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D. LES INTERPRÉTATIONS DU LIBER

2. Une historiographie au service des Carolingiens

Beaucoup de commentateurs du Liber de episcopis Mettensibus ont suggéré que le personnage à l’origine de cette œuvre était Charlemagne. Mais Paul Diacre, même s’il a eu des entretiens avec le roi franc au sujet de son ancêtre saint Arnoul, indique très clairement qu’il a travaillé pour le compte d’Angilram. Il précise d’autre part sans ambiguïté, dans son

Histoire des Lombards, que son ouvrage consacré aux évêques messins a été rédigé à la

demande de l’archevêque de Metz1. Or quand le lettré lombard écrit ces lignes, il se trouve vraisemblablement dans l’Italie méridionale, loin de la cour franque et rien ne l’aurait empêché de souligner le rôle joué par Charlemagne. Il faut rappeler d’ailleurs à ce propos avec quelle fierté, Paul précise dans le Liber de episcopis Mettensibus que Charlemagne lui a fourni un témoignage sur le miracle de l’anneau de saint Arnoul2. Donc, si le roi des Francs avait été à l’origine de la composition du Liber de episcopis Mettensibus, le lettré italien ne se serait pas privé de le mentionner. Il faut donc en conclure que le véritable commanditaire de l’œuvre de l’historien lombard est bien Angilram, mais qu’étant donné le sujet traité, le souverain franc a probablement surveillé l’avancement des travaux et a apporté son point de vue. On peut donc se demander pourquoi l’évêque de Metz a patronné l’élaboration d’un tel ouvrage dans les années 783-784.

Les grands absents : les Mérovingiens ?

Paul Diacre n’évoque qu’une seule fois dans son œuvre la dynastie mérovingienne supplantée par Pépin et sa famille en 751. Pourtant Metz a joué le rôle de résidence royale de

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Paul Diacre, Historia Langobardorum, éd. Ludwig Bethmann et Georg Waitz, Monumenta Germaniae

Historica, scriptores in rerum Langobardicarum et Italicarum saec. VI-IX, Hanovre, 1878, livre VI, 16 :

« Fuitque eo tempore maior domus in regio palatio, Arnulfus, vir, ut postmodum claruit...De cuius mirabilibus

apud Mettensem eccclesiam, ubi episcopatum gessit, liber existit, eiusdem miracula et vitae abstinentiam continens. Sed et ego in libro quem de episcopis eiusdem civitatis conscripsi flagitante Angelramno, viro nitissimo et sanctitate praecipuo, praefetae ecclesiae archiepiscopo, de hoc sacratissimo viro Arnulfo quaedam eius miranda composui, quae modo superfluum duxi replicare...»

2 MGH, SS, II, p.264 : « Haec ego non a qualibet mediocri persona didici, sed ipso totius veritatis assertore,

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la seconde branche austrasienne de la famille mérovingienne. Ce glorieux passé, comme nous l’avons dit précédemment, a dû laisser des traces dans le patrimoine architectural messin1. On pense notamment au palais de la Cour d’Or ou encore à l’abbaye Saint-Martin fondée par le roi Sigebert III. D’autre part, les auteurs de l’époque mérovingienne, comme Fortunat et Grégoire de Tours ont fait mention de la situation de Metz, au cœur de l’Austrasie. Le lettré italien du VIe siècle a même dédié un de ses poèmes à l’évêque de Metz Vilicus. Or Paul passe sous silence toutes ses informations, comme si un désir d’effacer le passé mérovingien l’animait. Il est intéressant de noter que la prise de pouvoir de Pépin en 751 n’est même pas mentionnée ; le seul personnage qui porte le titre de roi est Charlemagne. La légitimité du pouvoir des Carolingiens ne découle donc pas du coup d’Etat de 751, mais tire son origine directement de la bénédiction prodiguée par saint Arnoul à son fils Anchise. Cette conception de la légitimité du pouvoir carolingien est à rapprocher des analyses de Rosamond Mac Kitterick sur les événements de 7512. Cette dernière pense que les sources du deuxième tiers du VIIIe siècle, loin de présenter un récit fidèle des événements, ont tendance à surévaluer le rôle joué par la papauté. Les auteurs des Annales Regni Francorum, de la Clausula de

unctione Pippini et des continuations de Frédégaire, auraient en quelque sorte façonné le récit

du coup d’Etat à la lumière des relations postérieures entre Rome et les Carolingiens. Le présentation de Paul Diacre, qui est plus ou moins contemporaine de ces documents, vient renforcer cette hypothèse puisque la légitimité royale de Pépin III ne procède pas de la papauté mais de la bénédiction de saint Arnoul.

