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Reconstruction et réduction du risque de catastrophe : l’approche onusienne

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 78-83)

Introduction Partie 1

Chapitre 1. La reconstruction – un angle mort de la prévention en France ?

2.3. Reconstruction et réduction du risque de catastrophe : l’approche onusienne

2.3.1. Approches quantitatives et qualitatives des publications des Nations Unies

Le même travail bibliométrique a été effectué sur les 579 publications de l’UNISDR disponibles en février 2015. Les publications de l’ONU ne sont pas toutes libres d’accès et il nous était impossible de nous les procurer en totalité pour réaliser cette analyse. En revanche, les publications de l’UNISDR sont libres d’accès, ce qui explique leur ciblage : 11 % des 579 publications retenues évoquent la reconstruction. Parmi ces documents on compte les «guides du relèvement » (Guidance notes on recovery) conçus par l’ISDR à partir des années 2010. Les thématiques abordées sont variées et se veulent exhaustives quant aux exigences de RRC. Ainsi on trouve des guides sur la reconstruction et le relogement, la prise en compte des moyens de subsistance, l’environnement, le changement climatique ou encore sur les problématiques «psychosociales» telles que la gestion du traumatisme et de stress post-traumatique notamment. La stratégie de RRC peut être définie comme l’ensemble des «mesures prises pour réduire le risque de catastrophe et les effets néfastes des aléas naturels par des efforts systématiques d’analyse et de gestion des causes des catastrophes, notamment par la prévention des aléas, la diminution de la vulnérabilité sociale et économique aux aléas, et l’amélioration de la préparation aux évènements dommageables» (EU, ISDR 2009, p2). Cette stratégie vise donc à augmenter la résilience des communautés face aux catastrophes en développant leurs capacités à «faire face» et à «faire avec». Elle a aussi pour but de réduire les causes profondes de la vulnérabilité, notamment en luttant contre l’isolement, la pauvreté et la mal nutrition. A terme, il s’agit de réduire les coûts de la reconstruction et de préserver les acquis du développement. En guise

22L’on peut aussi postuler que l’arrivée de certains pays sur le « marché de la publication » comme notamment la Chine et d’autres pays asiatiques ait pu influencer la quantité de publications.

d’illustration, une analyse économique a été réalisée sur le rapport entre investissement et coût des dommages évités. Elle conclut qu’en moyenne un dollar investi dans des mesures de prévention et de réduction de la vulnérabilité représente deux à quatre dollars de dommages évités. Six domaines prioritaires d’action ont été définis, le dernier concerne l’après catastrophe : «renforcer la préparation en prévision des catastrophes pour intervenir efficacement et rapidement». Ce point souligne l’importance du recensement des ressources disponibles pour gérer la crise et la reconstruction. Sur le modèle des travaux réalisés pour les plans opérationnels de gestion de crise23, il semble que l’on puisse développer ce type d’outils pour préparer le processus de reconstruction.

Le rapport de l’ISDR (2012) intitulé «Rendre les villes plus résilientes, manuel à l’usage des dirigeants des gouvernements locaux. Une contribution à la Campagne Mondiale 2010 – 2015, pour des villes résilientes – Ma ville se prépare !» a pour objectif d’augmenter les efforts de sensibilisation aux risques urbains en vue de pratiques de développement durable qui réduiraient le risque de catastrophe et augmenteraient le bien-être et la sécurité des populations. Il s’agit là encore de s’atteler aux causes profondes de la vulnérabilité en faisant diminuer la pauvreté et en favorisant la croissance économique et l’emploi. Or, on constate une surreprésentation des populations pauvres en zones à risque élevé (Cannon, 1994 ; Few, 2003 ; Ingram et al., 2006) et ce phénomène est dû à deux causes principales : soit les gouvernements ne proposent pas d’autre alternative de logement à ces populations modestes, soit ces zones sont situées au plus près de leur sources de revenus et présentent donc des avantages financiers et d’accessibilité. Une ville résiliente en matière de reconstruction est une ville qui met en œuvre une politique d’aménagement du territoire durable, c’est-à-dire qu’elle se dote de règles d’urbanisme qui respectent les principes de durabilité et de réduction de la vulnérabilité. Ces mesures doivent être accompagnées de la création d’un organisme de contrôle pour vérifier la mise en œuvre et le respect de ces normes. Dans la définition en huit points d’une ville durable, deux portent sur l’après catastrophe. Le premier évoque la mise en œuvre de moyens et ressources nécessaires pour assurer l’autonomie de la communauté avant, pendant et après la crise. Et le second, qui va de pair avec le premier, porte sur la capacité de restaurer les services de base et de reprendre rapidement le cours des activités sociales, institutionnelles et économiques. Ces principes structurent la stratégie en érigeant les lignes directrices des travaux à mener sur la reconstruction, mais ne sont pas détaillés au point d’y associer des actions précises et concrètes. Enfin, la stratégie ISDR résume en dix points clés d’une ville résiliente, un seul porte sur la reconstruction mais il en résume les concepts fondamentaux :

