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Difficultés liées à l’intensité des connexions

Dans le document LES ADOLESCENTS FACE AUX IMAGES VIOLENTES (Page 152-154)

Cette difficulté se rencontre dans tous les milieux sociaux. Il arrive en effet que le modèle d’accompagnement parental des parents cadres ne fonctionne pas, ou du moins que des failles apparaissent. Le moment adolescent y est favorable. Nous avons rencontré des parents qui pouvaient émettre des inquiétudes face aux activités numériques un peu secrètes de leurs garçons. Il s’agissait notamment d’un adolescent inscrit dans l’établissement 1, ayant donc un bon niveau scolaire. Le père

(n°7) était inquiet de ses explorations sur le darknet, via Tor. Il pouvait imaginer que son fils organise un trafic de drogues de synthèse à partir de là. « Mais là on est un peu impuissant, si pendant qu’on n’est pas là, il veut aller sur le darknet, qu’est-ce qu’on peut faire ? C’est un truc, on ne peut rien faire ». Le père était d’autant plus inquiet que la posture provocatrice de l’adolescence était peut-être redoublée par le statut de magistrat de sa mère. Il se retrouvait entre les deux, sans vraiment arriver à prendre position.

Dans un contexte social relativement proche, une mère (n°26) rencontrée grâce à une « maison des adolescents », documentaliste dans une société audiovisuelle a beaucoup de mal avec les consommations médiatiques de ses enfants. Elle a mis en place un modèle de médiation plus rare dans les milieux socioprofessionnels favorisés, un contrôle très strict sur l’accès aux équipements. Depuis qu’elle regrette que sa fille regarde trop la télévision, elle a acheté un « sac antivol », dans lequel elle enferme la télévision, elle a placé également un code sur l’ordinateur, ce qui lui permet d’être certaine que ses deux enfants ne regardent pas la télévision ou ne sont pas sur l’ordinateur pendant toute l’après- midi, avant qu’elle ne rentre de son travail. Elle a pris l’habitude de changer les codes tous les jours, de les appeler pour vérifier où ils en sont avant de leur donner les codes du jour. Les conduites des enfants ne semblent pas modérées pour autant.

« Il joue beaucoup, l'année dernière, quand il rentrait de l'école, il faisait ses devoirs et il jouait. Maintenant, c'est plus possible, il est vraiment très, très... ». Il joue avant de faire les devoirs et « c'est difficile de le décoller de l'ordinateur, on est passé à une étape différente ». Elle pense que comme il ne joue jamais chez son père, « quand il arrive chez moi il est en manque quoi, il faut qu'il rattrape. C'est une addiction hein ». « Il joue beaucoup, pour le faire arrêter c'est très difficile, c'est souvent une lutte quoi. Moi je refuse d'éteindre l'ordi brutalement parce que je veux qu'il s'arrête lui, parce que j'ai dit 'on va manger, c'est fini, ou c'est l'heure d'aller dormir quoi' mais je vois que c'est très, très difficile ».

Les parents sont séparés, ce qui fait reposer le contrôle des médias quand ils sont chez leur mère, sur elle seule. Elle a une activité professionnelle qui ne lui permet pas d’être présente quand ses enfants adolescents rentrent à domicile. Le père lui n’a pas d’équipement audiovisuel, ce qui lui évite ces acrobaties et n’est pas intéressé par les jeux vidéo. La mère semble prise dans un engrenage délicat, car tout en cherchant à modérer physiquement les consommations de ses enfants, en son absence, ou en sa présence, elle est en même temps très soucieuse de valoriser ses activités de jeu vidéo. Elle a des conversations avec son fils sur la stratégie à adopter dans un jeu de gestion de joueurs de foot. Elle souligne le fait que les jeux vidéo sont aussi des œuvres de création.

Par les entretiens menés avec les adolescents eux-mêmes nous avons pu avoir accès à d’autres situations, notamment dans l’établissement 2, mettant en évidence d’autres formes de médiations parentales dans des milieux sociaux intermédiaires. Lorsque les relations parentales avec les enfants sont structurées autour d’activités médiatiques intenses, comme cela a semblé le cas pour Joseph, dont le père regardait en sa présence des films d’action ou d’horreur depuis sa petite enfance, ou pour Ameline, qui jouait intensément aux jeux vidéo avec son père, les enfants, devenus adolescents, ont souvent des consommations médiatiques qui restent intenses, avec ce même type de contenu, et ont beaucoup de difficulté à construire sur ces images un discours autonome. Lorsque les adolescents

sont pris dans des conflits entre les parents, voire avec eux, comme c’est le cas de Dugarry les consommations médiatiques, en particulier jeux vidéo peuvent être une « consolation » et un oubli, et la situation va limiter leur esprit critique vis-à-vis de ces contenus.

Les difficultés des parents sont souvent reliées à la difficulté pour les parents de modérer les activités de leurs adolescents sur les jeux vidéo. Nous avons rencontré plusieurs parents confrontés à cette difficulté, qui ‘étaient de ce fait tournés vers une « maison des adolescents » pour y trouver de l’aide. Florence responsable dans le centre social où s’est passé l’atelier 2 confirme que c’est un problème récurrent dans le centre. Pendant l’atelier, Dounia avait notamment évoqué sa difficulté, face à son petit fils qui après avoir été lecteur jusqu’à 10-11 ans, était devenu accaparé par des jeux vidéo violents comme GTA et Call of duty.

Les interdits stricts qui peuvent être posés par un parent, dans ce type de contexte, ne semblent alors pas aider à une remise en cause de la relation à ces contenus, mais plutôt conduire à un sentiment d’incompréhension. Les activités médiatiques immersives vont alors de pair avec une forme de décrochage ou de désengagement vis-à-vis de la scolarité.

Dans le document LES ADOLESCENTS FACE AUX IMAGES VIOLENTES (Page 152-154)

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