Le dénigrement des Mérovingiens chez Paul Diacre n’est pas complet, et le Liber de

episcopis Mettensibus ne présente pas un portrait au vitriol des derniers rois issus de cette

dynastie, comme c’est le cas chez Eghinard notamment. Une partie de l’héritage symbolique de la famille déchue est même mise au service des pontifes messins et des Carolingiens. L’historien lombard n’hésite pas en effet à rappeler les liens de parenté qui existent entre Clovis et les évêques Agiulf et Arnoald. D’autre part, Paul Diacre précise que Charlemagne a nommé ses deux jumeaux Louis et Lothaire, noms qui rappellent ceux des souverains mérovingiens Clovis et Clotaire, qui jouissaient donc d’une forte légitimité. Dès 763, le préambule de la Loi Salique, composé par un moine de Saint-Denis, faisait référence au baptême de Clovis, le roi chrétien par excellence et le fondateur du royaume franc. Cette volonté de récupérer une partie du souvenir des souverains mérovingiens donnera naissance à

1 Eugen Ewig, « Résidence et capitale pendant le haut Moyen Age », dans la Revue Historique, t. 230, Paris, 1963, p.49-53.

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la généalogie de Metz composée avant 814, qui fait de saint Arnoul le fils de la princesse mérovingienne Blithilde 1 . L’attitude nuancée de Paul Diacre envers la dynastie mérovingienne est donc en accord avec celle de Charlemagne dans les années 780. Le passé mérovingien est en grande partie occulté, omission dont la ville de Metz en tant qu’ancienne « capitale » a fait les frais, mais le souvenir et l’héritage des grands souverains mérovingiens sont utilisés pour mettre en avant l’idée de continuité au niveau du pouvoir.

La généalogie des Arnulfiens dans le Liber de episcopis Mettensibus

Seules des généalogies royales nous sont parvenues du haut Moyen Âge sous la forme écrite ; la mémoire des familles aristocratiques ne remontant pas en règle générale au-delà de quatre générations, même si certaines parentèles ont gardé le souvenir d’un ancêtre commun et mythique, comme les Agiolfingen2. Une généalogie n’est jamais un document neutre, car elle cherche à enraciner un pouvoir ou une autorité dans le passé. Elle peut également fournir d’utiles informations sur les modalités de transmission du pouvoir au sein d’un royaume ou d’une famille. Dès l’époque mérovingienne, et plus précisément sous les règnes de Clotaire II et de Dagobert, des généalogies royales et des catalogues royaux sont apparus dans le monde franc, à un moment où le pouvoir royal se reconstitue et se renforce après des décennies de guerres civiles. Clotaire II et Dagobert ont en effet la lourde tâche de s’imposer à l’ensemble du regnum Francorum, d’où un besoin accru de légitimité3. L’Origo gentis Langobardorum4, que Paul connaît depuis son séjour à la cour de Pavie, présente également quelques similitudes avec le Liber de episcopis Mettensibus, dans la mesure où cette œuvre expose la succession des rois lombards, avec la mention de quelques informations pour chaque souverain. L’Origo ne concerne cependant pas une famille comme le Liber, car plusieurs dynasties se sont succédées sur le trône lombard. D’autre part, la source du pouvoir royal diffère dans les deux ouvrages puisque les Lombards tirent l’origine de leur puissance du dieu Wotan et de sa femme Freyr, donc d’un mythe païen, alors que les Carolingiens sont les héritiers de la sainteté de leur ancêtre Arnoul.

1 Ed. G. Waitz, Monumenta Historiae Germanica, Scriptores, Hanovre, 1881, t. XIII, p.242-243. Sur cette généalogie, voir Otto Gerhard Oexle, « Die Karolinger und die Stadt des heiligen Arnulf », dans Frümittelalter

studien, t.1, Berlin, 1967, p.252-279.