23Les SOP (standing operating procedures for crisis management and emergency) à l’échelle internationale, et PCS à échelle française

«s’assurer que les besoins des survivants figurent bien au cœur de la reconstruction avec un soutien pour eux et pour leurs organisations communautaires afin de concevoir et d’appliquer les mesures de relèvement, y compris la reconstruction des maisons et des moyens de subsistance» (UNISDR, 2012, p. 3). La conception de la ville durable est donc un prérequis à la mise en œuvre d’une ville résiliente en post-catastrophe.

Lors de la WCDRR de 2005, qui a donné lieu au HFA dans lequel 168 pays se sont engagés.

Le HFA prône une «préparation des plans d’intervention et de relèvement efficace». Sur les huit priorités pour la décennie 2005 – 2015, deux d’entre elles portent sur la thématique de la reconstruction. Les six autres portent sur la réduction de vulnérabilité dans un cadre de développement durable et traitent donc indirectement les objectifs du BBB. La première priorité portant sur la reconstruction est que la réduction du risque de catastrophe doit être fondée sur une approche multirisque et être intégrée dans les programmes de développement durable. La seconde, qui découle de la première, concerne la planification de l’urgence et de la reconstruction dans le but d’être plus résilient et de réduire la vulnérabilité. Cette planification pourrait prendre la forme de fiches réflexe avec des exercices de mise en œuvre sur le modèle des Plans Particuliers d’Intervention (PPI) par exemple. Le modèle des fiches réflexes accompagnées de cartes détaillées en fonction de différents scénarii, semble être format opérationnel de représentation de l’information pour la gestion en mode dégradé.

2.3.2. Intégrer les stratégies de réduction des risques de catastrophe dans les politiques de reconstruction

Les publications de l’ONU sont assez conséquentes sur ce concept de reconstruction notamment depuis l’émergence de la RRC et la création de l’IRP. Elles prônent le BBB et intègrent la période de reconstruction à la réduction du risque de catastrophe. La résilience est définie en 2009 par l’ISDR comme la capacité de limiter les dommages face à une perturbation extérieure et renforcer l’autonomie des communautés, accompagnant ainsi le désengagement progressif des Etats. Cannon (2006) considère d’ailleurs les politiques sociales comme «substitut» en cas d’incapacité des individus ou communautés.

Pour les pays riches, il s’agit aussi de soutenir cette stratégie dans les pays en développement et les pays pauvres qui sont potentiellement les territoires les plus exposés et qui disposent de moins de ressources pour faire face aux effets néfastes d’une catastrophe. Cette aide peut se faire par le transfert de connaissances et de techniques, par un partage des bases de données et des expériences. La

