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Actions de formation : techniques anciennes ou consolidation des bois

2. LA RESTAURATION EN MENUISERIE

2.3.2. Actions de formation : techniques anciennes ou consolidation des bois

Le repérage partiel des organismes de formation intervenant dans ce domaine a révélé l’existence de deux orientations qui pouvaient être données à l’offre de formation : l’une plutôt orientée vers la réappropriation voire la redécouverte des technologies et des techniques traditionnelles, l’autre faisant une large place aux démarches de conservation et aux techniques de consolidation y compris en recourrant aux nouveaux produits et nouvelles technologies. Ces deux approches, que certains menuisiers ont tendance parfois à opposer nous paraissent cependant complémentaires.

- Le compagnonnage

La fédération compagnonnique des métiers du bâtiment dispense des formations en menuiserie du bâtiment et d'agencement dans une quinzaine de départements. Cette fédération a créé un Institut Européen de Formation des Compagnons du Tour de France, situé à Mouchard dans le Jura, lequel est un lycée professionnel proposant des démarches de formation innovante sanctionnées par les diplômes de menuiserie de l'Education Nationale

L'association ouvrière des compagnons du devoir forme un nombre important d’apprentis parmi lesquels près de 200 s’engagent dans le « tour de France ». Ce perfectionnement qui peut durer de trois à cinq années est ponctuée de la présentation à certains diplômes (brevet professionnel, brevet de maîtrise), même si la certification n’est pas vraiment considéré comme l’objectif premier chez les compagnons qui ont leurs propres jalons de progression dans la formation.

« Pour donner un cadre à notre formation, afin de mieux l'évaluer et la faire valoir, un système d'unités de valeur a été mis en place depuis quelques années. Douze unités de valeurs, découpées en

partielles, permettent de se mesurer 4 à 5 fois l'an dans les domaines liés à la profession et à la culture du métier ... Il existe trois sortes d'unités de valeurs :

- celles correspondant aux bases du métier ...

- celles plus spécifiques que l'on passe suite à un stage ou une formation spécifique "à chaud" ...

- celles plus culturelles, qui ne valident que des notions dans les domaines parallèles au métier, néanmoins important pour un menuisier : sculpture, histoire de l'art, etc. »

Enfin, il existe une modalité spécifique de perfectionnement dans le cadre de la fondation de Coubertin

« ... En fin de formation, chez les compagnons du devoir le jeune compagnon menuisier peut ...

obtenir une bourse et ainsi aller passer une année à la fondation de Coubertin ... Là durant les six premiers mois ... il participe à la réalisation d'ouvrages exceptionnels ... Les six autres mois sont consacrés au perfectionnement de ses connaissances théoriques (descriptive, perspective) et culturelles (histoire de l'art). »

- Ecole d'Avignon, centre de formation à la réhabilitation du patrimoine architectural L'Ecole d'Avignon propose deux types de stage orientés vers la menuiserie :

1/ Une formation plutôt orientée vers un public d'architectes et maîtres d'ouvrage, intitulé

"Portes et fenêtres anciennes : conservation, réparation, réfection".

« Dans les chantiers de réhabilitation du bâti ancien, les menuiseries, portes et fenêtres, sont trop fréquemment remplacées par automatisme. »

« L'objectif de ce stage est d'examiner l'ensemble des critères techniques, financiers, architecturaux et de performance qui conduisent au projet de travaux. Ce stage accorde une large place à l'observation des menuiseries anciennes afin d'en dégager les qualités architecturales :

- l'évolution des baies et menuiseries à travers l'histoire,

- rôle de la menuiserie dans la composition architecturale et perturbations, - clés d'identification. »

« Dans un second temps, et à partir d'une méthodologie d'observation et de diagnostic, l'analyse doit conduire à différents niveaux d'intervention :

- conservation de l'ouvrage en place et entretien, - réparation, amélioration techniques,

- réfection, étude du modèle de remplacement. »

2/ Une formation orientée vers l'utilisation des techniques de conservation à l'intention des professionnels : la consolidation des bois

« L'objectif de ce stage, spécialement étudié à destination des menuisiers, ébénistes, est d'inventorier les connaissances et les méthodes nécessaires à l'intervention de conservation, restauration d'ouvrages en bois, dont les exigences spécifiques se distinguent de pratiques telles que l'entretien et la réparation. »

« Durant ce stage, les participants pourront ainsi assimiler et mettre en oeuvre les méthodes de consolidation des bois par injection de résines, afin de limiter l'ampleur des remplacements nécessaires lors de la restauration de portes extérieures :

- Rappel méthodes d'intervention, - Pathologie du bois,

- Désordres pouvant conduire à sa consolidation, - Méthode de mise en oeuvre des résines. »

A partir d'un exercice pratique : diagnostic d'intervention, mise en oeuvre.

