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Des attentes précises en matière de formation initiale

2. LA RESTAURATION EN MENUISERIE

2.1.1. Caractéristiques, marché et compétences attendues

2.1.1.4. Des attentes précises en matière de formation initiale

- Des besoins en personnel

La plupart des menuisiers rencontrés ont exprimé des besoins de recrutement. Il s'agit parfois simplement de renouveler le personnel ou de préparer la reprise, souvent incertaine, de l'entreprise.

S'y ajoute parfois le constat de l'appauvrissement des savoir maîtrisés en interne, suite au départ de salariés alors que l'entreprise traversait une période difficile.

« Il s'agit surtout de trouver quelqu'un de 25 à 30 ans, intéressé par le patrimoine et qui soit susceptible de reprendre l'entreprise. »

Mais les besoins en personnel sont aussi souvent motivés par les perspectives d'accroissement de l’activité. Compte tenu de l'orientation vers le marché du patrimoine, les professionnels expriment des attentes précises en ce qui concerne le profil des candidats. Faute de disposer actuellement de personnels compétents, ils préfèrent renoncer à certains travaux.

« Si c'était possible je doublerais l'effectif. Profil recherché : brevet professionnel plus stage en menuiserie du patrimoine. »

« Je cherche des gens polyvalents en fabrication, capable de faire de la menuiserie et des escaliers.

J'espère arriver à embaucher. »

« Je souhaite avoir un salarié de plus et un apprenti. Je recherche un jeune qui aurait un CAP en menuiserie, cinq ans d'expérience et qui soit intéressé au patrimoine. Un de mes collègues a la chance d'avoir un jeune qui a obtenu successivement le CAP, le brevet de maîtrise, puis fait une formation d'escaliéteur et vient de suivre le stage sur la menuiserie ancienne. C'est un exemple pour la profession. »

« On n'arrive pas à répondre à la demande car on n'a pas les salariés pour ça. C'est la raison pour laquelle on n'a pas répondu à de récents appels d'offres que ce soit pour le projet de la DRAC ou pour la mise en conformité incendie du château de X. »

« Je suis convaincu qu'il y a un avenir pour la "vraie menuiserie" : la production d'éléments de menuiserie sur mesure et la restauration. Le souci n'est pas au niveau du boulot, c'est trouver les personnes qualifiées pour le réaliser. »

La grande entreprise de notre échantillon est mieux armée pour mettre en place une stratégie efficace de renouvellement de son personnel grâce à une politique de formation active ...

« Le personnel a toujours une grande connaissance du bois et de la technique. D'ailleurs il tourne dans les différents ateliers pour qu'il existe une polyvalence dans les ateliers et dans le savoir-faire.

Le budget formation est à 5 % de la masse salariale. L'entreprise investit beaucoup dans la transmission du savoir-faire. Il y a environ 15 à 20 jeunes en formation au sein de l'entreprise.

Pour chacun, il y a un tuteur, cela prend du temps et nous pénalise d'une certaine manière mais l'entreprise veut qu'ils puissent acquérir le maximum de connaissances afin de pérenniser le savoir-faire et la culture de l'entreprise. »

« On pousse systématiquement les CAP à faire le BP et s'ils en ont la capacité le brevet de maîtrise qui est un complément important et intéressant au niveau de la culture, notamment pour un chef d'équipe. Certains jeunes font leurs réalisations personnelles le samedi matin sur les machines auxquelles ils ont libre accès (d'ailleurs, il y a dans l'entreprise un certain nombre d'œuvres de compagnons). L'entreprise garde environ la moitié des jeunes qu'elle a eu en apprentissage. Le renouvellement de la main d'œuvre s'effectue essentiellement par ce biais. Quelques-uns viennent d'autres entreprises et sont formés " au savoir-faire maison ". »

- Les attentes à l'égard de la formation

Quelques professionnels ont exprimé pour leur compte, des besoins en formation continue.

