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Des formations, supports à de nouvelles certifications ?

1. LA RESTAURATION EN MAÇONNERIE

1.3. La diffusion des connaissances

1.3.2. Des formations, supports à de nouvelles certifications ?

Au delà de la production de documents d'information ou de vulgarisation qui ont eu un rôle important de promotion de l’activité de restauration, des stages de formation ont été organisés et animés dans des cadres divers. Notre objectif n'est pas de rendre compte ici de toutes ces actions.

Nous en avons retenus trois qui sont illustratives d'approches différentes.

1.3.2.1. L'expérimentation d'un référentiel de « maçon en réhabilitation »

Au début des années 1990, un groupe de travail réuni sous l’égide de la FFB – Union Nationale de la Maçonnerie, a élaboré un référentiel d’activités professionnelles du « maçon en réhabilitation ».

A la suite d’un appel à candidature, plusieurs organismes de formation ont été retenus pour expérimenter ce référentiel, et notamment l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir en Pays de Loire, et l’Ecole d’Avignon dans le sud de la France. Ces deux expérimentations ont permis de peaufiner le programme de formation. Notre enquête n’a pas permis de recueillir tous les éléments relatifs à ces expérimentations (bilan de la formation, documents pédagogiques). L’Ecole d’Avignon nous a cependant transmis un référentiel des activités professionnelles daté de mai 1993, lequel précise bien, sur un modèle inspiré des référentiels de diplôme de l’Education Nationale, le profil professionnel visé. Au début des années 1990, la profession dispose donc d’un référentiel testé et aménagé et d’expérimentations de mise en œuvre de formations prenant appui sur ce référentiel. Pourtant aucune démarche d’homologation de titre et aucune demande de création de diplôme ne semble avoir suivi 22.

22 On observera qu’une situation similaire existe à propos d’un référentiel de « chef de chantier bâti ancien » élaboré par un groupe de formateurs il y a de cela quelques années qui a donné lieu à au moins deux expérimentations réalisées

Extrait du référentiel, partie concernant la fonction de « mise en œuvre »

C3 Réaliser

C3.10 Sceller tous types d’ouvrage

1. Refouiller le support de maçonnerie quelle que soit sa nature 2. Poser et caler l’ouvrage à sceller

3. Sceller l’ouvrage : déterminer le liant et son dosage, mettre en œuvre le scellement C3.11 Traiter un parement d’enduit :

1. Ragréer un enduit ancien

2. Réaliser un enduit de chaux naturelle

3. Confectionner les éléments de modénature et de détail.

C3.12 Appliquer un badigeon de chaux naturelle

1. Formuler un badigeon de chaux naturelles dans une technique à sec ou à fresque.

2. Mettre en œuvre C3.13 Réparer un plancher

1. Remplacer partiellement et conforter des planchers

2. Ouvrir une trémie dans un plancher quelle que soit sa composition 3. Renforcer un plancher existant

C3.14 Construire un plancher dans un bâtiment existant C3.15 Construire un escalier

1. Construire un escalier en voûte sarrasine (droit, quartier tournant, fer à cheval) 2. Construire un escalier en béton armé (droit, quartier tournant, fer à cheval) 3. Poser un escalier en pierres de taille

4. Réparer un escalier composite (bois, maçonnerie) C3.16 Poser un sol traditionnel

1. Poser des sols traditionnels épais ou semi-épais (pavés, dallage pierre, dallage terre cuite) 2. Poser du carrelage mince ou faïence en raccord.

1.3.2.2. Une démarche originale de reconnaissance des compétences et ses effets sur la formation

L'étude des référentiels de diplôme ne peut pas manquer de susciter des doutes quant à leur capacité à exprimer toutes les dimensions de la qualification professionnelle. L'enquête en régions a permis de découvrir une expérimentation menée à partir de 1996 par la fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB) de Nantes. Celle-ci a débouché sur la mise au point d'épreuves originales de reconnaissances des compétences relatives aux qualifications des ouvriers qualifiés du BTP. L’intérêt des entreprises pour les chantiers - école, l’expérience acquise dans la mise en œuvre de formation en alternance, ont conduit la FCMB à concevoir des épreuves qui s'appuient sur "une mise en scène en grandeur réelle d'un contexte simulé de travail" :

« Un jury composé de professionnels est chargé d'analyser, à la fois, les travaux produits sur le plan technique, les savoir-faire mobilisés par les candidats, mais aussi leur dynamique personnelle, leur intégration au collectif, leur autonomie en situation de production. »

Ces épreuves ont été créées à la demande des entreprises, lesquelles critiquaient les CAP, jugés inaptes à sanctionner les compétences attendues des employeurs :

