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L ES LACS EN IMAGES ET EN SAVOIRS : LA CONSTRUCTION DE LIEUX PARTICULIERS

CHAPITRE 3. LA MISE EN LIEU DES LACS, MIROIR DU RAPPORT TROUBLE DE LA CAPITALE TUNISIENNE À LA MER

3.1. L ES LACS EN IMAGES ET EN SAVOIRS : LA CONSTRUCTION DE LIEUX PARTICULIERS

Les sources figuratives, scientifiques et artistiques constituent trois médiations qui investissent les lacs de Tunis de sens multiples et leur confèrent en retour une légitimité. Trois objectifs sont assignés à ce développement. Tout d'abord, à travers cartes, plans et vues de ville, nous appréhenderons les représentations de la ville en son site comme des mises en image qui témoignent d'une fabrique du regard1 et construisent progressivement les lacs en lieux géographiques. Ensuite, nous mettrons en évidence à quel point la lagune fut l'objet d'une très forte attraction scientifique. En particulier, nous verrons que la genèse du site fit l'objet d'interprétations discordantes entre les chercheurs. Enfin, à l'inverse des écrits scientifiques, nous montrerons que les sources artistiques sont peu nombreuses et donnent une autre image du site de la capitale.

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3.1.1. A travers cartes, plans et vues de ville : l'iconicité des lacs

Les figures historiques qui représentent Tunis sont une source extrêmement intéressante pour analyser les différents traitements graphiques du site aquatique et de la ville. Dans quelle mesure constituent-elles une modalité privilégiée des discours consacrés à ces objets spatiaux ? Par figures, nous entendons, de façon large, les cartes, les croquis, les vues générales, les gravures, les estampes, etc. L'enjeu est de qualifier la mise en image des lacs de Tunis à travers ces différents supports iconiques et, par-là même, de saisir l'iconicité de ces objets géographiques. Par iconicité, il faut comprendre une capacité à faire image : les réseaux sémiotiques permettent la construction d'un objet en image et, en même temps, cet objet fait activement image, par cette capacité à provoquer et à médiatiser des sensations, des émotions et des valeurs (Dumont, 2000, p. 64). La figure iconique n'est alors, en aucune façon, un support neutre et parfaitement intelligible, mais un objet construit, producteur de sens et d'intentionnalités communicationnelles.

Chaque figure s'inscrit dans une généalogie, une suite d'images déjà existantes. Les variations d'une figure à l'autre peuvent être insensibles, ou bien être en rupture évidente. Historiciser ce processus permet de réaliser une analyse de la constitution des modes de représentation de Tunis en son site. Les rythmes de cette fabrique du regard ne sont a priori pas continus, au sens de progressifs, mais semblent plutôt discontinus, faits de ruptures, de bouleversements subits des représentations à travers les siècles. L'hypothèse de travail est que la mise en image des lacs fut fondamentalement instable : quel sens naquit de ce trouble de la représentation ? Nous nous emploierons à déconstruire les discours portés par ces sources et les valeurs investies dans la représentation des lacs de Tunis. Ultimement, il sera question de mettre à jour les conditions historiques d'une figuration stabilisée du site aquatique.

Notre corpus de figures est loin d'avoir été exhaustif, mais l'important pour nous a été de rendre raison d'une construction du regard à travers les siècles qui s'est nourrie de cultures visuelles multiples. Une telle ambition n'est possible que par l'exploitation non pas successive et isolée des sources, mais dans la co-présence.

D'emblée, disons-le, tous les auteurs de ce corpus sont étrangers. Nous n'avons pas trouvé de figures historiques de Tunis réalisées par des Tunisiens, ni par des Arabes en général. La représentation de Tunis est dominée – nous employons volontairement ce terme – par les Européens. Les Tunisiens n'ont-ils pas eu de culture visuelle, ni de goût, ni de nécessité à se représenter Tunis ? Ou est-ce à dire que, pendant plusieurs siècles, les Tunisiens se seraient faits déposséder du pouvoir appropriant de la représentation ? Répondre à ces questions est particulièrement délicat et nous mènerait loin : en arrière-plan, c'est la représentation arabo- musulmane du monde, en particulier à travers ses paysages, qui est en jeu. Une certaine prudence est donc de mise. Nous nous risquerons aux développements suivants qui méritent toutefois d'être formulés.

