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T UNIS AU DÉTRIMENT DES LACS : UNE RELATION VILLE / NATURE DÉSÉQUILIBRÉE

CHAPITRE 1. ENTRE OUVERTURE ET FERMETURE, ÉVOLUTION ET TENSIONS D'UNE RELATION

1.2. T UNIS AU DÉTRIMENT DES LACS : UNE RELATION VILLE / NATURE DÉSÉQUILIBRÉE

Pendant la période historique, les lacs, comme milieux, ont évolué en interaction avec le développement de la capitale tunisienne. Dans quelle mesure constituent-ils une richesse pour Tunis ? Jusqu'à quel point l'urbanisation a-t-elle contribué à leur dégradation ?

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Cf. Gafsi H., 1996, "Éléments de réflexion sur la portée des instruments de planification urbaine et de protection des terres agricoles. Cas de la région de Tunis", in Ben Ali D., Di Giulio A., Lasram M., Lavergne M., dir., Urbanisation et agriculture en Méditerranée: conflits et complémentarités, Paris, L'Harmattan, pp. 55-70.

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Le houch est un type d'habitat rural et traditionnel organisé autour du patio intérieur.

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Agence Urbaine du Grand Tunis, 1999, Bilan de l'urbanisation du Grand Tunis de 1988 à 1996, p. 39.

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1.2.1. Des milieux au service de la régulation urbaine : une richesse pour Tunis Des écosystèmes méditerranéens paraliques

Comparé aux deux sebkhas plus éloignées de la ville arabe et de l'actuel centre-ville, le milieu lagunaire a été beaucoup plus profondément étudié. Les deux sebkhas sont des milieux à écologie cyclique, à propos desquels il est difficile d'avoir actuellement des résultats fiables sur leur état environnemental. Le document suivant livre les caractéristiques les plus essentielles des milieux aquatiques du Grand Tunis.

Document 1 : Présentation des lacs de Tunis

Nom du milieu Profondeur moyenne des eaux Altitude moyenne Salinité des eaux Superficie du plan d'eau Superficie du bassin versant Bilan hydrique

(chiffres en millions de m3/an) Lac

Nord

0,9 m - 0,9 m 65 g/l 2800 km2 200 km2 En 1979. Entrées : eaux marines entrant par le canal de

Khereddine (5) + eaux pluviales (15) + eaux d'égouts de la ville et effluents insuffisamment épurés rejetés par la station de la Charguia (30)

Sorties : évaporation + sorties d'eaux vers la mer par le canal de Khereddine

Lac Sud 0,7 m -0,7 m 70 g/l 1300 km2 200 km2 En 1994. Entrées : eaux marines entrant par le canal de Radès (4) + eaux pluviales (7,9) + eaux usées industrielles (13,8) Sorties : évaporation + sorties d'eaux vers la mer par le Canal de Navigation

Sebkha Sijoumi

0,85 m en hiver

+10 m 35 g/l 2800 km2 230 km2 En 1995. Entrées : eaux pluviales (13) + eaux de ruissellement (30,9) + eaux usées domestiques et industrielles (4,9)

Sorties : évaporation + faibles sorties d'eaux vers l'oued Miliane Sebkha

Ariana

0,7 m en hiver

-2 m 60 g/l 3500 km2 120 km2 En 1999. Entrées : eaux pluviales (11,6) + eaux de ruissellement (8,3) + eaux venant de la nappe (2) + eaux usées domestiques et eaux débordant des stations d'épuration (2)

Sorties : évaporation + faibles sorties d'eaux par le canal vers le golfe

Sources : Björk (1972, 1978), SCET-IAURP (1976), Frisa Engineering (1995)

La lagune est un milieu particulièrement vulnérable et plus menacé que les deux sebkhas. Située très légèrement au-dessus du 37ème parallèle nord, les eaux ont une température annuelle moyenne de 18,3°. L'insolation est forte, les vents sont fréquents, parfois violents et très chauds

(une moyenne annuelle de 14 jours de sirocco). L'humidité est importante (valeurs supérieures à 80 %, sauf en juin et juillet). La pluviosité est faible et irrégulière (454 mm/an et trois mois de sécheresse totale). Les échanges avec la mer par les canaux de Khereddine et de Radès sont restreints. Les Lacs Nord et Sud sont identifiés par les biologistes comme des milieux hyperhalins en raison de leurs eaux fortement salées. Dans ces milieux chauds et fortement salés, le taux de saturation en oxygène est très faible. Et la stagnation des eaux est presque totale par vent calme. Le temps de renouvellement des eaux est très long : près de 20 à 30 jours pour les deux parties de la lagune et près de 40 jours pour la zone portuaire située au fond de cette dernière.

