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QUATRE OPTIONS DIFFÉRENTES ? DESS(E)INS D'AMÉNAGEURS ET MONTAGES INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS

Les quatre lacs de la capitale concentrent toutes les attentions et font l'objet de projets d'aménagement de très grande ampleur, conçus et menés indépendamment les uns des autres, occasions de politiques complexes croisant l'urbain, le social et l'écologique. Ces "méga-projets" sont les outils et les cadres de la production de nouveaux fronts d'eau dans le Grand Tunis. Tous posent la question de l'articulation de l'urbain et de la nature. Plus globalement, ils traduisent le caractère prioritaire accordé par les professionnels de l'urbain et les politiques à ces espaces de nature perturbés et dégradés, du fait de la ville et de l'industrie. Aujourd'hui, plus que jamais, les lacs sont appréhendés comme une rente à préserver et à valoriser par rapport aux autres métropoles. En 2003, les projets en sont à des stades d'élaboration et de concrétisation divers. Le sort de la lagune est à présent décidé – elle sera totalement urbanisée d'ici 2030-2050. En revanche le devenir des deux sebkhas est à ce jour davantage ouvert ; les actions engagées les concernant sont encore en gestation, et leur réalisation est plus incertaine.

L'intégration des lacs dans la ville est un nouvel objectif de long terme que les pouvoirs publics ont découvert après coup dans l'action. Cette problématique présente une unité et une diversité d'approche. Dans chaque cas, le point de départ est celui d'un écosystème très dégradé. Le règlement des problèmes environnementaux (assainir le plan d'eau et les berges, stopper tous les rejets et les formes de pollution liés aux décharges, industries, habitats illégaux) est incontournable en préalable à l'urbanisme. Il a été particulièrement urgent pour la lagune qui subissait depuis les années 1950 des crises d'eutrophisation à répétition. Ceci étant dit, plusieurs distinctions opposent, d'un côté, les projets relatifs aux deux parties de la lagune et, de l'autre, les projets relatifs aux deux sebkhas.

La nature même de l'espace de départ est fondamentalement différente dans chacun des cas. Les écosystèmes ne sont pas du tout les mêmes. Les réponses de l'aménageur devraient être spécifiques, dans la mesure où ce sont des milieux non substituables les uns aux autres, et pour 189

lesquels il n'est pas possible, en théorie, d'avoir la même rationalité. Les sites des berges sont également très différents. Pour les projets d'aménagement des berges du Lac Nord et du Lac Sud, il s'agit de projets portant sur des espaces vierges construits de toutes pièces suite aux travaux d'assainissement du plan d'eau (travaux de dragage et de remblais). Dans le cas des sebkhas, il s'agit d'espaces fragiles qui cumulent les problèmes écologiques et les problèmes relatifs aux processus d'urbanisation spontanée illégale. Enfin, la position intra-urbaine de la lagune contraste avec la situation périphérique des deux sebkhas.

Plusieurs questions découlent logiquement de cette courte introduction. La démarche de projet peut-elle être la même dans les deux cas, compte tenu de l'inégale complexité de l'intervention spatiale ? A priori, les modèles de projet devraient être très différents les uns des autres. Le sont-ils finalement autant que cela ? Peut-on observer des filiations d'un projet à l'autre dans les options d'aménagement ?

La déconstruction des rationalités des projets n'est pas une entreprise simple. Dans ce chapitre, l'objectif est triple. Tout d'abord, nous exposerons aussi précisément que possible les montages institutionnels et financiers qui président aux quatre projets. L'émergence de nouveaux partenariats sera particulièrement mise en valeur. Ensuite, nous tenterons de caractériser les modèles d'intervention écologique qui s'expriment derrière les actions d'assainissement projetées. Le statut de la nature dans les quatre projets est à discuter, tant il apparaît ambiguë dans les discours et les actions. Enfin, nous dégagerons les partis urbanistiques retenus par les différents décideurs. Nous avons choisi d'analyser successivement, par ordre chronologique, les quatre projets dans cette triple perspective.