BARTHEL PA – Tous droits réservés à l’auteur – pa.barthel@libertysurf.fr

Dans la théorie du géographe A. Berque, une civilisation est paysagère dès lors qu'elle possède des représentations linguistiques (un ou des mots pour dire "paysage"), littéraires (orales ou écrites), picturales et jardinières2. Selon l'auteur, des civilisations entières, comme l'Inde ou bien l'Islam, ont ignoré la notion de paysage3. Or, dans sa récente thèse, L. Latiri4 a cherché à déconstruire les fondements de la culture paysagère à l'époque classique dans la sphère arabo- musulmane en reprenant les critères définis par A. Berque. Elle montre ainsi que les Arabes n'ont pas la même conception du paysage que l'Occident, bien que la culture arabe classique possède une terminologie paysagère, un art des jardins, des textes poétiques dépeignant divers paysages et des miniatures. Elle constate notamment l'absence de peintures de grande taille représentant des paysages. Ce dernier point est particulièrement intéressant : la culture paysagère arabo- musulmane s'articule finalement peu avec le visuel. Alors que la découverte du paysage s'est principalement effectuée en Occident à partir des représentations picturales, dans la tradition arabe, la représentation visuelle, quand elle existe, tend non pas au réalisme mais à la symbolisation extrême des éléments de la nature. Les écarts culturels entre l'Occident et le monde arabo-musulman viennent ainsi éclairer l'absence d'iconographies urbaines arabes.

Une question simple à formuler, mais redoutable quant à sa réponse, survient alors : Est- ce que le Tunisien voit un paysage lorsqu'il saisit par le regard l'un ou l'ensemble des lacs ? Et si oui, depuis quand ? D'après A. Berque, pour la paysannerie traditionnelle française, il ne fut jamais question de paysage pour qualifier l'espace perçu : "Dans une lettre restée fameuse à son ami Gasquet, Cézanne nota que les paysans de la région d'Aix n'avaient apparemment pas "vu" la Montagne Sainte-Victoire. Ce que Cézanne exprime par là, ce n'est pas, bien sîr, que lesdits paysans n'eussent pas la capacité visuelle de percevoir cet élément remarquable de leur environnement ; c'est qu'ils n'y voyaient pas un paysage" (Berque, 1995, p. 57). Pour le géographe, le paysage ne se révèle au regard qu'à partir du moment où les groupes humains sont libérés de leurs préoccupations vitales. Autrement dit, une reconnaissance paysagère peut avoir lieu dès lors que les fonctions productrices d'un lieu ou d'un espace ont été dépassées.

Sans preuve tangible, au titre d'une lecture possible parmi d'autres, on est ainsi tenté de penser que la lagune de Tunis – pour ne parler que d'elle – n'a pas été vue comme un paysage pendant de longs siècles, et donc n'aurait pas suscité de représentations particulières. Saisie uniquement par les Arabes dans ses fonctionnalités (nutritives, militaires et portuaires), la lagune aurait réellement été découverte par les Occidentaux qui se sont attachés à la figurer. L'hypothèse est alors que la diffusion de la culture visuelle occidentale à partir du XIXème siècle a suscité après coup une reconnaissance paysagère du site aquatique de Tunis par les Tunisiens dans un

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L'auteur s'est passionné pour le Japon en particulier et l'Asie en général, région du monde qui a motivé plus qu'ailleurs ses recherches sur le paysage.

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Voir notamment pour plus de détails : Berque A., 1995, Les Raisons du Paysage, Paris, Hazan.

