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PARTIE II : CADRE THÉORIQUE ET PROBLÉMATISATION

CHAPITRE 3 : CE QUI CONTRAINT LE SYSTÈME À CHANGER : LES ÉVOLUTIONS

3. Une stratégie d’action basée sur la coopération

L’article 29 de la loi sur l’éducation insiste sur le partenariat pour l'éducation :

« L'État doit ouvrir largement la participation des acteurs concernés tels que le secteur public et privé, les organisations nationales et internationales, les organisations non gouvernementales et les communautés dans le processus de développement, de projet, de suivi et d'évaluation de la mise en œuvre, de révision et d’amendement des politiques éducatives nationales, des plannings et des stratégies. L'État doit encourager et appuyer fortement les institutions privées dans l'établissement de partenariats offrant tous les types de services éducatifs à tous les niveaux ».

Dans ce contexte, le M.E.J.S. travaille de plus en plus avec les partenaires de développement dans tous les domaines, particulièrement dans le domaine de l’éducation et de la formation. Ainsi, le projet « Éduquer un enfant » financé par la fondation de Qatari et géré par le Consortium National des O.N.G. au Cambodge pour les enfants en situation d’exclusion scolaire (C.C.O.S.C.), coordonné par l’organisation « Aide et Action Cambodge » s’inscrit dans cette coopération84. La figure 7 nous montre que ce projet, en partenariat avec dix-sept O.N.G. locales et internationales implantées au Cambodge, vise à aider cinq types d’enfants, à savoir les enfants en situation de retard scolaire dans le cycle primaire dont P.S.E. est porteur du projet, les enfants défavorisés, les enfants dans la rue, les enfants handicapés et les enfants des minorités ethniques dans vingt-deux provinces du pays et qu’il couvre plus de 57 000 enfants en trois ans et mobilise vingt millions de dollars américains environ.

Figure 10 : la carte d’intervention dans le cadre du C.C.O.S.C.

Source : http://www.C.C.O.S.C..org/

Pour P.S.E., le projet vise à donner accès à l’éducation aux enfants cambodgiens défavorisés et non scolarisés par la mise en œuvre de la méthode de rattrapage scolaire de P.S.E. dans les écoles primaires publiques de cinq provinces du Cambodge telles que Phnom Penh, Siem Reap, Preah Sihanouk, Kampong Speu et Prey Veng. L’objectif à moyen terme est de transférer ces compétences au M.E.J.S. afin qu’à l’issue du projet, la méthode de rattrapage scolaire soit intégrée à l’offre éducative des écoles publiques cambodgiennes. Grâce à cette coopération, le M.E.J.S. peut réduire le budget annuel pour l’éducation en termes de formation des formateurs, des directeurs d’école, des enseignants, de la publication des manuels et de la distribution des bourses d’études aux enfants. Dans le cadre de ce projet, le M.E.J.S. ne participe qu’à la valorisation des outils et des supports pédagogiques destinés à ces différents types d’enfants élaborés plutôt par les partenaires de développement et qu’aux soutiens « administratifs » en termes d’inscription et de gestion des enfants en retard scolaire, de gestion du programme du rattrapage scolaire et du suivi.

Dans le cadre du projet, plusieurs activités menées par P.S.E. se concentrent sur la formation des formateurs provinciaux, des instituteurs et des directeurs d’école à la méthode de rattrapage scolaire et à l’utilisation des matériels pédagogiques, sur les apports des aides spécifiques (matériels scolaires, uniformes, …) aux enfants scolarisés et sur la mise en place des campagnes d’information et de sensibilisation vis-à-vis des acteurs impliqués dans l’éducation. Comme résultats, 6 749

enfants en situation de retard scolaire se sont inscrits dans le programme répartis en 247 classes du rattrapage scolaire situées dans 125 écoles primaires publiques, dans les cinq provinces du pays85. Pour le renforcement des capacités des parties prenantes, 247 instituteurs, 125 directeurs d’école et 34 formateurs provinciaux ont été formés à la méthode du rattrapage scolaire en 2015-2016.

