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Une approche interprétative

Dans le document UNIVERSITE MONTPELLIER II (Page 124-127)

L’exemple du cas Syngenta

1.1 Une approche interprétative

L'objectif de notre recherche est de contribuer à accroître la compréhension d'un phénomène (la mise en place d'un PGI) et intégrant à la fois les différentes visions des acteurs participants et le contexte socioculturel de l'organisation. Cette approche de type interprétativiste qui sous-entend un certain nombre de postulats peut être opposée aux approches positivistes et critiques (Chua, 1986).

Une distinction fondamentale entre les visions positivistes et interprétativistes est l'affirmation pour cette dernière du constructivisme social. L'interprétativisme postule que la réalité, aussi bien que la connaissance que nous en avons, sont des productions de la société et donc ne peuvent être comprises indépendamment des acteurs sociaux (chercheurs inclus) qui construisent et confèrent un sens à cette réalité.

La recherche interprétative pose comme principe que le monde social (c'est à dire les relations sociales, les organisations, la division du travail) n’est pas "donné", mais plutôt produit et reproduit par les individus au travers de leurs actions et interactions.

Les organisations, les groupes, les systèmes sociaux n'existent pas isolément, et donc ne peuvent pas être appréhendés, caractérisés et mesurés de manière objective ou universelle. "La recherche interprétativiste n'est pas basée sur des variables dépendantes ou indépendantes prédéfinies, mais se focalise sur le processus complexe de la fabrication de sens par les acteurs lors d'une situation émergente. Elle vise à comprendre les phénomènes à travers les significations que les acteurs leurs assignent" (Orlikowsky & Baroudi, 1991).

Au contraire de ce que postule la perspective positiviste dans laquelle les chercheurs sont supposés "découvrir" une réalité sociale objective, les chercheurs interprétativistes pensent que celle-ci peut seulement être interprétée. Par rapport à la perspective Critique, qui considère le conflit et la contradiction comme endémiques à tout système social, l'interprétativisme reconnaît que, alors que les significations sont formées, transférées et utilisées, elles sont aussi négociées, et donc que les interprétations de la réalité peuvent varier selon les circonstances, les objectifs, les époques, etc.

La compréhension de la réalité requiert d'appréhender comment les pratiques et les significations sont construites à travers le langage et les normes tacites des individus

qui travaillent à la réalisation d'objectifs communs. Les explications proposées par les chercheurs interprétativistes sont causales, non dans un sens unidirectionnel de type positiviste, mais plutôt dans le sens de la poursuite d'un même objectif. Les modèles d'interactions réciproques ou circulaires sont avancés dans l'intention de comprendre les visions du monde social des acteurs et leur rôle dans celui-ci. Dans le cas particulier du domaine des Systèmes d'Information, les méthodes interprétativistes ont donc pour but de "produire une compréhension du contexte du Système d'Information, et du processus par lequel le Système d'Information influence et est influencé par le contexte" (Walsham, 1993).

Enfin, pour ce qui concerne la relation entre théorie et pratique, l'approche interprétativiste soutient que le chercheur ne peut jamais avoir une posture neutre, et qu'il est toujours impliqué dans le phénomène en cours d'étude. Les préjugés du chercheur, ses croyances, valeurs et intérêts interviennent donc pour donner forme à sa recherche.

Figure 6 - Construction de l’objet de la recherche dans l’approche interprétativiste (Thiétart et coll., 1999, p43)

Les méthodes de recherche appropriées pour produire une connaissance valide de nature interprétative exigent un contact étroit avec le terrain, car il est nécessaire de situer les acteurs et leurs actions dans leur contexte social. Se fondant sur la croyance ontologique en une réalité socialement construite, le "chercheur-interprète" s'interdit d'imposer à l'étude d'un phénomène des catégories définies hors de celui-ci. Comme le rappellent Orlikowsky et Baroudi (1991), "les construits doivent dériver de l'étude sur le terrain grâce à une analyse approfondie du phénomène concerné". Les

Interaction chercheur / sujets étudiés

Objet de la recherche

Développement d’une compréhension de la réalité des sujets étudiés

catégories et thèmes qui émergent alors via cette approche sont donc naturellement couplés avec ceux des participants de l'étude.

A un niveau général, la recherche interprétative basée sur l'observation des acteurs dans l'organisation, prise au sens large, c'est à dire regroupant l'ensemble des méthodologies qualitatives (comme l'entretien, l'étude de cas ou encore l'observation), pose le problème de l'interaction entre le chercheur, devenu

"interprète", et son terrain (Arnaud, 1990; Girin, 1990; Crozier & Friedberg, 1977 ; Friedberg, 1997). Ce point est abordé dans le paragraphe consacré au statut du chercheur ci-après.

Une représentation possible de ces principes est celle donnée par Klein et Myers (1999), qui se sont inspirés de la littérature sur les études de cas en Système d'Information et de travaux en herméneutique, notamment ceux des philosophes Gadamer et Ricoeur. Ci-dessous nous présentons un résumé des principes proposés par Klein et Myers, qui définissent le cadre global pertinent à l'intérieur duquel nous entendons nous situer.

Principe fondamental du cercle herméneutique

Toute compréhension est obtenue par itérations successives entre les parties d'un problème et le tout qu'elles forment

Principe de contextualisation

L'arrière-plan social et historique de la recherche permet d'éclairer les origines de celle-ci

Principe de l'interaction entre le chercheur et le sujet Les matériaux issus de la recherche sont une construction sociale Principe de l'abstraction et de la généralisation

Relier les informations spécifiques mises à jour par l'interprétation des données (au travers des principes 1 et 2) à des concepts théoriques généraux qui décrivent la nature de l'action sociale et du processus de compréhension des individus

Principe du raisonnement dialogique

Être attentif aux contradictions possibles entre les pré-conçus théoriques et les résultats effectifs de la recherche

Principe des interprétations multiples

Être attentif aux possibles différences d'interprétations entre les participants, qui s'expriment dans les nombreuses versions des récits d'une même séquence d'événements étudiés

Principe de suspicion

Être attentif aux éventuels "biais" et distorsions dans les récits collectés Tableau 16 – Principes interprétativistes, adapté de Klein et Myers (1999)

Ces principes méthodologiques nous ont servi de repères pour aider à l'élaboration des résultats de notre recherche, dont la présentation fait l'objet du Chapitre 4. Ils attirent notamment l'attention du chercheur sur les risques et l'existence de biais qu'implique toute démarche de recherche de type interprétatif, a fortiori incluant une observation des acteurs. En effet, dans l'approche interprétativiste, la compréhension des phénomènes passe aussi par l'interprétation, au sens strict, des signes et symboles manipulés par les acteurs, qui éclairent le contexte de l'étude. Ces points seront détaillés lors de la description du dispositif utilisé pour notre étude.

Dans le document UNIVERSITE MONTPELLIER II (Page 124-127)