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1. LA RESTAURATION EN MAÇONNERIE

1.3. La diffusion des connaissances

1.3.1. Une production locale importante de documents

Le domaine de la maçonnerie se distingue par une production abondante sans doute impulsée par les campagnes successives de ravalement des façades. Ces documents, qui sont le fruit de collaborations locales, peuvent être classés en trois catégories : description des caractéristiques locales du patrimoine, ouvrages techniques de "vulgarisation", ouvrages destinés à des spécialistes.

La plupart des ouvrages cités ci-après sont issus d'une des régions étudiées, non pas que les autres régions n'aient rien produit dans ce domaine, mais parce que leur recensement nous a été tout simplement facilité.

1.3.1.1. Des documents sur les caractéristiques locales du patrimoine bâti

Au cours des années 1980, les caractéristiques du bâti ancien de nombreuses régions 15 ont été décrites dans le cadre d'une collection intitulée "connaissance de l'habitat existant", collection réalisée par EDF avec la participation d'un architecte - conseiller technique de la collection. Les ouvrages de cette collection sont tous construits sur le même modèle :

- la présentation du territoire, son milieu naturel et ses matériaux

- un chapitre sur la reconnaissance du bâti qui commence par l'étude d'un immeuble-test avant de décrire les "variantes" rencontrées au sein du territoire étudié, celles-ci renvoyant souvent aux caractéristiques propres aux "pays" 16

- un chapitre portant sur les maladies, puis sur les techniques de "réhabilitation" (en fait il s'agit de restauration, comme quoi le vocabulaire a évolué) ;

- un troisième chapitre sur l'amélioration du confort dans le respect du bâti existant.

Les savoirs et les pratiques de conservation - restauration ont depuis évolué et on peut regretter que l'activité de plomberie ne soit pratiquement pas abordée alors que les installations électriques et l'isolation thermique y sont largement traitées. Il n'en demeure pas moins que cette collection apporte une connaissance qui devrait être un préalable à toute intervention et a le mérite de participer à diffusion de la notion de réversibilité :

« L'aménagement des logements doit être prévu pour le temps d'une génération et ne pas revêtir de caractère irrémédiable et définitif pour le bâti. »

La production de documents décrivant le patrimoine se poursuit encore aujourd'hui. Elle est le fruit de l'initiative d'acteurs variés, et associent différents partenaires comme les CAUE, les parcs naturels, les établissements scolaires. Le recensement de ces documents n'est pas aisé, certains ayant une diffusion très restreinte 17.

1.3.1.2. Des ouvrages techniques de "vulgarisation"

De nombreux documents traitant surtout des matériaux, ressources et techniques en usage au plan local, ont été produits dans les Pays de la Loire et en Bretagne. Les associations de sauvegarde du

15 Ont été notamment consultés un numéro sur "le bâti ancien en Maine - Anjou" avec la collaboration de l'ARIM Pays de Loire, un autre sur "le bâti ancien en pays nantais" avec la collaboration de l'ARIM Pays de Loire et G.W. CONGAR architecte des bâtiments de France (ABF) dans le département Loire Atlantique.

16 Le département de Loire-Atlantique peut se diviser ainsi en plusieurs pays de cultures différentes où l'art de construire a subi des influences diverses : Nantes, le pays de la Mée, le pays d'Ancenis, Paimboeuf, le vignoble du pays de Retz, la Brière, le pays Guérandais.

17 Citons par exemple, l'initiative du lycée professionnel Jules Antonini d'Ajaccio, qui a réalisé ces dernières années plusieurs brochures de découverte de l'architecture dans l'Ile de beauté dans le cadre des enseignements d'art appliqué

patrimoine, Tiez-Brez (plutôt orientée vers la sauvegarde et la mise en valeur de l'architecture et des sites ruraux de Bretagne) et Nantes-Renaissance (association mise en place à l'initiative de la ville de Nantes pour susciter, guider et promouvoir la restauration du patrimoine architectural) ont joué un rôle important dans la production de ces guides.

La brochure "entretien et restauration des bâtiments anciens en pierre calcaire"

Réalisé par un groupe de travail local avec l'appui scientifique du bureau de recherches géologiques minières d'Orléans et le laboratoire C.R.I.T.T. 18 Matériaux de Schiltigheim, Nantes Renaissance, cet ouvrage aborde les thèmes suivants :

- Les calcaires de l'Ouest de la France : principaux lieux d'extraction des pierres calcaires ; caractéristiques physiques et mécaniques des calcaires ; caractéristiques minéralogiques, physiques et mécaniques des tuffeaux.

- L'utilisation des calcaires : répartition des qualités de pierre en fonction de leur utilisation (corniche, frise, bandeau, balcon, appui, socle, seuil, etc). Le tuffeau est principalement utilisé en parement de façade au dessus d'un soubassement généralement en granit. Le cœur des maçonneries est alors en moellons de pays.