2 Le Jan, [1990], p.38-40. 3 Ibidem, p.40-43.

4 Origo Gentis Longobardorum, éd. G. Waitz, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores in rerum

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La généalogie du Liber de episcopis Mettensibus se distingue sur un certain nombre de points de celles composées au VIIe siècle. Deux de ses caractéristiques sont en effet remarquables : les personnages se succèdent de père en fils depuis Arnoul et Anchise, aspect sur lequel nous reviendrons ultérieurement, et le titre de roi n’est attribué qu’au dernier représentant de la lignée, Charlemagne. Tout se passe comme si la bénédiction de saint Arnoul accordée à son fils cadet Ansegisel était en fait une légitimation du pouvoir de la lignée, que les victoires militaires ont confortée et renforcée. La rupture instaurée par le coup d’Etat de 751 n’apparaît pas sous la plume de Paul Diacre. L’autorité des Carolingiens trouve donc sa légitimité dans la sainteté d’Arnoul qui est le véritable fondateur de la dynastie, à une époque où le contrôle de l’Eglise franque réformée empêche l’émergence de nouveaux saints parmi les représentants de la famille royale1. Le pouvoir des Carolingiens est sacré puisqu’il découle de la bénédiction d’un saint inspiré par Dieu, ce qui est en parfaite adéquation avec l’apparition de la cérémonie du sacre sous Pépin III.

Cependant la rupture instaurée par cet événement n’apparaît pas dans le Liber de

episcopis Mettensibus, qui insiste sur la continuité du pouvoir depuis la bénédiction de saint

Arnoul. Il y a ainsi une volonté de la part de Paul Diacre et d’Angilram de présenter la généalogie familiale des Carolingiens sur le modèle d’une généalogie royale et ce pour légitimer le pouvoir exercé par Charlemagne. L’historien lombard rappelle d’ailleurs lorsqu’il évoque l’épiscopat de Chlodulf « que la race des rois fut propagée depuis Anchise », comme si ce personnage et ses descendants Pépin II et Charles Martel avaient déjà accédé à la royauté2.

Le souvenir de l’ancêtre de la lignée se conjugue également avec la mémoire collective du « peuple franc », qui depuis Frédégaire, fait remonter ses origines jusqu’aux Troyens, thèse reprise ensuite officiellement dans le préambule de la Lex Salica amendée par Pépin III3. Le maillon qui permet de faire le lien entre les Arnulfiens et le peuple de Priam est Ansegisel, le fils de saint Arnoul, que Paul Diacre, féru de Virgile, rapproche d’Anchise le fils d’Enée4. Il faut voir là plus qu’une simple réminiscence littéraire : il s’agit de la volonté de rattacher directement les Arnulfiens aux Troyens et donc de légitimer leurs prétentions à

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Pierre Riché, « Les Carolingiens en quête de sainteté » dans Les fonctions des saints dans le monde occidental

(IIIe-XIIIe siècle), Collection de l’Ecole Française de Rome n°149, p.217-224.

2 MGH, SS, II, p.267: « … Chlodulfus cuius supra mentionem fecimus, beati Arnulfi genitalis filius, Anschisi

quoque, a quo semen propagatum est regium germanus… »

3 Sur l’origine troyenne des Francs et son apparition en préambule de la Loi Salique, voir Lidia CAPO, « Paolo

Diacono e il Mondo Franco : l’incontro de due esperienze storiografiche »…, note n°6 p.44.

4Michel Sot, « Historiographie épiscopale et modèle familial au IXe siècle » dans les annales E.S.C., p.433-446, Paris, mai- juin 1978.

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régner sur le « peuple franc », tout comme Enée et son fils Anchise avaient régné sur les rescapés du sac de Troie et sur les Latins.

