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Episcoporum Mettensium

A. Les évêques de Metz durant la Querelle des Investitures

1 . Première phase de la crise : les déboires d’Hériman (1073-1090)

La figure d’Hériman, le successeur d’Adalbéron III, dont la notice occupe une grande place dans les GEM1, est difficile à cerner en raison de ses volte-face politiques, qu’il n’est pas toujours facile de comprendre, et surtout parce que les auteurs médiévaux ont retravaillé son image pour en faire soit un champion de la cause grégorienne sous la plume d’Hugues de Flavigny2, soit un exemple de versatilité dans les GEM, et de scepticisme dans les Miracula

Sancti Clementis II 3. Il nous faut présenter d’abord un cours résumé de ce que nous savons de l’Hériman historique, replacé dans le contexte de la Querelle des Investitures4, avant d’évoquer dans une autre partie son image dans la littérature lotharingienne.

Les origines d’Hériman sont mal connues, et il est surprenant qu’Hugues de Flavigny, qui ne tarit pourtant pas d’éloges sur l’évêque de Metz, ne donne aucune indication. A aucun moment lors de la Querelle des Investitures, les sources ne mentionnent un quelconque parent qui aurait joué un rôle dans le destin du prélat messin. Seuls les Gesta abbatum Trudonensium fournissent une précision en évoquant les liens de parenté entre Hériman et l’évêque de Liège, Henri, qui aurait été son neveu5. Or, Henri est le frère du comte de Toul, Frédéric Ier

1 Gesta Episcoporum Mettensium, MGH, SS, X, p.543. 2

Hugues de Flavigny, Chronicon, MGH, SS, VIII, p.453. 3

Hecelin, Translatio et miracula sancti Clementis, MGH, SS, XXXb, p.896-899.

4 Ce résumé s’appuie principalement sur l’article de F. Ruperti et G. Hocquard, « Hériman évêque de Metz (1073-1090), ASHAL, 1930, XXIX, p.503-578. Le travail a été préparé par F. Ruperti qui est décédé pendant la Première Guerre mondiale. Ses notes ont été reprises par l’abbé Hocquard après la guerre qui livre une image grégorienne d’Hériman. Siegfried Salloch, Hermann von Metz. Ein Beintrag zur Geschichte des deutschen

Episkopats im Investiturstreit, 1931, Francfort, sans avoir connaissance des travaux de Ruperti et d’Hocquard et

sans égaler leur érudition, dresse un portrait plus nuancé du personnage. 5

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d’Astenois, qui a épousé vers 1050 Gertrude, l’héritière du comté de Toul1, mais il n’est pas possible de préciser à laquelle des deux lignées Hériman se rattache. La première est originaire de Champagne, autour de Dampierre, alors que la seconde tire son origine d’un certain Rambaud, qui porte déjà le titre de comte de Toul autour de l’An Mil. Il serait plus logique de rapprocher le futur évêque de Metz de cette famille, compte-tenu de ce que nous savons des séjours d’Hériman à Liège et à la cour impériale. Mais dans ce cas, il serait le seul enfant mâle connu du comte Renard II, à côté de ses deux filles Gertrude et Liutgarde. Selon cette hypothèse, sa carrière ecclésiastique ne pourrait s’expliquer que par la présence d’un frère (que nos sources ne mentionnent pas), destiné à hériter du comté mais victime d’une mort précoce.

Il ne fait guère de doutes en revanche qu’Hériman a intégré le clergé liégeois, en occupant divers postes de responsabilité au sein du brillant chapitre cathédral, comme ceux d’archidiacre et de prévôt2. Ces fonctions ont dû le mettre en contact avec Adalbéron III et le clergé messin, car l’abbaye de Saint-Trond, située dans le diocèse de Liège, avait pour seigneurs temporels les évêques de Metz. Hugues de Flavigny est le seul à évoquer un passage d’Hériman au sein de la chapelle royale sous la tutelle d’Annon de Cologne, mais si l’épisode est vraisemblable, le récit de ce chroniqueur a été retravaillé dans un sens très fortement grégorien, et il est impossible de croire au dégoût du jeune clerc face à la licence d’Henri IV et de son entourage3. Sa carrière ultérieure montre au contraire qu’une bonne entente existait avec le souverain salien.

