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PARTIE II : CADRE THÉORIQUE ET PROBLÉMATISATION

CHAPITRE 4 : LA QUESTION DE L’EFFICACITÉ DE L’ENSEIGNEMENT

2. L’effet-établissement, l’effet-classe et l’effet-maître

Selon les recherches sur l’école efficace (school effectiveness studies)101, les chercheurs

anglo-saxons, Teddlie et Reynolds (2000) ont identifié les spécificités des établissements performants en éliminant les biais liés aux caractéristiques socio-culturelles du public accueilli. Ils expliquent que, dans l’établissement « efficace », les enseignants déterminent clairement des objectifs de leçon ou de cours pour les élèves et considèrent ces derniers comme capables de les atteindre, que les leçons sont planifiées avec des objectifs clairs et structurés et que les élèves sont fréquemment évalués. Ces évaluations fréquentes permettent aux enseignants de réguler leur enseignement. La sociologue Grisay (2007)102 souligne également que :

« Les résultats des élèves font l’objet d’analyses au niveau de l’établissement et sont utilisés pour décider des améliorations à apporter à l’enseignement dispensé. Une politique de formation continue est menée au sein de l’école, les contacts avec les familles des élèves et leur implication dans le fonctionnement de l’école sont encouragés ».

À partir de cette idée, nous pouvons constater que l’effet-établissement est mesuré par la différence entre les résultats obtenus aux examens des élèves scolarisés et les attentes de

100 Vinatier, I. (2009). Pour une didactique professionnelle de l’enseignement, Rennes, Presses Universitaires de

Rennes.

101 Teddlie, C. et Reynolds, D. (2000). The international handbook of school effectiveness research, 2000, Falmer

Press, London

102 Grisay, A. (2007). Réflexions sur « l’effet école », in Recherche sur l’évaluation en éducation, Paris,

l’établissement en fonction des caractéristiques personnelle, socioculturelle et économique des élèves. L’effet-établissement peut se mesurer lorsqu’à conditions socio-économiques égales, un établissement fait davantage réussir les élèves qu’un autre. Donc un établissement en milieu défavorisé qui a des résultats bruts moins bons qu’un établissement de milieu favorisé peut manifester un effet-établissement nettement supérieur. Si les élèves qui proviennent de familles défavorisées obtiennent de bons résultats à la fin de l’année scolaire, cela explique que l’école est efficace et peut répondre aux besoins et attentes des élèves en difficultés. Si au contraire, leurs résultats scolaires ne sont pas satisfaisants, cela signifie que l’école est confrontée à de multiples problèmes, surtout avec les parents d’élèves. Pour ces derniers, ils pensent que l’école est incompétente dans la réalisation des missions éducatives.

Dans le même sens, pour Grisay (2006), ce critère d’évaluation d’établissement scolaire sur les seuls résultats bruts conduit à sous-estimer l’ampleur véritable de l’effet-établissement parce que les acteurs ne pensent qu’à la meilleure qualité de l’enseignement sans prendre les caractéristiques de l’établissement dans lequel les élèves sont scolarisés. En effet, nous estimons que la qualité de l’enseignement est plus forte dans les établissements favorisés car les élèves investissent davantage leur rôle d’élèves et les enseignants ont des exigences plus fortes vis à vis de leurs apprentissages. Dans ce sens, nous pouvons ajouter que les établissements ayant des ressources matérielles et financières suffisantes peuvent bien mener la réussite scolaire des élèves par rapport aux établissements avec des moyens faibles et que les élèves favorisés réussissent mieux leur vie scolaire que ceux qui appartiennent à des familles en difficultés.