« Je cherche des stages concernant le patrimoine pour apprendre les techniques anciennes, les différentes époques et les astuces de fabrication des anciens. »

Formations techniques Formations générales

Commercial avec conseil en financement Visite de châteaux Manutention des pièces lourdes Apprentissage de styles

Connaissance des outils anciens

Un interviewé a évoqué un stage interprofessionnel ayant intéressé différents corps d'état concernés par le patrimoine, et qu'il avait beaucoup apprécié. Nous n'avons pas eu la possibilité de comparer le programme de ce stage réalisé à l'initiative d'un membre du centre technique du bois et de l'ameublement avec celui des formations proposées dans le cadre du CIP patrimoine ou de

COPRABAT sur le patrimoine bâti. Il semble bien toutefois que la dimension interprofessionnelle constitue le point commun de ces formations :

« En matière de formation interprofessionnelle, je n'ai connaissance que d'un stage que le centre technique du bois a accueilli à la demande de X. X a réuni des copains avec lesquels il travaille : un tailleur de pierre, un maître-verrier, un peintre, un sculpteur … finalement on a été assez nombreux pour mettre le stage en route et les échanges ont été passionnants. »

« Les stages sont un moyen de dynamiser le réseau des artisans. Au-delà de l'intérêt intrinsèque du stage c'est la relation humaine qui se construit dans ce contexte qui est importante. J'ai organisé des stages qui rassemblaient tous les corps d'état avec le Centre Technique du Bois et de l'Ameublement. Le but était de créer une relation entre les différents corps d'états car " il est important que chacun connaisse mieux les autres métiers ". L'exemple de la pose en menuiserie illustre ce besoin de connaissances des pratiques du menuisier et du maçon afin que le bâti soit prêt à accueillir, dans les meilleures conditions possibles, l'ouvrage de menuiserie qui lui est destiné.

Mieux aborder les autres corps d'état permet de pouvoir discuter sur les chantiers en toute connaissance de cause. »

Un des artisans rencontrés préside une association qui compte une cinquantaine d'artisans liés par une charte de qualité dont l'objectif est d’aller au delà du CIP Patrimoine. Cet artisan, qui envisage pour sa part de préparer le diplôme d'université B.A.T.I.R., estime que le milieu des artisans a cependant du mal à s’organiser. Ceux-ci ne sont guère disponibles pour des stages de formation et préfèrent mobiliser au coup par coup des membres du réseau pour résoudre les difficultés ponctuelles qu’ils rencontrent.

« Les adhérents à l'UCQPAB doivent s'engager à respecter une charte qualité et qui organise des stages de formation. Ces stages sont difficiles à mettre en place car il est difficile d'y faire venir les artisans qui fonctionnent par contre plus facilement en réseau. Les artisans sont trop individualistes de nature. Ils doivent s'ouvrir, rentrer en contact avec d'autres corps d'état pour faire du bon travail. Ce qui fonctionne c'est le réseau, la relation humaine. Chaque artisan est en réseau. On vient en voir un qui dirige vers les autres de son réseau. Mais comment gérer cela d'une façon plus large ? »

Les menuisiers expriment beaucoup d'attentes à l'égard de la formation initiale et ne ménagent pas leurs critiques. Ils regrettent l'abandon de l'apprentissage du maniement des outils à main.

Nécessaire lorsqu'il s'agit d'adapter un produit sur place afin d'en effectuer la pose, cette maîtrise est aussi indispensable pour connaître le matériau ... et pour obtenir le fini souhaité lorsque l'on travaille en restauration.

« Quand je suis rentré à l'atelier comme apprenti, j'ai travaillé à la main pendant un an.

Aujourd'hui les CFA n'apprennent plus guère cela aux apprentis, or c'est important de savoir tenir un ciseau à bois s'il y a une pièce à refaire sur place. Cela ne veut pas dire que l'on doit se passer du rabot électrique, de la défonceuse, enfin de tout ce qui rend le travail moins pénible. Mais un ouvrier qui travaille à la main sait reconnaître le fil du bois. A la dégauchisseuse ou à la raboteuse, la machine est tellement puissante que l'on arrive à passer à contre-fil. De ce fait les jeunes finissent par perdre la connaissance de la matière. »

« La formation et le travail avec l'outil à main sont indispensables pour garder le savoir-faire ....

