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L E DÉVELOPPEMENT DES PARTIES AUX MARCHÉS

Dans le document LES MARCHES PUBLIQUES A LA COMMANDE PUBLIQUE (Page 184-189)

293. Le droit administratif ne se limite plus à l’action des personnes publiques depuis de nombreuses années. La jurisprudence a tout d’abord permis aux personnes privées de prendre des actes unilatéraux dès la seconde guerre mondiale1, puis, une quinzaine d’années plus tard, elle a qualifié de « contrats administratifs » des actes contractuels passés entre personnes privées, notamment dans le cadre de mandats2. Les marchés publics eux-mêmes ont vu leur champ d’application organique s’élargir fortement, sous l’influence du droit interne d’abord, puis de manière exponentielle sous l’influence du droit communautaire. En réalité, si l’on a vu que l’extension du critère matériel a été continue sur le plan historique et que le droit communautaire n’en a été que parachèvement, on peut sans exagérer dire que la véritable révolution de la définition est organique et qu’elle vient des directives « marchés publics ».

294. Si le droit communautaire a profondément modifié la définition organique des marchés publics, le droit interne n’a pas voulu se soumettre à cette extension. Il a par conséquent organisé autour de ce même critère sa résistance – habile – à l’évolution imposée. Pour le droit français, les « marchés publics » sont ceux définis dans le code éponyme. Cette qualification juridique ne regroupe rien d’autre, elle est donc limitée organiquement à des personnes publiques3. En revanche, pour le droit communautaire, la notion – tout aussi juridique – de « marché public » est plus large ; sa définition multiforme regroupe des personnes publiques mais aussi des personnes privées. On peut se demander s’il est possible, dans un même ordre juridique4, d’avoir deux définitions différentes pour

1 Les personnes privées peuvent prendre des actes administratifs unilatéraux, soumis au droit administratif, depuis les jurisprudences CE Ass. 31 juillet 1942 Monpeurt, rec. 239 ; GAJA 14e ed.

n° 55 ; Dalloz 1942 p. 138 concl. SEGALAT, note P.C.; JCP 1942.II.2046, concl. A. SEGALAT, note P.

LAROQUE ; RDP 1943 p. 57, concl. A. SEGALAT, note R. BONNARD, Sirey 1942.3.37, concl.

A. SEGALAT &CE Ass. 2 avril 1943 Bouguen, rec. p. 86 ; GAJA 14e ed. n° 56 ; Dalloz 1944 p. 52, concl.

M. LAGRANGE, note J. DONNEDIEU DE VABRES ; Sirey 1944.3.1, concl. M. LAGRANGE, note A. MESTRE ; JCP 1944.II.2565, note C. CELIER.

2 C’est le cas pour les contrats passés par mandat (Cf. infra Chapitre 1, Section 2e), soit au sens de l’article 1984 du code civil (par ex. CE 24 février 1954 Sté des ateliers de construction Schwartz-Haumont, AJDA 1954.II.189, note P. SILLARD), soit au sens de TC 8 juillet 1963 Société entreprise Peyrot c/ Société de l’autoroute Estérel-Côte d’Azur, rec. p. 787 ; GAJA, 14e ed. n° 85 ; Dalloz 1963 p. 534, concl. C. LASRY, note P.-L. JOSSE ; RDP 1963 p. 776, concl. C. LASRY ; Sirey 1963 p. 273, concl. C. LASRY ; AJDA 1963 p. 463, Chr. M. GENTOT et J. FOURRÉ ; AJDA 1966 p. 474, Chr. COLIN ; Gaz. Pal. 1964.2 p. 58 note BLAVOET ; JCP 1963, II n° 13375, note J.-M. AUBY ; RDP 1964 p. 767, note FABRE et MORIN.C’est aussi le cas des contrats d’occupation du domaine public conclus par un concessionnaire avec un tiers lui aussi personne privée, cela du fait du décret-loi du 17 juin 1938 aujourd’hui codifié à l’article L. 84 du Code du domaine de l’État.