Nous pouvons illustrer cette idée en donnant un exemple concret. Il s’agit d’une école primaire publique qui fonctionne plutôt bien. Située au centre-ville de la province de Siem Reap, l’école primaire Wat Bo103 est une école exemplaire dans le même milieu. L’école possède deux

types de ressources financières : le M.E.J.S. et les donneurs extérieurs comme des parents d’élèves. Ces derniers participent activement à l’éducation de leurs enfants car ils ont beaucoup plus de confiance dans le travail de tous les acteurs de l’école. Les classes créatives, l’utilisation de la technologie de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE), la mise en place du laboratoire de travail pour l’enseignement des sciences, les activités extra-scolaires organisées, la qualité de la gestion de l’école, de la discipline des élèves, les instituteurs qualifiés, les résultats scolaires satisfaisants, etc. sont des indicateurs indispensables pour la bonne réputation de cette école. Grâce à ceux-ci, l’école a été évaluée et classée « la meilleure école primaire du pays » et félicitée par le M.E.J.S. et les autres institutions éducatives. Le directeur de l’école et une des institutrices ont reçu la médaille d’or, remise par le Ministre de l’E.J.S. lors du Congrès National de l’Éducation en mars 2014, en présence des milliers d’acteurs éducatifs venant de tout le pays, organisé à l’Institut de Technologie du Cambodge, à Phnom Penh.

2.2. L’effet-classe et l’effet-maître

103 Située dans la province de Siem Reap, cette école a été construite en 1957. Elle est divisée en deux : les classes

Les notions d’effet-classe et d’effet-maître se sont développées au cours des années 1960- 1970 par les recherches aux États-Unis. Ces recherches ont mis en relation les comportements des enseignants avec les acquisitions des élèves. Elles montrent que les acquisitions des élèves sont liées, au moins en une partie, à ce qui se passe en classe, et en particulier à l’enseignement du maître. Dès 1960, les travaux de Hanushek (1971)104 et de Veldman et Brophy (1974)105 ont montré

que certaines pratiques en classe, les modes d’interactions verbales en particulier, étaient associées au niveau d’acquisition des élèves. Les acquisitions des élèves peuvent varier notablement selon la classe dans laquelle ils sont scolarisés.

Les études sur l’effet-classe et l’effet-maître de Bianco et Bressoux dans l’enseignement primaire citées par Dumay et Dupriez (2009)106, ont également montré que les comportements des enseignants influencent les acquisitions des élèves. Les auteurs précisent que l’effet-classe est plus important (10 à 20 %) que l’effet-école (4 à 5 %) et spécifient que l’enseignant n’est pas « omnipotent » dans sa classe.

« La plupart des études montrent que la classe explique entre 10 et 20% de la variance des acquisitions des élèves (Bressoux, 1994). On relève certes des variations de ces effets d’un pays à l’autre mais, dans la plupart des cas, l’effet-classe se révèle plus important que l’effet-école, généralement estimé aux alentours de 4 à 5 % » (p. 36)

Pour les auteurs, même si l’effet-classe est plus important que l’effet-école pour les acquisitions des élèves, le nombre d’élèves, le niveau scolaire des élèves, l’hétérogénéité des élèves, le nombre et le type de cours influencent également les acquisitions des élèves. Le nombre élevé d’élèves, la classe à cours multiples, etc. sont des contraintes spécifiques pour les acquisitions des élèves.

L’effet-classe diffère donc de manière marquée de l’effet-maître. L’effet-classe se définit comme la dynamique de la classe permettant l’engagement dans les apprentissages et dépendant de ses caractéristiques : des leaders qui entraînent le travail, le climat de la classe, l’esprit de coopération, … Pour l’effet-classe, ce qui est considéré, c’est dans quelle mesure la classe marche en fonction de la dynamique, mais pas en fonction de l’enseignant. Dans la classe A, par exemple, si la moyenne des élèves est de 15/20 depuis quelques années, et que dans la classe B, la moyenne des élèves est de 12/20 et qu’avant elle n’était que 5/20, cela nous explique clairement que la classe B a plus d’effet-classe que la classe A. Quant à l’effet-maître, il identifie la qualité pédagogique des