6.1.LE LAC NORD, PROJET PIONNIER OU L'ALLIANCE DE L'ÉTAT ET DU "GRAND CAPITAL"

6.1.1. La gestation du "projet du siècle" : l'argent providentiel du groupe saoudien Al Baraka

En amont du projet actuel, dès le lendemain de l'Indépendance, une succession d'études furent nécessaires pour réunir les conditions favorables à la concrétisation d'une action d'une telle ampleur. Le cheminement fut progressif qui a mené à l'assainissement du Lac Nord, auxquels participèrent rien de moins qu'experts internationaux, Banque Mondiale, Président de la République, Premier Ministre et Ministre de l'Equipement, District de Tunis.

Années 60-70 : le temps des expertises scientifiques internationales

En 1958, la station d'épuration Cherguia fut construite et mise en service par le Ministère de l'Agriculture, puis exploitée par la Ville de Tunis. Elle constitua le début du dispositif qui se mit en place pour arrêter tout rejet d'eau polluée dans la lagune. Dans les années 1960, la Direction de l'Hygiène de la Ville de Tunis, le Secrétariat d'État aux Infrastructures et le 190

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Ministère de l'Agriculture, lequel possédait un petit service d'Hydraulique Urbaine, impulsèrent des études scientifiques portant sur l'état écologique de la lagune1. La bibliographie de l'assainissement de la lagune de Tunis est très importante. D'après J. Zaouali, 39 rapports portèrent sur l'eutrophisation du Lac Nord entre 1961 et 1981 (Zaouali, 1982, p. 10). Le but des différentes études fut de proposer une solution technique pour résoudre le problème du dégagement des mauvaises odeurs et de la pollution du lac et pour rentabiliser au mieux l'opération par des mises en valeur complémentaires (urbanisation, tourisme, pêche et infrastructures de loisirs). Les questions techniques et les choix d'aménagement y furent tantôt découplés, tantôt liés. Le tableau suivant recense les rapports les plus importants.

Document 8 : Le Lac de Tunis, objet d'expertises techniques internationales commandées par le Ministère de l'Agriculture (Direction de l'Hydraulique Agricole et Urbaine) 1949 – 1978

Année Auteurs Nom de l'étude Conclusions et propositions 1949-

50

NEYPIC (France) Étude sur

l'hydrodynamique de la lagune

Absence de courants du fait de la faible dénivellation entre la mer et le lac. 1962 SOGREAH (France) Étude de la pollution

du Lac Nord

Créer des courants dans le Lac Nord afin de diminuer sa pollution. 1962- 65 Ingénieurs Conseils Néerlandais (Pays- Bas)

Lac Sijoumi et Lac de Tunis : assainissement et aménagement

Réaliser des clapets automatiques aux orifices des décharges pour lutter contre l'intrusion de l'eau salée du lac dans les déversoirs d'orage. Limiter les déversements de matières

organiques. Enlever les boues au fond du lac. Créer un canal de grande capacité pour accumuler les eaux pluviales.

1967 RUDIS-STIRN

(Yougoslavie)

Lac de Tunis Nord. Lac de Tunis Sud. Assainissement.

Établir un courant de sens est/ouest pour ne pas diffuser la pollution des zones occidentales Relier l'île de Chikly à la rive sud pour stimuler le courant vers Tunis-Marine

1969 BONIFICA (Italie) Assainissement des lacs de Tunis

Influence établie des eaux d'égout sur la prolifération des algues.

Faire supporter le coût des infrastructures par une opération immobilière sur des remblais créés entre Chikly et l'Esplanade.

1973- 77 Environmental Protection Agency (Etats-Unis) Research on the Eutriphication of the Lake of Tunis

Bilan des impacts anthropiques sur le Lac de Tunis depuis l'Antiquité romaine et explication de l'eutrophisation du plan d'eau.

1973- 78 Björk S., Institut de Limnologie, Université de Lünd (Suède) Projet de restauration du Lac de Tunis. 2 rapports

Ramasser les algues mortes.

Pomper les sédiments et régulariser les berges pour éliminer les zones de stagnation des eaux. Créer un courant à partir de vannes

automatiques.

