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Une approche géographique de la reconstruction

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-95)

Introduction Partie 1

Chapitre 1. La reconstruction – un angle mort de la prévention en France ?

3.1. Une approche géographique de la reconstruction

3.1.1. Analyser la recomposition des territoires de manière systémique sur le moyen et long terme

Comme il a été explicité dans les deux chapitres précédents, la reconstruction si elle est de plus en plus traitée, souffre d’un manque de cadrage méthodologique à la fois en matière d’analyse et de mise en œuvre des stratégies de reconstruction. La recherche d’une méthodologie transposable et qui autorise l’analyse des différentes facettes du processus a été le fil conducteur de ce travail. La difficulté et l’originalité de ce travail résident dans cette approche «méthodologique et généraliste» de la reconstruction et des études de cas. Les terrains servent d’exemples pour illustrer les différents aspects de la reconstruction. Pour ce faire, il fallait trouver une méthode qui puisse s’adapter aux études de cas sans que les différences entre les situations ne soient un obstacle, et sans qu’elles ne soient gommées. Nous avons analysé les terrains par le biais des REX à moyen et à long terme en appliquant la même structure de grille d’entretien. Cette méthodologie commune est un prérequis pour capitaliser les connaissances et expériences. Les retours d’expérience réalisés après les grandes catastrophes en France sont rédigés dans l’année qui suit la catastrophe, or la reconstruction d’un territoire est un processus long qui n’est généralement pas achevé un an après la survenue de l’évènement. Ceci explique en partie l’absence de traitement analytique de cette phase dans les rapports d’évènements.

Les conditions engendrées par une catastrophe sur un territoire n’auront pas les mêmes conséquences sur un autre territoire. En revanche, l’on peut retrouver les similitudes dans les procédés d’endommagement et dans l’enchainement des effets dominos qui autorisent de dépasser les singularités des études sur un cas particulier pour développer des conclusions qui soient valides, ou du moins utiles, pour d’autres reconstructions, ailleurs, à une autre période et donc dans un autre contexte. Les dimensions singulières des processus de reconstruction sont générées par la combinaison de facteurs préexistants à la catastrophe et de facteurs spécifiques générés par les conséquences de la catastrophe. Les approches sur le temps moyen et long des reconstructions permettent de déterminer les évènements clés des processus d’auto-organisation du système social. On cherche alors des

éléments qui peuvent entrainer des modifications, transitions, bifurcations de trajectoires allant dans le sens d’une meilleure prise en compte des risques pour réduire les vulnérabilités.

La méthode d’analyse des reconstructions doit être interdisciplinaire afin d’appréhender et de restituer la complexité de l’évènement et de la situation qu’il génère. Le but de cette mise en relation des cas d’étude est d’extraire des «bonnes pratiques» qui peuvent être définies comme des facteurs qui ont permis de réduire la vulnérabilité du territoire et de l’adapter de manière durable aux évolutions sociales, économiques, et «naturelles». L’analyse a aussi pour intérêt la mise en évidence d’une part des incohérences en matière de stratégie, et d’autre part des facteurs qui vont contribuer à augmenter la vulnérabilité d’un territoire. L’interprétation de ces résultats vise l’identification de pistes de réflexion pour la gestion prospective des reconstructions. Or, analyser les reconstructions post-catastrophes passées dans le but de fournir des clés pour la gestion des catastrophes et des reconstructions futures implique de partir du principe que le risque de catastrophe entre dans le champ des possibles. Comme pour la gestion de crise, plusieurs scénariisont possibles et à chaque scénario correspond un éventail de mesures organisationnelles, et dans certains cas structurelles, qui peuvent être anticipées et faire l’objet d’une réflexion ex ante. L’objectif principal de cette réflexion est de conduire à plus d’efficacité dans la mise en œuvre des stratégies et programmes de reconstruction. Il s’agit de tirer le meilleur parti possible, au regard de la réduction du risque de catastrophe, de l’adaptation au changement climatique et du développement durable, des fonds de reconstruction.

