• Aucun résultat trouvé

Une notion d’immeuble plus large qu’en droit privé

§ 1er : Une conception extensive du caractère immobilier des travaux publics

B) Une notion d’immeuble plus large qu’en droit privé

85. La même origine historique et les liens nécessaires entre la définition des immeubles en droit public et en droit privé137 conduisent à une notion définie de la même manière dans les deux branches du droit. Si l’on se réfère au Code civil, sont qualifiés d’immeubles des biens qui le sont « ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel

plus concrètement par des obligations de publicité foncière Cf. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE,Les sûretés, La publicité foncière, Paris, Dalloz, coll. Précis, 2004, n° 706 p. 573

133 Opinion de MALLEVILLE face à TRONCHET dans la discussion du Code civil sur le régime légal qui devait être choisit en matière de mariage, cf. FENET Tome 13, p. 549 et s. ; P. MARTY et G. RAYNAUD, op. cit. n° 312 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, op. cit, Tome 1 n° 178 et 179 ; F. ZÉNATI, op. cit.

n° 65 et 66 p. 78. Les principales critiques ont porté d’une part sur l’absence de prise en compte de la fortune mobilière, alors même que cette dernière était naissante au début du XIXe siècle, et d’autre part sur le fait que le Code civil n’avait pas repris le tempérament du droit romain pour les biens mobiliers de grande valeur (comme il ne sera pas non plus repris en droit administratif, cf. infra).

134 On peut penser au régime de l’expropriation ou au débat sur l’existence d’un domaine public mobilier, R. CHAPUS, Droit administratif général, Paris, Montchrestien coll. Domat droit public, Tome 2, 15e ed.

p. 695, n° 853 et p. 393, n° 463 ; et J.-M. AUBY et P. BON, Droit administratif des biens, p. 295 n° 289 et p. 13 n° 16.

135 Les biens incorporels sont les « biens ou valeurs qui échappent à toute appréhension matérielle », par exemple les créances, valeurs mobilières ou parts sociales. Cf. Vocabulaire juridique, Assoc. H. Capitant, G. CORNU

(dir.), Paris, PUF coll. Quadrige Dicos poche, 2004, 968 pp.

136 Cf. Encyclopédie Dalloz - Droit civil, fasc. Les Biens, n° 88.

137 On pense à des régimes juridiques qui combinent droit public et droit privé et pour lesquels une différence trop importante de définition poserait des problèmes insolubles (l’expropriation par exemple) ou à des mécanismes de droit privé fondés sur la notion d’immeuble et utilisés en droit public (la vente en l’état futur d’achèvement – VEFA – de l’article 1601-1 du Code civil par exemple).

ils s’appliquent. »138, trois possibilités dont la troisième ne porte que sur les biens incorporels, mais qui ne laisse pas pourtant d’être une définition très large, et cela du fait même de la loi. Pourtant, à y regarder de plus près, on constate que la définition des immeubles recouvre plus de réalités en droit public qu’en droit privé, tant dans la définition des immeubles par nature (1) que dans celle des immeubles par destination (2)139, Cela nous conduit à en conclure que si les travaux sont plus nombreux en droit public qu’en droit privé, ce n’est pas seulement dû au caractère attractif de la notion de travaux publics, mais aussi à la définition administrativiste des travaux eux-mêmes.

1) Une différence entre droit public et privé sur la définition des « Biens immobiliers par nature » du fait des « meubles par anticipation »

86. Les biens qui forment le « noyau dur » de la catégorie juridique des immeubles sont ceux que le Code civil n’a pu – assez maladroitement d’ailleurs – qualifier que d’immeubles « par nature ».

On peut tout d’abord constater qu’il n’y a pas plus de catégorie juridique définie abstraitement pour les immeubles de droit privé que pour ceux de droit public. Le Code civil lui-même ne procède que par exemples successifs140, la qualification

« d’immeuble par nature » qu’il utilise étant un appel au bon sens et à l’intuition du juriste qui doit extrapoler les exemples fournis par le texte. La recherche d’une définition générale de l’immeuble par nature ne peut se faire qu’a contrario à partir de l’article 528 du Code civil141. On peut alors discerner un autre critère, un critère physique que la doctrine utilise aujourd’hui lorsqu’il s’agit de définir l’immeuble par nature.