Le projet d’élaboration des manuels du rattrapage scolaire à destination des enfants en situation de retard scolaire dans l’enseignement primaire s’est également inscrit dans cette coopération avec le M.E.J.S. Il a été lancé en mai 2011 et achevé en octobre 2012. En conséquence, douze manuels sur quatre matières d’enseignement différentes à savoir les mathématiques, le khmer, les sciences sociales et les sciences appliquées ont été développés par une équipe de rédacteurs venant de P.S.E. et du M.E.J.S. P.S.E. conduisait l’ensemble des opérations et le M.E.J.S. assurait plus particulièrement les aspects administratifs. Les rédacteurs venant du M.E.J.S. se voyaient octroyer l’équivalent d’un deuxième salaire. Il s’agissait d’un forfait accordé par P.S.E. afin de favoriser leur implication dans le travail de la commission. En fait, le développement des outils pédagogiques est pris en charge par le M.E.J.S., représenté par les départements éducatifs compétents avec leurs propres ressources matérielles et financières. Comme le projet a été construit à partir de l’initiative de P.S.E. en collaboration avec du M.E.J.S., l’organisation a donc apporté certains soutiens pour faire travailler les fonctionnaires rédacteurs avec efficacité et les aider à échapper à leur comportement bureaucratique.

En 2012-2013, ces manuels ont été testés dans les classes de rattrapage scolaire à Phnom Penh, Siem Reap, Preah Sihanouk , Kompong Speu, Kampot, Prey Veng, Preah Vihear et Kratie86 et

évalués ensuite par une consultante indépendante, après un an d’utilisation dans les écoles, dans dix districts et vingt écoles primaires situées à Phnom Penh, Siem Reap, Preah Sihanouk, Kampot et Kampong Speu87. Après cette évaluation, ces matériels pédagogiques sont reconnus par le M.E.J.S.

pour l’utilisation officielle88 dans les écoles primaires du Cambodge.

Il est à rappeler que le programme du rattrapage scolaire est destiné aux enfants en situation de retard scolaire dans l’enseignement primaire âgés d’entre 8 et 14 ans, vise à réduire le décrochage scolaire et les redoublements, à fournir aux enfants la possibilité de rattraper leurs apprentissages et à augmenter le taux des enfants terminant l’école primaire jusqu’à la sixième année.

85 Ann, R. (2015). Rapport semestriel d’avancement du projet de déploiement de la méthode de rattrapage

scolaire dans les cinq provinces du Cambodge, Décembre 2015

86 M.E.J.S. (2012). Les circulaires du M.E.J.S. portant sur le pilotage des manuels su rattrapage scolaire dans les

huit provinces du Cambodge, No 1761 datant du 25 mai 2012 (pour les manuels du rattrapage scolaire niveau 1ère

année), No 2855 datant du 20 août 2012 (pour les manuels du rattrapage scolaire niveau 2ème année) et No 4537

datant du 28 décembre 2012 (pour les manuels du rattrapage scolaire niveau 3ème année)

87 De Jong, R. (2013). « Evaluation : accelereted Textbooks Project for primary schools in Cambodia 2012-2013 »,

July 2013

Conclusion

Nous pouvons conclure que le Cambodge intégré dans l’ASEAN en 1999 et dans l’OMC en 2004 fait un grand pas en avant en termes de politique économique et d’ouverture commerciale. Mais plusieurs contraintes doivent être prises en compte pour mieux réussir. Une des contraintes est le manque de main d’œuvre qualifiée pour le pays face à la compétition de la région, d’où la nécessité des réformes éducatives du M.E.J.S. afin de renforcer cette qualité. Le secteur de l’éducation au Cambodge doit donc entreprendre une lourde tâche qui permettra aux jeunes générations de faire face à la compétition régionale.