3.1.2. Les apports de la systémique

L’utilisation de la systémique permet de rendre compte de la complexité du processus de recomposition territoriale à l’œuvre pendant la reconstruction. Notre approche de la reconstruction s’est appuyée sur les principes de l’analyse systémique (Bourrel, 2008) afin de restituer la complexité des situations de reconstruction. L’approche systémique qui permet une vision holistique de l’objet d’étude est fondée sur quatre préceptes fondateurs : 1) la pertinence (donner du sens au système par rapport à son intention), 2) le globalisme (analyse de l’interaction rétroactive des éléments dans le système), 3) la téléologie (part du postulat que le système a une raison d’être, une finalité), et 4) l’agrégativité (exprime le fait que les relations entre les éléments génèrent quelque chose de nouveau, autrement dit, le tout n’est pas uniquement la somme des parties). La complexité est un concept subjectif qui est lié à trois paramètres fondamentaux que sont la composition du système, les aléas dans son environnement et les incertitudes, et, les notions de hasard et de déterminisme, autrement dit, de la non-proportionnalité des causes et conséquences (Bourrel, 2008). Trois types d’interdépendances structurent le concept de complexité des systèmes :

Interdépendance avec l’environnement,

Interdépendance avec les éléments constitutifs du système, que l’on pourrait qualifier d’interaction interne par rapport à l’interaction précédente qui se fait avec l’extérieur du système,

Interdépendance entre les composantes du système.

L’analyse des systèmes complexes a pour intention la description des aspects structurels et fonctionnels du système. Les aspects structurels regroupent les notions de frontières et limites des territoires, de réseaux (de communication, de transports, etc.) qui permettent de décrire la mise en relation. Deux autres notions complètent la description générée par l’étude des deux premières : la notion de réservoir (d’énergies, de savoirs, etc.) qui fait appel au concept de stockage ; et la notion d’éléments qui regroupe tout ce qui agit sur le système de l’intérieur et de l’extérieur. Les aspects fonctionnels peuvent être décrits grâce aux notions de flux (de denrées, d’informations, etc.), de centres et de périphérie (en matière de prise de décision par exemple, ou d’économie), de boucles de rétroaction qui permettent de réajuster les éléments en fonction des résultats produits, et grâce au principe de subsidiarité qui consiste à laisser faire à ceux qui en ont les capacités.

Pour comprendre l’évolution des systèmes il faut travailler le principe d’autorégulation.

L’autorégulation ou auto-organisation c’est la capacité à faire évoluer soi-même sa propre constitution interne (Bourrel, 2008). Deux états résultent de cette capacité d’autorégulation : l’état stationnaire et l’état d’homéostasie. «L’homéostasie est l’équilibre dynamique qui nous maintient en vie» (Cannon, 1929). Plus finement, l’homéostasie c’est la capacité que peut avoir un système à conserver son équilibre en dépit des contraintes qui lui sont extérieures. Ainsi les évolutions des systèmes sont corrélées aux évolutions de l’environnement. En effet, lorsque l’environnement change le système n’a que deux possibilités : s’adapter pour perdurer ou bien se replier pour fuir le changement. Les changements opérés par le système ont aussi une influence sur leur environnement. Les systèmes complexes peuvent donc être qualifiés d’instables. Les perturbations subies vont avoir deux types de conséquences : le renouvellement du système par sélection nécessaire au maintien du système et la modification irréversible par bifurcation nécessaire à l’évolution du système (Robert, 2012). Ainsi, les éléments qui influencent la trajectoire de reconstruction sont ancrés dans la spécificité de la situation produite par la catastrophe, mais aussi dans le poids politique et économique du territoire sinistré à différentes échelles, autrement dit, dans le contexte qui préexiste et qui existe de manière indépendante. Ainsi, l’on peut dire que notre recherche vise à comprendre les métamorphoses sociales et territoriales opérées pendant et par la reconstruction, dans le contexte d’une métamorphose permanente. Le «groupe social» façonne le territoire et infléchi les trajectoires en fonction de