87. En droit privé comme en droit public, on utilise en effet le critère de

« l’incorporation au sol142 », bien qu’il soit très délicat. Deux précisions doivent

138 Article 517 du Code civil.

139 Certains biens échappent à cette distinction de l’article 517 C. Civ. du fait de lois spéciales. Il en était ainsi des actions de la Banque de France (Loi du 16 janvier 1808) et des rentes de l’État qui appartiennent aux communes, aux établissements publics ou d’utilité publique (Ord. Du 2 avril 1917, art. 6) qui peuvent être immobilisées ; ainsi que des indemnités de dommages de guerre qui ont le caractère des biens qu’ils indemnisent (Loi du 28 octobre 1946, art. 32 al. 4)

140 D. MAZEAUD et F. CHABAS, dans leurs Leçons de droit civil, Paris, Montchrestien, Tome 1, vol. 1, 8e ed.

1986, n° 188 disent que cela « s’explique par le souci de mettre fin à la diversité des solutions coutumières [d’Ancien Régime]». Si l’on peut comprendre cette volonté que les coutumes particulières ne dérogent pas à une règle générale, on ne voit pas bien en quoi cela empêche de poser cette règle générale en plus de donner des exemples non exhaustifs.

141 Il s’agit en effet d’une interprétation a contrario de l’article 528 c. civ. qui définit les meubles comme

« les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère, comme les choses inanimées ».

142 P. VIOLLET, Histoire du droit civil français, Paris, Librairie du recueil général des lois et des arrêts, 1893, p. 616 simplifie ce critère en écrivant « Certains bien sont susceptibles de déplacement, ce sont des meubles : d’autres ont reçu de la nature ou de la main de l’homme une assiette fixe ; ce sont les immeubles ». On retrouve alors exactement l’interprétation a contrario de l’article 552 c. civ. qui est en accord avec la définition étymologique des immeubles. Pourtant, comme le dit R. LIBCHABERT, repertoire civil V° Biens, mars 1997, cette distinction est « trop grossière pour être opératoire ».

immédiatement être apportées : sur ce que représente cette incorporation et sur la façon dont il convient de définir le sol lui-même.

Est donc bien immobilier le sol lui-même, mais aussi tout ce qui s’y trouve incorporé, c’est-à-dire lié fixement143. Ce critère fait entrer dans cette catégorie les arbres et autres plantes enracinées144 qui peut d’ailleurs faire l’objet de travaux publics145, toutes les constructions qui disposent de fondations146, mais aussi des constructions temporaires pour peu qu’elles soient liées au sol147, elles sont alors immeubles tout le temps qu’elles disposent de ce lien. On remarquera que la qualification d’immeuble est essentiellement temporelle148 et qu’elle ne tient pas à l’importance quantitative des travaux149.

88. Pour ce qui est du sol150, la situation est plus délicate. Par sol, on entend communément les terrains, fonds, champs, en terre ou en pierre qui constituent la surface du globe terrestre. Or il y a en notre matière une ambiguïté à ce sujet : ce sol est à la fois le

143 M. HAURIOU, Précis élémentaire de droit administratif, 5e ed. 1943, p. 410 : « Il s’agit d’un immeuble, […]

c’est un pont, une voie ferrée, un bâtiment, qui sont construits et deviennent l’accessoire du sol ; c’est une canalisation établie dans le sol, un arbre planté, une hausse scellée sur un barrage. »

144 L’article 520 c. civ. est très clair sur l’enracinement comme critère de distinction entre le meuble et l’immeuble puisqu’il dispose « Les récoltes pendantes par les racines, et les fruits des arbres non encore recueillis, sont pareillement immeubles. Dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont meubles. Si une partie seulement de la récolte est coupée, cette partie seule est meuble. ». Même sens pour l’article 521 c. civ. « les coupes ordinaires des bois taillis ou des futaies mises en coupe réglées ne deviennent meubles qu’au fur et à mesure que les arbres sont abattus. »

145 Ces immeubles naturels peuvent faire l’objet de travaux publics, il en est d’ailleurs ainsi de l’abattage d’arbres, cf. CE Sect. 12 juin 1936 Sieur Boyaval, rec. p. 640 ; CE 15 février 1939 Ville de Paris c/ Touquet, rec. p. 94 ou TC 10 novembre 1900 Préfet des Bouches-du-Rhône, rec. p. 607 ; ainsi que du reboisement comme c’est le cas dans le fameux arrêt CE 20 avril 1956 Ministre de l’agriculture c/ Consorts Grimouard, rec. p. 168 ; GAJA, 14e ed. n° 75 p. 486 ; Dalloz 1956, p. 429, concl. M. LONG, note P.L.J., RDP 1956, p. 1058, concl. M. LONG, note M. WALINE ; AJDA 1956. II, p. 221, chr. FOURNIER et G. BRAIBANT ; Rev. Adm. 1956 p. 496, note G. LIET-VEAUX.