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Cf. Latiri L., 1999, La mise en paysage des systèmes d'irrigation dans les oasis du sud tunisien, Thèse de Doctorat de Géographie, Université Paris I ; Latiri L., 2001, "Qu'est-ce que le paysage dans la culture arabo-musulmane classique ?", Cybergéo, n°196, 8 p.

mouvement de réappropriation. Nous avons déjà défendu précédemment cette position5 et nous n'irons pas plus loin faute de plus de sources et de recul critique. Ce questionnement est loin d'avoir été épuisé et mériterait d'être approfondi.

Ces jalons posés, quels ont donc été les traitements figuratifs du site aquatique de Tunis ? Deux articles se sont prêtés au jeu du recensement des cartes et des plans de Tunis : C. Monchicourt a inventorié les plans de Tunis au XVIème siècle ; P. Sebag a également dressé la liste des plans, des cartes et des vues de Tunis aux XVIIème et XVIIIème siècles6. Trois ouvrages sont également d'un précieux secours. Deux de Z. Chelli couvrent la période allant du XVème au XIXème siècle : l'un est centré sur les estampes, l'autre sur les cartes historiques. Enfin, l'ouvrage remarquable de l'Espagnol J. B. Vilar sur les cartes et plans de Tunis du XVIème au XIXème siècle est une synthèse solide7.

Il ne ressort finalement qu'un nombre assez restreint de figures qui ont été reprises constamment et démarquées avec plus ou moins de réalisme. Ces figures majeures ont connu d'incessantes reproductions et variations ; nous les qualifierons pour cela de canoniques, au sens où elles constituent de véritables matrices qui ont fixé les étapes de la fabrique d'un regard sur les lacs de la capitale tunisienne. Trois figures canoniques doivent être évoquées (planche 15).

La première de ces figures est un plan de Tunis de 1574 au moment de la conquête turque, tiré de l'Atlas de Braun et Hoggenberg. Il s'agit d'une des plus anciennes vues de la ville et de son site en 1574 : la ville de Tunis (nommée sur le plan Tunes Urbs) est retranchée derrière deux citadelles (Nova Arx et Guleta Arx) et la lagune est appelée Stagnum. Deux canaux relient le lac à la mer : celui de La Goulette et, plus à l'est, un fossus transitus. Les campements ottomans sont figurés, en particulier autour des berges de la partie nord de la lagune. P. Sebag a montré que cette figure a été plagiée maintes fois tout au long des XVIIème et XVIIIème siècles – les auteurs se bornant à y ajouter quelques détails insignifiants, tels des personnages en costume local, des lions ou des chameaux (Sebag, 1964, p. 100).

Deuxième figure canonique, l'estampe de Dapper, en 1686, est également une représentation matricielle : elle constitue une des premières figurations panoramiques de la ville et de la lagune. On peut noter la présence de galères et de gréements dans la rade de La Goulette, ainsi que la différence de taille entre ces bateaux (des trois-mâts) et ceux qui mouillent dans le lac (un seul mât). La forteresse de La Goulette ferme le plan d'eau dans sa partie nord, tandis que

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Cf. supra : Chapitre 2, § 2.2.3.

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Cf. Monchicourt C. (de), 1925, "Essai bibliographique sur les plans imprimés de Tripoli, Djerba et Tunis-Goulette au XVIème siècle et note sur un plan d'Alger", Revue africaine, pp. 385-418 ; Sebag P., 1964, "Cartes, plans et vues générales de Tunis et de la Goulette aux XVIIème et XVIIIème siècles", in Études Maghrébines, Mélanges Charles- André Julien, Paris, Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris, PUF, pp. 89-101.

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Cf. Chelli Z., 1992, La Tunisie au rythme des estampes du XVème au XIXème siècles, Tunis, édition Tunis-Carthage, 182 p. ; Chelli Z., 1997, "Inventaire des cartes et plans relatifs à la Tunisie", Cahiers du CERES, série Géographique, n°18, 161 p. ; Vilar J.B., Mapas, planos y fortificaciones hispanicos de Tunez (S. XVI-XIX), Madrid, Instituto de Cooperacion con el Mundo Arabe, 488 p.

