-le avait également été mis au courant du drame vécu par une jeune fille qui avait participé à une vidéo pour le site « Jacquie et Michel », bien connu des adolescents. Elle avait besoin de payer des factures de téléphone. L’affaire a malheureusement très mal tourné. Suite à la diffusion de la vidéo, les parents de la jeune fille ont dû quitter le quartier et ont renié leur fille. Son frère s’est battu avec un des garçons qui diffusait la vidéo de sa sœur, l’a roué de coup à mort. Il serait actuellement en prison. La fille a également dû quitter le quartier. Pour l’infirmier-ère, ce drame était la résultante d’un conflit culturel entre une culture maghrébine (celle de la jeune fille et de sa famille), et une culture de l’immédiateté et de l’argent diffusées par internet, dans un contexte de désespérance liée au chômage des jeunes dans le quartier.

Loin de croire à une permanence des tabous sexuels chez les jeunes musulmans, cet-te infirmier-ère, qui nous dit être issu de la même culture que ces adolescents, croit à un effondrement complet des repères traditionnels. Il n’est pas le seul professionnel d’origine maghrébine à nous avoir dit son incompréhension vis-à-vis des attitudes des adolescents, leur utilisation ostentatoire de la religion, leur imprégnation pornographique. Du fait de la propagation des images pornographiques, les garçons auraient « une image délétère des filles » et les filles seraient devenues très « accessibles ». Il y aurait un « fossé énorme » entre le discours puritain que les filles ont tenu notamment dans nos entretiens, et la réalité de leurs comportements. Les adolescents seraient pris dans une contradiction forte entre un discours religieux où il voit surtout un effet de « mode », sans articulation avec une pratique religieuse sincère, et des comportements sexuels dérégulés, qui débouchent sur des grossesses précoces.

En EPM, l’impact de la pornographie est relevé par des éducateurs et des surveillants, dans la vulgarité des propos, des insultes, des gestes obscènes vis à vis des filles. Les repas seraient l’occasion de nombreux échanges insultants et marqués par une forte sexualisation, même entre garçons. La présence d’adulte n’arrêterait pas spontanément leurs insultes, ils seraient de ce point de vue désinhibés. Une surveillante d’une cinquantaine d’années nous a raconté qu’elle avait dû leur répondre un jour sur le même registre que les jeunes détenus pour qu’ils prennent peur et s‘arrêtent. Les enseignants qui abordent la sexualité avec eux sont frappés de la représentation que les garçons se font du corps des filles comme d’une machine peu reliée à la personne. Ils accepteraient de réfléchir au plaisir, notamment au plaisir féminin, mais dans une conception très mécanique de la sexualité, imprégnée de l’idée de performance. A côté de la pornographie, leur représentation de la sexualité serait aussi marquée par le modèle de la prostitution. La sexualité leur apparaitrait comme un produit de consommation. La sexualité est alors associée à une forme de violence vis-à-vis des filles, qui leur semblerait normale.

Confrontation aux discours haineux et aux manipulations de

Dans le document LES ADOLESCENTS FACE AUX IMAGES VIOLENTES (Page 166-168)

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