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Bilan sur l’activité de conservation du vitrail

4. LA CONSERVATION-RESTAURATION DU VITRAIL

4.1.3. Bilan sur l’activité de conservation du vitrail

Un marché potentiel en mal de financement

Le patrimoine français est très important mais menacé car son entretien est insuffisant. Il constitue rarement une priorité pour les maîtres d'ouvrage que sont les collectivités territoriales. Le diagnostic préalable à l'engagement des travaux se révèle souvent insuffisant. Il faut reconnaître que c'est une opération assez coûteuse car il ne peut s'effectuer au sol. Comme il existe peu d'architectes compétents dans ce domaine, les entreprises apparaissent généralement les mieux placées pour effectuer un tel diagnostic. Il faut sans doute complètement dissocier diagnostic et réalisation des travaux pour ne pas fausser le jeu de la concurrence.

Une pléthore d'entreprises qui se font une concurrence désordonnée

Les maîtres verriers ont perdu la capacité à réguler les entrées dans la profession et le nombre des entreprises de vitrail a presque doublé en quelques années. Comme il n'y a pas suffisamment de débouchés dans la création, nombreuses sont celles qui se sont reportées sur la restauration. La concurrence apparaît donc sévère et les niveaux de prix sont souvent jugés trop bas par les maîtres-verriers rencontrés. A cela s'ajoutent les risques relatifs à l'imprécision des diagnostics.

Peu d'éléments permettent de juger de la qualification des entreprises. Un premier projet de création de certifications QUALIBAT avait été proposé au début des années 1990 par la direction du patrimoine (ministère de la culture). Au milieu des années 1990, on semble prêt d'aboutir avec la création de trois qualifications : restauration - techniques traditionnelles, travaux simples ; restauration - techniques traditionnelles, travaux complexes ; conservation-restauration de vitraux anciens, techniques traditionnelles et nouvelles technologies, haute technicité. Mais la chambre syndicale des maîtres-verriers, a finalement refusé l’application du référentiel QUALIBAT dont bon nombre de ses membres, réunis en assemblée générale extraordinaire, ont jugé qu’il était inadapté et apte à renforcer le caractère arbitraire de la sélection des entreprises. En l'absence de certificat de qualifications, les appels d'offre restreints sont formulés sur le seul « curriculum vitae » de l'entreprise, et notamment de ses antécédents en matière de restauration de vitraux moyenâgeux, les plus prestigieux. Ce critère reflète plus le prix que l'on attache à juste titre à ces vitraux très anciens que le niveau de difficultés des restaurations. Le projet QUALIBAT de 1995 permettait en principe de dépasser ce stade puisque selon la direction du patrimoine de l'époque :

« La technicité de l'entreprise doit être appréciée en fonction de la difficulté des travaux réalisés et non de l'époque ou du statut de la verrière traitée (classée ou non). On peut, par exemple, réaliser des travaux relativement simples de repiquage sur une verrière ornementale du XIIIème siècle et des travaux très complexes de collages, de refixages de grisaille, compléments de lacunes sur une verrière figurée du XIXème siècle. »

La renommée lentement acquise, la chance aussi de se voir attribuer un premier chantier prestigieux, jouent donc un rôle déterminant.

Plusieurs maîtres verriers ont exprimé la satisfaction d'avoir bénéficié de stages de formation mais aussi d'échanges réguliers avec le laboratoire de recherche des monuments historiques. Ils déplorent que, par manque de personnel sans doute, ces stages soient devenus rares. Il en est de même pour les temps de réponse du LRMH lorsque celui-ci est sollicité pour un conseil. Au sein de leur entreprise, les maîtres-verriers identifient clairement les postes stratégiques : le rôle du coupeur dont l'habileté permet de faire des économies de matière, la nécessité d'avoir un bon peintre, l'importance des savoir-faire de chantier pour la pose ... Estimant que les flux au niveau CAP sont plus que

particulières qui permettent d'effectuer un bon diagnostic et de conduire l'activité de restauration : historiques, esthétiques, scientifiques ou techniques. Ces compétences sont, sauf exception, le domaine privilégié du patron car les effectifs des ateliers ont fortement diminué avec les années.

Bien que généralement ouverts à la formation de leur personnel (l'un s'est fait accompagné de tous ses salariés au colloque organisé par l'ICOMOS), et parfois très impliqués dans le suivi des techniques de restauration, plusieurs maîtres verriers ont exprimé leur scepticisme quant à l'emploi de diplômés de la MST conservation des biens culturels. En tant que responsable d'entreprise, ils hésiteraient à leur confier des opérations de diagnostic car cela reviendrait à mettre l'entreprise en leur main. Si ces diplômés représentent une nouvelle génération de maîtres-verriers restaurateurs, ils doutent qu'ils aient des approches réellement différentes de celles qu'eux-mêmes mettent en oeuvre aujourd'hui. Il en est parfois de même pour les diplômés de DMA auxquels ils reprochent leur prétention à la création de vitraux.

4.2. Les diplômes

Depuis le niveau V jusqu'au niveau III, les diplômes relatif au vitrail forment apparemment une filière complète. Jusqu'en 1983, il existait deux options au CAP de vitrailliste : la première couvrait les activités plus techniques et la seconde les aspects plus artistiques d'une activité qui ne faisait pas référence à l’activité de restauration. En 1983 ces deux diplômes sont supprimés et remplacés par un CAP arts et techniques du verre qui comporte cinq options dont celle de vitrailliste au sein de laquelle on retrouve les deux dimensions de l'ancien CAP. C'est à cette date seulement qu'apparaît la notion de restauration dans le référentiel du diplôme.