Écosystèmes "paraliques"34, les lacs sont des espaces naturels spécifiques et complexes. Ce sont des milieux qui entrecroisent des temporalités d'échelles variées : du temps court de la flore, de la faune, des cycles naturels et des crises dystrophiques qui devenaient récurrentes avant les récents travaux d'assainissement, au temps long de l'évolution naturelle de ces milieux vers le colmatage et la disparition. Que ce soit la lagune ou les deux sebkhas, les régulations et les gradients qui accompagnent les processus naturels de ces écosystèmes sont complexes : les échanges de matériaux et d'éléments minéraux sont intenses, d'une part, entre les eaux de surface, les eaux profondes et la vase du fond, d'autre part, entre les berges et le plan d'eau qui composent une unité écologique intégrée dont les composantes sont interdépendantes. Végétation littorale, faune et micro-organismes sont en effet liés par des liens directs et indirects et composent des chaînes trophiques riches.

Des milieux exploités et utiles à la capitale

Le site aquatique est vu par les Tunisois essentiellement sous l'angle de la contrainte et de la crainte. Pourtant il est au service de la ville par bien des aspects. Les lacs constituent des milieux d'une grande richesse faunistique et floristique qui jouent un grand rôle hydrologique.

Le rôle des trois lacs dans le cycle de l'eau à l'échelle des bassins versants est à prendre en compte. Des études hydrologiques35 ont montré que les lacs de Tunis pouvaient stocker l’eau des inondations, servir de décharges ou recharges en eau du sol, garder les sédiments et les toxines et purifier des quantités limitées de déchets rejetés par l’homme. La puissance d'auto-épuration des Lacs Nord et Sud est exceptionnellement élevée. L'eau emmagasinée dans ces zones humides reflète le bilan entre les entrées d'eau et les sorties. La lagune et la sebkha Ariana jouent un rôle de lieu d'échange permanent entre les eaux marines et les eaux continentales. Par ailleurs,

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Ce n'est pas le degré ou la variabilité de la salinité, mais le confinement, qui est la caractéristique principale des écosystèmes "paraliques", non seulement par suite de son rôle essentiel dans leur genèse, mais aussi parce qu'il contrôle les processus bio-géochimiques qui régissent leur fonctionnement et qu'il conditionne leur zonation biologique (Ramade, 1997, pp. 20-21).

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Voir pour la bibliographie des études hydrologiques portant sur les écosystèmes aquatiques d'Afrique du Nord : Parmenter B., 1995, "La gestion de l'environnement en Afrique du Nord : le cas des écosystèmes aquatiques", in Bencherifa A., Swearingen W., dir., L'Afrique du Nord face aux menaces écologiques, Rabat, Presses Universitaires de la Faculté de Rabat, pp. 215-235.

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l'inclinaison des gradients d'ouest en est des concentrations de nutriments dans l'eau laisse apparaître de grandes différences entre la partie ouest de la lagune plus confinée et la partie est qui reçoit les eaux marines (Björk, 1972). Écosystème endoréique, la sebkha Sijoumi est une zone d'équilibre écologique qui fonctionne comme un bassin de régulation des crues. Les terres humides qui bordent les trois lacs réduisent les inondations et stockent les eaux. Elles jouent également un rôle dans le renouvellement de l'air par rapport à la pollution.