- Un maître artisan de Loire -Atlantique, formateur indépendant

Auteur de l'ouvrage précédemment mentionné, Jean-Louis ROGER 39 parcourt la France pour animer des stages de formation tant pour les artisans menuisiers souhaitant développer leur activité dans le domaine du patrimoine qu'auprès d'entreprises ayant déjà la qualification "restauration des menuiseries des monuments historiques".

Parmi les stages couramment réalisés, nous évoquerons celui intitulé "les menuiseries à l'ancienne"

qui se compose de cinq modules représentant près de 100 heures dont une trentaine d'heures de pratique :

A. Histoire et évolution de la menuiserie : du 15ème au 19ème siècle

B. Les menuiseries du 16ème et 17ème siècle : identification des menuiseries en fonction du bâti.

Méthode de restauration ou de reproduction à l'identique, chiffrage, devis

C. Les menuiseries du 18ème et 19ème siècle : identification des menuiseries, méthode de restauration ou de reproduction à l'identique, chiffrage, devis

D. Préservation, conservation et mise en teinte des bois, visite de sites.

E. Réalisation d'une reproduction d'une porte ou d'une fenêtre ancienne.

2.4. Conclusion et pistes de travail

Un certain recentrage des diplômes de menuiserie sur le matériau bois

Que ce soit du côte de l'Education Nationale ou du ministère du travail, les diplômes de menuiserie se sont largement ouverts à l'utilisation d'autres matériaux, l'aluminium et le PVC pour les menuiseries extérieurs, les plaques de plâtre pour les menuiseries et l'aménagement intérieur. Puis, la création de diplômes spécifiques aux matériaux Alu et PVC a été l'occasion d'un recentrage des diplômes de menuiserie sur le bois et les matériaux associés.

L’hégémonie de la "productique industrielle" dans les contenus des diplômes de fabrication

Les formations doivent bien sûr accompagner les changements dans le procès de production mais l'orientation résolument "productique" des référentiels de diplôme visant la fabrication des menuiseries, prive les artisans mais aussi les entreprises plus grandes engagées dans la restauration ou la fabrication de menuiseries "traditionnelles", des compétences dont elles ont besoin. Cette activité ne concerne, sans doute, qu'un nombre d'entreprises limité dont il est difficile d’opérer le décompte en raison de l’absence de procédures de repérage 40. Ces entreprises mobilisent les

39 Jean-Louis Roger : "châssis de fenêtres aux 15ème, 16ème et 17ème siècle" ed. Vial

40 On peut simplement observer que 14 entreprises ayant la qualification 4393 (environ 500 salariés), 8 entreprises

faire traditionnels de la menuiserie, accordent une grande importance à la qualité et aux caractéristiques du matériau bois, s'appuient sur une connaissance précise des technologies utilisées tout au long de l'évolution des menuiseries. Parmi celles que nous avons rencontrées, beaucoup nous ont semblé avoir redécouvert des dimensions oubliées du métier après des années de crise où elles ont tentées de faire face par les prix à la concurrence de l'industrie et des autres matériaux.

L'orientation "industrielle" donnée aux diplômes de tout niveau s’est appuyée sur la conviction que plus rien ne distinguerait aujourd'hui les techniques utilisées dans la fabrication artisanale et dans l'industrie. Le dynamisme que nous avons rencontré chez les "menuisiers du patrimoine" pourrait apporter un démenti à condition qu’ils puissent trouver la main d’œuvre formée dans la tradition du métier dont ils ont besoin. Il n'est pas exclu que l'on revienne un jour sur des pratiques de substitution systématique des menuiseries traditionnelles par des fabrications industrielles de qualité inférieure ou utilisant des matériaux inertes. Enfin il se peut que les changements intervenus dans l'offre de certification accentue la démobilisation voire la désaffection des jeunes pour des formations qui offrent trop peu de perspectives d’accomplissement personnel. En recherchant la stricte adaptation aux profils d'emploi les plus courants, on se prive sans doute des moyens de développer des "qualités" professionnelles (par définition transférables). L'avenir permettra peut-être de dire si l’option qui a été prise de rompre avec l'image traditionnelle du menuisier a du même coup supprimé ce qui attirait précisément les jeunes dans le métier.

