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PARTIE II : CADRE THÉORIQUE ET PROBLÉMATISATION

CHAPITRE 7 PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSE DE LA RECHERCHE

Ce chapitre abordera les éléments de problématique comprenant le rappel du cadre contextuel et les apports du cadre conceptuel à partir desquels nous essayerons de reformuler la problématique de la recherche. Nous terminerons ce chapitre posant une question-clé de la recherche, à partir de laquelle, nous reformulerons notre première hypothèse de recherche.

1. Les éléments de problématique 1.1. Le rappel du cadre contextuel

Depuis 2013, dans le cinquième mandat du Gouvernement Royal du Cambodge, le M.E.J.S. met en place plusieurs réformes éducatives afin de renforcer la qualité du système éducatif du pays. Le baccalauréat est une priorité car le M.E.J.S. a constaté qu’il y avait beaucoup de problèmes liés à cet examen. La tricherie a été repérée durant son déroulement. Les candidats ont acheté des réponses à des enseignants surveillants, puis les ont recopiées dans les copies d’examen. Ils ont pu même copier sur leur voisin. Les enseignants surveillants ont réclamé de l’argent aux candidats pour que ces derniers puissent faire ce qu’ils voulaient dans les salles. Après la mise en place de cette réforme, il n’y a eu que 25,72 % des candidats qui ont obtenu le baccalauréat en 2014.

Concernant le fonctionnement des écoles publiques primaires, le rapport d’étude sur le nombre d’heures d’enseignement en 2013 a montré qu’il y a beaucoup d’heures d’enseignement perdues à cause de l’ajout des jours fériés supplémentaires, de l’absence des enseignants de la classe, de la diminution des heures de contact pendant les journées d'enseignement, des fermetures des écoles effectuées par les écoles elles-mêmes et de la mauvaise gestion des enseignants, de leur recrutement et de leur déploiement. Ainsi cette perte d'heures d'enseignement au Cambodge demeure un problème important pour la mise en place d'un système scolaire efficace. Une hypothèse clé qui a été repérée dans cette étude est qu’elle a des effets importants sur les résultats d'apprentissage des élèves.

Pour examiner cette relation, une autre étude sur l’évaluation des élèves du cycle primaire en 2013 montre que les élèves de la sixième année du primaire au Cambodge ont correctement répondu à moins de la moitié des questions sur l'ensemble du contenu du test de khmer. Le pourcentage global correct pour l’échantillon total est de 45,7 %. Concernant les tests des mathématiques, le rapport montre que les élèves n’ont répondu qu’à 43,4 % des items de mathématiques correctement, ce qui est à peu près le même que le pourcentage global que celui de la langue khmère. Les élèves des écoles urbaines ont obtenu un score nettement plus élevé que ceux des écoles rurales. Le pourcentage urbain est de 52,7 %, tandis que le pourcentage rural est de 41,7 % seulement. Ces résultats montrent une différence importante et significative entre les deux types d’écoles (11 %).

Ainsi, il s’agit d’abord d’une bureaucratie attachée à l’apparence, de type formaliste, attachée aux procédures, mais indifférente aux pratiques réelles et pouvant à l’occasion laisser faire les acteurs comme ils l’entendent du moment qu’ils ne le font pas savoir et qu’ils ne prétendent pas à le légitimer, au risque de mettre en cause les pratiques prescrites. Ce qui compte, ce n’est pas la

réalité, c’est le paraître. Ensuite il s’agit d’un système tatillon qui veut tout prescrire et qui s’immisce dans les pratiques en fournissant des fiches modèles et en cherchant à en contrôler l’application dans les moindres détails indépendamment de ce qui se passe réellement avec les élèves. Ce qui compte, ce n’est pas l’efficacité, c’est la conformité au prescrit. Un traitement centralisé selon des règles uniformes entraîne un manque de considération pour des situations contrastées (ville et campagne). Une application rigide des règles uniformes fait passer à côté de la différence de la situation et de la réalité des problèmes.