On peut se demander quel rôle Angilram a joué dans la mise au point de cette généalogie. Il faut tout d’abord rappeler qu’Arnoul n’apparaît pas toujours dans les généalogies carolingiennes postérieures, comme le véritable fondateur de la dynastie. La famille de Pépin de Landen semble avoir été plus importante que celle d’Arnoul comme le prouvent les noms des maires du palais et des rois carolingiens, alors que les noms Arnoul et Drogon ne sont réservés qu’à des bâtards1. Ces textes font de Pépin II, le petit fils d’Arnoul qui étendit son autorité sur l’Austrasie, la Neustrie et la Bourgogne à la suite de sa victoire de Tertry, le véritable fondateur de la dynastie carolingienne2. Ce personnage symbolise certainement pour les annalistes la mise au pas des aristocrates rebelles et l’affermissement du pouvoir central. C’est le cas dans les Annales Mettenses Priores, dont la première partie fut composée en 806, dans un climat dramatique où les problèmes de succession de Charlemagne se conjuguent à des catastrophes naturelles, comme la sécheresse qui engendra une grande famine3. Il est tout aussi significatif de constater qu’une autre généalogie fut élaborée à Metz avant 814, qui rattachait la dynastie à saint Arnoul qui était désormais présenté comme le représentant de l’aristocratie sénatoriale par son père Ansbert et l’héritier des Mérovingiens par sa mère Blithilde. On constate donc la coexistence de deux versions différentes sur l’identité du véritable fondateur de la dynastie carolingienne : d’un côté il s’agit de saint Arnoul, comme le laissent penser les documents produits autour des évêques de Metz ; de l’autre Pépin II, le petit-fils d’Arnoul. Si ces deux conceptions existaient déjà au temps d’Angilram, il y a fort à parier que le prélat messin a profité de l’occasion offerte par la rédaction de l’ouvrage de Paul Diacre pour essayer d’ancrer fermement les origines de la dynastie carolingienne autour de Metz et de saint Arnoul, avec la bénédiction de Charlemagne, qui n’hésita pas à rapporter à Paul Diacre le miracle de l’anneau de son ancêtre. Monique Goullet a fait remarquer que Paul Diacre est le premier a donné une généalogie complète des ancêtres de Charlemagne, à partir de saint Arnoul. Ni Frédégaire, ni le Liber

Historiae Francorum n’évoquent le lien de parenté entre Ansegise et Arnoul. La fonction du

miracle de l’anneau dans le récit de Paul Diacre est sans doute à mettre en rapport avec cette

1 Wagner [1999], p.386-387. 2

Oexle [1967], p.252-279.

3 Sur ces annales voir l’article de Y. Hen, « The Annals of Metz and the Merovingian past », dans The uses of the

past in the early Middle Age, sous la direction de Y. Hen and Matthew Innes, Cambridge, 2000, p.175-190; sur

ce genre historiographique, Michael Mac Kormick, Les annales du haut Moyen Age, coll. Typologie des sources du Moyen Age Occidental, n°14, Turnhout, 1975.

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volonté de faire de saint Arnoul, le premier maillon de la lignée royale. Le témoignage de Charlemagne sur l’anneau de son aïeul montre au lecteur que le roi lui-même considérait l’évêque de Metz comme son ancêtre le plus important.

Il faut également mettre en évidence le fait que la glorification de la lignée royale tend à l’emporter sur l’éloge des évêques de Metz. Chlodulf, le fils aîné d’Arnoul, qui occupa également le siège messin, apparaît en effet dans le Liber de episcopis Mettensibus comme un personnage peu charitable qui refuse de remettre sa part d’héritage en aumône aux pauvres. Son frère cadet Ansegisel accepte au contraire la proposition d’Arnoul et reçoit par la même occasion la bénédiction du saint pour lui et pour sa descendance. Chlodulf n’apparaît donc pas sous son meilleur jour, et Paul Diacre, lorsqu’il évoque plus tard sa place dans la lignée épiscopale messine, n’ajoute aucun correctif à son sujet. Il ne précise pas par exemple que Chlodulf aurait changé d’attitude au moment de son élévation à l’épiscopat messin1. Ces remarques montrent bien que la généalogie des Arnulfiens prime dans une certaine mesure sur la lignée épiscopale. D’ailleurs, il est intéressant de remarquer que dans la Vita consacrée à saint Trond, qui est une œuvre contemporaine du Liber de episcopis Mettensibus, puisqu’elle est dédiée à Angilram, Chlodulf apparaît sous un jour complètement différent. L’hagiographe présente en effet l’évêque de Metz, comme un sage prélat qui joue le rôle de mentor auprès du jeune Trond2.