146 Le Code civil dispose, art 518 « Les fonds de terre, les bâtiments sont immeubles par leur nature ».

147 En droit privé Cass. Com. 1er juin 1974, Dalloz 1974, inf. rap. p. 209 pour des baraquements qui ne font pas que reposer sur le sol ; et en droit public est aussi qualifié de travail public la construction, pour une exposition, de tentes-abris fixées au sol, cf. CE 30 juin 1893 Cauvin-Yvose c/ Dame veuve Mamet, rec. p. 548, Sirey 1895.3.54 ; Dalloz 1894.3.61 mais on refuse cette qualification si la fixation est limitée à de simples piquets CE 17 juin 1938 Dupuy, rec. p. 1231 ; Sirey 1939.3.6

148 Cf. note ci-dessus et CE 12 octobre 1956 Foucault, rec. p. 769 pour un arc de triomphe à l’origine d’un dommage de travaux public alors qu’il était très fragile et qu’il devait être détruit après la cérémonie.

149 Le fameux arrêt CE 11 mai 1959 Dauphin, rec. p. 294 ; Sirey 1959.117, concl. MAYRAS ; Dalloz 1959 p. 314, concl. MAYRAS ; JCP 1959.II.11269, note de LANVERSIN ; AJDA 1959.II.113, chr.

M. COMBARNOUS etJ.-M. GALABERT, AJDA 1959.II.228, note DUFAU qualifie de travail public le fait de poser une chaîne entre les deux bornes de l’entrée des Alyscamps à Arles ; alors qu’un navire, si gros soit il, est qualifié de meuble et ne peut donc faire l’objet de marchés de travaux publics, cf. CE 7 mai 1880 Ministre des travaux publics c/ Meikle, rec. p. 448 et CE 24 octobre 1986 Société Jan Kooren, Oude Hoofdoofdtlein, JCP 1988, 21011, note F. HERVOUËT. Cette qualification de meuble des bateaux se trouvait déjà dans un arrêté du directoire exécutif du 9 fructidor An 6 (26 août 1798) DUVERGIER, Tome 10 p. 334 dont l’article 4 donne 8 catégories de fournitures ne pouvant pas a contrario être des travaux, dont la septième est « la construction à faire et fournir des vaisseaux, frégates, flûtes, corvettes et autres bâtiments de guerre ou de transport destinés au service de la mer, des ports et des rades ; »

150 R. SAVATIER, Vers de nouveaux aspects de la conception et de la classification juridique des biens corporels, RTD civ. 1958 p. 1.

fondement de la définition des immeubles, puisque c’est en lui qu’ils s’incorporent, mais il est aussi en-soi un immeuble.

Comme fondement de la définition, on comprend que c’est le fait que l’objet soit en partie « entouré » de la matière du sol qui constitue cette incorporation. C’est parce que les fondations ou les racines sont sous le sol, entourées de terre, que les arbres ou les bâtiments sont des immeubles.

Pourtant, cette terre est aussi en elle-même un immeuble ; et en tant qu’immeuble elle peut être l’objet d’un travail public : creuser un trou, monter un talus, aplanir ou bien retirer un minerai d’une roche151. Ces exemples nous montrent à quel point la terre ou la pierre qui constituent le sol sont elles-mêmes incorporées à la terre ou à la pierre située plus profondément. On peut alors raisonnablement se demander si le « sol » peut être défini comme la terre ou la pierre à la surface du globe terrestre ou s’il ne faut pas en venir paradoxalement à une définition immatérielle de ce sol. Il s’agirait alors d’une portion de la surface du globe152 terrestre, mais surface au sens géométrique et non physique153.

La définition des meubles et immeubles par nature est jusqu’ici identique en droit privé et en droit public. On peut pourtant trouver au moins une différence qui a des incidences – même faibles – sur le droit des marchés publics.