Ensuite, ce sont des stations privilégiées par de nombreux oiseaux migrateurs et des niches écologiques importantes pour la pêche (planche 11). La faune et la flore sont des richesses importantes qui permettent d'envisager les trois lacs dans leur complémentarité. L'été venu, les deux sebkhas sont à sec et les oiseaux confluent vers la lagune. La nuit, les déplacements d'oiseaux d'un lac à l'autre sont courants36. Les lacs de la capitale sont connus pour la diversité de leur avifaune aquatique : la quasi-totalité des espèces migratrices et hivernantes les fréquentait et une série d'espèces marines (goéland leucophée, sterne naine, mouette rieuse) et limicoles y nichaient (gravelot à collier interrompu, échasse blanche, bécasseau). Les recensements conduits par le bureau d'études Bécasse sont instructifs : en janvier 2001, sur l'ensemble des lacs, 44 344 oiseaux ont été dénombrés. Sur les 44 espèces différentes inventoriées, les experts ont compté 15 espèces sédentaires dont le goéland leucophée (200 couples nicheurs) et l'aigrette gazette avec 80 couples nicheurs (MEAT-CAR, 1999). Au cœur du Lac Nord, l'îlot de Chikly est l'île des oiseaux : 57 espèces hivernantes sur le lac se réfugient principalement à proximité du fort andalou, surtout des flamants roses, des aigrettes garzettes, des goélands et des faucons37. Les petits îlots émergents à côté de l'île servent en été pour la nidification de certaines espèces. Ils affleurent en hiver à la surface de l'eau, servant alors de reposoir et dortoir pour les grands cormorans, les sternes et les flamants. Les marécages sont nombreux sur les berges des deux sebkhas, composées de vase et de bancs de sable jonchés de déchets solides, et de remblais créés spontanément par les populations qui habitent les quartiers riverains. Ainsi les berges des deux sebkhas sont-elles propices à accueillir une avifaune riche et diversifiée. Jusqu'à 25 000 flamants roses se reproduisent les années humides autour de la sebkha Sijoumi, sans compter les foulques, les goélands et les canards. La sebkha Ariana, quant à elle, est la première escale après la traversée de la mer en automne pour les oiseaux qui se dirigent vers le Sahara, et la dernière escale au printemps avant la traversée de la mer Méditerranée.

Jusqu'aux années 1970, la production piscicole fut abondante et variée (mulets, anguilles, daurades, muges, loups, gisements de palourdes, crevettes royales) dans les Lacs Nord et Sud. En outre, la pêche professionnelle est faite par l'ONP (Office National des Pêches – Ministère de l'Agriculture) qui avait la concession de l'exploitation du lac.

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Cf. Benaïssa Z., 1999, "Les oiseaux des lacs de Tunis", in Baccar-Bournaz A., éd., Tunis Cité de la Mer, Municipalité de Tunis – Université Tunis I, Tunis, éditions l'Or du Temps, pp. 139-142. Et voir aussi Bécasse, 2001, Étude sur l'avifaune du Lac Sud de Tunis, Rapport final, MEH-SEPTS, 32 p. + annexes

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L'ONP est à l'origine des pêcheries fixes (bordigues)38 qui sont installées au niveau des communications avec la mer (canal de Khereddine ou Canal de Navigation), des trabaques (capetchades)39 et des filets posés dans les eaux inférieures à 1 m de profondeur. La pêche amateur est en théorie interdite, mais faute d'une stricte surveillance de la lagune par l'ONP, "cette activité est, en conséquence, devenue aujourd'hui un sport régional. Les pêcheurs trouvent insuffisantes les deux rives du canal Khereddine (à proximité du poste de surveillance situé au niveau des écluses). Ils ont à l'heure actuelle accès aux berges du lac, et principalement à la digue centrale où ils se rendent, en vélo, en mobylette et en voiture, par des accès en principe interdits ! Les jours "fastes", on peut compter beaucoup plus d'une centaine de pêcheurs et autant de canons à pêche !" (Géoidd-Créocéan-Sirus, 1997, p. 71). En lien avec les travaux d'assainissement, les bordigues ont été fermées et la production est en chute libre depuis 1985 : en 1981, 310 tonnes de poissons étaient péchés par l'ONP dans le Lac Nord ; en 1995, seulement 60 tonnes.

La végétation aquatique et halophile reste importante malgré la disparition de nombreuses espèces. Le développement et la croissance très rapide des algues trouvent leur origine dans les rejets d'eaux insuffisamment épurées et donc riches en matières organiques. Les formations végétales qui bordent les lacs sont commandées par quatre facteurs : la salinité, l'hydromorphie, le modelé et la texture du sol (planche 11). Les steppes halophiles à salicornes prédominent : elles se développent sur une partie des talus et des bordures de la lagune et de la sebkha Ariana. Ce groupement végétal n'existe presque pas autour de la sebkha Sijoumi, dans la mesure où les eaux et les terres sont moins salées. Les groupements halophiles à hydromorphie forte (steppes à joncs, mosaïque à steppe halophile et à prairies humides, voire inondées) sont présents tout autour de la sebkha Sijoumi, et sur une partie des berges des autres lacs. La végétation psammophile côtière se développe sur sol sableux au Nord de la sebkha sur le cordon littoral. Les pelouses à graminées et les buissons sont localisés sur les rives les plus anthropisées (autour du Canal de Navigation et sur les berges nord-ouest du Lac Nord). Enfin, 190 ha de forêt ripisylve ont été conservés sur les berges sud-est de la sebkha Sijoumi.