104 Hanushek, E.A. (1971). « Teacher caracteristics and gains in student achievement: estimation using micro

data », Amercican Economic Review, 61(2), 280-288

105 Veldman, D.J. et Brophy, J.E. (1974). « Measuring Teacher Effects on Pupil Achievement », Journal of

Educational Psychology, 66(3), 319-324

106 Dumay, X. et Dupriez, V. (dir.) (2009). L’efficacité dans l’enseignement. Promesses et zones d’ombre,

enseignants dans leurs pratiques pédagogiques. Pour la même classe, avec les mêmes élèves, mais différentes matières en même année, si seule une matière ne marche pas, cela tient fort probablement à un effet-maître négatif. Cela veut dire que le maître ne sait pas donner envie de travailler aux élèves et faire travailler ces derniers dans sa matière. À l’inverse, si la classe réussit davantage dans une matière que dans les autres, on peut penser que cela tient au rôle de l’enseignant, à condition que cela ne tienne pas à l’histoire de cette classe dans cette matière, par exemple, la même composition de classe avec des professeurs tenus pour étant de grande qualité mais en ce cas-là, l’effet-maître se trouve attribué à ces enseignants précédents. C’est alors un effet-maître positif. L’effet-maître peut être mesuré par les résultats des élèves, par la progression de l’ensemble de la classe attribuée à la qualité de l’action pédagogique, quand on arrive à établir qu’ils seraient moins bons avec un autre enseignant.

Pour Lautier et Allieu-Mary (2008)107, les enseignants efficaces sont ceux qui savent

valoriser leurs élèves à travers la parole, des sourires ou des regards et développer une attitude constante envers les résultats peu élevés et qui acceptent également qu’un élève ne comprenne pas sans être pour autant « mauvais ». Néanmoins cette attitude peut varier selon la catégorie d’élèves à laquelle s’adressent les enseignants en fonction de leurs propres représentations différenciées de leurs élèves. Par exemple, selon des expériences, les enseignants croient que les garçons sont plus doués pour les disciplines scientifiques et les filles pour les matières littéraires. Des travaux anglo- saxons montrent que les garçons sont plus souvent félicités pour leurs performances, mais réprimandés pour leur comportement, alors que les filles sont plus souvent félicitées pour la qualité de la présentation de leurs écrits ou leur comportement. Pour Jarlégan (2008)108, cette différenciation

développerait la confiance en eux des garçons et réduirait celle des filles qui sous-estimeraient alors leurs chances de réussite en mathématiques.

La classe dynamique est liée aux interactions entre les enseignants et les élèves et à l’image que les élèves se font d’eux-mêmes et de leurs capacités d’apprentissage. Si ces derniers se trouvent dans une mauvaise classe, ils vont réduire leurs efforts et moins s’impliquer dans les apprentissages et sous-estimer leurs chances de réussite. Cette mauvaise image peut conduire alors aux mauvais résultats car les élèves ne s’investissent pas beaucoup dans leurs apprentissages. Dans ce cas-là, les enseignants jouent un rôle important s’ils redonnent confiance à ces élèves qui se sentent « mauvais » pour qu’ils puissent rattraper leurs apprentissages.

L’effet-école, l’effet-classe et l’effet-maître sont importants dans la réussite des élèves car la différence de ces effets oblige à interroger la responsabilité collective des acteurs. Nous avons constaté que l’enseignant n’est pas un seul critère pour expliquer l’échec scolaire et pour rendre

107 Lautier, N. et Allieu-Mary, N. (2008). « La didactique de l’histoire », Revue française de pédagogie [En ligne],

162 | janvier-mars 2008, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 18 février 2016. URL : http://rfp.revues.org/926

108 Jarlégan, A. (2009). « De l’intérêt de la prise en compte du genre en éducation », Recherches et éducations [En

l’enseignement efficace car la réussite scolaire se construit au contact des élèves dans la classe et l’école dans lesquelles les élèves sont scolarisés et l’efficacité dans l’enseignement nécessite la participation de tous et demande des critères spécifiques que l’on peut mesurer par différents moyens. Nous allons donc chercher à savoir maintenant quels sont les différents critères de l’efficacité dans l’enseignement et comment on peut les mesurer.