Avec le développement des machines il n'y a plus de relation avec les matériaux. Il va se développer des problèmes qu'on ne saura pas résoudre. La formation initiale n'est pas significative du savoir-faire que doit maîtriser un menuisier. Il y a un décalage énorme entre le CFA et la réalité de l'entreprise. Ils n'apprennent pas la menuiserie ils ne travaillent que de l'aggloméré. Lorsque j'ai

quand j'ai monté mon meuble il ma fallu quelques secondes. Tout marchait bien alors qu'eux ils devaient tout retoucher…Il n'ont pas de vue d'ensemble. On ne leur a pas appris à travailler avec l'œil, sans mesurer. D'ailleurs, ça c'est encore quelque chose qui fait râler les jeunes à l'atelier parce que le plus vieux il ne mesure rien et ça marche toujours. »

La réforme des CAP de menuiserie qui aboutit à la création de deux CAP, l'un orienté vers la fabrication, l'autre vers l'installation n'est pas bien comprise. Les avis portant sur le niveau de compétences requis pour la pose de menuiseries sont très divers. Sans doute y a t-il des situations de travail très différentes : poser une menuiserie PVC sur un châssis de fenêtres en bois laissé en place ne présente pas les mêmes difficultés que l'adaptation de lambris sur des murs anciens. De nouvelles contraintes de suivi de fabrication sont apparues avec le phénomène des résidences secondaires qui restent inhabitées pendant la mauvaise saison ou avec l’usage de la climatisation qui assèche l'air ambiant.

« Le travail de pose demande une certaine maîtrise des outils à main. Quand on installe un lambris, il se peut qu'il y ait un panneau trop large, une erreur de mesure et il n'est pas question de retourner à l'atelier. Il est bien utile de savoir refaire un tenon et une mortaise à la main, de pouvoir refaire une rainure, d'être capable de dresser un bout de bois au besoin en faisant preuve de créativité, d'esprit d'invention pour se débrouiller avec un outil portatif. Il faut être inventif sur un chantier de pose. »

« Quant à l'activité de suivi des ouvrages il y a peu de retour. Le plus fréquent, c'est l'intervention sur les boiseries intérieures à cause des climatisations qui assèchent l'air. Ce sont de nouveaux problèmes que l'on rencontre aujourd'hui parce qu'ils sont crées par les nouvelles technologies. » L'instauration d'un CAP orientée vers l'installation et la pose est considérée comme une réponse aux demandes émanant de l'industrie. A l'opposé de ce choix, les menuisiers d'une des régions étudiées souhaitent la création d'une mention complémentaire orientée vers le patrimoine. Ils sont actuellement à la recherche d'un établissement prêt à s'investir dans ce domaine et veulent participer à l'élaboration du référentiel.

« Les CAP ont été réformés et aujourd'hui on a deux CAP en 2 ans, un pour la fabrication et un pour la pose. Il n'y a pas besoin de 2 ans pour former à la pose. On dit qu'en une année complémentaire ceux qui ont été formés en fabrication pourront être formés à la pose et vice versa mais je ne crois pas qu'un jeune formé à la pose puisse se former aussi rapidement en fabrication.

C'est l'industrie qui a besoin de former des cohortes de poseurs qui est à l'origine de ce CAP. Nous, on souhaiterait plutôt la création d'une Mention Complémentaire Patrimoine et on aimerait participer à la construction du référentiel. »

« Nous souhaitons que le rectorat ouvre une mention complémentaire Patrimoine pour les menuisiers. Il y faut de l'histoire de l'art, la reconnaissance des styles, du diagnostic de façades, un peu de fabrication particulière. »

« C'est moins la technique pure que l'adaptation du produit aux spécificités de l'intervention en patrimoine. Exemple : les faux aplombs, le manque d'équerrage dans les escaliers. Un jeune qui sort avec le CAP, il faut pour lui que le mur soit droit, que le plancher soit horizontal. Or dans le patrimoine ce n'est jamais ça. »