Après la mort du vieil Adalbéron III, en novembre 1072, Hériman devient évêque de Metz dans des conditions mal connues faute de précisions. Henri IV l’a-t-il désigné pour cet office ou y-a-t-il eu une élection en bonne et due forme ? Quel rôle a joué Annon de Cologne dans la carrière d’Hériman ? Alors que plusieurs candidats désignés par le Salien sont contestés dans leur diocèse au tournant des années 1060 et 1070, comme à Constance et surtout à Milan, les sources sont peu prolixes en ce qui concerne le cas messin4. Hugues de Flavigny indique seulement que le nouvel évêque a reçu l’investiture des mains du souverain5.

1 Parisse [1982], p.130 et p.437 ; Michel Bur, « La frontière entre la Champagne et la Lorraine du milieu du Xe à la fin du XIIe siècle », dans Francia, 4, 1976, p.237-254, p.243 Hériman est peut-être apparenté à la famille de Bar-Ardenne car le père de Frédéric et d’Henri s’est vraisemblablement mariée avec une princesse de cette famille. Mais aucune source ne mentionne ce lien de parenté lorsque l’évêque de Metz.

2 Ruperti/Hocquard [1930], p.558-559.

3 Hugues de Flavigny, Chronicon, MGH, SS, VIII, p.453. 4

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souverain1. Un tour d’horizon des autres diocèses de l’ancienne Belgique Première peut apporter quelques éclairages sur ce problème. A Toul, le souverain a désigné en 1069 Pibon, son chancelier2 ; à Verdun, Henri III avait placé un chanoine de Bâle, Thierry qui avait également été son chapelain3. Udon de Nullenburg, membre du chapitre cathédral de Trèves, s’est par contre imposé sur le siège métropolitain en 1066, après une élection régulière, malgré l’opposition d’Annon de Cologne, dont le candidat succombe dans une embuscade4. On voit à travers ces exemples que les souverains saliens se sont efforcés de placer des clercs de leur chapelle à des postes de responsabilité dans une région frontalière et donc stratégique. C’est dans cette optique qu’il faut envisager la désignation d’Hériman qui met un terme à la domination de la maison de Luxembourg sur le siège messin. En 1069 déjà, à la mort du duc de Basse-Lotharingie Frédéric, la cour avait choisi Godefroy le Bossu pour lui succéder dans cette charge plutôt qu’un Luxembourg. Il est intéressant de constater que le princier du chapitre messin Adalbéron, qui appartenait peut-être à la maison de Luxembourg n’a pas été promu5. Il est donc vraisemblable que la cour impériale a nommé Hériman pour reprendre le contrôle du siège messin, trop longtemps dominé à son goût par une grande famille

1 Hugues de Flavigny, Chronicon, MGH, SS, VIII, p.453 : « Ubi vero episcopatus officium adeptus est, satis

penituit de manu regis illius investituram pontificatus se suscepisse…»

2 Erkens [1987], p.5. 3 Dantzer [1902], p.89. 4 Erkens [1987], p.12-13.

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Une incertitude demeure à propos de l’appartenance de ce personnage à la maison de Luxembourg. Un princier nommé Adalbéron est attesté en 1065 dans une charte d’Adalbéron III délivrée pour Saint-Trond. HL, t.II, preuves, p.ccxlii-ccxliii. Après cette date, le personnage est régulièrement attesté dans cette charge jusqu’au1er octobre 1094, dans un acte en faveur de Saint-Vincent où il apparaît comme princier et archidiacre, Bartocchi [1988], n°7, p.58-60. Parallèlement, la fausse charte d’Hériman de 1090 en faveur de Saint-Clément comptent dans la liste des souscriptions un archidiacre Adalbéron, sans mentionner de princier. Si ce document est un faux ou a été fortement interpolé, la liste des témoins a des chances d’être authentique, E. Müsebeck «Zoll und Markt

in Metz in der ersten Hälfte des Mittelalters » dans JGLGA, 15, 1903, p.28. En 1093, la donation à Cluny du

prieuré de Thiécourt par Poppon, contient parmi les signataires un Adalbéron princier et un autre archidiacre,