« L'utilisation des calcaires est régie par des règles ou des savoir-faire définissant leur position sur un immeuble, en fonction de leurs caractéristiques mécaniques et physiques et en fonction de leur aptitude au vieillissement. Ces règles ont évolué à toutes les époques, suivant la disponibilité des pierres et le niveau de connaissance plus fine des matériaux et de leur pathologie. »

- Les altérations : principaux types d'altérations (desquamation en plaques, alvéolisation, croûtes noires, désagrégation sableuse) ; facteurs d'altération : environnement (altérations chimiques ou physiques, tels le ravinement, l'érosion éolienne, le gel ...), défaut d'entretien (encroûtement, salissures, mousses et lichens), mauvaise mise en oeuvre (mortiers inadaptés, mélange anarchique de pierres, pose en délit, mauvaise conception des ventilations intérieures des logements, absence d'entretien des toitures, ravalement non conforme, etc).

- La remise en état des façades : la retaille qui consiste à enlever la couche superficielle de la pierre (quelques millimètres) ; le remplacement des pierres dégradées par des pierres neuves de même nature et de même épaisseur ; le nettoyage selon des méthodes mécaniques (sablage à sec, gommage, micro-sablage), de nettoyage à l'eau (eau ou vapeur sous pression, ruissellement, nébulisation), des méthodes chimiques (pâtes ou gels procédant par dissolution des salissures et extraction des sels cristallisés), des méthodes mécaniques à action douce (brossage, laser).

« La détermination de la méthode de remise en état, de nettoyage ou de réparation, nécessite une parfaite connaissance des matériaux à traiter, de leurs conditions de mise en oeuvre et des altérations dont ils souffrent. »

- L'entretien des façades : protéger contre les eaux pluviales, les migrations capillaires, entretenir les maçonneries.

« La restauration d'une façade n'est qu'un pis-aller, un remède tardif, onéreux, parfois néfaste à la bonne conservation de l'édifice lorsque la prise de conscience du mal est tardive. L'entretien régulier et périodique des façades devrait permettre de limiter l'effet des agents extérieurs de dégradation et le recours aux interventions lourdes. »

- La liste des axes de recherche à promouvoir : choix des sites d'exploitation à réouvrir, amélioration de la gestion du stockage ; analyse des compatibilités des différentes pierres entre elles ; qualités requises des mortiers pour la pose de pierre de taille, les joints, les enduits ;

18 Centre Régional pour l’Innovation et le Transfert de Technologie

protection de la pierre : usage des hydrofuges, badigeons traditionnels, amélioration des moyens de lutte contre les remontées capillaires.

Les sables dans les enduits à la chaux. CAUE 44 et Nantes Renaissance. Novembre 1998.

Visant l'actualisation d'un document précurseur édité en 1981 19, ce document entend pallier la perte de connaissance des matériaux et de leur emploi dans le domaine des maçonneries à la chaux. Il s'adresse aux professionnels et constitue un support pour leur formation. Il a été rédigé par un membre du CAUE de Loire Atlantique et un chef d'entreprise de maçonnerie, soutenus par un groupe de pilotage composé notamment du SDAP de Loire Atlantique, de la CAPEB Pays de Loire, de trois associations de sauvegarde du patrimoine (Nantes Renaissance, Tiez Breiz, Maisons et Paysages de Bretagne) et de l'ANAH.

Le document entend valoriser le travail artisanal :

« L'industrialisation uniformise les composants et leur mode d'application en vue d'obtenir des standards qui puissent s'appliquer partout. L'artisan devient alors applicateur. L'homogénéité et la neutralité demandée pour les mortiers au ciment ont su trouver rapidement leur réponse dans l'industrialisation d'un sable uniformisé. A contrario, les enduits réalisés à partir de chaux naturelles nécessitent l'emploi de sables variés dont le choix est déterminant dans l'aspect et la qualité de l'enduit. »

Il comporte deux grandes parties :

1. La reconnaissance des caractéristiques d'un sable :

- Présentation des différents types de granulats : mode de génération, origine et appellation, sites d'exploitation, forme des grains, caractéristiques, utilisations

- Granulométrie : intérêt d'un sable équilibré ; apport des "fines" pour la coloration, la résistance et la mise en oeuvre de l'enduit à la chaux

- Interactions avec le liant : argiles, pouzzolanes

« Dans un mortier de chaux de bonne composition, liants et agrégats laisseront le moins de vides possibles. La quantité d'eau nécessaire au gâchage en sera réduite. Un sable dont les grains ont tous la même dimension entraîne un surdosage du liant pour que le mortier ne soit pas maigre. Un sable bien équilibré permet donc une moindre consommation de liant. Il limite par ailleurs le retrait et les risques de micro-fissuration ... Les fines colorent les enduits à la chaux. Lorsque les moyens de lavage moderne n'existaient pas, les sables étaient utilisés tels quels, avec la terre qu'ils contenaient. Les pigments minéraux utilisés aujourd'hui en addition aux sables ne sont que des terres ayant une fine mouture ... Les fines facilitent la mise en oeuvre en procurant une onctuosité au mortier. Il collera davantage au mur qu'un mortier de même dosage en liant, mais uniquement constitué de sable de rivière lavé". »

2. Les règles de mise en oeuvre

- Observer attentivement l'existant ou le bâti avoisinant de même époque ; - Acquérir une connaissance des sols et des anciens sites locaux d'extraction ;

- Etudier les caractéristiques des sables commercialisés pour être en mesure d'effectuer des corrections ;

- Effectuer des tests : essai approché de l'équivalent Sable, test de la plaque de verre, estimation du pourcentage des vides.