Le Lac Sud a été longtemps un gisement pour la production de sel, estimée à 40 000 tonnes par an sur un périmètre de 350 ha. La Cotusal est la société qui exploitait les marais salants construits sur le plan d'eau jusqu'à la fin des années 199040. Milieu particulièrement exploité, la lagune est également un écosystème très fortement anthropisé.

La lagune, un écosystème très fortement anthropisé

Si les sebkhas sont finalement peu artificialisées, la lagune de Tunis est un milieu littoral dont l'évolution morphologique a été fortement influencée par l'intervention de l'homme : "C'est,

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Les pêcheries sont des pièges fixes conçus pour capturer les poissons de la lagune qui veulent retourner en mer.

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Les trabaques sont des pièges fixes pour la pêche aux anguilles sous l'égide de l'ONP.

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L'exploitation des salines a pris fin avant le commencement des travaux d'assainissement du Lac Sud qui se déroulèrent de 1998 à 2001.

en fait, une lagune littorale méditerranéenne qui présente l'originalité, sans doute unique au monde, d'avoir subi de fortes influences anthropiques depuis près de 3 000 ans, puisque les historiens s'accordent pour placer la fondation de Carthage au début du VIIIème siècle avant J.- C41. Son évolution pendant l'époque historique est étroitement commandée par la présence de l'Homme" (Paskoff, 1994, p. 146).

La responsabilité anthropique est indissociable de l'évolution dans le temps et dans l'espace du site aquatique de la capitale. Les Américains W. Harbridge, O.H. Pilkey, P. Whaling et P. Swetland42 ont clairement montré à quel point le Lac de Tunis est une lagune fortement influencée par les sociétés. Leur analyse fait état d'une convergence de quatre facteurs explicatifs : les cultures dès l'époque romaine ont été à l'origine d'une érosion croissante qui a nourri le cordon fermant la lagune ; le Canal de Navigation, construit par les Français en 1885, lesquels ont ainsi sectionné le plan d'eau en deux ensembles fermés, a réduit la circulation intérieure et la circulation avec la mer ; les eaux usées polluées chargées de nutriments ont favorisé les crises d'eutrophisation et la mort des poissons ; enfin, les diverses opérations de remblaiement des berges ont réduit la taille de la lagune.

L'influence des diverses sociétés qui se sont succédées à Tunis a été en effet plus ou moins décisive sur l'évolution morphologique de cet écosystème. À ce titre, les colons français ont été fortement responsables de la modification de la géométrie de la lagune en voie de comblement progressif. Avec l'extension de la ville basse, les rejets, les décharges et le colmatage alluvial naturel, la lagune est passée d'une superficie de 50 km2 en 1885 à 42,2 km2 en 1975. Le développement des salines sur le Lac Sud a également contribué à faire diminuer drastiquement la superficie de ce dernier : à la fin du XIXème siècle, il s'étendait sur près de 2 000 ha ; en 1970, sa superficie n'était plus que de 1 300 ha. Les aménagements des Français sont en grande partie responsables de l'asphyxie de la lagune qui s'est considérablement dégradée dans la seconde partie du siècle dernier (fermeture du grau, partition du lac,…).

La sédimentologie de la lagune fut également perturbée fortement par les rejets domestiques et industriels. Les sebkhas, au même titre que la lagune, sont des milieux vulnérables en crise.

1.2.2. Des milieux vulnérables en crise

Les impacts de la ville et de l'industrie sont très forts, d'une part, sur les plans d'eau et, d'autre part, sur les terres humides qui les bordent.

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Sur la genèse de la lagune, cf. infra : Chapitre 3, § 3.1.2.

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W. Harbridge, O.H. Pilkey, P. Whaling, P. Swetland, 1976, "Sedimentation in the Lake of Tunis : A Lagoon Strongly Influenced by Man", Environmental Geology, vol. 1, pp. 215-225.