3 Pas toutes les personnes publiques mais seulement des personnes publiques, Cf. infra

4 Si, bien évidemment, on considère que l’ordre juridique interne est celui qui nous intéresse et qu’il a intégré les dispositions des directives communautaires comme une de ses composantes. Il n’est pas ici question de revenir sur l’apport de l’arrêt CJCE 5 février 1963 Van Gend & Loos c/ administration fiscale néerlandaise, Aff 26/62 rec. p. 3 en ce qu’il reconnaît que « la communauté économique européenne constitue un

une qualification juridique identique. Sur le plan théorique, cette situation n’est pas satisfaisante et le droit français veille à ne pas utiliser le terme de marchés publics pour transposer le droit communautaire. Il respecte en cela parfaitement sa tradition juridique : d’un côté, il conserve sa notion de marché public et y intègre les développements et précisions communautaires afin que la transposition soit correcte. D’un autre côté, il soumet les autres personnes publiques et privées comprises dans le champ d’application des directives à des procédures de passation, mais il le fait par des textes qui ne figurent pas dans le C.M.P. et sans qualifier expressément ces contrats de « marchés publics ».

(Chapitre 1er).

295. Mais la question de la personne ayant l’obligation de passer ses contrats après une mise en concurrence n’est pas la seule difficulté qui se pose à propos du critère organique des marchés publics : le cocontractant de l’administration prend aujourd’hui une dimension pratique et doctrinale non négligeable. Le développement des activités publiques industrielles et commerciales conduit en effet certaines personnes publiques à répondre à un marché public, et c’est au regard des deux cocontractants qu’il faut aujourd’hui analyser les contrats et leurs parties (Chapitre 2e).

nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres mais également leurs ressortissants. »

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HAPITRE

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ES PERSONNES DEVANT PASSER DES MARCHÉS PUBLICS

296. La fonction historique des marchés publics est la rationalisation de l’utilisation des deniers publics. Elle a conduit à la rationalisation des procédures d’achat des personnes publiques, ces dernières ayant pendant longtemps été les seules compétentes pour dépenser les revenus des taxes et impositions. C’est ainsi que le champ d’application des anciennes législations qui posait le principe de l’adjudication a été, rationae personae, limité aux personnes publiques1. Seule la multiplication des rôles des personnes publiques, par le développement des services publics industriels et commerciaux, a porté une atteinte à ce champ d’application en conduisant à exclure les EPIC du champ d’application du Code des marchés publics2.

L’approche communautaire par le « marché3 » a conduit les directives à avoir un autre objectif : celui de préserver la loyauté de la concurrence. Ce prisme économique qui augmentait la volonté d’appliquer une mise en concurrence non seulement à l’activité des personnes publiques mais aussi à celle de certaines personnes privées qui, elles aussi, créaient un marché — au sens économique — à l’aide de deniers publics ou sous l’influence de personnes publiques.

297. Pour ce qui est des personnes publiques, si le droit interne a vite trouvé son équilibre du fait de leur nombre limité, les développements internes récents et l’approche communautaire ont conduit à une extension relative des cas de marchés publics (Section première). Pour ce qui est des personnes privées, on a aussi assisté à un développement des personnes qui doivent passer leurs contrats après une mise en concurrence, notamment à la suite des directives communautaires. Cette extension est telle que l’on peut se demander si le terme de « marché public » est adapté en droit

1 On verra toutefois que le flou qui a entouré la reconnaissance de la personnalité juridique de droit public aux collectivités locales a permis que des « marchés publics » aient été passés par des personnes privées au 19e siècle.

2 Cf. n° 318. Cette exclusion date officiellement de 1978.

3 Le mot est pris ici dans son sens économique, lieu de rencontre entre l’offre et la demande, mais l’homonymie avec le premier des deux termes de la notion de « marché public » n’est pas fortuite. Cf. 2e partie, Titre deuxième, 1er Chapitre sur les principes issus du droit de la concurrence et la commande publique.

communautaire et s’il ne faudrait pas revenir sur cette qualification qui n’est au fond qu’une traduction utilement confuse à des fins de transposition (Section 2e).

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ECTION

1

E

:

L’

EXTENSION DU NOMBRE DE PERSONNES PUBLIQUES SOUMISES AU DROIT DES MARCHÉS PUBLICS

298. La soumission des personnes publiques au droit des marchés publics semble a priori ne pas poser de problèmes doctrinaux particuliers. La situation actuelle du code n’a cependant pas toujours été aussi claire, notamment pour ce qui est de la soumission des collectivités locales et des établissements publics au droit des marchés au début du XIXe siècle (Sous-Section 1e). De surcroît, le droit communautaire a réussi, grâce à sa notion de pouvoir adjudicateur, à contraindre le droit français à prendre en compte, dans le champ d’application du droit des marchés, des personnes publiques qui en étaient traditionnellement exclues ou qui, parce que nouvelles, n’y étaient pas soumises (Sous-Section 2e).

Sous-Section 1

e

: L’extension d’origine interne des personnes

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