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Plus ou moins d’unions selon les classes sociales ?

DISPONIBILITÉ POUR UNE REMISE EN COUPLE EN

CHAPITRE 3 T RANSFORMATIONS DÉMOGRAPHIQUES LIÉES A LA MONTEE DES RUPTURES

4. La multiplication des trajectoires complexes

4.3. Plus ou moins d’unions selon les classes sociales ?

Les comportements de couple varient dans les différentes catégories socioprofessionnelles. En effet, les univers normatifs diffèrent selon le milieu social, et cela se reflète sur les modes de vie de couple dans les différents milieux (Le Gall et Martin, 1993). Avec l’enquête famille de 1990, Desplanques (1993) montrait par exemple que les femmes diplômées divorçaient davantage que les autres dans des cohortes anciennes (mariées avant 1970), mais que les comportements tendaient à s’homogénéiser sur les mariages contractés plus récemment. Malgré tout, sur l’ensemble des premières unions, nous avons remarqué qu’un contraste entre les femmes persiste selon leur milieu social, celles issues ou vivant dans un milieu favorisé se séparant davantage (chapitre 2). Les hommes affichent des comportements plus homogènes selon la classe sociale, bien que ceux issus de milieux populaires aient les risques de séparation les plus faibles. Sur la suite de la trajectoire, il a été montré par le passé que les hommes et les femmes de milieu social défavorisé se remettaient le plus fréquemment en couple (Villeneuve-Gokalp, 1994a).

Quelques groupes de personnes sont souvent décrits comme plus isolées. D’une part, les femmes les plus diplômées se marieraient moins et vivraient plus souvent seules d’après l’enquête famille de 1990 (Desplanques, 1993). C’est ainsi le cas des cadres et des femmes en profession intermédiaire (Mazuy, 2002). Les hommes employés et ouvriers sont également plus à l’écart de la vie de couple, et ont le moins souvent vécu une union lorsqu’ils atteignent 45-55 ans en 1999 (Mazuy, 2002). D’autre part, les hommes moins diplômés et les femmes plus diplômées sont plus souvent sans enfant dans les cohortes 1943-1953 (Robert-Bobée, 2006). Köppen et al. (2007) approfondissent ces résultats en montrant que chez les femmes cadres ce n’est pas faute d’avoir vécu une union, alors que chez les ouvriers et les employés c’est l’absence de vie de couple qui est à l’origine de leur moindre fécondité. Cependant, ces résultats s’estompent sur les cohortes d’étude les plus récentes, et les employés nés dès 1947-1951 semblent avoir moins d’enfants même lorsqu’ils ont vécu en couple.

Au total, les trajectoires pourraient être contrastées selon l’appartenance sociale, mais également converger dans les générations récentes.

Sobotka (2008) parle d’un processus de diffusion des « nouveaux » types d’union, partant des classes favorisées pour s’étendre aux classes moins favorisées. Cependant, rappelons que pour la cohabitation hors mariage, Catherine Villeneuve-Gokalp

(Villeneuve-Gokalp, 1994b) a montré que celle-ci était une pratique déjà ancienne chez les ouvriers, comme « alternative à la solitude ». La « nouvelle » forme de cohabitation, l’« alternative au mariage », qui s’est diffusée des étudiants aux classes supérieures puis aux classes intermédiaires, n’a pas les mêmes origines que la cohabitation ouvrière, et l’emploi de la notion de diffusion doit se faire avec circonspection. Plus globalement, les déterminants sociaux qui interviennent dans les attitudes à l’égard du couple sont complexes (Villeneuve-Gokalp, 1994a), et une certaine prudence est également de mise dans l’étude sociale des comportements d’après rupture.

L’enquête Érfi apporte un complément démographique à ces recherches sociologiques. Nous décrivons ici les trajectoires conjugales et familiales selon l’âge à l’enquête et la catégorie socioprofessionnelle au moment de l’enquête, et l’annexe 3.7 les reprend selon le niveau d’étude. L’annexe 3.5 donne les effectifs disponibles pour cette étude. Grâce aux données récentes, nous pouvons étudier si les contrastes remarqués jusqu’ici persistent ou s’atténuent.

La proportion d’hommes qui n’ont jamais vécu en couple est plus disparate selon la classe sociale que celle des femmes (Figure 3.8). Dans l’ensemble des catégories socioprofessionnelles les femmes âgées de moins de 56 ans à l’enquête sont plus nombreuses à avoir vécu en couple que celles des générations antérieures. À part dans les professions intermédiaires, elles sont ainsi plus nombreuses à avoir eu un conjoint que les hommes à catégorie socioprofessionnelle identique.

Dans les cohortes les plus âgées les femmes cadres semblent avoir été relativement plus à l’écart d’une relation (Figure 3.8). Cela correspond aux observations sur ces cohortes dans EHF (Mazuy, 2002). Dans les jeunes générations, les femmes travaillant dans le commerce ou exerçant une autre profession de ce type restent les plus nombreuses à avoir déjà vécu en couple, ce qui est inhérent à ce type de profession « de couple ». Les employées des générations 1950-1959 ne sont également que 5 % à n’avoir jamais vécu en couple, mais dans les générations plus récentes les comportements sont assez homogènes selon la classe sociale pour les femmes.