89. Il est en effet étonnant de constater que la question, classique en droit privé154, des biens « meubles par anticipation » n’est abordée par aucun auteur en droit administratif. Qu’est-ce qu’un meuble par anticipation ? Il s’agit d’un immeuble dont on considère qu’une partie qui est vouée à en être détachée peut se voir appliquer le régime juridique des meubles avant ce détachement. Dans ces hypothèses, la volonté des parties est à l’origine de la qualification du bien comme meuble ou comme immeuble. L’exemple le plus connu de cette qualification concerne la vente de récoltes encore sur pied, dont on a vu qu’elles étaient des immeubles par nature mais que le droit privé peut recevoir comme vente mobilière – évitant ainsi la publicité foncière – si telle est la volonté des parties.

151 Il suffit pour s’en convaincre de s’en référer aux législations des 21 avril 1810, 9 septembre 1919 ou 13 août 1959 portant Code minier.

152 Cf. J. CARBONNIER Tome 3 les biens p. 97 n° 48 « La nature ineffable de l’immeuble est d’être une portion de territoire. »

153 C’est d’ailleurs l’idée qui ressort de l’article 552 c. civ. qui dispose que la propriété du dessus emporte celle du dessous et celle du dessus, voyant ainsi la propriété comme un volume qui aurait pour base le centre de la terre et qui passerait par les limites d’un bornage à la surface du globe. Bien entendu, cette propriété étant elle même limitée par les législations spéciales comme le Code minier ou les accords internationaux sur la propriété universelle de l’espace interstellaire. R. SAVATIER La propriété de l’Espace, Dalloz 1976, Chr. p. 103 ; J.-P. MARTY, La dissociation juridique de l’immeuble, contribution à l’étude du droit de superficie, LGDJ 1979 p. 24 à 32, n° 12 à 16. Il importe peu que la propriété de l’immeuble soit celle d’une personne publique ou privée, ou qu’elle soit aux deux partiellement, en surface ou en volume. Cela n’a pas d’influence sur la qualification d’immeuble, même si cela en a sur l’application de tel ou tel régime. Cf. J.-P. MARTYop. cit. ; Y. GAUDEMET, Superposition de la propriété privée et du domaine public, Dalloz, 1978, chr. p. 293 ; CJEG, octobre 1991, p. 298 ; M.J. AGLAÉ Division en volumes et propriété privée sur le domaine public, RDI 1993 p. 313. Voir aussi EDCE 1987 p. 13 Réflexions sur l’orientation du droit des propriétés publiques, sous la direction de M.-A. LATOURNERIE, spec. p. 16.

154 F. TERRÉ et Ph. SIMLER, op. cit. p. 29. Cette notion est issue de l’interprétation prétorienne des articles 520 et 521 du Code civil.

Appliquant cette idée à d’autres réalités, le bois issu d’arbres qui ne sont pas encore coupés155 ou les matériaux issus de carrières sans qu’ils aient encore été extraits156 ont été qualifiés de biens meubles par le droit privé. Si cette qualification était reçue en droit public, le travail qui consiste à couper ces arbres ou à creuser ces carrières ne serait pas un travail public en ce qu’il ne porte pas sur des immeubles mais sur des meubles.

Cette qualification, qui pose déjà des problèmes en droit privé au regard de l’opposabilité de la vente vis-à-vis des tiers157, se trouve contraire au caractère d’ordre public des procédures de passation des marchés publics.

C’est ainsi que la coupe d’arbre158 ou la vente de gravats après destruction d’un bâtiment159 sont considérées comme des marchés de travaux publics, comme constituant des travaux sur des immeubles ; et que l’utilisation de la théorie des « meubles par anticipation » serait vraisemblablement considérée par le juge administratif comme constituant un détournement de procédure, visant à échapper aux règles de passation du Code des marchés publics160.

90. Les immeubles par nature sont donc définis de façon fondamentalement identique dans les deux branches de notre droit. La principale différence vient d’une approche plus commerciale des biens immeubles en droit privé, approche qui est à l’origine de la notion de meuble par anticipation et qui vise à requalifier le bien pour les facilités que cela procure en terme de formes contractuelles. À l’inverse, cette opération est impossible en droit public en ce qu’elle est contraire à l’intérêt public, qui prend la forme de l’intérêt patrimonial de la personne publique partie au contrat. Cependant, les immeubles par nature ne sont pas les seuls en cause en matière de marchés publics et l’on peut envisager des contrats sur des immeubles par destination.