- Une dissociation des diplômes entre fabrication et pose

L'évolution récente des diplômes de niveau V des deux ministères crée une partition entre les formations à la fabrication et celles orientées vers la pose. Cela ne reflète pas forcément l'organisation du travail dans les entreprises de menuiseries, en particulier chez celles qui se portent sur le marché du patrimoine où l'installation et la pose mobilisent les mêmes connaissances. Elle correspond en revanche à une dissociation aujourd'hui très nette entre les entreprises qui n'assurent que la pose de leurs propres produits et celles qui tendent à abandonner l'activité de fabrication.

Cette évolution des diplômes semble avoir été dictée par une situation de fait. Dans certains cas, la préparation au CAP menuiserie agencement, assurée pour les 3/4 par l'apprentissage, ne pouvait plus être assurée dans des conditions permettant de se présenter avec succès à l’examen. La mise en conformité des diplômes avec les emplois existants a un peu l’aspect d’un nivellement par le bas.

S’y ajoutent de possibles difficultés du point de vue de l'orientation des jeunes dans la mesure où il existe peu de moyens pour identifier l’activité réelle des entreprises ou juger des perspectives offertes aux apprentis. En effet, si contrairement aux titres du ministère de l'emploi, on affirme qu'un passage de l'un à l'autre des CAP de fabrication ou de pose est prévu moyennant une année de formation supplémentaire, les entreprises rencontrées estiment que cela n'est guère possible. Outre qu'il appartient aux familles d'identifier le maître d'apprentissage ayant l'activité la mieux appropriée au diplôme préparé, cette réforme pourrait avoir pour conséquence d’allonger sensiblement la durée de préparation au CAP de menuisier fabricant.

- La menuiserie traditionnelle en quête de formations adaptées

En 1999, un groupe de travail 41 réuni à l’initiative de la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture dénonçait déjà les carences de l’offre de formation :

« Les diplômes du personnel d'exécution sont plus adaptés au travail de découpage et assemblage de bois neufs qu'aux travaux de restauration des menuiseries anciennes ... La situation actuelle pourrait être améliorée par la création d'un centre de formation adapté aux techniques de

(environ 350 salariés). Il faut ajouter à coup sûr plus d’une centaine d'entreprises de taille artisanale intervenant sur le marché du patrimoine.

41 rapport intitulé "étude du marché de menuiserie en restauration et entretien des monuments historiques"

restauration et une plus large information sur les ressources existantes en matière de perfectionnement. »

La situation ne s'est pas améliorée, au contraire. L'orientation "productique" des diplômes de fabrication et la partition entre diplômes de fabrication et de pose, semblent couper la menuiserie traditionnelle de ses bases dans l'appareil de formation, d'autant que l'approche "productique"

caractérise les diplômes de tous niveaux. Quelques menuisiers réfléchissent actuellement à la création d'une mention complémentaire qu'il souhaiterait voire créer par l'Education nationale. C'est une initiative qui mérite d’être soutenue même si cette solution nous semble insuffisante et incertaine : on sait toutes les difficultés qu’il y a à assurer l'approvisionnement de ces mentions complémentaires. Il faut réfléchir à la possibilité d’inscrire ces formations dans une filière plus complète, pourquoi pas en recherchant les points communs avec les autres métiers du bois, charpentiers ou ébénistes. On remarquera d’ailleurs que l'ébénisterie dispose à elle seule d'une filière complète de formation couvrant les niveaux de diplôme V, IV et III, même si ces diplômes relèvent de commissions professionnelles consultatives ou même de ministères différents selon qu'il s'agit d'un CAP, d'un BP, d'un BMA, d'un BTM ou d'un BTMS. Il nous semble judicieux de s’interroger sur les raisons qui expliquent la préservation d'une telle filière complète de formation, et de remarquer le poids que représente l'enseignement en établissement par rapport à la formation en apprentissage n’est peut-être pas totalement étranger à cette situation 42.

L'examen des contenus de quelques référentiels de ce domaine montre que certains enseignements seraient utiles au secteur qui nous intéresse. Peut-il entrer dans la vocation de la 13ème CPC qui dispose déjà d'un brevet des métiers d'art d'ébéniste d'accueillir plus largement les professions du travail du bois en faisant une place à la fabrication et la réparation de menuiseries traditionnelles ? Le secrétariat au commerce et à l'artisanat pourrait-il créé un titre comme il l'a fait pour l'ébénisterie (brevet de technicien de métiers et brevet de technicien des métiers supérieur) ?

42 la préparation au CAP ébéniste par l'apprentissage ne représente que 31 % des effectifs en année terminale de

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