différents desseins : «une entité organisée qui évolue dans un environnement en fonction des interactions entre un groupe social et son territoire. [...]Le groupe social, acteur du système spatial, produit le territoire, s’y maintien et s’y reproduit ; le territoire, un lieu de vie du groupe, lui fournit les conditions de ce maintien et de cette reproduction : c’est donc aussi un acteur du système spatial» (Le Berre, 1992, citée par Pierdet, 2008, p 11).

L’approche systémique a structuré l’élaboration de la méthode de collecte des données. Pour pouvoir décrire, analyser et représenter le réel, il doit être simplifié. Certains principes de l’analyse systémique permettent de simplifier sans perdre la richesse et la densité de l’analyse des systèmes complexes. Parmi ces principes nous citerons la nécessité de conserver la variété des cas de figure (qui consiste à éviter de faire des classes qui gomment la variété), chercher des points d’amplification pour faire apparaitre les points sensibles, montrer la présence du cadre qui donne un sens, et différencier pour mieux intégrer car «il n’y a pas d’union sans antagonisme» (Bourrel, 2008). C’est dans cette acception que «le risque entretien une relation complexe avec les catastrophes passées, tantôt considérées comme la clef du futur, et tantôt sources d’une perception dissonante du risque» (Augendre, in November et al. 2011, p 195). Risques et catastrophes convergent en imprimant leurs marques sur le territoire, mais sont aussi concurrentiels car les risques ont une existence en dehors des catastrophes, et en même temps antagonistes car les catastrophes peuvent contribuer à atténuer les risques (Morin, 1990). Une catastrophe n’est jamais neutre pour les populations de par la dynamique même de la reconstruction qui s’en suit : délaissement de certains espaces, développement d’autres, modification des relations entre habitants, et avec leurs institutions, identification de symboles territoriaux devenus patrimoniaux en mémoire de la catastrophe, etc. La catastrophe est donc un élément transformateur puisqu’elle est à la fois destructrice et productrice de liens, de dynamiques ou de relations (Revet, 2011) entre territoires et sociétés. Les transformations physiques des lieux – zones d’érosion et d’accrétion – «façonnent les pratiques et parcours quotidiens» (ibid.).

Reghezza-Zitt et Provitolo (in Reghezza-Zitt et Rufat, 2015) analysent le couple vulnérabilité et résilience. A priori la logique semble indiquer que plus un système est vulnérable moins il est résilient et que les actions qui visent à réduire la vulnérabilité augmentent de fait la résilience des enjeux. La relation qu’entretiennent ces deux concepts est plus complexe. Les auteures prennent l’exemple des villes qui sont à la fois très vulnérables puisqu’elles concentrent une grande quantité d’enjeux sur un espace restreint, et résilientes car elles concentrent aussi moyens, ressources et qu’elles attirent les investissements. L’opposition qui semblait pouvoir caractériser la nature des relations du couple vulnérabilité résilience doit être nuancée car comme le prouve l’exemple des villes elles peuvent être contingentes, c’est ce que Provitolo (2012) appelle la «vulnérabilité résilienciaire».

Au même titre, plusieurs études de cas portant sur la résilience dans les pays pauvres et en développement ont démontré que face au risque de lahars les ponts en bambou sont certes extrêmement fragiles mais aussi très rapidement remplacés et à faible coût. Ces ponts sont structurants dans les relations qu’entretiennent les territoires au travers des dynamiques de déplacement des communautés pour le commerce, les relations familiales et plus largement sociales dont font partie les déplacements à buts culturels ou religieux. Le cyclone Pam au Vanuatu (13 mars 2015) a aussi contribué à prouver la résilience des constructions traditionnelles qui sont restées debout (Le Monde, 19/03/15).

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