Le manque de réflexion, d’imagination, d’inventivité, d’innovation sont aussi des traits récurrents que l’on retrouve dans le système bureaucratique cambodgien et qui se manifestent notamment face à un nouveau problème. Ils sont entretenus par les conditions de revenu des instituteurs les obligeant à un second travail et limitant leurs possibilités de se développer dans le travail. L’institution s’est contentée d’augmenter son pouvoir d’accueil, d’accumuler et de re- dupliquer des dispositifs dans une logique d’expansion non contrôlée, sans adaptation à un public à des besoins particuliers.

Pourtant, malgré ce type de fonctionnement qui occupe une place importante dans la société cambodgienne, cette dernière ne reste pas fermée au monde. Elle subit des transformations en termes de développement économique dans la région.

De telles transformations passent par l’amélioration des méthodes et des attitudes pédagogiques via les formations des acteurs à des pédagogies qui explorent de nouvelles voies, remettent en cause ce qui ne marche pas et font le pari que les élèves en échec ou abandonnés peuvent apprendre. Mais ces formations sont principalement initiées par les O.N.G. considérées comme un modèle professionnel donnant la priorité à l’engagement éclairé des acteurs pour un enseignement efficace. Un cas possible d’effets peut se trouver lorsqu’une coopération est mise en place entre le M.E.J.S. et une O.N.G.

1.2. Les apports du cadre conceptuel

L’étude des concepts théoriques a apporté des éclaircissements sur notre travail de recherche. Les caractéristiques de la bureaucratie et les analyses de différents types d’organisation nous ont permis de déterminer le type de fonctionnement du système éducatif cambodgien ainsi que celui d’une O.N.G. (P.S.E.). Le système éducatif cambodgien fait révéler du respect des procédures, des règles rigides limitant l’arbitraire mais garantissant la sécurité de l’emploi des individus. Ainsi cette bureaucratie empêche la recherche des initiatives des individus qui n’ont pas de pouvoir décisionnel sur leurs tâches et qui n’effectuent que des tâches routinières définies par la direction qui ne s’intéresse qu’aux procédés et résultats obtenus. Par rapport à ce fonctionnement bureaucratique du système, l’O.N.G., caractérisée par moins de procédures formalisées et par une faible division du travail tant sur le plan horizontal que sur le plan vertical, est une organisation innovatrice qui manifeste une volonté de progresser et qui apporte un modèle professionnel vers ce système.

Les perspectives d’évolution que nous avons abordées nous ont montré l’ouverture du Cambodge vers la région et le monde à travers son intégration dans l’ASEAN en 1999 et dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2004. Malgré les contraintes liées à la faible qualification des ressources humaines, cette intégration montre un grand pas en avant en termes de coopérations politique et économique du pays avec les partenaires publics et les privés. Le manque de main d’œuvre qualifiée pour le pays est un souci pour les experts cambodgiens. Ainsi le secteur de l’éducation au Cambodge doit entreprendre une lourde tâche afin de renforcer cette qualité. D’où l’importance du rôle du M.E.J.S. Cela nous a conduit à rechercher les ressources et démarches qui pourraient améliorer l’efficacité de l’enseignement et l’acquisition des apprentissages.

Les notions de l’effet-école-classe-maître ont permis de découvrir le travail effectif de l’enseignant et du directeur d’école et leur responsabilité collective face à l’échec scolaire de leurs élèves. Ainsi l’enseignant n’est pas le seul critère pour expliquer ce problème car la relation des élèves dans la classe et l’école est à l’origine de leur réussite scolaire. L’enseignant efficace est donc celui qui sait adapter son style d’enseignement et différencier ses pratiques pédagogiques face à des origines socioculturelles et économiques différentes et à des caractéristiques personnelles variées des élèves.