Le principal défaut de ces expertises fut de n'envisager souvent aucune étude de faisabilité financière. Néanmoins, elles constituèrent les jalons d'une prise de conscience politique et d'une ré-appropriation de cet espace par les nouvelles autorités tunisiennes. Il apparut

1

À la Municipalité de Tunis, M. Skhiri notait en novembre 1968 dans le Bulletin d'Informations Municipales de Tunis que : "Depuis des siècles, l'idée d'assainir le Lac de Tunis s'était posée (certains écrits latins en parlent déjà). Mais c'est seulement à partir de 1962 que cette idée s'est concrétisée par l'élaboration d'une étude" (Skhiri, 1968, p. 11).

ainsi à celles-ci que la question de l'assainissement de Tunis était subordonnée à l'assainissement de la lagune. Et le financement de cette opération s'envisagea très rapidement par un aménagement des berges afin de compenser les capitaux investis. Le projet Bonifica en fut la première version2. Compte tenu de l'urgence de la situation, les dirigeants tunisiens envisagèrent très sérieusement, dans ces années-là, de régler la question de l'assainissement du lac. Parce qu'il portait à la lagune un intérêt tout particulier, H. Bourguiba impulsa énergiquement la concrétisation des travaux.

1975-1985 : Banque Mondiale et Président tunisien au chevet d'un lac malade

Deux acteurs de premier plan œuvrèrent pour concrétiser l'action d'assainissement du Lac Nord : en effet, la Banque Mondiale3 s'engagea fortement dans la dépollution de cet espace dans les années 1970, soutenue par la volonté présidentielle.

En 1971, une Direction de l'Hydraulique Urbaine fut créée au sein du nouveau Ministère de l'Équipement, qui fit suite au Secrétariat d'État aux Travaux Publics. Cette direction lança deux études en parallèle. Financée par la Banque Mondiale, la première étude portait sur l'assainissement du Grand Tunis et aboutit en 1974 à l'approbation d'un Plan Directeur d'Assainissement de la capitale4. La seconde étude visait la création d'un opérateur commun pour l'assainissement qui prit le nom d'Office National de l'Assainissement (ONAS), le 3 août 1974, et mit fin à un système où l'assainissement était à la charge des communes5. Pour la première fois de son histoire, la Banque Mondiale investissait dans le secteur des infrastructures et des services d'assainissement urbain. Dans les accords passés le 18 février 1975 avec le gouvernement tunisien, le bailleur international prit en charge le financement des études concernant le Lac de Tunis. Un mécanisme d'acquisition foncière des terrains non bâtis autour du lac fut également mis au point en vue de limiter la spéculation foncière sur les berges. Les deux parties se mirent d'accord pour désigner l'Agence Foncière de l'Habitat comme opérateur unique ; un périmètre de préemption d'environ 1700 ha fut arrêté par le décret du 28 juillet 1975.

En 1975, un grand programme d'assainissement du Grand Tunis et de son lac fut décidé avec la Banque Mondiale. Il combinait indissociablement le Plan Directeur d'Assainissement du Grand Tunis et le Projet de Restauration du Lac de Tunis proposé par le Professeur S. Björk, dans le cadre d'une étude financée avec le concours de la Coopération technique suédoise. Les autorités politiques choisirent d'entamer l'assainissement de la lagune par sa partie nord, qui était dans un état de dégradation encore plus prononcé que celui de sa partie sud. Les actions programmées reprirent en majorité les propositions faites dans les différents rapports d'expertise

2

Cf. supra : planche 26.

3

Cf. M. Jolé, 1984, "La politique d’assainissement à Tunis", Politiques urbaines dans le monde arabe, Table ronde du CNRS/Maison de l’Orient, Lyon, Publications de la Maison de l’Orient, pp. 225-242.

4

ICN-Coyne et Bellier, 1974, Assainissement du Grand Tunis. Étude de factibilité du plan directeur, Ministères de l'Agriculture et de l'Equipement, 207 p.

5

Dans le cas de Tunis, une seule centrale d'assainissement existait avant la création de l'ONAS.

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internationale. L'assainissement fut financé grâce à des crédits d'un montant de 40 millions de dinars en provenance du Fonds Saoudien au Développement (FSD) et de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). Entre 1981 et 1983, 365 000 m3 de sédiments furent pompés près des berges situées dans la partie la plus polluée du Lac Nord, entre le Port de Tunis et Montplaisir. 50 000 m3 servirent de remblais très ponctuels. Un canal, long de cinq kilomètres et large de trente-deux mètres, fut creusé pour empêcher tout déversement direct des eaux pluviales polluées charriées par les oueds du bassin versant. Il fut doté d'une station de pompage inaugurée le 16 octobre 1981 par H. Bourguiba. La Banque Mondiale, dans son rapport en date du 13 juin 1983, confirma la réussite des premiers travaux et appela à la poursuite de l'action d'assainissement du plan d'eau dans son intégralité.