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la partie sud demeure plus ouverte sur la mer. On y distingue quelques claies qui servaient de pêcheries et des cabanes de pêcheurs. La ville de Tunis est également représentée dans le creux des collines environnantes.

Enfin, la carte parue dans le Petit Atlas Maritime de J.-N. Bellin au XVIIIème siècle est une troisième figure matricielle qui fut reprise fréquemment par la suite. Ovoïde, la ville de Tunis est protégée derrière deux rangées de remparts. En dehors des murs, à proximité immédiate de la médina, sont figurés des palmeraies, un marais (qui doit être la sebkha Sijoumi), des cimetières et un marabout. Au centre de cette topographie planaire, l'ovale de la lagune délimite un plan d'eau d'une vaste superficie, égale au moins au quintuple de celle de la ville.

Jusqu'au XIXème siècle, les plans et les cartes représentent très diversement les lacs, au point que l'acte de représentation apparaît instable. Tout d'abord, les plans d'eau ne sont pas figurés en rapport avec leur taille réelle et leurs dimensions varient très fortement d'une figure à l'autre. La lagune, tout particulièrement, subit fréquemment une exagération de sa taille dans de très nombreuses figures et parmi les plus anciennes. En 1570, la carte d'Ortelius, cartographe et éditeur établi à Anvers donne à la lagune une superficie supérieure à la moitié de celle du golfe de Tunis (planche 16). Dans la réalité, celle-ci n'excédait pas, à l'époque, le cinquième du golfe. La carte de Bertelli (1574), imprimeur et cartographe à Venise, exagère tout autant la représentation de la taille de la lagune et ajoute une surface presque égale pour figurer les fortifications de La Goulette. Cette déformation dans la figuration de la lagune perdure jusqu'au XVIIIème siècle. Quant aux deux sebkhas, elles sont souvent absentes des représentations : lorsqu'elles ne sont pas éclipsées par l'auteur, celui-ci a tendance à en diminuer l'emprise spatiale. L'examen de la cartographie historique révèle que les lacs sont des objets spatiaux qui ont été délimités par des contours à géométrie variable.

L'instabilité des représentations cartographiques est également toponymique. La lagune est nommée Stagno sur la carte de Bertelli (1574), Stagnum sur la carte extraite de l'Atlas de Braun paru entre 1572 et 1617. Cette dernière appellation trouve son origine au VIème siècle chez Procope8 et désigne le port et par extension toute la lagune – à la façon d'une métonymie qui désigne la partie pour le tout. En outre cette confusion entre le nom du port qui donne accès au grand large et la lagune elle-même persista longtemps tant dans les figures que dans les textes (Zaouali, 1982). Sur son plan de la ville de Tunis (1764), J.-N. Bellin donne à la lagune le nom d'étang ainsi que celui de bocal. Nous ne nous expliquons pas le pourquoi de cette dernière appellation. Il est cependant certain que les différents toponymes traduisent la qualité stagnante des eaux de la lagune, son caractère confiné et clôturé. La lagune est également nommée par l'appellation arabe "El Bahira" sur le plan du Service hydrographique de la Marine française qui date de 1878. Quant à la sebkha Ariana, le même Service la désigne sur un plan de 1840 par

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"A quarante stades de Carthage [soit six kilomètres] il y a un port appelé Stagnum où l'on ne peut se tenir en aucune manière" (Procope, cité par Zaouali, 1982, p. 3).

l'appellation de "marais impraticable". Elle est "Apa Lanyarak" sur un autre plan français qui date de 18659.

Les représentations des lacs furent fondamentalement fluctuantes et témoignent également des évolutions des techniques de la cartographie. Ce n'est qu'au XIXème siècle que la figuration cartographique commence à se stabiliser. Le plan français de 1840 est une des premières occurrences à partir de laquelle le mot lac sert à nommer la lagune (planche 16). Sur la carte de la baie de Tunis datant de 1878 levée par le Service hydrographique de la Marine française, la lagune et les deux sebkhas sont figurées en conformité avec la géométrie de ces espaces. Leur représentation est alors fixée dans un souci de fidélité par rapport à la réalité de l'époque. Au début du Protectorat, les lacs ont ainsi acquis une forme stable après quatre siècles de figurations multiples plus ou moins discordantes. Les figures cartographiques sont devenues de plus en plus réalistes et ont acquis valeur de légitimité et de référence collective indispensable.