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Une forte pollution responsable de graves crises d'eutrophisation

Jusqu'aux récents travaux d'assainissement, la lagune, tout comme les deux sebkhas, ont cumulé les perturbations liées aux décharges et aux rejets d'eaux usées industrielles et domestiques. Sol, eaux, faune et flore en ont été très fortement affectés.

Les berges des trois plans d'eau furent un site privilégié pour l'implantation des décharges publiques. Parmi les décharges contrôlées de la capitale, une était située au Borgel43, sur les berges nord-ouest du Lac Nord, deux au bord de la sebkha Sijoumi (Ezzouhour et Henchir Yahoudia) et deux autres au bord de la sebkha de l'Ariana (Raoued et La Marsa). À ces cinq décharges s'ajoutaient deux décharges sauvages : une à Sidi H'Cine sur les berges occidentales de la sebkha Sijoumi et une à Sidi Rzig-Mégrine, à proximité du Lac Sud (planche 12).

Document 2 : Les décharges publiques de Tunis situées autour des lacs

Localisation Situation Mise en service

Fermeture Organisme gestionnaire

Superficie Problèmes de pollution

Borgel Au nord- ouest en bordure du Lac Nord 1945 1957 Municipalité de Tunis

40 ha Nuisances pour le milieu aquatique, dégagement de fumées dues au brûlage des déchets

Ezzouhour Au nord- ouest de la sebkha Sijoumi

1960 1985 ONAS 60 ha Front de décharge en

contact avec l'eau en hiver, déchets hors du périmètre contrôlé Henchir Yahoudia Au sud-est de la sebkha Sijoumi 1963 1998 ONAS puis AMTVD 100 ha Odeurs, moustiques, déversement d'ordures ménagères sur les berges, ruissellement des eaux d'essorage La Marsa Au nord- est de la sebkha Ariana 1981 1999 ONAS puis AMTVD 25 ha Lessivats pollués en contact avec l'eau

Raoued Sur le DPM au nord-ouest de la sebkha Ariana

1984 D'ici 2010 ONAS puis AMTVD

30 ha Front de décharge en contact avec l'eau en hiver, déchets hors du périmètre contrôlé

ONAS : Office National d'Assainissement ; AMTVD : Agence Municipale du Traitement et de la Valorisation des Déchets. Source : COMETE, 1992, Les décharges publiques dans le Grand Tunis, Inventaire des décharges et recherches de sites potentiels, Étude préliminaire, ANPE, 30 p.

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Dans son étude sur le quartier du Borgel, P. Sebag a évoqué le quotidien difficile des chiffonniers de la décharge du gourbiville qui disparut avec l'éradication des gourbis : "Plus d'une fois, nous avons surpris les chiffonniers au travail. Sans trêve, pendant toute la matinée, les camions municipaux viennent déverser en bordure de lac les ordures collectées dans la ville. Tout un peuple les attend : hommes, femmes et enfants, armés de faucilles et de crocs, s'arrêtent un moment de fouiller la vaste nappe d'immondices étalées au grand soleil pour prendre d'assaut le camion qui arrive et jeter à terre le contenu de milles poubelles ; puis, ils reprennent leur exploration méthodique, s'attachant à récupérer tout ce qui a encore un prix: papiers, chiffons, os, boîtes de fer blanc." (Sebag, 1985, p. 28)

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Le document 2 montre que l'hétérochronie de la mise en service des décharges s'inscrit dans la diachronie de la construction de la ville de Tunis qui se développa en direction des plans d'eau. La ville repousse toujours plus loin les décharges. Le recyclage des sites de décharge est une logique qui se vérifie pour l'ensemble de ces espaces. Ces sites de décharge ont été reconvertis en des espaces plus attractifs. La décharge de Henchir Yahoudia est un bel exemple de requalification du site et de construction d'un nouveau lieu : l'Agence Nationale de Protection de l'Environnement (ANPE) a piloté en 1998 sa reconversion en parc périurbain. La substitution d'usage s'accompagne dès lors d'une inversion du sens du lieu : longtemps répulsifs, les abords de la sebkha Sijoumi sont ainsi valorisés par une telle opération qui attire les familles résidant dans les environs. Une telle dynamique est l'indice que le site aquatique de Tunis commence à ne plus être vu comme un ensemble d'espaces repoussoirs. L'évolution est toute récente si l'on en juge par les études menées dans les années 1970.