Hormis la presse, peu de sources renseignent sur l'intérêt que H. Bourguiba portait au Lac de Tunis : pas de traces dans ses discours politiques, ni dans les nombreuses biographies qui lui ont été consacrées. Toutefois, il est connu que l'homme politique affectionnait particulièrement Genève où il s'était rendu à plusieurs reprises, notamment pour des hospitalisations et des convalescences, dans des établissements situés au bord du Lac Léman. L'idée lui serait alors venue de réaliser un petit Lac Léman à Tunis, comme symbole de paix et de prospérité pour le pays6. En revanche, la presse tunisienne donna la pleine mesure de son investissement : H. Bourguiba était présent autant que possible dans les réunions, les visites de chantier et les inaugurations d'installations et de constructions d'habitations. À l'occasion de l'inauguration de la station de pompage du canal de ceinture du Lac Nord, le journaliste R. Ben Maatouk affirma que :

"L'inauguration, par le Chef de l'État, des installations d'assainissement du Lac de Tunis, et l'entrée en service de cette réalisation grandiose, mettent fin à la rupture entre le Lac et les habitants de la capitale et rétablissent la coexistence de ces derniers avec leur environnement naturel. (...) Ce lac va retrouver sa splendeur et devenir un pôle d'attraction pour d'importants projets urbanistiques et touristiques. (…) Le Président Bourguiba, dès l'avènement de l'Indépendance, a été sans conteste le premier partisan de la réhabilitation du Lac de Tunis, à l'assainissement duquel il n'a cessé d'appeler avec passion, un quart de siècle durant. C'est aujourd'hui chose faite. La meilleure preuve en est la multitude d'oiseaux migrateurs qui y sont revenus, canards, mouettes et flamants roses qui à nouveau peuplent le lac. Il aura fallu dix siècles pour voir le lac revivre" (Ben Maatouk R., 1981, La Presse de Tunisie, 17 octobre 1981).

Les échos de cet événement dans la presse nationale furent extrêmement flatteurs, et insistèrent sur la symbolique de l'œuvre de l'assainissement du Lac Nord. En outre, dès son lancement, l'opération fut qualifiée par les responsables politiques de "projet du siècle", avec l'objectif de construire le nouveau Tunis, la ville "Tunis-Bourguiba". Un article intitulé "Bourguiba et le projet du siècle", publié dans l'hebdomadaire destourien Dialogue en 1986, est un véritable panégyrique de l'action présidentielle :

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F. Ben Abdallah, architecte en chef à la SPLT, nous a dit avoir vu H. Bourguiba exprimer ce souhait à la télévision dans les années 1960. Et cette anecdote est rappelée également dans la thèse d'A. Hamrouni, 1990, L'évolution de l'aire métropolitaine de Tunis : évaluation critique des méthodes de planification et des systèmes de décision à travers des cas d'urbanisme péri-urbain, Thèse de nouveau doctorat en urbanisme, sous la direction de C.Chaline, Institut d'urbanisme de Paris, Paris XII, p. 961.

"Le projet du Lac était considéré dès le début comme le "projet du siècle". Un tel projet qui ambitionne de restaurer et de développer une zone jadis polluée et stagnante et qui engage des moyens humains, financiers et matériels colossaux a une portée urbanistique et civilisationnelle indéniable. Il témoigne de la grandeur de la vision bourguibienne. Après avoir combattu et vaincu le colonialisme, l'ignorance et le paupérisme ; après avoir édifié un État de modernité et de progrès, voilà que le Combattant Suprême affronte les défis de la nature afin de donner à la capitale en particulier un visage radieux et d'en faire, d'ici l'an 2000, la plus belle ville du bassin méditerranéen. L'intérêt que le Président Bourguiba accorde à l'évolution des travaux d'assainissement et de viabilisation du Lac de Tunis-Nord est de plus en plus soutenu. Après avoir donné, en personne, à la fin de juin dernier, le coup d'envoi du premier projet immobilier du Lac (un complexe résidentiel et commercial intégré sur une superficie d'environ dix-huit mille mètres carré, complexe qui a été baptisé "Résidence El Habib"), le Président Bourguiba a pris connaissance, il y a une semaine à travers un rapport qui lui a été présenté, de l'opération de transbordement de la drague géante hollandaise "Haarlem" du canal de navigation reliant le port de Radès à celui de Tunis au Lac par-dessus la voie ferrée TGM et l'autoroute Tunis-La Goulette" (Dialogue, 18 août 1986).