question du transfert des compétences n’est pas sans poser de problème. Il faut en effet replacer la gestion des risques et les interventions internationales dans un contexte géopolitique plus large. Lors de la 3ème WCDRR (mars 2015, Sendai, Japon), les négociations ont été longues et complexes pour parvenir à trouver un accord permettant de rédiger le «Cadre de Sendai pour la Réduction des Risques de Catastrophe pour 2015 – 2030». Ce sont en partie ces questions de transfert des connaissances et techniques ainsi que celle de la liberté de développer les nouvelles technologies qui ont posé problème. Dans le cadre de l’évaluation des avancées depuis la définition du HFA, les observateurs avaient pointé le manque de circulation des connaissances et technologies. Le cadre de Sendai stipule qu’il faut faciliter l’accès à la science et à la technologie pour remédier aux «disparités qui existent entre les pays [...] en termes d’innovation technologique et de capacité de recherche. [...] Ce qui suppose que l’on rende possible et que l’on facilite les flux de compétences, de connaissances, d’idées, de savoir-faire et de technologie des pays développés vers les pays en développement». C’est cette notion de transfert qui a posé problème lors des négociations. Les Etats Unis d’Amérique refusaient de signer l’accord en ces termes par peur de voir l’Iran développer librement le nucléaire avec l’aide d’autres pays par le biais du transfert de technologie. Après plusieurs dizaines d’heures de négociations, les accords ont été ratifiées par tous les pays présents, suite à la décision du conseil de sécurité de l’ONU stipulant qu’il maintenait les interdictions de transfert des technologies dites sensibles (dont le nucléaire fait partie) pour un certain nombre de pays, dont l’Iran. Interdictions qui ont été levées en juillet 2015 lorsque le conseil de sécurité a entériné l’accord signé à Vienne. Les sanctions sont donc levées à condition que l’Iran ne se dote pas de l’arme nucléaire. On comprend alors la nécessité de développer les outils de gestion intégrée des risques et du développement des nations. Cette démonstration a également pour but de pointer ici aussi le caractère éminemment politique des problématiques liées aux risques naturels. Comme pour les autres domaines, il nous semble fondamental de développer des outils d’aide à la décision pour faciliter et accroitre l’efficacité de la gouvernance des phases de reconstruction qui voient se cristalliser les problématiques d’aménagement du territoire, de justice sociale et les conflits d’intérêts dans un contexte de «stress temporel».

Les lacunes méthodologiques identifiées ont fait naître le besoin de construire des connaissances communes et partagées sur le processus de reconstruction. En 2011, la Banque Mondiale et l’UNISDR ont ainsi organisé une Conférence Mondiale sur la Reconstruction. Lors de cette conférence, la reconstruction a été envisagée comme une «occasion unique de tirer un trait sur

le passé et de mieux reconstruire» : c’est-à-dire résoudre les causes et facteurs sous-jacents des risques. Les trois domaines clés identifiés par Mme Sri Mulyani Indrawati24 sont les suivants : 1) développer un cadre efficace pour la reconstruction et le relèvement post catastrophe (mieux définir les rôles et responsabilités, exploiter les atouts de toutes les parties prenantes, organiser un suivi de la reconstruction par le biais des retours d’expériences), 2) améliorer l’accès à des fonds de reconstruction fiables, et 3) intégrer l’atténuation des risques et l’adaptation au changement climatique dans l’ensemble des actions de reconstruction et de développement. A travers ces trois axes qui englobent toutes les périodes de la gestion des risques dans une approche intégrée, c’est une vision systémique et sur le long terme qui est proposée ici.

Plusieurs facteurs sont mis en avant pour expliquer que certaines reconstructions creusent les inégalités et génèrent des vulnérabilités. Les conclusions de la conférence font remonter le problème de l’aide financière qui est souvent mal coordonnée. Les critiques portent sur leur irrégularité, leur imprévisibilité, leur inefficacité ou l’injustice qui préside à leur répartition. L’autre problème récurrent réside dans le fait que les principales interventions publiques en faveur du relèvement ne sont autres que le détournement de ressources (économiques et humaines) limitées, destinées à l’origine aux programmes de développement, ce qui contribue à fragiliser ces systèmes d’aide financières et ces politiques publiques (Conférence Mondiale sur la Reconstruction, 2011). En creux, des leviers permettant de réduire les inégalités et les vulnérabilités sont identifiés parmi lesquels la participation des populations aux réflexions concernant la stratégie de relèvement. Cette dernière permet de les responsabiliser en devenant acteur des décisions, mais aussi de réduire les écarts entre réalité de terrain et politiques publiques.

Un autre point noir de la reconstruction concerne la faible intégration de mesures de prévention. Les travaux menés pendant cette conférence visent à identifier des mesures permettant de faciliter le processus de reconstruction. Ainsi la planification ex ante, même si elle présente dans son état actuel des lacunes en matière de prévention, est citée comme étant une «bonne pratique». En effet, une action de relèvement correctement planifiée et coordonnée produit de meilleurs résultats en termes de réduction des risques. Un certain nombre de recommandations accompagnent ce constat fondé sur la présentation d’études de cas et sur la comparaison des situations. Une de ces recommandations porte sur la nécessité de développer des systèmes et instruments pour financer la reconstruction afin d’accéder à des fonds de reconstruction fiables, de développer des capacités pour

24Directrice générale de la Banque Mondiale en 2011

gérer ce flux et d’intégrer de manière efficace les ressources provenant des donateurs habituels. Pour ce faire, il est nécessaire d’améliorer la coordination et la concertation et d’autoriser la libre circulation de l’information.

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