"Les chaux dans les enduits" Editeur ARTEFAB Pays de Loire. Décembre 2000.

Cet ouvrage prolonge le précédent sur les sables et traite des chaux aériennes et des chaux hydrauliques naturelles. Sa conception et sa réalisation ont été assurées par trois personnes respectivement architecte d'un CAUE, chef d'entreprise, membre de Nantes-Renaissance avec l'appui d'un groupe de pilotage.

L'objectif de l’ouvrage est d'assurer la perpétuation d'un savoir-faire, sa transmission, voire sa réappropriation par les professionnels

« Dans ce pays de pierre, devant l'ampleur des problèmes soulevés par la détérioration du tuffeau, la disparition d'un type d'enduit traditionnel à la chaux peut apparaître comme un phénomène mineur. Il suffit cependant d'y regarder de plus près pour constater les qualités du matériau et la beauté de certaines finitions. Chaque type d'enduit est porteur d'une très longue expérience qu'il serait dramatique de laisser perdre 20. »

« Pendant des décennies, les techniciens ont voulu, ont dû, partir des bases nouvelles en reniant tout ce qui se faisait par le passé ... Actuellement, après avoir constaté les dommages causés sur les bâtiments anciens par l'emploi inconsidéré et systématique du ciment, nous revenons à des techniques et des matériaux adaptés, utilisés jusqu'au début du siècle par des maçons qui les maîtrisaient parfaitement. Certains hommes de métier retrouveront facilement le geste et la manière ; d'autres plus jeunes auront à réapprendre 21. »

Au sommaire, trois chapitres :

1. Les caractéristiques d'un enduit :

- la tenue au support : accrochage par les formes, adhérence entre les matériaux

- la perméabilité : freiner la pénétration des eaux de pluie sans bloquer l'évacuation des eaux condensées

- la résistance à l'usure.

2. Les constituants de l'enduit : - la chaux, un liant

- la constitution et l'élaboration des liants de construction - la chimie des liants

- la classification des chaux de construction

- les caractéristiques : l'hydraulicité, la résistance à la compression, la masse volumique apparente, la finesse Blaine, la teinte et la luminosité du liant

- les autres constituants de l'enduit : l'eau, l'air, les sables, les adjuvants

3. La pratique :

« On procèdera différemment s'il s'agit de conservation, de restauration, d'entretien ou de rénovation. Pendant longtemps, il a paru nécessaire de reprendre en totalité un enduit partiellement dégradé, l'aspect neuf étant considéré comme valorisant, tant d'un point de vue technique qu'esthétique. Aujourd'hui l'aspect ancien est souvent recherché, au détriment parfois de sa pérennité, lorsque les techniques de la chaux et le jeu des sables ne sont pas maîtrisés. D'autres approches apparaissent, qui privilégient dans certains cas, la restauration de l'enduit, par reprises partielles, conservation des parties non dégradées, et apport de nouvelles passes ou couches. »

- L'objectif de l'intervention : l'entretien, la restauration, la rénovation

- le diagnostic du bâtiment : intérêt historique ou architectural de l'édifice, situation, orientation, nature des matériaux, état de la maçonnerie, souhaits du maître d'ouvrage.

20 Propos d’Alain Marinos, architecte et urbaniste en chef de l'Etat

21 Extrait de : chaux aérienne et techniques de mise en oeuvre. Tiez Breiz, Maisons et Paysage de Bretagne. 1981

- le descriptif des travaux à exécuter.

- la préparation du support : piquetage, traitement des supports pulvérulents, préparation des supports qui ne sont pas stables hydro-thermiquement, lessivage ou ressuyage.

- la préparation du mortier : les chaux à privilégier selon les ouvrages ou les supports - la mise en oeuvre : les conditions climatiques, les outils, le nombre de couches

- les situations particulières : problèmes d'adhérence au support, problèmes d'humidité excessive, maçonneries édifiées depuis la fin du 19ème siècle, maçonneries contemporaines, soubassements, murs de soutènement

- les finitions : le jointoiement, les crépis, les enduits et les différents types de finition (coupé, taloché, épongé, lavé, lissé, gratté)

- la coloration : apport d'une couche picturale (chaulage, badigeon, eau forte ou détrempé, patine)

« Sur de nombreux bâtiments, on relève plusieurs couches de mortier de natures différentes. Il s'agit, dans la plupart des cas, d'enduits d'âge différents superposés. L'entretien était fait de façon hâtive sans enlever les couches précédentes. Les enduits en trois couches - gobetis, corps d'enduit et couche de finition - se sont généralisés avec l'utilisation massive des ciments. Ils répondent au besoin d'enduire les parpaings en agglomérés de ciment. Le gobetis est rendu nécessaire par la surface homogène et lisse de ces matériaux et par le faible pouvoir collant des mortiers de ciment. »

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