HL, t.III, pr., col.26-27. Dans le règlement de Poppon en 1095 en faveur de Gorze au sujet du prieuré d’Amelle,

seul un Adalbéron apparaît en tant qu’archidiacre. Il ressort de toutes ces constatations que deux personnages nommés Adalbéron ont appartenu au chapitre cathédral au tournant des XIe et XIIe siècles. Le second, le plus jeune qui est attesté à partir de 1093, voire 1090, est un rejeton de la famille d’Ardenne-Luxembourg. Un Adalbéron a en effet été capturé et décapité par les Turcs pendant le siège d’Antioche alors qu’il jouait aux dés avec une femme dans un jardin. Albert d’Aix précise bien que l’infortuné est jeune en 1097, qu’il est le fils du comte Conrad et qu’il occupe la fonction d’archidiacre : Albert d’Aix, Historia Hierosolimitana, dans Recueil

des Historiens des Croisades, IV, 1879, Paris, p.370-371 : « Contigit die quadam filium comitis Cunradi de Luezelenburch, Adalberonem nomine, clericum et archidiaconum Metensis ecclesiae, juvenem nobilissimum de regio sanguine, et proximum Henrici Tertii Romanorum Augusti… ». La proximité avec la maison impériale est

due au fait que Conrad a épousé la sœur d’Agnès de Poitou, la mère d’Henri IV. La généalogie proposée par Alfred Lefort, La maison souveraine de Luxembourg, 1902, Luxembourg, Reims, p.13, est plus proche des dires d’Albert d’Aix que celle de Michel Parisse [1982], p.. Il est impossible de dire si le premier Adalbéron, le princier, a vraiment appartenu à la famille de Luxembourg. Le fait que tous les princiers messins entre 1065 et 1136 ont porté ce nom ne facilite pas leur identification, et on pourrait même se demander sur le ton de la plaisanterie si s’appeler Adalbéron n’était pas une condition indispensable pour faire une belle carrière au sein du chapitre cathédral messin, voir Michel Parisse, « Les princiers messins au 12e siècle .Questions généalogiques et chronologiques », ASHAL, 1971, 71, p.23-28.

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aristocratique. On ignore tout de la date exacte et des modalités de l’élévation d’Hériman à l’épiscopat. Même sa consécration n’a pas laissé de traces dans les documents. Henri IV a passé l’automne en Saxe et il a célébré Noël à Bamberg. Il est donc difficile de placer la succession épiscopale à la fin de 1072 1. Le chanoine liégeois a dû être présenté comme candidat du roi au chapitre, qui a confirmé ce choix. Le nouvel élu a probablement reçu l’investiture du Salien, mais la simonie n’a pas dû jouer de rôle dans le processus de désignation, étant donné la profond penchant d’Hériman pour la réforme de l’Eglise, même si cette expression est imprécise et peut donner matière à bien des orientations différentes2. Il apparaît en tout cas pour la première fois dans la documentation comme évêque le 29 avril 1073 3. Aucune source ne nous renseigne sur l’accueil réservé par les Messins à leur nouveau pasteur, mais l’installation d’un prélat extérieur au diocèse sur le siège de saint Clément explique peut-être les difficultés postérieures d’Hériman, qui a sans doute payé cher son manque d’enracinement local. Sans se traduire par une opposition ouverte, le pontife a souffert d’un manque de soutien de la noblesse lorraine, lorsque les nuages de la discorde politico-religieuse ont commencé à s’amonceler au dessus du ciel de l’Empire. Rappelons-nous que Conrad de Pfullingen, installé sur le siège de Trèves dans des conditions proches de celles qui ont conduit à l’élévation d’Hériman à Metz, a fait l’objet d’un rejet important de la part des Trévirois, et a même été assassiné par des membres de sa familia, probablement sur l’initiative du Burgrave et avoué de la cité Thierry4.

Les premiers actes du nouvel évêque de Metz montrent qu’il reste attaché à l’idéal traditionnel de service de l’empereur et du pape. Il participe ainsi avec d’autres dignitaires ecclésiastiques et laïcs à la réunion de Gerstungen, le 20 octobre 1073, afin de trouver une solution au problème saxon qui accapare alors toute l’attention d’Henri IV 5. Le souverain confie même au prélat messin la garde de prisonniers saxons de haut rang, probablement après le retournement de la conjoncture militaire et la victoire de l’Unstrut en juin 10756. Cela montre que le pontife lotharingien, à la veille de l’éclatement du conflit entre les deux grands pouvoirs de l’Occident chrétien, jouit encore de toute la confiance du roi.

Aucun document n’évoque une quelconque activité réformatrice d’Hériman dans son diocèse, mais son attitude envers Grégoire VII prouve sa proximité avec le nouveau pape. La

1 Salloch [1931], p.5-6. 2 Tellenbach, [1993], p.157-162. 3 Ruperti/Hocquard [1930], p.559, n°6. 4 Müller [2006], p.170. 5 Ruperti/Hocquard [1930], p.559, n°7.