Chez les hommes le contraste est plus marqué, et les employés sont les plus nombreux à ne jamais avoir vécu en couple, ce qui ressort moins chez ceux qui ont plus de 45 ans. Au total, les hommes cadres et ceux qui exercent une profession intermédiaire sont les plus nombreux à déclarer au moins une union, sauf dans les cohortes 1950-

195913. Plus que les hommes ouvriers, aujourd’hui se serait les employés qui auraient le moins souvent vécu en couple. Alors que dans des cohortes plus anciennes (hommes nés avant 1951), les ouvriers et employés vivaient moins souvent une union (Mazuy, 2002), dans des cohortes plus récentes seuls les employés restent plus fréquemment célibataires. Selon qu’ils rattraperont ou non leur retard à des âges plus élevés, nous pourrons dire si les employés sont effectivement plus à l’écart de la vie conjugale que les autres milieux sociaux.

Figure 3.8 : Proportion d’hommes et de femmes qui n’ont jamais vécu en couple au moment de

l’enquête selon leur âge et leur situation socioprofessionnelle au moment de l’enquête

0 5 10 15 20 25 30 né avant 1949 + de 55 ans gén 1950-59 46-55 ans gén 1960-69 36-45 ans gén 1970-79 26-35 ans né avant 1949 + de 55 ans gén 1950-59 46-55 ans gén 1960-69 36-45 ans gén 1970-79 26-35 ans homme femme %

artisan, commerç, CE, agri ouvrier employé intermédiaire cadre Champ : hommes et femmes enquêtés de 25 ans et plus14

Source : Insee-Ined, Érfi-GGS1, 2005

Alors que les proportions de femmes à n’avoir jamais vécu en couple sont proches pour toutes les classes sociales, les comportements sont bien plus hétérogènes en matière d’unions « répétées » (Figure 3.9). En dehors des générations anciennes où vivre plus

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Rappelons que les données sur la vie de couple sont relativement instables dans les générations 1955- 1964, ce qui peut tout à fait ressortir ici.

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Nous ne retenons pas les enquêtés de moins de 25 ans, car une forte partie d’entre eux n’a jamais eu d’activité. Les personnes sans activité sont alors en grande majorité des étudiants (72 % pour les hommes et 80 % pour les femmes) et des chômeurs (respectivement 22 et 10 %).

d’une union était plus répandu chez les ouvrières, employées et femmes exerçant une profession intermédiaire, les femmes cadres de moins de 56 ans à l’enquête sont de loin les plus nombreuses à déclarer au moins deux unions. Cependant, entre 26 et 35 ans les ouvrières sont aussi souvent dans cette situation.

De même les hommes cadres adoptent fréquemment des comportements d’unions répétées (plus d’un quart entre 46 et 55 ans), mais ce sont les hommes de moins de 56 ans à l’enquête qui exercent une profession intermédiaire qui vivent le plus souvent deux unions ou davantage. Entrés plus tard sur le marché conjugal du fait de leurs études prolongées, les cadres ont moins de temps pour se séparer et se remettre en couple avant 35 ans. Les hommes cadres ou de profession intermédiaire âgés de 35 à 44 ans à l’enquête ont d’ores et déjà vécu plus souvent deux unions que ceux âgés de dix ans de plus, et vivre plus d’une union est de plus en plus répandu dans ces milieux. Par contre, ayant le moins fréquemment vécu en couple, les employés sont aussi parmi les moins nombreux à vivre deux unions ou plus. C’est également peu fréquent chez les artisans et les commerçants, peut-être parce que leur profession est souvent liée à leur conjoint, et peut éventuellement s’avérer un obstacle pour la remise en couple.

Au total, alors que les femmes cadres restaient fréquemment à l’écart de la vie conjugale dans les générations antérieures à 1949, et ne se démarquaient pas particulièrement pour les unions multiples, de même que les hommes cadres elles semblent vivre de plus en plus fréquemment plusieurs unions, et ne sont plus à l’écart de la vie conjugale. Une proportion non-négligeable des ouvrières et des employées (15 %) ont cependant vécu plus d’une union dès ces générations, ce qui pouvait être dû à plus de ruptures par décès dans ces PCS ou encore aux remises en couple plus fréquentes parmi elles (Villeneuve-Gokalp, 1991).

Vivre plusieurs unions ne signifie pas cependant que chacune de ces unions est féconde. Des différences sociales existent-elle à cet égard ?

Figure 3.9 : Proportion d’hommes et de femmes qui ont vécu deux unions ou plus au moment de

l’enquête selon leur âge et leur situation socioprofessionnelle au moment de l’enquête

0 5 10 15 20 25 30 35 né avant 1949 + de 55 ans gén 1950-59 46-55 ans gén 1960-69 36-45 ans gén 1970-79 26-35 ans né avant 1949 + de 55 ans gén 1950-59 46-55 ans gén 1960-69 36-45 ans gén 1970-79 26-35 ans homme femme %

artisan, commerç, CE, agri ouvrier employé intermédiaire cadre

Champ : hommes et femmes enquêtés Source : Insee-Ined, Érfi-GGS1, 2005

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