« Le vitrailliste est un professionnel qualifié. Il doit, au sein d'un atelier, pouvoir exécuter divers travaux de réalisation et de restauration de vitraux. »

Le référentiel des activités professionnels de ce diplôme fait effectivement référence à quelques travaux spécifiques à la restauration : réaliser des frottis référencés nécessaires aux restaurations, ainsi que des calibres correspondant à des remplacements simples de pièces de verre ; dépiquer et repiquer un verre ; déposer des panneaux ; dessertir les verres de leurs plombs et les rassembler sur les frottis. Toutefois, constatant l’absence de réels programmes de formation aux techniques de conservation restauration, les professionnels du vitrail ont créé à la rentrée 2OOO, au CIFAM de Nantes, une formation complémentaire qui pallie cette carence dans l’attente d’une révision des diplômes. Cette formation veut sensibiliser et éduquer aux méthodes d’interventions sur le patrimoine, ainsi que sur la pratique élémentaire des techniques de conservation restauration du vitrail. Outre l’apport de notions permettant d’identifier les édifices, les verrières, le vitrail, la formation initie aux modes opératoires spécifiques à l’activité de restauration :

- au niveau du vitrail lui-même : dépose et manipulation

diagnostic (lecture et application)

conservation et restauration selon préconisation traçabilité des interventions

- comme de ses éléments connexes, remplages et protections diverses ; - sans oublier naturellement les délicates opérations de pose.

Stable depuis le milieu des années 1990, le flux en année terminale de formation est de l'ordre d'une trentaine dont les 2/3 sont formés par l'apprentissage.

Diplôme de niveau IV, le brevet des métiers d’art (BMA) arts et techniques du verre comporte également cinq dominantes dont une correspond au domaine du vitrail. Le flux en année terminale

de formation est proche de la cinquantaine. Si, comme pour le CAP, la finalité de restauration est mentionnée, le contenu du référentiel dit peu de choses de cette activité. En revanche le diplôme prépare à des emplois qui se situent à la charnière entre la conception et la réalisation. D'ailleurs il est fréquemment fait référence à des activités qui relèvent de l'animation d'équipe, du petit encadrement. Quelques exemples des savoir-faire mentionnés dans le référentiel des activités professionnelles :

C.1.1 : Décoder et analyser un dossier de réalisation C.2.1 : Etablir un processus de réalisation

C.2.2 : ... prévoir la main d’œuvre et les matériels à utiliser

C.2.3 : Evaluer les coûts de matières d’œuvre et les données quantifiables C.2.4 : Proposer des solutions

C.2.5 : Etablir le calendrier prévisionnel de réalisation C.3.2 : Organiser et installer les postes de travail C.3.5 : Conduire les opérations de réalisation C.3.8 : Contrôler et assurer la qualité

C.3.9 : Comparer aux prévisions les données quantifiables (et éventuellement proposer des améliorations)

C.4.3 : Dialoguer avec les exécutants

C.4.4 : Participer et/ou animer un groupe de travail

De niveau III, le diplôme des métiers des arts du décor architectural comporte une option intitulée : traitement plastique de la transparence. Le flux des formés est très faible : une demi-douzaine actuellement. Tout comme les autres options de ce diplôme, l'objectif est de former des concepteurs-réalisateurs :

« Les formations conduisant au DMA ... ont pour but de former des concepteurs - réalisateurs dans le secteur des arts appliqués, à même de créer et de gérer une activité de travailleur indépendant ou de s'intégrer à une équipe de réalisation. »

Si la description des capacités de ce professionnel fait tout de même mention de sa "participation à des opérations de restauration", le profil de ce diplômé est tout de même bien celui d'un créateur :

« (Il) doit être capable de :

- collecter, analyser, prendre en compte toutes les contraintes en vue de concevoir et réaliser ses propres projets,

- adapter et matérialiser une idée proposée par un créateur non formé aux techniques envisagées ou collaborer comme concepteur - réalisateur auprès d'un créateur non spécialiste de la technique, - améliorer, repenser, découvrir des techniques de réalisation ; les adapter aux expressions contemporaines, participer à des opérations de restauration, de reconstitution, de préservation, - promouvoir ses réalisations. »

Si les qualités de créateur peuvent être sollicitées à l'occasion d'une restauration, cela reste une activité exceptionnelle et qui est confiée à des professionnels de haut niveau. Aussi, on comprendra bien l'observation que faisait tel maître-verrier de l'existence d'un grand décalage entre ce profil de diplômés et les besoins en personnel de son entreprise. C'est du reste peut-être le constat de ce décalage qui a conduit le ministère de la culture et de la communication à s'intéresser à la MST conservation des biens culturels, diplôme de niveau II où cette spécialité ne fait pas partie des cibles privilégiés mais où des étudiants désireux de s’orienter vers le vitrail pourraient être accueillis.

Diplômes Date de création Date d'abrogation

CAP vitrailliste option coupeur, sertisseur, poseur,

cuiseur, mastiqueur et emballeur en vitraux 1965 1983 CAP vitrailliste option peintre de trait sur vitraux 1965 1983 CAP arts et technique du verre option vitrailliste 1983 1994 CAP arts et technique du verre option vitrailliste 1994

BMA arts et technique du verre 1993

DMA Décor architectural option A : Domaine

Du traitement plastique de la transparence 1987

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