« Le diplôme ne dit pas assez sur les capacités du candidat à occuper efficacement son poste de travail. Il ne renseigne pas sur son degré d'autonomie ni sur ses capacités d'adaptation aux situations inédites. »

Il nous a semblé que le travail engagé répondait à des observations formulées, lors de notre enquête, par certains chefs d'entreprise qui estimaient que les enseignants apprenaient aux jeunes des choses

qu’il pouvait rapidement acquérir en situation de travail et ne se souciaient pas du « reste » qui est le plus difficile à acquérir. La démarche n'est pas aisée et la FCMB de Nantes le reconnaît :

« L'observation des compétences en action, contextualisées, se révèle d'une grande complexité ...

l'observation des attitudes au poste de travail, de l'autonomie, se révèle plus aléatoire autant du fait de la nature de l'objet que du contexte et de l'intention des observateurs. La compétence ne se donne pas à voir facilement malgré les artifices mis en oeuvre pour la débusquer. »

Les progrès que cette réflexion sur l’évaluation a engendré dans le travail pédagogique des formateurs, montre l’existence d’un lien étroit entre la clarification des visées et procédures d'évaluation et la qualité de la formation. Une telle relation interroge sur la procédure actuelle d’ingénierie des diplômes : les « pédagogues » interviennent-ils suffisamment dans la procédure d’élaboration des référentiels et notamment des référentiels de certification ? N’y a t-il pas un risque à ce que ces référentiels, pris comme unique référent d’un cahier des charges de la formation professionnelle, stérilisent l’activité pédagogique ?

L'expérimentation dont il est question ici apporte des éclaircissements sur la notion de « capacités génériques", son intérêt dans l’exercice d’une activité professionnelle, la possibilité d’en favoriser l’acquisition en confrontant les jeunes à des situations de formation et de travail aménagées, et la possibilité de les évaluer. Le rôle éminent de ces « capacités génériques » est habituellement plus perceptible dans les activités qui relèvent du bâtiment :

« De nombreuses études conduites dans les industries du bâtiment montrent comment les multiples ruptures temporelles obligent les hommes de chantier à corriger ou transformer en permanence les processus opératoires prévus afin d'éviter les retards et assurer la continuité de la production. Le chantier se caractérise par la forte interdépendance des opérateurs, il ne s'agit pas seulement comme le souligne Yves Schwartz de travailler avec les autres mais "en fonction des autres". »

« C'est une logique d'expérience commune propre aux ouvriers de chantier ... La variabilité des procédures de construction entraîne de fréquents décalages nécessitant des chevauchements d'opérations. Les capacités d'anticipation deviennent dès lors des qualités majeures pour s'adapter aux rythmes de chantier. »

L’intérêt de l’expérimentation réalisée par la FCMB porte sur les points suivants : - Définition et établissement d’une typologie des compétences génériques ;

- Conception d’épreuves permettant d’apprécier le niveau atteint dans la maîtrise de ces capacités ; - Mise en évidence de l’impact en retour sur le travail pédagogique.

L’évaluation qui a été faite de cette expérimentation tire quelques principes de base pour l’élaboration d'une épreuve de reconnaissance des compétences 23 . Ces principes qui nous semblent validés par des travaux de recherche sur la qualification professionnelle (Cf Roger Cornu sur la notion de métis) pourraient servir de guide dans un travail visant l’amélioration des référentiels de certification :

1. Etre au plus près de l'activité réelle avec ce qu'elle peut contenir d'imprécision, d'imprévisible et de complexité, permettant d'observer des modes de réponse à l'inédit, à l'imprévu.

2. La mise en situation doit intégrer la réalisation de tâches courantes mais complexes faisant appel à des modes opératoires élaborés.

23 Pour une description précise d'une épreuve relative à la construction à l'identique d'un mur de type 17ème siècle en pierre de moellons et son ouverture en pierre taillée en utilisant les techniques traditionnelles, on se reportera à la

3. Il peut y avoir absence de consignes pour laisser au candidat une marge de choix dans l'organisation des travaux ou des modes opératoires et la liberté dans la construction de ses stratégies.

4. L'épreuve doit créer des occasions de coopération, de mise en oeuvre communautaire, de façon à mettre en évidence les capacités à s'intégrer au collectif.

5. Le candidat devra préalablement décrire les phases opératoires de son travail et on lui demandera ensuite d'effectuer un retour réflexif sur son action (y compris mesure d'écart entre prévision et résultat).

