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PARTIE II : CADRE THÉORIQUE ET PROBLÉMATISATION

CHAPITRE 2 : LA BUREAUCRATIE DU SYSTÈME

5. La bureaucratie dans les organisations

5.5. À quel type d’organisation correspond l’école primaire publique cambodgienne ?

À partir de la description analytique sur les deux premiers types d’organisation de Mintzberg (1989) et les deux modèles de l’école de Tardif et Lessard, nous essayerons d’analyser le fonctionnement de l’école primaire publique cambodgienne. La question principale est de savoir si l’école cambodgienne relève plutôt d’un modèle bureaucratique ou d’un modèle anarchique et quelles explications peuvent être apportées pour confirmer ce type d’organisation.

Par rapport aux différentes parties de l’organisation de Mintzberg (1989), l’école primaire publique cambodgienne est composée d’un ensemble d’opérateurs tels que le comité de gestion de

l’école, les instituteurs, les personnels administratifs, les chefs du groupe technique et les bibliothécaires. En tant qu’organisation selon le modèle de Mintzberg (1989), l’école est structurée de la manière suivante :

- Un comité de gestion de l’école composé d’un directeur et d’un ou plusieurs directeurs- adjoints selon la taille de l’école, peut être considéré comme le sommet stratégique de l’organisation. Ce comité est responsable de l’accomplissement de ses missions confiées par le P.o.E. Mais il ne peut pas prendre l’initiative pour la direction et la gestion du personnel de son école. Quand il veut prendre des décisions importantes concernant le recrutement, le transfert, le licenciement du personnel enseignant, les reproches administratives des instituteurs, etc., il est obligé de demander les avis du P.o.E. ou même du M.E.J.S. qui jouent un rôle de détenteur d’influence externe et qui ont l’autorité formelle dans la prise de décisions officielles pour résoudre certains conflits entre les instituteurs ou avec le comité de gestion de l’école. Dans ce cas-là, les instituteurs n’ont pas de confiance envers le comité de gestion de l’école et ils ne le respectent pas pour certaines décisions ou mesures puisque ce dernier ne possède que l’autorité informelle. Concernant la gestion pédagogique, la direction de l’école joue un rôle important dans la gestion de son établissement tant des tâches administratives que des activités pédagogiques. Elle est un lien central entre ses opérateurs et les départements d’Éducation. Mais sa décision reste encore faible puisqu’elle doit respecter des directives définies par la ligne hiérarchique la plus haute, c’est celle du M.E.J.S.

- Les instituteurs peuvent être considérés comme le centre opérationnel de l’organisation. Ils assurent l’enseignement et l’éducation des enfants. Le travail des instituteurs est systématiquement divisé et répétitif. Selon l’instruction du M.E.J.S. relative au programme du rattrapage scolaire, un instituteur de 1ère année s’occupe des élèves du rattrapage scolaire

de 1ère année en assurant les cours et les tâches administratives. Il respecte la politique des

enseignants Il est responsable de sa classe, de son enseignement, des disciplines enseignées et de toutes les tâches définies par la direction. Concernant la formation des instituteurs, la formation initiale ne dure que deux ans dans une école de pédagogie et de recyclage. Cette courte durée de formation ne permet pas d’acquérir suffisamment les qualifications et le savoir de la profession. En général, tous les auteurs s’accordent sur le fait que les enseignants ont une relative autonomie dans leur travail mais au Cambodge, cette autonomie est limitée par le respect des programmes et des manuels établis par le M.E.J.S. Par contre, en classe, ils sont plus autonomes puisqu’il n’y a pas de contrôle strict de la direction.