Les analyses théoriques de la pédagogie pourraient éclairer les pratiques pédagogiques des enseignants dans les processus d’enseignement-apprentissage. L’erreur est un matériau collectif permettant à l’élève d’instaurer un climat de confiance et de construire le savoir. Pour l’élève, le retour réflexif sur l’erreur est un moyen d’accéder à une meilleure compréhension de la notion étudiée lui permettant de découvrir son propre fonctionnement intellectuel et de gagner en autonomie. Pour l’enseignant, l’exploitation de l’erreur est un instrument de régulation pédagogique lui permettant de découvrir les démarches d’apprentissage des élèves, d’identifier leurs besoins, de différencier les approches pédagogiques, de les évaluer avec pertinence. Le feed-back dans l’enseignement considéré comme un facteur de motivation contribue à la compréhension de l’élève liée aux notions étudiées permettant à celui-ci de faire des progrès. Ces analyses théoriques nous ont permis de voir clairement l’importance des pratiques de pédagogie différenciée et de la méthode « la main à la pâte », une méthode reconnue et mise en place au Cambodge.

C’est dans cette perspective qu’une organisation innovatrice peut contribuer aux évolutions attendues en engageant une coopération avec le M.E.J.S. Un des exemples de cette coopération est celui de la mise en place du projet de déploiement de la méthode du rattrapage scolaire dans les cinq provinces. Pour le M.E.J.S., il s’agit d’une stratégie d’action basée sur la coopération pour développer les ressources humaines. Cette coopération s’articule entre deux axes stratégiques :

- Déléguer l’impulsion du changement à un partenaire extérieur (expertise et expérience) - Initier un processus (formation et suivi) auprès des acteurs de terrain (directeurs et

Le rappel du cadre contextuel et les apports de ce cadre nous ont amené à reformuler la problématique de la recherche comme suit :

L’énergie impulsée par une O.N.G. qui maîtrise par son expérience le modèle professionnel (P.S.E.) pourrait permettre de briser l'invisible plafond de verre qui sépare la mobilisation des acteurs (enseignants et directeurs d’école) de l’inertie acquise et aboutir par diffusion à des changements réels.

2. Question de la recherche

L’analyse du contexte, selon lequel le système éducatif cambodgien se voit assigner des objectifs de changement, basé sur la coopération dans le cadre du programme du rattrapage scolaire alors que l’analyse de ce système fait ressortir un fonctionnement bureaucratique nous autorise à poser la question-clé suivante :

Quels sont les effets repérables sur les acteurs du système éducatif (enseignants et directeurs d’école) d’une coopération entre le M.E.J.S. du Cambodge et une organisation innovatrice (P.S.E.) dans le cadre d’un programme de rattrapage scolaire ?

Ces effets semblent relever de deux points : un engagement professionnel et des résistances aux changements et aux innovations pédagogiques apportés par une organisation innovatrice.

- Les enseignants et les directeurs d’école tentent-ils d'agir comme des acteurs qui s'impliquent et font preuve d'adaptation et d'initiative pour obtenir des résultats ? S’engagent-ils davantage dans le travail, cherchent-ils à innover et sont-ils soucieux du progrès des élèves ?

- Ces changements bousculant les pratiques routinières des agents du modèle bureaucratique (enseignants et directeurs d’école), dans quelle mesure ces agents vont- ils résister aux innovations pédagogiques apportées par le modèle professionnel (P.S.E.) ?

3. Hypothèse de la recherche

Nous essayons de répondre a priori à ces questions en formulant l’hypothèse suivante : La transition peut s’initier à partir d’une formation, des ressources (financements et matériels), des dispositifs mis à disposition et du suivi des pratiques pédagogiques (observation de classe et analyse de pratiques) des instituteurs du programme du rattrapage scolaire et des directeurs d’école qui les engagent à mettre en œuvre une posture professionnelle.

PARTIE III : MÉTHODOLOGIE DE LA