Dans ce processus de fabrique du regard s'opère la construction de lieux géographiques. L'instabilité toponymique est le reflet d'un site qui n'a pas encore acquis un statut clair de lieu. Pendant une période qui couvre quatre siècles, la mise en lieu s'est réalisée au fil d'une multitude d'entrées visuelles qui se sont substituées les unes aux autres. De non-lieux, les lacs ont acquis un statut et une forme légitimes par le jeu de la représentation cartographique : figurée de façon exagérée jusqu'au XVIIIème siècle, la lagune, en particulier, est investie d'une valeur protectrice pour la ville. Parce qu'elle est perçue comme une composante essentielle du dispositif défensif de Tunis ; l'idée de verrouillage de la ville par cette grande étendue liquide est clairement mise en image. Dans les cartes les plus anciennes, la lagune est représentée comme le théâtre des batailles historiques. Cet objet spatial couché entre la ville et la mer fait véritablement corps avec la ville sur la figure et s'offre au regard.

Les vues de Tunis ouvrent une autre problématique sur l'iconicité des lacs de la capitale. Elles constituent des représentations chorographiques d'un espace : à la différence de la carte topographique qui représente une globalité spatiale, la vue chorographique n'est que la figuration d'une réalité visible d'un point de vue (J.-M. Besse, 2001). La vue de ville exhibe, révèle et construit un discours sur la ville qu'il convient de décrypter.

En plan large éloigné qui embrasse le panorama, les vues de Tunis sont autant de profils de la ville en son site (planche 17). En 1782, George Henry Millar peignit une vue de Tunis qui fait partie d'un ouvrage de géographie universelle édité par l'auteur lui-même. Sa vue n'est ni plus ni moins qu'une reproduction très fidèle de l'estampe de Dapper (planche 15). Visiblement peu documenté, G.H. Millar représente la ville enserrée entre des collines surplombant le lac et le port de La Goulette. La figure donne l'image d'un continuum de la mer aux remparts de la ville.

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L'aquarelliste William Marshall Craig fait publier en 1819 une vue de Tunis peu réaliste. Les remparts de la ville à l'époque d'Hammouda Pacha, les bâtiments et la forme des coupoles ne correspondent pas aux descriptions connues. L'esthétique est orientaliste, liée à la représentation d'objets convenus (des palmiers, un chameau et un chamelier noir). Ce type de figure fait du lac le front de mer de la ville, construisant l'image d'une Tunis maritime10.

La vue de Tunis par Sir Grenville Temple, voyageur anglais venu à Tunis en 1833, donne également dans le pittoresque et l'exotisme au moyen d'une multitude d'objets censés faire typique : le verger avec le bordj, la noria, les figuiers de Barbarie et une femme à dos de chameau composent aux deux premiers plans de l'aquarelle une scène de vie exotique. Simples éléments d'un décor harmonieux, la ville arabe ornée de minarets flamboyants et la lagune sont figurés en arrière-plan et minorés dans la composition de l'image.

Ces trois exemples montrent la prégnance d'un traitement orientalisant et construisent un discours convergent sur la ville. La vue de ville est la médiation privilégiée pour donner à voir la ville telle qu'elle est supposée être dans toute sa gloire et sa grandeur. En outre, le discours fonctionne sur le mode de la rhétorique de l'éloge : la lagune est saisie en tant qu'objet spatial d'harmonie et en harmonie avec la ville. Elle sert de décor et, par-là même, magnifie la ville. Si, dans les cartes et les plans, la lagune est au centre de ces figures, les vues de Tunis privilégient l'élément urbain, et la lagune se voit en quelque sorte décentrée, glissant souvent à la périphérie de la composition.

Avec d'autres moyens que ceux des écrivains, les peintres et les cartographes ont replacé