6 Cela se déduit du fait que des otages saxons sont libérés par Hériman dans les premiers mois de 1076 : Ruperti/Hocquard [1930], p.565, n°29.

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correspondance du souverain pontife atteste qu’Hériman lui a écrit pour le féliciter de son élection1. L’évêque de Metz se rend deux fois à Rome en 1074 et 1075. Lors du premier voyage, il s’arrête à l’aller dans la cité de Lucques afin de célébrer Pâques auprès des comtesses Béatrice et Mathilde de Toscane, originaires de Lotharingie et principaux soutiens des réformateurs dans le nord de l’Italie. Il fait alors la connaissance du grand prélat réformateur Anselme de Lucques. Arrivé à Rome, Hériman intercède en faveur d’Hermann de Bamberg, accusé de simonie par son propre clergé, et de Dietwin de Liège2. L’année suivante, le 12 avril 1075, Grégoire VII prononce la déposition d’Hermann en présence de Siegfried de Mayence, d’Adalbéron de Würzburg et d’Hériman3. Outre cette affaire, l’évêque de Metz a été chargé par le Saint-Siège d’un certain nombre de missions pour remédier à des différends survenus au sein de l’Eglise. En plus du cas d’Hermann de Bamberg, Hériman, de concert avec Udon de Trèves, doit enquêter sur les accusations de simonie et de nicolaïsme portées contre Pibon de Toul par un clerc de son diocèse4. Il est de même chargé de transmettre les ordres du pape et d’arbitrer s’il le faut le conflit qui oppose Thierry de Verdun et les moines de Saint-Mihiel5.

On touche là à la principale cause de mécontentement de l’épiscopat impérial : les ingérences de plus en plus répétées de Grégoire VII dans les affaires de l’Eglise de Germanie et de Lotharingie. Habitués à régler leurs différends de façon autonome, sous la forme de conciles provinciaux, les évêques allemands, issus pour la plupart de la haute aristocratie de l’Empire, vivent de plus en plus mal le soutien que le pape accorde aux clercs dénonciateurs, comme c’est le cas dans l’affaire de Toul où Pibon a néanmoins été blanchi par ses pairs. Cette procédure conduite contre le prélat toulois a ainsi provoqué l’amertume de son métropolitain Udon de Trèves6. Alors que les évêques de la province ecclésiastique ont pris leurs distances avec la politique de Grégoire VII, Hériman fait figure d’exception, lui qui garde d’excellentes relations à la fois avec le roi et avec le souverain pontife, dont il est l’un des relais au nord des Alpes7.

La réunion de Worms, où Hériman se rend contrairement à d’autres prélats grégoriens, comme Altmann de Passau, sonne l’heure des choix déchirants. Les évêques allemands, à

1

Ruperti/Hocquard [1930], p.509-510, p.559-560, n°9.

2 On ignore la cause du premier voyage d’Hériman à Rome. Il accompagne l’abbé de Saint-Hubert, Thierry, Ruperti/Hocquard [1930], p.560-561, n°10-14.

3

Ruperti/Hocquard [1930], p.562, n°18.

4 Ruperti/Hocquard [1930], p.561, n°15. Sur cette affaire voir Erkens [1987], p.5-12. 5 Ruperti/Hocquard [1930], p.561, n°13.

6 Erkens [1987], p.10-15. 7

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l’instigation d’Henri IV, déposent solennellement Grégoire VII, le 24 janvier 1076. Hériman est le seul à protester avec Adalbéron de Wurtzbourg contre cette décision en élevant un certain nombre d’objections juridiques. L’évêque de Metz relève tous les vices de forme dans la procédure suivie : un évêque et a fortiori le pape, ne peuvent être jugés sans procès, examen des charges et audition de témoins. Hériman doit cependant céder sous la pression de l’assemblée et de Guillaume d’Utrecht, qui met dans la balance le serment de fidélité prêté au souverain. Tout cela finit par emporter l’adhésion du prélat récalcitrant1. Très vite cependant, l’évêque de Metz, comme les autres pontifes de la province ecclésiastique de Trèves, fait sa soumission à Grégoire VII qui mène une habile politique de gradation dans l’échelle des sanctions afin de diviser l’épiscopat impérial2. Hériman n’est pas présent à l’assemblée d’Utrecht, réunie pour Pâques le 27 mars 1076 afin de prononcer l’excommunication du pape. Il va même jusqu’à libérer les otages saxons confiés à sa garde, se sentant probablement délié de son serment de fidélité envers le souverain à la suite des sanctions pontificales3. Evidemment, cette décision provoque l’ire du roi qui songe à punir ce qu’il considère comme une trahison, mais son attention est accaparée par d’autres problèmes dans l’immédiat.