1.3.2.3. Tiez-Breiz - Maisons et Paysages de Bretagne : la transmission des techniques anciennes

Certaines associations de sauvegarde du patrimoine agissent comme de véritables conservatoires des techniques. Leur action est d'autant plus précieuse qu'elle vise des techniques que nous appelons anciennes plutôt que traditionnelles parce qu'elles sont menacées de tomber dans l'oubli. Leur démarche vis à vis du patrimoine nous semble plus proche de celle de l'archéologue que de l'architecte. Faute d'avoir eu le temps nécessaire à une investigation plus approfondie de leur fonctionnement et de leurs activités, nous nous limitons ici à présenter les modules de formation que dispense l’une de ces associations implantée à Rennes. D’autres associations de sauvegarde du patrimoine ont développé une importante offre de formation et il y a dans ces programmes mais aussi au niveau des équipes qui les animent, bien des ressources sur lesquelles il est possible de s’appuyer pour développer des formations diplômantes.

L'esprit d'une restauration. Connaissance de l'habitat - 2 jours

L'observation attentive et méthodique d'un bâtiment permet de comprendre son histoire, son évolution et sa logique constructive. Cette analyse est un préalable indispensable pour faire les choix judicieux en restaurant dans le respect de l'authenticité.

Utilisation des chaux naturelles avec le chanvre - 2 jours

Pour permettre une utilisation du bâti ancien, aux exigences du confort actuel, des adaptations sont quasi incontournables. Le mélange chaux-chanvre peut être une réponse pour conserver les intérêts de ce bâti tout en augmentant les performances.

Objectifs : découvrir une nouvelle façon d'aborder l'isolation avec des techniques très anciennes, réadaptées aux besoins contemporains ; faire le point sur les différentes émergences.

Construction d'un mur en terre - 2 jours

Le bâti terre est encore important en Bretagne, même si souvent les moins avertis ne savent pas l'identifier sous des rénovations "non respectueuses". Une meilleure connaissance permettrait certainement une retransmission d'un patrimoine qui est en plein renouveau dans de nombreux pays.

Objectifs : identifier les différentes techniques de construction en terre, pouvoir entretenir ou reconstruire un mur de bauge (technique utilisée en Bretagne) tel que nos anciens le faisaient.

Enduits de terre - 2 jours

Si aujourd'hui les plaques de plâtre semblent devenir une solution incontournable pour une rénovation, la majorité des vieilles demeures ont été revêtues à l'origine d'enduits de terre. Ces enduits, hormis leur esthétique, ne manquent pas d'intérêt pour le confort de l'habitation : intérieur plus feutré, régulation de l'humidité, possibilité de recevoir différentes finitions.

Objectifs : déterminer les qualités de la terre pour confectionner les mortiers, mettre en oeuvre ces mortiers et les préparer pour recevoir les finitions souhaitées

Restauration de façade à pan de bois - 5 jours

Fonctions et désordres des éléments constitutifs d'un colombage. Patine et protection des bois après remise en état. Les remplissages et leurs finitions.

Mise en oeuvre de hourdis à quenouilles - 1 jour

Fréquents dans des constructions anciennes, ces planchers sont composés de "quenouilles" réalisées avec du foin imprégné de barbotine, enroulé sur les barreaux de châtaigner. Le mauvais état des toitures les a souvent dégradés. La connaissance de ce savoir-faire est indispensable pour les réparer. La reprise d'une partie d'ouvrage à l'identique est souvent plus judicieuse que des solutions plus modernes. Il offre des avantages souvent inégalés par les solutions contemporaines.

Objectifs : identifier et réaliser des quenouilles, les mettre en oeuvre, effectuer une finition de plafond.

Limousinerie, murs de moellons maçonnés à l'ancienne - 3 jours

Dans la technique ancienne de construction, le mortier utilisé dit "mortier de faible résistance" ne peut apporter aucune résistance mécanique, si ce n'est améliorer une descente de charge. Aussi cela implique une réflexion tout autre sur la disposition des pierres et donc un aspect final qui n'aura rien de commun avec l'aspect des maçonneries contemporaines. Cet aspect est amplifié par le fait qu'aujourd'hui, la pierre est utilisée essentiellement à titre décoratif alors qu'initialement, c'était le matériau de base pour la construction, l'aspect final n'étant que le résultat d'un savoir faire.

Objectifs : mettre en évidence les caractéristiques des maçonneries anciennes, définir les fonctions d'un tel mur, en reproduire la logique constructive.

Création d'une ouverture - 2 jours

L'adaptation de bâtiments anciens à nos besoins d'aujourd'hui, nous amène fréquemment à faire des

"frangements" (percements) soit pour des aménagements nouveaux, soit pour faire entrer de la lumière. Cette tâche n'est pas anodine notamment quant à l'imperméabilité du reste de la façade, et l'équilibre du bâtiment.

Objectif : exécuter un frangement en prenant toutes les mesures nécessaires tant pour la sécurité des exécutants que pour la pérennité du bâtiment.

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