Une des mesures suggérée par les experts est le développement des partenariats publics et privés dans tous les domaines, particulièrement le domaine de l’éducation et de la formation. Ainsi, le projet de la mise en place du programme du rattrapage scolaire dans les cinq provinces du pays est un des exemples. Pour le M.E.J.S., il s’agit d’une stratégie d’action basée sur la coopération pour développer ensemble le pays.

Nous avons étudié la transformation de la société cambodgienne qui est imposée de l’extérieur. Les réformes toutes seules à l’intérieur du M.E.J.S. ne sont pas suffisantes pour faire bousculer le système éducatif. Les évolutions macro-économiques de la société telles que l’intégration de l’ASEAN, de l’OMC et la politique de partenariats avec les secteurs privées sont des leviers indispensables contribuant à réduire la crise du système et à transformer la société dans le contexte de la mondialisation.

Nous avons constaté que ces évolutions sont un enjeu important pour changer la société mais dans le système éducatif, elles ne sont pas entièrement suffisantes pour rendre le système efficace. Nous allons donc chercher à savoir à quelles conditions l’enseignement dispensé dans le système peut-il faire preuve d’une plus grande efficacité.

Le développement professionnel d’un enseignant (Donnay et Charlier, 2006, p. 16-17)89 se

traduit dans les pratiques en harmonie ou en opposition avec celles des collègues et des autres acteurs éducatifs. Il s’inscrit en grande partie dans une école, ayant sa configuration propre (acteurs, projets, règles de fonctionnement, …), dans le cadre d’une politique éducative qui dépasse partiellement le projet de l’établissement.

Le travail de l’enseignant s’inscrit dans un système éducatif particulier, l’école ayant ses contraintes et ses logiques propres. M. Bonami (1993) analyse son fonctionnement, en référence au modèle de Mintzberg (1990) et le décrit au croisement de deux logiques : une logique bureaucratique mécaniste et une logique professionnelle. Il attire ainsi notre attention sur l’importance de replacer le développement professionnel dans une perspective organisationnelle.

89 Donnay, J. et Charlier, E. (2008). Apprendre par l'analyse de pratiques - Initiation au compagnonnage réflexif,

Ces deux logiques déterminent, en partie, les occasions de développement professionnel qui seront offertes aux enseignants.

Décrire le système scolaire comme une bureaucratie mécanique, c’est mettre en exergue le caractère lourd, pesant, impersonnel de l’organisation dans laquelle des directives, venant d’en haut, sont appliquées mécaniquement. C’est l’inscrire dans une forte division des structures (enseignement maternel, primaire, secondaire, supérieur), des filières (transition, qualification professionnelle), des disciplines (matières enseignées), du temps de travail (heure, trimestre, année), ce qui rend tout changement difficile, tant au niveau des individus que des structures. Les occasions de développement professionnel formalisées sont alors définies essentiellement en termes de modules de formation standardisés prédéfinis.

Par contre, mettre l’accent sur la logique professionnelle qui traverse l’école, c’est reconnaître qu’une part importante de son travail consiste à résoudre des problèmes dans des situations complexes. Dans cette logique, l’autonomie et la responsabilité de l’enseignant sont reconnues comme inhérentes à son travail. Les notions de projet, d’identité et de développement professionnel prennent tout leurs sens. Dans cette configuration professionnelle, un changement, pour être développé, demande l’implication, le soutien de l’enseignant pour le reconstruire, le rendre compatible avec son projet ou celui de l’établissement et celui du pouvoir organisateur. Il peut ainsi devenir une occasion de développement professionnel dans le cadre d’une organisation alors qualifiable d’apprenante.

En effet, si la perspective développementale rend au professionnel une part de responsabilité dans la prise en charge dans son adaptabilité et de son évolution, il reste que le contexte de l’école est un lieu privilégié d’apprentissage du professionnel, et que les conditions organisationnelles peuvent être plus ou moins favorables à son développement.

CHAPITRE 4 : LA QUESTION DE L’EFFICACITÉ