Il ne faudrait pas croire cependant que les idéaux d’Hériman ont été profondément modifiés par les dramatiques événements de l’année 1076, et que le prélat messin nourrit une hostilité profonde envers le souverain. Même s’il ne joue pas un rôle actif dans les négociations entre les partis qui aboutissent à la réconciliation de Canossa, comme Udon de Trèves et à un degré moindre Thierry de Verdun4, Hériman n’a pas renoncé à voir dans le Salien le souverain légitime des trois royaumes qui forment l’Empire. Une lettre de Grégoire VII nous apprend que l’évêque de Metz lui a demandé des précisions sur un certain nombre de points doctrinaux5. Les réponses du pape permettent de reconstituer en partie les interrogations d’Hériman, qui semble avoir été gêné par l’excommunication d’Henri IV. Héritier des conceptions de l’épiscopat impérial qui attribuent au souverain un rôle dans la direction de l’Eglise, ces questions montrent également la conscience juridique du prélat

1 Lambert d’Hersfeld, Annales, MGH, SS, V : « Adalbero Wirciburgensis episcopus et Herimannus Mettensis

episcopus aliquamdiu restisterunt ; dicentes, incongruum valde et contra canonum scita est, ut episcopus aliquis absens, absque generali concilio, sine legitimis et idoneis accusatoribus et testibus, necdum probatis criminibus quae obicerentur, condempnaretur ; nedum Romanus pontifex, adversus quem nec episcopi, nec archiepiscopi cuiusquam recipienda sit accusatio. Sed Willihelmus Traiectensis episcopus, qui causam regis pertinacius tuebatur, vehementer imminebat, ut aut cum ceteris in dampnationem papae subscriberent, aut regi, cui sub iureiurando fidem spopondissent, protinus renonciarent. » Ruperti/Hocquard [1930], p.563, n°23

2

Ruperti/Hocquard [1930], p.518-520 ; Erkens [1987], p.19-24 3 Ruperti/Hocquard [1930], p.565, n°29.

4 Erkens [1987], p.25-33.

5 La première lettre de Grégoire VII est éditée dans Gregorii VII Registrum, MGH, epistolae selectae in usum

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messin, qui avait déjà exprimé des doutes de même nature lors de la réunion de Worms1. S’il participe bien à la réunion des grands à Ulm à la mi-février 1077, qui envisage la nomination d’un nouveau roi 2, Hériman est absent de celle de Forchheim, qui aboutit à l’élection au trône de Rodolphe de Rheinfelden. Aucune source ne permet d’expliquer cette absence, mais il est vraisemblable que mis au courant de la pénitence d’Henri à Canossa, l’évêque de Metz s’est désolidarisé du front anti-salien. En août 1077, il se trouve même engagé en compagnie d’Udon de Trèves dans les négociations du Neckar avec les partisans de l’antiroi pour le compte d’Henri IV3.

Le vieil idéal de services partagés entre pape et roi est cependant de plus en plus difficile à honorer, et l’inévitable rupture intervient dans les premiers mois de 1078, sans que nous soyons bien informés sur les causes précises du départ fracassant du prélat de la cour. Toujours-est-il que, dans la première partie de l’année, Hériman est convoqué par le roi ainsi que d’autres Lotharingiens. Il avoue alors publiquement son attachement pour le pape, avant de quitter la cour de façon injurieuse pour le souverain4. Henri IV et le duc Thierry de Haute-Lorraine entrent alors en campagne et occupent Metz à la fin avril 1078. L’épisode appelle plusieurs interrogations : comment rendre compte de cette rupture alors qu’au printemps 1078 les relations entre Henri et Grégoire VII ne sont certes pas au beau-fixe mais se sont dans une large mesure normalisées ? La réaction rapide et violente du roi peut s’expliquer par le sentiment d’avoir subi un affront public, à moins que le Salien ait profité de l’occasion pour régler de vieux comptes après la libération des otages saxons. Le roi a peut-être eu peur d’une