Le problème de la succession de Charlemagne

Nous avons dit précédemment que les généalogies peuvent légitimer un certain mode de transmission du pouvoir royal, or celle du Liber de episcopis Mettensibus présente une succession de père en fils sans mention des branches adventices. Il s’agit du premier exemple d’une généalogie présentant une filiation patrilinéaire directe. Même le frère aîné de Pépin III, Carloman, qui a porté le titre de roi, tout comme le cadet de Charlemagne qui se nommait également Carloman ne sont pas cités par Paul Diacre, alors que leur souvenir devait encore

1 MGH, SS, II, p.267: « … Chlodulfus cuius supra mentionem fecimus, beati Arnulfi genitalis filius, Anschisi

quoque, a quo semen propagatum est regium germanus, ad episcopale culmen ob paternae sanctitatis gloriam tricesimus secundus ascendit, de quo nihil amplius, praeter quod a tale radice exortus est, fama perduxit. »

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exister à la cour franque. Il devait cependant s’être chargé d’aspects négatifs à la suite des querelles de pouvoir au sein de la famille royale. Il est significatif de noter que Drogon, le fils aîné de Pépin II, qui est mort en 708 avant son père, n’apparaît pas non plus sous la plume de Paul Diacre, alors que l’on sait que ses restes étaient conservés dans le monastère des Saints-Apôtres1. Sa tombe était-elle encore visible à l’époque de Charlemagne ou l’historien lombard a-t-il choisi de faire délibérément l’impasse sur ce personnage ?

A la lumières de ces observations, on peut dire que le Liber de episcopis Mettensibus, ne présente pas la généalogie d’une famille mais celle d’une lignée. Il s’agit bien évidemment de montrer la continuité dans la transmission du pouvoir et la cohésion de la famille carolingienne, en faisant abstraction des partages et des querelles qui ont marqué le début de chaque nouveau règne. Le souvenir des dissensions entre Charlemagne et son frère Carloman a dû jouer un rôle. Mais d’autres motifs plus profonds ont pu pousser à la rédaction d’une telle généalogie. Il reste aussi à expliquer pourquoi Paul Diacre, après cette généalogie, qui est organisée de façon verticale, a inséré un tableau de la famille de Charlemagne, en nommant tous ses fils.

Pour cela, il faut revenir au contexte des années 780 qui sont marquées par un souci de remise en ordre de la société franque et par un effort d’organisation des territoires nouvellement conquis, qui trouvera une traduction célèbre avec l’Admonitio Generalis de 7892. Comme l’a bien montré W. Goffart, Charlemagne a sans doute dès cette époque pensé à sa succession : le jeune Louis est investi du royaume d’Aquitaine, alors que son aîné Carloman reçoit celui d’Italie. Ce dernier change d’ailleurs de nom à l’occasion de son baptême par le pape en 781 pour s’appeler Pépin. Or, il existait déjà un autre fils de Charles qui portait le nom de Pépin (le bossu), l’enfant de la concubine Himiltrude, et il faut rappeler que quand ses deux jumeaux sont nés, le souverain franc a préféré leur donner des prénoms mérovingiens, Lothaire et Louis, plutôt que de les nommer comme l’un de leurs frères aînés Pépin, Charles le jeune et Carloman. Certes, ce changement peut être mis en rapport avec l’investiture du royaume d’Italie, Carloman rappelant le nom du frère de Charlemagne, dont la veuve et les enfants se réfugièrent auprès du roi des Lombards Didier, mais cette explication n’apporte pas une réponse au choix du nom Pépin3. D’autre part, Pépin le « Bossu » n’a jamais été investi d’un royaume, alors qu’il portait un nom réservé aux enfants destinés à

1Alain Erlande Brandeburg, Etudes sur les funérailles, les sépultures et les tombeaux des rois de France jusqu’à

la fin du XIIIe siècle, Genève- Paris, 1975. p.60-61.

2 Goffart, [1996] p.83-91. 3