155 Cass. Civ. 7 décembre 1923, Dalloz 1924.1.14, Cass. Com. 21 décembre 1971, Bull. Civ. IV. n° 308, p. 290. Il faut remarquer que cette qualification de meuble s’applique même s’il s’agit de la coupe d’une forêt entière.

156 Cass. Civ. 1ère section civ. 12 janvier 1954, JCP 1954.II.8026, note E. BECQUÉ, Cass. Civ. 3e 30 mai 1969, Dalloz 1969 p. 561.

157 La preuve de la vente d’un meuble se fait par la possession, ce qui est impossible avec un meuble par anticipation, sous peine de le détacher et d’en faire effectivement un meuble. Le droit privé a donc accepté des possessions symboliques.

158 Ces coupes d’arbres pourront être des travaux publics dans le cas où elles seront effectuées dans des conditions permettant de remplir les autres critère des travaux publics, ce qui n’est par exemple pas toujours le cas de l’ONF.

159 Sirey 1876.2.27 p. adm. Chr. ; CE 13 février 1874 Dussausoy et autres c. Ville de Lille, & Dalloz 1874.3.93

160Rappelons que l’abatage d’arbre était déjà soumis à des procédures de passation avant le Code des marchés publics, pour preuve le décret du 16 décembre 1811 : décret contenant règlement sur la construction, la réparation et l’entretien des routes, 4, Bull. 418 n° 7644, DUVERGIER, Tome 18 Lois et décrets p. 80 « art.

103 : les travaux de l’élagage des arbres appartenant à l’État ou aux communes seront exécutés au rabais et par adjudication publique ».

2) Immeubles par destination, une différence dans la condition de propriété

91. Contrairement à l’incorporation, mécanisme dans lequel un meuble devient physiquement un immeuble, la qualification d’immeuble par destination est une fiction juridique qui laisse aux biens en cause une existence physique de meuble tout en leur appliquant le régime des biens immobiliers auxquels ils sont destinés161.

Pour qu’un meuble « physique » soit qualifié d’immeuble par destination, il faut, en droit privé, que son propriétaire soit aussi propriétaire de l’immeuble auquel le meuble sera affecté. L’ensemble des auteurs privatistes fait de cet élément de la définition une condition essentielle162. En droit administratif163, cette nécessité ne se retrouve pas, les travaux publics pouvant être effectués sur une propriété immobilière privée164. Il est par conséquent parfaitement possible qu’un immeuble par destination appartienne à un propriétaire différent de celui de l’immeuble auquel il est attaché.

92. Au-delà de cette différence à propos de la condition de propriété, deux critères sont requis en droit privé comme en droit public. Le premier est que le propriétaire — ou le maître de l’ouvrage en droit public — doit vouloir165 affecter le meuble à l’immeuble. Cette condition est souvent source de litige puisque l’immeuble par destination reste meuble et doit être l’objet d’un autre contrat s’il n’est pas compris dans le contrat de travaux public par les parties.

93. Le second critère est alternatif : soit le meuble doit « servir » l’immeuble, c’est-à-dire que son utilisation doit être nécessaire à l’utilisation du fond166, comme c’est le cas des meubles nécessaires à l’utilisation d’un ouvrage public ayant une activité économique167 ; soit le meuble doit y être « attaché à perpétuelle demeure », c’est-à-dire

161 M. G. GOUBEAUX, in La règle de l’accessoire en droit privé, thèse Nancy 1966, n° 264. p. 354 écrit que

« L’immobilisation par destination n’est qu’un moyen permettant à l’accessoire de suivre le sort du principal pour éviter d’en être séparé »

162 Cette opinion, constante en droit civil, est fondée textuellement sur l’article 524 al. 2 du Code civil

« sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fond ». cf. par exemple F. TERRÉ et P. SIMLER Les biens, 5e ed. Dalloz 1998. L’enjeu sous-jacent est qu’à défaut de propriété commune, les deux biens ne soient pas solidaires, et qu’ils ne

« sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fond ». cf. par exemple F. TERRÉ et P. SIMLER Les biens, 5e ed. Dalloz 1998. L’enjeu sous-jacent est qu’à défaut de propriété commune, les deux biens ne soient pas solidaires, et qu’ils ne

Outline

Documents relatifs