- Les chefs du groupe technique de chaque niveau d’enseignement, composés des directeurs- adjoints et des représentants des instituteurs, peuvent être considérés comme la technostructure de l’organisation. Dans le cadre de leur travail, ils organisent et coordonnent les activités d’enseignement, les réunions pédagogiques, le suivi des pratiques enseignantes, le développement des capacités des instituteurs dans l’enceinte de l’école. Ils ont un lien étroit avec le comité de gestion de l’école et les instituteurs. Les chefs du groupe technique font leur travail en respectant les directives de l’école mais ils ont parfois l’autonomie sur

leur propre travail. Dans la gestion des réunions pédagogiques, les chefs du groupe technique peuvent déterminer eux-mêmes des objectifs de réunion, les adapter et les ajuster en cas de besoin. Dans la relation entre les instituteurs et le comité de gestion de l’école, les chefs du groupe technique pourraient être considérés comme la ligne hiérarchique de l’organisation puisqu’ils siègent dans une ligne directe entre les membres du sommet stratégique et ceux du centre opérationnel, mais ils ne peuvent pas résoudre les conflits entre les instituteurs. Ce n’est que le P.o.E. ou le M.E.J.S. qui peut apporter la solution parfois imposée. Ils travaillent avec les instituteurs pour intégrer les standards d’enseignement et ils font circuler l’information qui descend du sommet stratégique ou qui remonte du centre opérationnel. - Les personnels administratifs, les bibliothécaires effectuent les tâches administratives et

servent de fonctions de support logistique de l’organisation. Dans l’école primaire, les personnels administratifs n’ont pas forcément d’influence sur les opérateurs du centre opérationnel. Chaque opérateur travaille dans son coin.

Ces analyses nous amènent à conclure que l’école primaire publique cambodgienne se positionne plutôt dans le modèle bureaucratique. Quelques explications peuvent être proposées : l’école possède et respecte beaucoup les règlements formels prescrits par la hiérarchie ; l’autonomie des enseignants est faible ; la communication hiérarchique est forte. En plus, même si le sommet stratégique a pour fonction de maintenir les performances de l’école, celui-ci n’exerce pas le pouvoir de décisions dans la résolution des conflits de tous niveaux de l’école et n’a pas l’autorité formelle vis-à-vis ses opérateurs. Le travail du centre opérationnel et de la ligne hiérarchique est routinier et répétitif, malgré leur autonomie un peu limitée dans l’accomplissement du travail.

Conclusion

La bureaucratie possède différentes définitions selon les sources et les auteurs. Elle se caractérise par le respect des procédures, des règles, de loi. Elle limite l’arbitraire, garantit la sécurité de l’emploi des individus. Mais elle empêche le développement des initiatives des individus puisqu’ils n’ont pas le pouvoir décisionnel sur leur travail et qu’ils n’effectuent que des tâches routinières définies par la direction qui s’intéresse surtout aux procédés du travail et secondairement et même parfois seulement aux résultats. L’organisation bureaucratique, quant à elle, est caractérisée par des procédures formalisées, une forte division du travail tant sur le plan horizontal que le plan vertical.

Crozier (1963) souligne que toute organisation bureaucratique « n’est pas seulement un système qui ne se corrige pas en fonction de ses erreurs mais c’est aussi un système trop rigide pour s’adapter sans crise aux transformations que l’évolution actuelle de sociétés industrielles rend de plus en plus fréquemment impératives. » (p. 243).

Cette crise, c’est celle d’un pays qui est durement confronté à la concurrence extérieure (l’ASEAN) et la transformation ne peut être imposée que de l’extérieur. On le voit bien d’ailleurs avec les décisions du ministre qui cherche à bousculer le système. Crozier, pour la France, constatait que ce sont les « Grands Corps » d’État (p. 242) qui vont imposer les changements nécessaires. Au Cambodge, c’est le pouvoir politique direct qui tente d’imposer des transformations.

Nous allons donc d’abord étudier les évolutions économiques dans lesquelles le pays est engagé, qui provoquent une crise du système et contraignent celui-ci à des transformations.

Nous nous demanderons alors quelles sont les transformations qui rendront le système et ses acteurs plus performants et amélioreront la qualité de l’enseignement. À quelles conditions l’enseignement dispensé dans le système peut-il faire preuve d’une plus grande efficacité et que sait- on des ressources et démarches pédagogiques que les enseignants peuvent mobiliser pour garantir l’acquisition des apprentissages de tous les élèves.

CHAPITRE 3 : CE QUI CONTRAINT LE SYSTÈME