Ce texte déploie une rhétorique de la louange et construit une mise en intrigue de l'action sur le registre de la mythification de la figure présidentielle. L'apologie de l'action représente H. Bourguiba sur tous les fronts, relevant tous les "défis". Le volontarisme en actes est articulé à une pensée cohérente, une "vision", terme à la croisée du matériel et de l'idéel, qui évoque efficacement la capacité d'anticipation et d'intuition éclairée du démiurge. Le texte fonctionne sur le mode du récit d'anticipation mobilisateur : l'auteur instrumentalise la temporalité et le superlatif ("en faire, d'ici l'an 2000, la plus belle ville du bassin méditerranéen") et use de procédés narratifs tels que la prophétie auto-réalisatrice ("une portée urbanistique et civilisationnelle indéniable"). L'intérêt que H. Bourguiba portait au projet a suscité la conception d'études et de programmes avant même la négociation avec le groupe saoudien Al Baraka qui aboutit à un projet concurrent.

Du District de Tunis à la SABLAT : un projet concurrent mis en veilleuse

Un double projet était déjà en cours de négociation avant celui de la SPLT. Dans le cadre des accords conclus avec la Banque Mondiale, le District de Tunis se chargea à partir de 1975 d'une étude de valorisation des berges du Lac, qui devait déboucher sur un plan d'actions et la définition d'une tranche prioritaire. Et, à partir de 1980, un second projet découlant du premier fut soutenu par O.-C. Cacoub, architecte de H. Bourguiba.

Concomitamment aux études techniques d'assainissement, une étude de "factibilité" de l'aménagement des berges du lac de Tunis, financée par un prêt conclu avec la Banque Mondiale, fut réalisée par le groupement de bureaux d'études SCET (Société Centrale d'Equipement Tunisie) - IAURP (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Parisienne) pour le compte du District de Tunis.

Unique organisme de planification capable de définir une action d'ensemble, au-delà du cloisonnement administratif de l'agglomération tunisoise, le District s'interrogea fort justement sur le rôle régional que cet espace aquatique pouvait remplir et sur son intégration à la ville avec l'idée de concilier les contraintes écologiques et la valorisation d'activités économiques :

"L'aménagement des berges du lac se conçoit comme une opération de renforcement du programme d'assainissement, lequel vise à restituer au lac sa vocation de pêche et à lui en donner une de loisir. (…) L'avantage majeur qui en sera tiré est incontestablement l'ouverture de Tunis sur le lac, propre à devenir un lac de plaisance à l'instar des lacs européens" (District de Tunis, 1980, p. 47).

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L'idée était d'éviter une récupération de l'ensemble, voire d'une partie des berges pour leur urbanisation à des fins spéculatives et une juxtaposition d'opérations au coup par coup. Le parti d'aménagement s'appuyait sur deux principes. D'une part, maintenir et conforter le principe de la discontinuité urbaine ; les berges constituent en effet une "coupure verte" ouverte sur le lac, qu'il fallait valoriser. L'étude proposait un programme léger, qui devait être lancé au cours des années 1980, afin d'offrir la possibilité pour les Tunisois et les touristes de fréquenter une partie des berges pour la détente, dans des espaces verts de proximité, et grâce au développement localisé de certaines activités récréatives sur le lac (camping, sports, guinguettes, baignade, voile). D'autre part, l'aménagement des berges du lac devait servir à valoriser l'image de marque de Tunis. La création d'une zone humide d'intérêt international (parc naturel et réserve avicole), l'ouverture de la ville sur l'eau à travers un véritable front urbain de lac, sa réintégration dans la