2.1.2. Les travaux les plus courants en restauration

L'interrogation sur les travaux a été réalisée de la même façon que pour les maçons : tout en laissant ouverte la possibilité de mentionner telle ou telle activité "supplémentaire", nous avons proposé une liste d'une trentaine d'activités ; les professionnels étaient sollicités pour dire s'ils effectuaient ou non ces travaux, et apporter des commentaires. Les trente activités étaient regroupées en cinq catégories :

- La réfection de planchers et parquets

- Le remplacement ou la réparation - restauration de menuiseries extérieures - La réalisation ou la remise en état de menuiseries intérieures

- La fabrication de menuiseries à l'ancienne

- Diverses activités proches ou en rapport avec la menuiserie.

La présentation des activités précède l'analyse de l'offre de formation. Elle permet de définir l'angle sous lequel nous étudierons le contenu des référentiels de diplômes. Il n'est toutefois pas inutile de rapprocher le point de vue des menuisiers quant aux atouts de leur entreprise de cette deuxième phase d'interrogation concernant les travaux réalisés.

- Les techniques anciennes sont à redécouvrir mais il faut aussi tout simplement promouvoir la connaissance du matériau. Il s'agit d'une reconquête qui passe par la formation continue des artisans et des infléchissements à apporter à la formation initiale. Les professionnels semblent devoir se réapproprier un certain nombre de connaissances sur le bois : la façon de le préparer, le travailler, la possibilité ou non d'allier différentes essences, la façon de le poser et de l'entretenir pour qu'il résiste mieux à l'usure, la capacité à choisir les qualités et les essences en fonction des usages envisagés. Les pratiques apparaissent pour l'instant très variables.

- Compte tenu de la diversité des activités, travailler comme menuisier dans le domaine du patrimoine nécessite de maîtriser une grande variété de techniques qui constituent autant d'emprunts à différents métiers de mise en oeuvre du bois.

- La pose de menuiseries nécessite une véritable maîtrise professionnelle quand il s'agit de déposer puis d'assembler après restauration des éléments de parquets traditionnels ou de poser des parquets techniques, d'adapter des lambris à un bâti, d'ajuster des volets intérieurs pour qu'ils viennent se positionner correctement sur les ouvrants ... Mais la pose peut aussi n’être qu’une activité répétitive et peu qualifiée consistant à mettre en place des menuiseries industrielles, en produits dérivés du bois, en aluminium ou en PVC. Aussi lorsque les menuisiers parlent de la pose, c’est souvent pour dénoncer l'abandon par des entreprises de menuiserie, de toute activité de fabrication.

- Plus encore que les maçons, les menuisiers ont parfois recours à d'autres professionnels du bois quand ils n'ont pas la maîtrise ou les machines nécessaires (recours ponctuel à un ébéniste, un tourneur sur bois, ...). Ils ont aussi besoin de collaborer avec des professionnels des autres corps de métiers pour assurer la qualité et la pérennité de leurs produits : le maçon, le peintre, le ferronnier, pour citer les principaux.

Convaincus de l'existence d'un marché permettant de poursuivre une activité de fabrication artisanale, les menuisiers ont conscience de la nécessité de participer activement à son essor en se réappropriant les techniques anciennes que des années de crise et de désintérêt pour les ouvrages menuisés appartenant au patrimoine ont failli faire disparaître.

« Le "jet d'eau" aujourd'hui n'est parfois plus qu'une simple pente pour faciliter l'écoulement de l'eau alors que dans la fenêtre à la française, c'est un "talon renversé" ... Les menuisiers

aujourd'hui ne savent plus ce qu'est un flottage (partie qui forme parement et masque l'assemblage, par exemple dans un assemblage par tenon et mortaise). »

Ouverts à l'usage de technologies nouvelles dans la mesure où cela permet de diminuer la pénibilité de certains travaux et de gagner en efficacité, ils restent cependant convaincus de la nécessité d'acquérir la maîtrise des outils à main, restent très attachés à l’activité de fabrication et ne semblent guère vouloir s'engager dans des travaux de traitement ou de consolidation des bois.

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